Handicap et laïcité : deux postes d’observation du gouvernement Barnier

Photo des dernières secondes de la finale des JO 2024, reprise depuis l’article de Prince J. Grimes, « Gabby Williams’ buzzer-beater against Team USA drew so many Kevin Durant toe comparisons in the gold medal game », usatoday.com 11 août 2024 (v. aussi Pierre-Andréa Fraile, « WNBA – En feu aux US, Gabby Williams fait involontairement le buzz avec… Kevin Durant ! », parlons-basket.com 6 sept. 2024 ; « Éliminée des play-offs [avec le Seattle Storm], Gabby Williams rejoint officiellement le Fenerbahçe », lequipe.fr le 29)

Après plusieurs articles intéressants à analyser1V. en particulier celui mis en ligne le 30 juillet : « Dans un intertitre, le journal [Le Monde] souligne que “Lucie Castets s’accroche (…). L’Élysée s’agace de la posture jugée vindicative de la trentenaire qui entend appliquer le programme du [Nouveau Front Populaire], comprenant le rétablissement de l’impôt sur la fortune ou l’abrogation de la réforme des retraites [v. mes précédents billets]”. (…) Pourquoi ne pas titrer : “Macron fera tout pour bloquer le programme du NFP” ? » (Daniel Schneidermann, « Matignon : l’aimable série d’été du Monde », 26 août 2024)., des journalistes écrivaient au début du mois : « Le chef de l’État est rentré dans le money time, comme on dit au basket-ball, ce moment où tout se joue »2Sandrine Cassini et Nathalie Segaunes, « Cazeneuve reçu par Macron, sans certitudes », Le Monde 3 sept. 2024, p. 7 ; le même jour, Charlotte Belaïch et Jean-Baptiste Daoulas, « Casting pour Matignon. Au suivant ! », Libération, p. 8 : « Puisque Macron ne voit aucun profil politique capable d’éviter une censure immédiate à l’Assemblée, place donc à l’option de la société civile avec Thierry Beaudet » (elle sera de courte durée)..

Le 8 août, je terminais mon précédent billet sur l’hypothèse d’une nomination à Matignon ; c’était sous-estimer la situation dans laquelle Emmanuel Macron allait se placer3Au passage, « Emmanuel Macron a-t-il déclaré que “le Président ne devrait pas pouvoir rester s’il avait un désaveu en termes de majorité” ? », liberation.fr 30 août 2024, rappelant le contexte de cette affirmation, « dans la nuit du 18 au 19 mars 2019 », après que la parole a été « donnée à Olivier Beaud, professeur de droit public à l’Université Paris-Panthéon-Assas »., en cherchant à se prémunir d’une (trop rapide) motion de censure du Rassemblement National : ce dernier obtiendra donc que Xavier Bertrand ne soit même pas ministre de Michel Barnier4John Timsit, « Gouvernement : Marine Le Pen fait planer la menace d’une censure si Éric Dupond-Moretti ou Xavier Bertrand étaient nommés », lefigaro.fr 18 sept. 2024. Après ce scalp, tout porte à croire que « Marine Le Pen sauvera le gouvernement tant qu’elle le jugera utile pour légitimer son programme et alimenter le récit de son influence croissante » ; déjà, lors de « l’adoption de la dernière loi immigration5V. le long article de Romain Imbach, Maxime Vaudano et Stéphanie Pierre, « La loi “immigration”, dernier texte d’une longue série de 118 depuis 1945 », lemonde.fr 25-26 févr. 2024, en décembre 2023 », elle avait pu « revendiqu[er] une “victoire idéologique” »6Clément Guillou et Corentin Lesueur, « La stratégie du RN pour mettre le gouvernement au service de ses idées », Le Monde 24 sept. 2024, p. 8, après la chronique de Solenn de Royer, « Le grand retournement » (avant de ne pouvoir s’empêcher d’écrire que « les chances de la coalition de gauche de se voir proposer Matignon » aurait été « torpillé[es] » par… Jean-Luc Mélenchon le 7 juillet à 20h, ce qui constitue là aussi un joli retournement) ; v. aussi l’éditorial intitulé « Gouvernement : une alliance [de perdants] à rebours du Front républicain », p. 29 (en ligne). et elle ne peut donc que se satisfaire que Bruno Retailleau soit à l’Intérieur7« “Quand on mélange serviettes et torchons, au bout du compte cela (…) sclérose la France et la conduit dans le mur”, scandait-il encore durant l’été face aux appels à une coalition. “Celui qui pourra me faire retourner ma veste n’est pas encore né” » (« Figure d’une droite conservatrice, irritant de la macronie… Qui est Bruno Retailleau, le nouveau ministre de l’Intérieur ? », lamontagne.fr (avec AFP) 21 sept. 2024 ; pour d’autres déclarations, aussi tonitruantes qu’elles auront été rapidement remisées, v. Célestine Gentilhomme, « Le rétropédalage express du député RN Jean-Philippe Tanguy après avoir qualifié Michel Barnier de “stupide” », lefigaro.fr le 8). : la veille de la nomination du premier ministre (le 5 septembre), il revenait sur RMC sur les articles censurés en janvier8CC, 25 janv. 2024, Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, n° 2023-863 DC : sur un total de 35, « 32 des déclarations de non-conformité à la Constitution l’ont été au motif que ces articles constituaient des “cavaliers législatifs”. Autrement dit, ils ont été considérés comme ayant été intégrés par des amendements n’ayant pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial, et le Conseil constitutionnel n’a cessé de le préciser, ces censures ne présagent rien de leur conformité ou non à la Constitution sur le fond » (Nicolas Klausser, Véronique Champeil-Desplats et Marie-Laure Basilien-Gainche, « Petit à petit, l’illibéralisme fait son nid : quand la loi immigration annonce d’autres atteintes à l’État de droit. », La Revue des Droits de l’Homme 2024, n° 25, mis en ligne le 6 févr., soulignant que ces censures remarquées ne doivent pas faire oublier que « ce ne sont pas moins de 52 dispositions de restrictions ou de fragilisation des droits des étrangers qui sont entrées en vigueur dans notre ordre juridique vendredi 26 janvier 2024 ») ; il en va ainsi des articles censurés aux cons. 47 à 55 (à comparer avec l’appel de note 12 de mon billet du 31 décembre)., en invitant à les « reprendre » dans un nouveau texte9Cité par Jacques Paugam, « Gouvernement Barnier : à l’Intérieur, Bruno Retailleau prêt à relancer l’offensive sur l’immigration », lesechos.fr 21-22 sept. 2024 ; v. aussi ce tweet de Daniel Schneidermann, relayant l’édito de Patrick Cohen le 20 – juste avant sa nomination – et les réactions recensées par Robin Serradeil (« Une “régression vers les origines ethniques” : le dérapage de Bruno Retailleau, sénateur LR, au sujet des émeutes en France », ladepeche.fr 5 juill. 2023). Ajout des propos tenus par l’ancien premier ministre sur France Inter (« Nouvelle loi immigration : “pas une priorité” pour Gabriel Attal, Jordan Bardella “attend” le texte “avec impatience” », liberation.fr (avec AFP) 14 oct. 2024), avec la réaction du ministre de l’Intérieur le lendemain sur France 2 : « Moi, je ne propose rien de plus que ce qui a déjà été voté par la majorité de Gabriel Attal il y a, encore une fois, quelques mois » (« Vers une nouvelle loi immigration en 2025 : à quoi faut-il s’attendre ? », sudouest.fr (avec AFP) le 15)….

Plus généralement, « [c]ette figure des Républicains n’a pas hésité à marcher dans les pas du RN depuis des années, en adoptant par exemple l’expression “Français de papiers” » ; Michel Barnier avait quant à lui fait de même en s’affirmant, fin 2021, « favorable à l’interdiction du voile au sein des universités mais aussi “dans l’espace public” »10Nejma Brahim et Marie Turcan, « Immigration, racisme, islamophobie : le “grand danger” du nouveau gouvernement Barnier », Mediapart 23 sept. 2024, renvoyant sur ce dernier point au « premier débat entre les candidats au Congrès des Républicains » (LCI et lefigaro.fr 8 nov. 2021). Cet article s’ouvre sur ce tweet du 20 avril 2013, dans lequel Othman Nasrou déclarait « que le racisme et l’homophobie [seraient] l’apanage d’une infime minorité » ; il est désormais secrétaire d’État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations… Il est rappelé plus loin que « le nouveau ministre de l’enseignement supérieur, Patrick Hetzel, [s’est signalé par la co-signature avec Michèle Tabarot, en avril 2024, d’]une proposition de résolution en faveur de la création de ce qu’ils appellent une “commission d’enquête relative à l’entrisme idéologique et aux dérives islamo-gauchistes dans l’enseignement supérieur” » ; « L’interdiction de l’abaya à l’école, mesure phare portée par Gabriel Attal à son arrivée à l’Éducation nationale, a [enfin] rencontré un fort succès, à l’époque, chez (…) Astrid Panosyan-Bouvet, nouvelle ministre du Travail » (v. CE, 27 sept. 2024, Syndicat Sud Éducation et associations La voix lycéenne, Le poing levé et Action droits des musulmans, n° 487944, dans le prolongement des ordonnances des 7 et 25 septembre 2023, citées dans mon billet du 15 janv. et l’article de Stéphanie Hennette-Vauchez, « École publique, école privée : la laïcité à hue et à dia ? », Revue du droit des religions 2024, n° 17, mis en ligne le 17 mai, §§ 6-7)..

En 1999, il avait « cofondé (…) le club Dialogue et Initiative, créé pour préfigurer l’union des droites »11Pierre Jova, « Michel Barnier, “l’ancien monde” à Matignon », lavie.fr 11 sept. 2024 : « Pour comprendre le Premier ministre, il faut partir des faubourgs de Grenoble, où il est né en 1951, et arpenter sa chère Savoie – la vallée de la Tarentaise, précisément – dont il a l’accent » ; « Outre Jean-Pierre Raffarin, l’autre figure de Dialogue et Initiative était Jacques Barrot, héraut de la démocratie-chrétienne en France ». ; c’est à la demande de ce groupe de réflexion, ayant porté l’un de ses membres à Matignon (déjà), que François Baroin avait rédigé – quatre ans plus tard – l’important rapport intitulé Pour une nouvelle laïcité12Je renvoie sur ce point à la note de bas de page 435 (n° 2767) de ma thèse, à laquelle il est possible d’accéder directement en tapant le mot-clé « Barnier » ; j’enchaîne page suivante en citant la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République (à propos de laquelle v. FNLP, Rapport Stasi versus Loi Stasi, n° 29 de la collection Arguments de la Libre Pensée, sept. 2024, 119 p. Surpris par la dénonciation de la loi Jospin – v. spéc. pp. 34-35, 54 et 75 –, je renvoie à mes pp. 497 et s.).. Ce texte constitue un jalon essentiel de l’appropriation de « la laïcité » à droite, qui est allée cette fois-ci jusqu’à envisager un ministère dédié13V. la réaction de Pablo Pillaud-Vivien, « Un ministère de la Laïcité ? “C’est une provocation à l’égard de la gauche (…), ça va devenir un ministère de l’islamophobie” » (RTL 19 sept. 2024)..

« Anne Genetet (Renaissance) : “Les LR n’ont jamais voulu travailler avec nous, ce n’est pas faute de leur avoir tendu la main, ils nous ont tapé dessus” », bfmtv.com 20 sept. 2024 : proposée ce matin-là, comme cela apparaît au bas de cette capture d’écran, la députée macroniste du Nord Violette Spillebout dénoncera des « coups bas » (v. John Timsit, lefigaro.fr le 23) ; auparavant, « c’était plutôt la députée LR du Doubs et vice-présidente de l’Assemblée nationale Annie Genevard qui tenait la corde » (Marc Belpois, « Qui est Anne Genetet, nouvelle ministre de l’Éducation du gouvernement Barnier ? », telerama.fr 21 sept. 2024 , v. aussi les références citées à la note 17 du présent billet)

Nonobstant sa « disparition »14Pour une autre (moins heureuse), v. la chronique de Stéphane Foucart, « Pour saisir la disparition de l’écologie à droite, il suffit de comparer le Michel Barnier de 1990 et celui de 2024 », lemonde.fr 22 sept. 2024 (extrait) ; « questionner les “conflits de besoins” qui émergent, notamment autour de la question écologique », tel est l’un des thèmes du rapport annuel du collectif Nos services publics (NSP) selon Frantz Durupt (liberation.fr le 24, introduisant un entretien avec Marie Pla, sa co-coordinatrice)., il convient de faire observer que l’objectif n’était pas, là encore15V. ma thèse préc., Le droit à l’éducation. L’émergence d’un discours dans le contexte des laïcités françaises, UGA, 2017, pp. 21 et 556-557, de viser les établissements catholiques sous contrat16V. la tribune ironique de Jean Baubérot-Vincent, « Enfin une bonne nouvelle : la création d’un ministère de la Laïcité ! », nouvelobs.com 20 sept. 2024 : l’idée selon laquelle le Secrétariat général de l’Enseignement catholique s’apparenterait à un « ministère bis » de l’Éducation nationale revient à Bernard Toulemonde, l’un des acteurs du dialogue avec cette « administration » (v. ma thèse préc., 2017, pp. 562-563 ; Stéphanie Hennette-Vauchez, L’École et la République. La nouvelle laïcité scolaire, Dalloz, 2023, pp. 46-47) : il s’exprimait dans le cadre d’un dossier dirigé par André Legrand : décédé le 2 juillet 2024, ce dernier a reçu un hommage du ministère, France Universités saluant aussi sa « mémoire » ; en 2017, je le citais vingt-huit fois, notamment pp. 51, 106-107, 163, 627, 1002 – pour s’en tenir à des mises en perspectives juridiques générales (il fait lui aussi partie des « Témoins et acteurs des politiques de l’éducation depuis la Libération », INRP 2008, tome 5, pp. 100-102 ; à propos de cette « grande enquête (…) lancée au début des années 1990 », v. Bénédicte Girault, « Dans les archives orales de l’Éducation nationale, les énarques à la conquête de l’État », theconversation.com 12 sept. 2024).. Tout au contraire, se trouve nommé, sous l’autorité d’Anne Genetet17Marion Mourgue (avec Olivier Beaumont et Pauline Theveniaud), « Nouveau gouvernement : la surprise Anne Genetet à l’Éducation nationale », leparisien.fr 20 sept. 2024, pour qui sa nomination serait « directement lié à l’intervention de Gabriel Attal » (v. la réaction assassine de Sophie Vénétitay, x.com) ; v. Sylvie Lecherbonnier et Eléa Pommiers, « Avec Anne Genetet, l’éducation nationale aux mains d’une macroniste novice sur le sujet », lemonde.fr les 21-23 (extrait), rappelant que son intérêt manifeste pour les questions d’éducation se limite à « un rapport sur la proposition de loi visant à faire évoluer la gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ». Sa page Wikipédia – au 23 septembre – atteste en effet de l’importance accordée aux questions scolaires lors de la composition gouvernementale : outre les réactions syndicales recensées le même jour par Maeva-Simone Tjang (« “Une erreur de casting” (…) ? », diplomeo.com), v. les articles de Djéhanne Gani (cafepedagogique.net) et de Marie-Estelle Pech (marianne.net) : « En fait d’éducation, elle n’aura guère connu que le lycée français de Singapour, fréquenté par ses quatre enfants. Ticket d’entrée annuel : 5 000 à 10 000 dollars »… Linh-Lan Dao rappelle qu’elle y aura passé plus de temps à délivrer des « conseils essentialisants et dénigrants, relevant parfois du mépris de classe », à l’égard des employées de maison (francetvinfo.fr le 27)., un « professeur de philosophie – qui selon son profil LinkedIn, a effectué sa scolarité dans un lycée catholique privé de Villefranche-sur-Saône, puis à l’Institut catholique de Paris »18« Alexandre Portier nommé à la réussite scolaire, un ministre délégué défenseur de l’enseignement privé », liberation.fr 21 sept. 2024 – se revendiquant il y a moins de quatre mois au nombre de ceux qui se sont « toujours érigés en défenseurs de l’enseignement privé indépendant ou sous contrat19Quelques références : CC, « Revue doctrinale », avr. 2024, n° 12 ; Stéphanie Hennette-Vauchez, art. préc., mis en ligne le 17 mai ; Solenne de Royer, « L’inventaire amer de Jean-Michel Blanquer », Le Monde 3 sept. 2024, p. 7, recensant son livre La Citadelle (Albin Michel), avec notamment cette citation : « Quelle sera l’anthropologie du macronisme ? De sémillants trentenaires, technocrates ou intrigants, les yeux rivés sur les sondages et les écrans pour piloter à vue sans culture, sans vision et sans valeurs »… (extrait, reprenant notamment la version selon laquelle la « saisine du Conseil constitutionnel » ayant conduit à la décision du 21 mai 2021 serait de son initiative [le texte imprimé par le quotidien ne reprend pas ce paragraphe] : dans l’article avec AFP en rendant compte, il est rappelé qu’a été validée « la création d’un forfait scolaire pour les écoles privées dispensant une scolarisation en langues régionales, une mesure potentiellement coûteuse pour certaines communes » ; ce dernier point m’amène à renvoyer à mon article intitulé « Focus sur… l’extension des obligations des communes en matière scolaire. Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance », AJCT 2020, p. 28, avec un court extrait à la deuxième illustration de ce billet) ; pour une décision admettant, en sens contraire, que « la prime de fidélisation territoriale instituée par le décret du 24 octobre 2020 » en Seine-Saint-Denis ne bénéficie pas aux « maîtres contractuels exerçant leurs fonctions dans les établissements d’enseignement privés sous contrat du second degré » (CE, 13 oct. 2023, Syndicat professionnel de l’enseignement libre catholique (SPELC) Créteil et a., n° 464416, cons. 11 et 5 ; LIJMEN janv. 2024, n° 228) ; Julien Grenet (entretien avec, par Mathilde Goanec), « L’école privée sera majoritaire à Paris dans dix ans », Mediapart 7 févr. 2024 : pour l’économiste, cette tendance s’explique par « la baisse démographique très forte, amorcée depuis 2010, que connaît la capitale », et qui « se répercute quasi intégralement sur l’enseignement public » ; « la part du privé en élémentaire, c’est 27 %, au collège, 37 % et dans les lycées, 40 %. On est très loin de la répartition d’usage [20/80] » ; au niveau national aussi, rapporte une autre étude, « les effectifs des établissements d’enseignement supérieur privés sont en hausse : ils ont augmenté de 60 % depuis 2011 (contre une hausse de 16 % dans le secteur public) » (Juliana Lima et Delphine Dorsi, « Le droit à l’enseignement supérieur à l’épreuve des inégalités socio-économiques et de la privatisation du secteur : une étude sur la France », L’éducation en débats : analyse comparée 2023, vol. 13, n° 2, p. 141, spéc. p. 152, en conclusion ; v. aussi Stéphane Le Bouler, « Dans l’enseignement supérieur, le poids croissant du privé pose de redoutables problèmes de régulation », lemonde.fr 29 janv. 2024) ; v. enfin Brice Le Borgne, « Rentrée scolaire : des données internes à l’Éducation nationale révèlent les inégalités d’enseignement entre public et privé », francetvinfo.fr 3 sept., avec en écho l’appel international du RÉseau de Recherche Francophone sur la Privatisation de l’Éducation (refpe.org) : « Pour l’accès à des données de qualité », relayé par l’organisation Right to Education Initiative (RTE) dans son e-Bulletin du mois. comme de l’instruction en famille »20Max Brisson, Alexandre Portier et François-Xavier Bellamy, « Peut-on reprocher à l’enseignement privé de ne pas avoir abandonné tout ce qui a fait les beaux jours du public ? », lefigaro.fr 29 mai 2024, mis à jour le 3 juin (cette tribune commence par une citation de Victor Hugo, à propos de laquelle v. la dernière illustration de mon billet intitulé « En attendant l’avis du Conseil d’État : recourir à l’IEF ou l’empêcher, de quel droit ? », 29 nov. 2020 ; v. aussi le début de celui du 28 juin dernier, en particulier les références des notes 2 et 3)..

Cela affleure du Rapport d’information sur l’instruction des enfants en situation de handicap qu’il a co-présenté en novembre avec Servane Hugues21« Scolarisation des enfants handicapés : la députée de l’Isère Servane Hugues veut “repenser l’école inclusive” », francebleu.fr 16 nov. 2023 : après qu’il a été noté que « le dispositif d’instruction en famille (IEF) se révèle le choix par défaut pour nombre de parents dont les enfants ne peuvent être scolarisés, notamment les enfants atteints d’autisme ou de troubles du comportement », un encadré est consacré à la loi n° 2021-1109 du 24 août « confortant le respect des principes de la République » ; page suivante, il est écrit qu’elle « complique la tâche des familles »22Délégation [x] droit[s] des enfants, Rapport d’information sur l’instruction des enfants en situation de handicap, n° 1856, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 nov. 2023 (66 p.), spéc. pp. 30 à 32.

D’une manière plus générale, ce Rapport pointe à juste titre « l’absence de statistiques relatives au nombre d’heures de scolarisation effectivement suivies par les enfants23V. aussi « Handicap : “Sur les questions de scolarisation, d’insertion professionnelle, d’accessibilité, on est en retard”, regrette la Défenseure des droits », francetvinfo.fr 30 août 2024 : « Claire Hédon réclame donc “des statistiques précises” notamment sur le nombre d’heures durant lesquelles les “440 000 jeunes en situation de handicap sont scolarisés” ». Ajout au 15 octobre d’un article de Camille Allain, « Budget 2025 : L’Éducation nationale va recruter 2.000 AESH pour les élèves en situation de handicap », 20minutes.fr (avec AFP) le 11, à relier avec la note suivante et la fin de ce billet ; à la fin se trouve évoqué un rapport de la Cour des comptes qui m’avait échappé, L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, 16 sept. 2024, 159 p. (v. spéc. la page 110 et, plus généralement, le résumé de Djéhanne Gani, cafepedagogique.net le 17).. Le Collectif handicaps a ainsi relevé que certains jeunes n’étaient scolarisés que 30 minutes par semaine. De même, l’Association nationale des parents d’enfants aveugles a indiqué que de nombreux enfants étaient considérés comme scolarisés dès qu’ils étaient acceptés en classe quelques heures par semaine »24Rapport préc., 2023, p. 13 ; « Préciser les conditions et la qualité de la scolarisation (volume horaire en particulier) dans les statistiques officielles recensant le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés en classe ordinaire », telle est la première des trente-cinq recommandations listées page 55, en attirant aussi l’attention sur la septième : « Prendre en compte le temps périscolaire dans les notifications des [commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH)] et les projets personnalisés de scolarisation (PPS) » ; après un encadré page 19 sur les accompagnants d’enfants en situation de handicap (AESH) et au terme de deux pages sur ce « pilier fragile de la scolarisation inclusive » (pp. 27 à 29 ; v. ma note 11 le 29 déc. 2019), l’évocation d’un arrêt précède cette recommandation 7 (CE, 20 nov. 2020, Ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 422248, décelant une « erreur de droit » dans CAA Nantes, 15 mai 2018, n° 16NT02951 ; v. mon billet du 30 sept., il y a six ans)..

Photo reprise depuis l’article d’Emmanuel Commissaire, « Jeux paralympiques 2024 : Frédéric Villeroux, le “Zidane du cécifoot”, accueilli en héros dans son club de Gironde », sudouest.fr 20 sept. 2024 (pour revoir son tir au but contre l’Argentine, lavoixdunord.fr le 7 ; « En images : revivez les meilleurs moments des Jeux paralympiques », france24.com le 9)

Si Michel Barnier aurait été « intéressé par l’engagement de l’élu du Beaujolais sur l’inclusion des élèves handicapés à l’école »25Alexandre Pedro, « Alexandre Portier, un proche de Laurent Wauquiez nommé ministre délégué à l’éducation », lemonde.fr 23 sept. 2024 (extrait)., il n’avait cependant pas été jugé utile d’avoir un portefeuille ministériel dédié à la question du handicap, cela alors même que les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP)26V. la tribune de Stéphane Decubber et alii, relayée par lemediasocial.fr 28 août 2024, et celle de Vanessa Bernard, « Les para-athlètes sont célébrés, mais nos enfants handicapés sont délaissés », Libération le 3 sept., p. 20 (extrait, renvoyant à « une récente décision du Conseil de l’Europe, dont le comité des droits sociaux a jugé à l’unanimité que la France violait certaines de ses obligations en la matière » : v. la note 6 de mon billet du 31 décembre 2023) ; membre du collectif Vacances Handicap Familles et « mère d’Elorian, un enfant handicapé de 20 ans », l’autrice prend « pour exemple le domaine de la Porte neuve, à Riec-sur-Belon (Finistère) » et « l’arrêt de la subvention du ministère de l’Éducation nationale pour les séjours adaptés organisés par la MGEN à partir du 31 juillet 2025 ». prenaient fin en pleine rentrée scolaire27« Rentrée scolaire : des “milliers d’enfants” handicapés sans solution, alerte l’Unapei », lemonde.fr (avec AFP) 26 août 2024 ; au passage, plus largement et en commençant par une ordonnance anecdotique rendue six jours plus tôt, par laquelle la « juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu les deux décisions du Directeur académique des services départementaux de l’Éducation nationale (DASEN) des Hauts-de-Seine qui avaient affecté « par erreur » deux collégiens au Plessis-Robinson plutôt qu’à Colombes » (actu.fr 22 sept. 2024) ; Sylvie Lecherbonnier, « Un prof devant chaque classe, une mission[/promesse] devenue impossible », Le Monde le 3, p. 8 ; Marion Rousset, « Claire Hédon, Défenseure des droits : “Imaginez la violence subie par ces jeunes sans affectation au lycée” », telerama.fr le 18, résumant sa décision 2023-153 du 6 juillet « relative à la situation des élèves sans affectation au lycée lors de la rentrée scolaire 2022 » (accompagnée d’un communiqué intitulé « Des élèves sans affectation au lycée à la rentrée scolaire : une atteinte au droit à l’éducation qui appelle des réponses fortes » ; il y est renvoyé à la page 29 de son Rapport annuel d’activité 2023, 26 mars 2024, 96 p.)..

Après avoir laissé Paul Christophe28« À l’Assemblée nationale, les députés Paul Christophe et Paul Christophle s’amusent de leur quasi-homonymie », huffingtonpost.fr 18 juill. 2024 ; avec l’écologiste Marie Pochon (v. la note 24 de mon précédent billet), le député de la première circonscription de la Drôme Paul Christophle votera la motion de censure (« Pourquoi nous censurerons le gouvernement de Michel Barnier », medium.com 16 sept. 2024). Portant un intérêt aux questions de genre (v. par ex. « Pour un internet féministe 1/2 », medium.com 31 mars 2020 ; « L’inacceptable dédain de Macron pour les droits des personnes trans », 21 août 2024), ce premier secrétaire fédéral du PS s’était engagé pour la sécurité des « valentinois » (22 mars et 22 mai 2023) ; manifestant l’ambition d’être « le député de gauche de la sécurité » (entretien avec, par Amandine Brioude, ledauphine.com 15 sept. 2024), il a réagi par un communiqué à la nomination de Nicolas Daragon (le 23). Lors des dernières élections, ce dernier est resté « le maire qui n’aura pas pris position » (Jimmy Levacher – LFI –, cité le 1er juillet), les élus LR locaux ayant refusé d’appeler à voter « contre le candidat d’un parti xénophobe, raciste, homophobe et ultraconservateur » (Pierre-Jean Veyret – Réinventons Valence –, cité les 4-8 ; ils étaient en cela à l’unisson de leurs dirigeants : v. Romain Brunet, « “Inouï et inespéré” : comment Les Républicains ont réussi à revenir au pouvoir avec Michel Barnier », france24.com le 23 sept.) ; retenue comme titre d’un article de Thibaut Chevillard (20minutes.fr le 25), la question est posée : « Mais à quoi va servir Nicolas Daragon, le ministre [délégué] “chargé de la sécurité du quotidien” ? ». répondre à la colère des associations29« J’ai toujours eu à cœur de défendre les droits fondamentaux des personnes handicapées et une société plus inclusive [et j]e m’y engage comme désormais ministre », déclarait-il sur X le 21 septembre (cité par J. C., « Colère et déception dans les secteurs de l’Éducation et du handicap », estrepublicain.fr le 22)., le premier ministre s’est résolu à lui adjoindre une ministre déléguée30Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes, il avait déjà sous tutelle, pour cette dernière mission, Salima Saa : en 2012, elle trouvait « ridicule » un tel ministère (v. Marlène Thomas, « Gouvernement Barnier : les droits des femmes mis à mal et les réacs en majesté », liberation.fr 23 sept. 2024) ; « “Il est temps” que l’éducation à la vie sexuelle soit “effective”, affirme la nouvelle secrétaire d’État chargée de l’Égalité femmes-hommes [lors d’une conférence de presse du Planning familial à Paris] » (francetvinfo.fr (avec AFP) le 26). chargée des Personnes en situation de handicap31« Deux ministres délégués complètent le gouvernement Barnier : Charlotte Parmentier-Lecocq au Handicap et Jean-Louis Thiériot aux Armées et aux Anciens Combattants », francetvinfo.fr 27 sept. 2024. Si cette cause peut sembler plus consensuelle que la problématique laïque, elle implique des dépenses publiques dans un contexte où l’orientation politique est, encore plus qu’hier, de les restreindre ; il est à cet égard révélateur qu’il ait été tenté, lors de l’annonce de ce gouvernement, d’en masquer la dérive droitière à travers la nomination d’une personnalité qui reste avant tout un éminent partisan de l’austérité budgétaire32Solina Prak note ainsi que le nouveau ministère de la Justice « est connu pour sa rigueur budgétaire, comme le souligne le journal Le Monde [24 sept. 2024, p. 13] » (capital.fr le 23, à partir de la version en ligne) ; le quotidien s’abstenant de développer, il convient de rappeler pour terminer que Didier Migaud « troqua (…) sa carte du PS contre un premier rôle politique [d’envergure nationale en 2010, à l’initiative de Nicolas Sarkozy]. Il anticipait le social-libéralisme » du président Hollande (François Delapierre, « Didier Migaud, super-héros de l’oligarchie », reporterre.net 21 févr. 2013 ; v. aussi Maxence Kagni, « La Cour des comptes demande plus d’austérité », politis.fr le 27 juin) ; consultée les 22 et 29 septembre 2024, sa page Wikipédia revient sur ses mandats locaux antérieurs (depuis 1995), en précisant qu’en « 2006 et sous sa présidence, [Grenoble-Alpes Métropole] procède, comme l’avait fait Seyssins, à la souscription d’emprunts structurés (…) qui se révéleront très défavorables pour les collectivités concernées » (en renvoyant à l’article de Michel Albouy, « Emprunts toxiques : les élus savaient très bien ce qu’ils faisaient », contrepoints.org 20 avr. 2016) ; sont aussi reproduits des extraits selon lesquels l’action du magistrat financier a provoqué une « forte chute de l’investissement public local et des conséquences désastreuses pour des secteurs comme le bâtiment et les équipements publics », en faisant « reposer sur les plus pauvres et les classes moyennes les efforts budgétaires demandés à la population » (Franck Dedieu, Jack Dion, Emmanuel Lévy et Mathias Thépot, « Pascal Lamy, Pierre Moscovici, Jacques Attali… Les cerveaux du naufrage », marianne.net 17 avr. 2020).

Notes

1 V. en particulier celui mis en ligne le 30 juillet : « Dans un intertitre, le journal [Le Monde] souligne que “Lucie Castets s’accroche (…). L’Élysée s’agace de la posture jugée vindicative de la trentenaire qui entend appliquer le programme du [Nouveau Front Populaire], comprenant le rétablissement de l’impôt sur la fortune ou l’abrogation de la réforme des retraites [v. mes précédents billets]”. (…) Pourquoi ne pas titrer : “Macron fera tout pour bloquer le programme du NFP” ? » (Daniel Schneidermann, « Matignon : l’aimable série d’été du Monde », 26 août 2024).
2 Sandrine Cassini et Nathalie Segaunes, « Cazeneuve reçu par Macron, sans certitudes », Le Monde 3 sept. 2024, p. 7 ; le même jour, Charlotte Belaïch et Jean-Baptiste Daoulas, « Casting pour Matignon. Au suivant ! », Libération, p. 8 : « Puisque Macron ne voit aucun profil politique capable d’éviter une censure immédiate à l’Assemblée, place donc à l’option de la société civile avec Thierry Beaudet » (elle sera de courte durée).
3 Au passage, « Emmanuel Macron a-t-il déclaré que “le Président ne devrait pas pouvoir rester s’il avait un désaveu en termes de majorité” ? », liberation.fr 30 août 2024, rappelant le contexte de cette affirmation, « dans la nuit du 18 au 19 mars 2019 », après que la parole a été « donnée à Olivier Beaud, professeur de droit public à l’Université Paris-Panthéon-Assas ».
4 John Timsit, « Gouvernement : Marine Le Pen fait planer la menace d’une censure si Éric Dupond-Moretti ou Xavier Bertrand étaient nommés », lefigaro.fr 18 sept. 2024
5 V. le long article de Romain Imbach, Maxime Vaudano et Stéphanie Pierre, « La loi “immigration”, dernier texte d’une longue série de 118 depuis 1945 », lemonde.fr 25-26 févr. 2024
6 Clément Guillou et Corentin Lesueur, « La stratégie du RN pour mettre le gouvernement au service de ses idées », Le Monde 24 sept. 2024, p. 8, après la chronique de Solenn de Royer, « Le grand retournement » (avant de ne pouvoir s’empêcher d’écrire que « les chances de la coalition de gauche de se voir proposer Matignon » aurait été « torpillé[es] » par… Jean-Luc Mélenchon le 7 juillet à 20h, ce qui constitue là aussi un joli retournement) ; v. aussi l’éditorial intitulé « Gouvernement : une alliance [de perdants] à rebours du Front républicain », p. 29 (en ligne).
7 « “Quand on mélange serviettes et torchons, au bout du compte cela (…) sclérose la France et la conduit dans le mur”, scandait-il encore durant l’été face aux appels à une coalition. “Celui qui pourra me faire retourner ma veste n’est pas encore né” » (« Figure d’une droite conservatrice, irritant de la macronie… Qui est Bruno Retailleau, le nouveau ministre de l’Intérieur ? », lamontagne.fr (avec AFP) 21 sept. 2024 ; pour d’autres déclarations, aussi tonitruantes qu’elles auront été rapidement remisées, v. Célestine Gentilhomme, « Le rétropédalage express du député RN Jean-Philippe Tanguy après avoir qualifié Michel Barnier de “stupide” », lefigaro.fr le 8).
8 CC, 25 janv. 2024, Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, n° 2023-863 DC : sur un total de 35, « 32 des déclarations de non-conformité à la Constitution l’ont été au motif que ces articles constituaient des “cavaliers législatifs”. Autrement dit, ils ont été considérés comme ayant été intégrés par des amendements n’ayant pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial, et le Conseil constitutionnel n’a cessé de le préciser, ces censures ne présagent rien de leur conformité ou non à la Constitution sur le fond » (Nicolas Klausser, Véronique Champeil-Desplats et Marie-Laure Basilien-Gainche, « Petit à petit, l’illibéralisme fait son nid : quand la loi immigration annonce d’autres atteintes à l’État de droit. », La Revue des Droits de l’Homme 2024, n° 25, mis en ligne le 6 févr., soulignant que ces censures remarquées ne doivent pas faire oublier que « ce ne sont pas moins de 52 dispositions de restrictions ou de fragilisation des droits des étrangers qui sont entrées en vigueur dans notre ordre juridique vendredi 26 janvier 2024 ») ; il en va ainsi des articles censurés aux cons. 47 à 55 (à comparer avec l’appel de note 12 de mon billet du 31 décembre).
9 Cité par Jacques Paugam, « Gouvernement Barnier : à l’Intérieur, Bruno Retailleau prêt à relancer l’offensive sur l’immigration », lesechos.fr 21-22 sept. 2024 ; v. aussi ce tweet de Daniel Schneidermann, relayant l’édito de Patrick Cohen le 20 – juste avant sa nomination – et les réactions recensées par Robin Serradeil (« Une “régression vers les origines ethniques” : le dérapage de Bruno Retailleau, sénateur LR, au sujet des émeutes en France », ladepeche.fr 5 juill. 2023). Ajout des propos tenus par l’ancien premier ministre sur France Inter (« Nouvelle loi immigration : “pas une priorité” pour Gabriel Attal, Jordan Bardella “attend” le texte “avec impatience” », liberation.fr (avec AFP) 14 oct. 2024), avec la réaction du ministre de l’Intérieur le lendemain sur France 2 : « Moi, je ne propose rien de plus que ce qui a déjà été voté par la majorité de Gabriel Attal il y a, encore une fois, quelques mois » (« Vers une nouvelle loi immigration en 2025 : à quoi faut-il s’attendre ? », sudouest.fr (avec AFP) le 15)…
10 Nejma Brahim et Marie Turcan, « Immigration, racisme, islamophobie : le “grand danger” du nouveau gouvernement Barnier », Mediapart 23 sept. 2024, renvoyant sur ce dernier point au « premier débat entre les candidats au Congrès des Républicains » (LCI et lefigaro.fr 8 nov. 2021). Cet article s’ouvre sur ce tweet du 20 avril 2013, dans lequel Othman Nasrou déclarait « que le racisme et l’homophobie [seraient] l’apanage d’une infime minorité » ; il est désormais secrétaire d’État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations… Il est rappelé plus loin que « le nouveau ministre de l’enseignement supérieur, Patrick Hetzel, [s’est signalé par la co-signature avec Michèle Tabarot, en avril 2024, d’]une proposition de résolution en faveur de la création de ce qu’ils appellent une “commission d’enquête relative à l’entrisme idéologique et aux dérives islamo-gauchistes dans l’enseignement supérieur” » ; « L’interdiction de l’abaya à l’école, mesure phare portée par Gabriel Attal à son arrivée à l’Éducation nationale, a [enfin] rencontré un fort succès, à l’époque, chez (…) Astrid Panosyan-Bouvet, nouvelle ministre du Travail » (v. CE, 27 sept. 2024, Syndicat Sud Éducation et associations La voix lycéenne, Le poing levé et Action droits des musulmans, n° 487944, dans le prolongement des ordonnances des 7 et 25 septembre 2023, citées dans mon billet du 15 janv. et l’article de Stéphanie Hennette-Vauchez, « École publique, école privée : la laïcité à hue et à dia ? », Revue du droit des religions 2024, n° 17, mis en ligne le 17 mai, §§ 6-7).
11 Pierre Jova, « Michel Barnier, “l’ancien monde” à Matignon », lavie.fr 11 sept. 2024 : « Pour comprendre le Premier ministre, il faut partir des faubourgs de Grenoble, où il est né en 1951, et arpenter sa chère Savoie – la vallée de la Tarentaise, précisément – dont il a l’accent » ; « Outre Jean-Pierre Raffarin, l’autre figure de Dialogue et Initiative était Jacques Barrot, héraut de la démocratie-chrétienne en France ».
12 Je renvoie sur ce point à la note de bas de page 435 (n° 2767) de ma thèse, à laquelle il est possible d’accéder directement en tapant le mot-clé « Barnier » ; j’enchaîne page suivante en citant la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République (à propos de laquelle v. FNLP, Rapport Stasi versus Loi Stasi, n° 29 de la collection Arguments de la Libre Pensée, sept. 2024, 119 p. Surpris par la dénonciation de la loi Jospin – v. spéc. pp. 34-35, 54 et 75 –, je renvoie à mes pp. 497 et s.).
13 V. la réaction de Pablo Pillaud-Vivien, « Un ministère de la Laïcité ? “C’est une provocation à l’égard de la gauche (…), ça va devenir un ministère de l’islamophobie” » (RTL 19 sept. 2024).
14 Pour une autre (moins heureuse), v. la chronique de Stéphane Foucart, « Pour saisir la disparition de l’écologie à droite, il suffit de comparer le Michel Barnier de 1990 et celui de 2024 », lemonde.fr 22 sept. 2024 (extrait) ; « questionner les “conflits de besoins” qui émergent, notamment autour de la question écologique », tel est l’un des thèmes du rapport annuel du collectif Nos services publics (NSP) selon Frantz Durupt (liberation.fr le 24, introduisant un entretien avec Marie Pla, sa co-coordinatrice).
15 V. ma thèse préc., Le droit à l’éducation. L’émergence d’un discours dans le contexte des laïcités françaises, UGA, 2017, pp. 21 et 556-557
16 V. la tribune ironique de Jean Baubérot-Vincent, « Enfin une bonne nouvelle : la création d’un ministère de la Laïcité ! », nouvelobs.com 20 sept. 2024 : l’idée selon laquelle le Secrétariat général de l’Enseignement catholique s’apparenterait à un « ministère bis » de l’Éducation nationale revient à Bernard Toulemonde, l’un des acteurs du dialogue avec cette « administration » (v. ma thèse préc., 2017, pp. 562-563 ; Stéphanie Hennette-Vauchez, L’École et la République. La nouvelle laïcité scolaire, Dalloz, 2023, pp. 46-47) : il s’exprimait dans le cadre d’un dossier dirigé par André Legrand : décédé le 2 juillet 2024, ce dernier a reçu un hommage du ministère, France Universités saluant aussi sa « mémoire » ; en 2017, je le citais vingt-huit fois, notamment pp. 51, 106-107, 163, 627, 1002 – pour s’en tenir à des mises en perspectives juridiques générales (il fait lui aussi partie des « Témoins et acteurs des politiques de l’éducation depuis la Libération », INRP 2008, tome 5, pp. 100-102 ; à propos de cette « grande enquête (…) lancée au début des années 1990 », v. Bénédicte Girault, « Dans les archives orales de l’Éducation nationale, les énarques à la conquête de l’État », theconversation.com 12 sept. 2024).
17 Marion Mourgue (avec Olivier Beaumont et Pauline Theveniaud), « Nouveau gouvernement : la surprise Anne Genetet à l’Éducation nationale », leparisien.fr 20 sept. 2024, pour qui sa nomination serait « directement lié à l’intervention de Gabriel Attal » (v. la réaction assassine de Sophie Vénétitay, x.com) ; v. Sylvie Lecherbonnier et Eléa Pommiers, « Avec Anne Genetet, l’éducation nationale aux mains d’une macroniste novice sur le sujet », lemonde.fr les 21-23 (extrait), rappelant que son intérêt manifeste pour les questions d’éducation se limite à « un rapport sur la proposition de loi visant à faire évoluer la gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ». Sa page Wikipédia – au 23 septembre – atteste en effet de l’importance accordée aux questions scolaires lors de la composition gouvernementale : outre les réactions syndicales recensées le même jour par Maeva-Simone Tjang (« “Une erreur de casting” (…) ? », diplomeo.com), v. les articles de Djéhanne Gani (cafepedagogique.net) et de Marie-Estelle Pech (marianne.net) : « En fait d’éducation, elle n’aura guère connu que le lycée français de Singapour, fréquenté par ses quatre enfants. Ticket d’entrée annuel : 5 000 à 10 000 dollars »… Linh-Lan Dao rappelle qu’elle y aura passé plus de temps à délivrer des « conseils essentialisants et dénigrants, relevant parfois du mépris de classe », à l’égard des employées de maison (francetvinfo.fr le 27).
18 « Alexandre Portier nommé à la réussite scolaire, un ministre délégué défenseur de l’enseignement privé », liberation.fr 21 sept. 2024
19 Quelques références : CC, « Revue doctrinale », avr. 2024, n° 12 ; Stéphanie Hennette-Vauchez, art. préc., mis en ligne le 17 mai ; Solenne de Royer, « L’inventaire amer de Jean-Michel Blanquer », Le Monde 3 sept. 2024, p. 7, recensant son livre La Citadelle (Albin Michel), avec notamment cette citation : « Quelle sera l’anthropologie du macronisme ? De sémillants trentenaires, technocrates ou intrigants, les yeux rivés sur les sondages et les écrans pour piloter à vue sans culture, sans vision et sans valeurs »… (extrait, reprenant notamment la version selon laquelle la « saisine du Conseil constitutionnel » ayant conduit à la décision du 21 mai 2021 serait de son initiative [le texte imprimé par le quotidien ne reprend pas ce paragraphe] : dans l’article avec AFP en rendant compte, il est rappelé qu’a été validée « la création d’un forfait scolaire pour les écoles privées dispensant une scolarisation en langues régionales, une mesure potentiellement coûteuse pour certaines communes » ; ce dernier point m’amène à renvoyer à mon article intitulé « Focus sur… l’extension des obligations des communes en matière scolaire. Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance », AJCT 2020, p. 28, avec un court extrait à la deuxième illustration de ce billet) ; pour une décision admettant, en sens contraire, que « la prime de fidélisation territoriale instituée par le décret du 24 octobre 2020 » en Seine-Saint-Denis ne bénéficie pas aux « maîtres contractuels exerçant leurs fonctions dans les établissements d’enseignement privés sous contrat du second degré » (CE, 13 oct. 2023, Syndicat professionnel de l’enseignement libre catholique (SPELC) Créteil et a., n° 464416, cons. 11 et 5 ; LIJMEN janv. 2024, n° 228) ; Julien Grenet (entretien avec, par Mathilde Goanec), « L’école privée sera majoritaire à Paris dans dix ans », Mediapart 7 févr. 2024 : pour l’économiste, cette tendance s’explique par « la baisse démographique très forte, amorcée depuis 2010, que connaît la capitale », et qui « se répercute quasi intégralement sur l’enseignement public » ; « la part du privé en élémentaire, c’est 27 %, au collège, 37 % et dans les lycées, 40 %. On est très loin de la répartition d’usage [20/80] » ; au niveau national aussi, rapporte une autre étude, « les effectifs des établissements d’enseignement supérieur privés sont en hausse : ils ont augmenté de 60 % depuis 2011 (contre une hausse de 16 % dans le secteur public) » (Juliana Lima et Delphine Dorsi, « Le droit à l’enseignement supérieur à l’épreuve des inégalités socio-économiques et de la privatisation du secteur : une étude sur la France », L’éducation en débats : analyse comparée 2023, vol. 13, n° 2, p. 141, spéc. p. 152, en conclusion ; v. aussi Stéphane Le Bouler, « Dans l’enseignement supérieur, le poids croissant du privé pose de redoutables problèmes de régulation », lemonde.fr 29 janv. 2024) ; v. enfin Brice Le Borgne, « Rentrée scolaire : des données internes à l’Éducation nationale révèlent les inégalités d’enseignement entre public et privé », francetvinfo.fr 3 sept., avec en écho l’appel international du RÉseau de Recherche Francophone sur la Privatisation de l’Éducation (refpe.org) : « Pour l’accès à des données de qualité », relayé par l’organisation Right to Education Initiative (RTE) dans son e-Bulletin du mois.
20 Max Brisson, Alexandre Portier et François-Xavier Bellamy, « Peut-on reprocher à l’enseignement privé de ne pas avoir abandonné tout ce qui a fait les beaux jours du public ? », lefigaro.fr 29 mai 2024, mis à jour le 3 juin (cette tribune commence par une citation de Victor Hugo, à propos de laquelle v. la dernière illustration de mon billet intitulé « En attendant l’avis du Conseil d’État : recourir à l’IEF ou l’empêcher, de quel droit ? », 29 nov. 2020 ; v. aussi le début de celui du 28 juin dernier, en particulier les références des notes 2 et 3).
21 « Scolarisation des enfants handicapés : la députée de l’Isère Servane Hugues veut “repenser l’école inclusive” », francebleu.fr 16 nov. 2023
22 Délégation [x] droit[s] des enfants, Rapport d’information sur l’instruction des enfants en situation de handicap, n° 1856, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 nov. 2023 (66 p.), spéc. pp. 30 à 32
23 V. aussi « Handicap : “Sur les questions de scolarisation, d’insertion professionnelle, d’accessibilité, on est en retard”, regrette la Défenseure des droits », francetvinfo.fr 30 août 2024 : « Claire Hédon réclame donc “des statistiques précises” notamment sur le nombre d’heures durant lesquelles les “440 000 jeunes en situation de handicap sont scolarisés” ». Ajout au 15 octobre d’un article de Camille Allain, « Budget 2025 : L’Éducation nationale va recruter 2.000 AESH pour les élèves en situation de handicap », 20minutes.fr (avec AFP) le 11, à relier avec la note suivante et la fin de ce billet ; à la fin se trouve évoqué un rapport de la Cour des comptes qui m’avait échappé, L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, 16 sept. 2024, 159 p. (v. spéc. la page 110 et, plus généralement, le résumé de Djéhanne Gani, cafepedagogique.net le 17).
24 Rapport préc., 2023, p. 13 ; « Préciser les conditions et la qualité de la scolarisation (volume horaire en particulier) dans les statistiques officielles recensant le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés en classe ordinaire », telle est la première des trente-cinq recommandations listées page 55, en attirant aussi l’attention sur la septième : « Prendre en compte le temps périscolaire dans les notifications des [commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH)] et les projets personnalisés de scolarisation (PPS) » ; après un encadré page 19 sur les accompagnants d’enfants en situation de handicap (AESH) et au terme de deux pages sur ce « pilier fragile de la scolarisation inclusive » (pp. 27 à 29 ; v. ma note 11 le 29 déc. 2019), l’évocation d’un arrêt précède cette recommandation 7 (CE, 20 nov. 2020, Ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n° 422248, décelant une « erreur de droit » dans CAA Nantes, 15 mai 2018, n° 16NT02951 ; v. mon billet du 30 sept., il y a six ans).
25 Alexandre Pedro, « Alexandre Portier, un proche de Laurent Wauquiez nommé ministre délégué à l’éducation », lemonde.fr 23 sept. 2024 (extrait).
26 V. la tribune de Stéphane Decubber et alii, relayée par lemediasocial.fr 28 août 2024, et celle de Vanessa Bernard, « Les para-athlètes sont célébrés, mais nos enfants handicapés sont délaissés », Libération le 3 sept., p. 20 (extrait, renvoyant à « une récente décision du Conseil de l’Europe, dont le comité des droits sociaux a jugé à l’unanimité que la France violait certaines de ses obligations en la matière » : v. la note 6 de mon billet du 31 décembre 2023) ; membre du collectif Vacances Handicap Familles et « mère d’Elorian, un enfant handicapé de 20 ans », l’autrice prend « pour exemple le domaine de la Porte neuve, à Riec-sur-Belon (Finistère) » et « l’arrêt de la subvention du ministère de l’Éducation nationale pour les séjours adaptés organisés par la MGEN à partir du 31 juillet 2025 ».
27 « Rentrée scolaire : des “milliers d’enfants” handicapés sans solution, alerte l’Unapei », lemonde.fr (avec AFP) 26 août 2024 ; au passage, plus largement et en commençant par une ordonnance anecdotique rendue six jours plus tôt, par laquelle la « juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu les deux décisions du Directeur académique des services départementaux de l’Éducation nationale (DASEN) des Hauts-de-Seine qui avaient affecté « par erreur » deux collégiens au Plessis-Robinson plutôt qu’à Colombes » (actu.fr 22 sept. 2024) ; Sylvie Lecherbonnier, « Un prof devant chaque classe, une mission[/promesse] devenue impossible », Le Monde le 3, p. 8 ; Marion Rousset, « Claire Hédon, Défenseure des droits : “Imaginez la violence subie par ces jeunes sans affectation au lycée” », telerama.fr le 18, résumant sa décision 2023-153 du 6 juillet « relative à la situation des élèves sans affectation au lycée lors de la rentrée scolaire 2022 » (accompagnée d’un communiqué intitulé « Des élèves sans affectation au lycée à la rentrée scolaire : une atteinte au droit à l’éducation qui appelle des réponses fortes » ; il y est renvoyé à la page 29 de son Rapport annuel d’activité 2023, 26 mars 2024, 96 p.).
28 « À l’Assemblée nationale, les députés Paul Christophe et Paul Christophle s’amusent de leur quasi-homonymie », huffingtonpost.fr 18 juill. 2024 ; avec l’écologiste Marie Pochon (v. la note 24 de mon précédent billet), le député de la première circonscription de la Drôme Paul Christophle votera la motion de censure (« Pourquoi nous censurerons le gouvernement de Michel Barnier », medium.com 16 sept. 2024). Portant un intérêt aux questions de genre (v. par ex. « Pour un internet féministe 1/2 », medium.com 31 mars 2020 ; « L’inacceptable dédain de Macron pour les droits des personnes trans », 21 août 2024), ce premier secrétaire fédéral du PS s’était engagé pour la sécurité des « valentinois » (22 mars et 22 mai 2023) ; manifestant l’ambition d’être « le député de gauche de la sécurité » (entretien avec, par Amandine Brioude, ledauphine.com 15 sept. 2024), il a réagi par un communiqué à la nomination de Nicolas Daragon (le 23). Lors des dernières élections, ce dernier est resté « le maire qui n’aura pas pris position » (Jimmy Levacher – LFI –, cité le 1er juillet), les élus LR locaux ayant refusé d’appeler à voter « contre le candidat d’un parti xénophobe, raciste, homophobe et ultraconservateur » (Pierre-Jean Veyret – Réinventons Valence –, cité les 4-8 ; ils étaient en cela à l’unisson de leurs dirigeants : v. Romain Brunet, « “Inouï et inespéré” : comment Les Républicains ont réussi à revenir au pouvoir avec Michel Barnier », france24.com le 23 sept.) ; retenue comme titre d’un article de Thibaut Chevillard (20minutes.fr le 25), la question est posée : « Mais à quoi va servir Nicolas Daragon, le ministre [délégué] “chargé de la sécurité du quotidien” ? ».
29 « J’ai toujours eu à cœur de défendre les droits fondamentaux des personnes handicapées et une société plus inclusive [et j]e m’y engage comme désormais ministre », déclarait-il sur X le 21 septembre (cité par J. C., « Colère et déception dans les secteurs de l’Éducation et du handicap », estrepublicain.fr le 22).
30 Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes, il avait déjà sous tutelle, pour cette dernière mission, Salima Saa : en 2012, elle trouvait « ridicule » un tel ministère (v. Marlène Thomas, « Gouvernement Barnier : les droits des femmes mis à mal et les réacs en majesté », liberation.fr 23 sept. 2024) ; « “Il est temps” que l’éducation à la vie sexuelle soit “effective”, affirme la nouvelle secrétaire d’État chargée de l’Égalité femmes-hommes [lors d’une conférence de presse du Planning familial à Paris] » (francetvinfo.fr (avec AFP) le 26).
31 « Deux ministres délégués complètent le gouvernement Barnier : Charlotte Parmentier-Lecocq au Handicap et Jean-Louis Thiériot aux Armées et aux Anciens Combattants », francetvinfo.fr 27 sept. 2024
32 Solina Prak note ainsi que le nouveau ministère de la Justice « est connu pour sa rigueur budgétaire, comme le souligne le journal Le Monde [24 sept. 2024, p. 13] » (capital.fr le 23, à partir de la version en ligne) ; le quotidien s’abstenant de développer, il convient de rappeler pour terminer que Didier Migaud « troqua (…) sa carte du PS contre un premier rôle politique [d’envergure nationale en 2010, à l’initiative de Nicolas Sarkozy]. Il anticipait le social-libéralisme » du président Hollande (François Delapierre, « Didier Migaud, super-héros de l’oligarchie », reporterre.net 21 févr. 2013 ; v. aussi Maxence Kagni, « La Cour des comptes demande plus d’austérité », politis.fr le 27 juin) ; consultée les 22 et 29 septembre 2024, sa page Wikipédia revient sur ses mandats locaux antérieurs (depuis 1995), en précisant qu’en « 2006 et sous sa présidence, [Grenoble-Alpes Métropole] procède, comme l’avait fait Seyssins, à la souscription d’emprunts structurés (…) qui se révéleront très défavorables pour les collectivités concernées » (en renvoyant à l’article de Michel Albouy, « Emprunts toxiques : les élus savaient très bien ce qu’ils faisaient », contrepoints.org 20 avr. 2016) ; sont aussi reproduits des extraits selon lesquels l’action du magistrat financier a provoqué une « forte chute de l’investissement public local et des conséquences désastreuses pour des secteurs comme le bâtiment et les équipements publics », en faisant « reposer sur les plus pauvres et les classes moyennes les efforts budgétaires demandés à la population » (Franck Dedieu, Jack Dion, Emmanuel Lévy et Mathias Thépot, « Pascal Lamy, Pierre Moscovici, Jacques Attali… Les cerveaux du naufrage », marianne.net 17 avr. 2020).

Lucie Castets (Nos SP), « regista » du NFP

Camille (Sophie Breyer), la fille de l’inspecteur Peeters (Yoann Blanc) – le personnage principal de la série belge La Trêve (2016 ; netflix-news.com), dans laquelle apparaît aussi Philippe Résimont ; « Vu de l’étranger. Avec sa “trêve olympique”, Macron “viole tous les usages démocratiques” », courrierinternational.com 31 juill. 2024

Au terme de seize jours de négociations, les partis constitutifs du Nouveau Front Populaire (NFP) se sont accordés, le mardi 23 juillet, sur un nom pour Matignon. Antérieurement, alors que l’opposition du groupe LFI à la mise en avant de Laurence Tubiana a été motivée par sa signature d’une tribune collective, quelques jours plus tôt1Collectif, « Le Nouveau Front populaire doit sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine », lemonde.fr 11-12 juill. 2024 ; J.J., « Laurence Tubiana à Matignon ? Pourquoi son nom divise autant le Nouveau Front populaire », laprovence.com avec AFP le 16, l’on ne sait toujours pas pourquoi le PS a refusé la première vraie proposition publique – et communiste, celle d’Huguette Bello2Ce qui est clair, c’est comment les socialistes l’ont fait, à savoir au motif que l’approbation écologiste n’était pas acquise : v. Daniel Schneidermann, « Qui a tué la candidature Huguette Bello ? », arretsurimages.net 17 juill. 2024 ; elle avait même semblé recueillir le soutien de Carole Delga, avant qu’elle ne se fende d’une « mise au point » (v. Gabriel Kenedi, actu.fr/occitanie le 13). Dans la même période, v. CEDH, 9 juill. 2024, Delga c. France, n° 38998/20 (arrêt non définitif de la cinquième section, rendu à l’unanimité ; Abel Mestre, « Victoire juridique de Carole Delga contre un maire RN du Gard », Le Monde 12 juill. 2024, p. 12).. La troisième sera la bonne avec la désignation par consensus de Lucie Castets, « dont le nom a surgi moins d’une heure avant » l’intervention d’Emmanuel Macron sur France 23« Pas de gouvernement avant la mi-août, rejet de Lucie Castets… les six moments forts de l’interview d’Emmanuel Macron », liberation.fr avec AFP 23 juill. 2024 ; décryptant cette intervention, Théophile Kouamouo, Le Média le 24 ; y voyant « une interprétation erronée de la Constitution », Julien Jeanneney, lemonde.fr le 25 (auparavant et dans le même sens, Pierre Avril, blog.juspoliticum.com le 15 ; contra Dominique Rousseau – cité par Émilie Jehanno, 20minutes.fr le 12)..

Comme lui, elle est issue de l’ENA4L’École nationale d’administration (ENA) a été remplacée par l’Institut national du service public (INSP) le 31 décembre 2021 ; cette réforme avait été présentée en avril par Emmanuel Macron (issu de la promotion 2002-2004, dite Léopold-Sédar-Senghor). et d’aucuns se souviennent de l’avoir vue « ferrailler une nuit durant, dans un chalet des Vosges, pour choisir le nom de [sa promotion (2012-2013)]. À Simone de Beauvoir, l’auteure du Deuxième Sexe que défend Castets, convictions féministes en bandoulière, la majorité préfère Jean Zay5V. mon billet (portrait) du 28 juillet 2018, ministre du Front populaire6V. mon billet du 28 juin 2024, en signalant la modification de ma note 21, et mon nouveau record sur 5km – 21 minutes 43, ce matin même –, en passant par la nouvelle passerelle de Bourg-lès-Valence, que j’ai plaisir à emprunter depuis le 12 avril (avec des coéquipiers de foot puis mon adjoint et mes joueurs du vieux bourg, nous utilisions l’ancienne pour nous rendre à l’entraînement, dans les années 2000) ; c’était donc une « une course avec un tempo relativement lent » (Olivier GH, « Athlétisme JO 2024 : Beatrice Chebet crée la sensation sur le 5000 m femmes », dicodusport.fr le 5 août), à sept minutes du record de France féminin (lequipe.fr ; deux français sont qualifiés pour la finale hommes ce samedi, pour cette épreuve sur piste introduite aux JO de 1912 – selon Wikipédia –, soit entre les premières éditions françaises, en 1900 et 1924). assassiné en 1944 par la Milice. “Elle aime convaincre, par l’argumentation, la force de conviction, la pédagogie”, note un ancien camarade, parti dans le privé »7Lucie Alexandre, Victor Boiteau et Eve Szeftel, « Lucie Castets, une “guerrière” à la croisée des réseaux », Libération 26 juill. 2024, pp. 16-17 ; au passage, recensant le livre de l’historienne américaine Judith Coffin (Sexe, amour et féminisme. Quand on écrivait à « Madame de Beauvoir », Plon, 2023, préfacé par la philosophe Manon Garcia), v. Christian Ruby, nonfiction.fr 8 juin 2024 (ajout le 19 août, à partir de telerama.fr le 10 : Simone de Beauvoir (1908-1986) a été l’une des dix femmes célébrées cet été à Paris, « dont les statues devraient survivre aux JO » ; elle « n’était pas apparue à l’écran lors de la retransmission de la cérémonie [d’ouverture] »)..

Dans la foulée de son affectation au ministère de l’économie et des finances8« Arrêté du 7 janvier 2014 portant affectation aux carrières des élèves (…) de l’École nationale d’administration ayant terminé leur scolarité au 31 décembre 2013 (élèves issus des concours externe, interne et troisième concours) », JORF n° 0007 du 9 janv. 2014, elle était nommée commissaire du Gouvernement auprès du Bureau central de tarification9Arrêté du 14 janvier 2014, JORF n° 0020 du 24 janv.. En 2018, elle a été employée au service du « traitement du renseignement et [d’]action contre les circuits financiers clandestins »10« Tracfin, la cellule de renseignement financier de Bercy » (« Qui est Lucie Castets, proposée par le Nouveau Front populaire pour le poste de Première ministre ? », francetvinfo.fr 24 juill. 2024). avant de rejoindre, deux ans plus tard, la mairie de Paris.

Dans les premiers portraits qui lui ont été consacrés, certains la présentaient aussi comme « footballeuse »11Florent Le Du et Lisa Guillemin, « Lucie Castets, propulsée par la gauche pour Matignon », L’Humanité 24 juill. 2024, p. 6 ; Service politique, « Haute fonctionnaire, engagée pour la défense des services publics… Qui est Lucie Castets, proposée par le NFP pour Matignon ? », nouvelobs.com 23-24 juill. 2024 : « D’après ses amis, c’est aussi dans la vie privée une sportive, joueuse de foot, féministe et mère d’un enfant »., sans toutefois préciser son poste ni citer directement l’intéressée12« À l’école, je participais à tous les cross. J’ai fait du tennis pendant une dizaine d’années, du handball, du taekwondo. J’aime l’effort physique », confie-t-elle – sans confirmer, donc – dans l’entretien publié sous le titre « Je veux dire qui je suis », Paris Match 8-13 août 2024, p. 18 – réalisé par Florent Buisson, qui ajoute : « Fan de surf, elle a aussi parcouru le monde au gré de ses études. Un parcours qui contraste avec l’image de l’énarque toujours le nez dans ses dossiers ». Ajouts de deux textes : son entretien publié dans Libération le 21, pp. 3-4 (annoncé à la Une sous le titre « Nous saurons trouver des accords »), qu’elle terminait en s’affirmant « étonnée [que l]es commentaires n’ont retenu que [l’évocation de sa famille], alors qu’il y avait plein de choses sur [elle, sa vie, sa provenance de Caen et sa pratique] du sport » ; « Avant, elle aimait jouer au foot le soir, quelles que soient les intempéries », est-il écrit dans une tribune publiée en ligne le 30, au terme de l’extrait accessible sans abonnement (v. aussi Clément Machetto, « Judith Godrèche s’attaque à Emmanuel Macron, “le même qui célébrait Gérard Depardieu” », closermag.fr le 31).. En faisant un détour par La Fièvre13Écouter l’entretien avec le réalisateur Ziad Doueiri dans le podcast Affaires culturelles, radiofrance.fr 12 mars 2024, ainsi qu’Ana Girardot et Nina Meurisse revenant « sur leurs rôles » (Canal + le 5 avr.). Pour une critique sans concession, François Bégaudeau, « Une fièvre d’ordre », Le Monde diplomatique juill. 2024, p. 13 (extrait ; v. aussi infra) ; comparer Rémi Lefebvre, « La Fièvre : le thermomètre est-il juste ? », in Raphaël LLorca et Jérémie Peltier (dir.), Sur La Fièvre. Enseignements politiques d’une série, (Fondation) jean-jaures.org 9 avr. 2024, p. 65, spéc. p. 68 : « Si la série ne verse pas dans la caricature de l’antiwokisme (le terme est très peu utilisé), elle tend à rabattre de nouvelles thématiques et revendications (néoféminisme, lutte contre les discriminations…) sur des questions d’identité alors que l’on peut soutenir qu’elle engage aussi des questions d’égalité et qu’elles reformulent les enjeux de l’émancipation (malgré des excès ou des pathologies militantes, fortement mises en avant par la série) ». Oubliant le passage marquant où l’entraîneur Pascal Terret revient sur le licenciement de son père, le politiste écrit que la « question sociale n’affleure dans la série que sous l’angle du statut de coopérative qu’acquiert le Racing. Le club de foot se rallie à « la démocratie corinthiane », modèle d’autogestion démocratique en pleine dictature militaire au Brésil » (v. mon billet du 5 nov. 2018)., une des séries que j’ai appréciées cette année (pour celle en cours, v. l’illustration ci-dessus) et qui a, peut-être, participé à la décision d’Emmanuel Macron de recourir à la dissolution14En ce sens, Solenn de Royer, « “La Fièvre”, nouvelle série de l’auteur de “Baron noir” : Entre la fiction et la politique, un troublant jeu de miroirs », lemonde.fr 2 janv. (extrait) ; Louis Hausalter, « La Fièvre, cette série qui a intoxiqué Emmanuel Macron et ses conseillers », lefigaro.fr 22 juin 2024 (extrait) ; Baptiste Roger-Lacan, « La fièvre de Macron : la dissolution par les séries », legrandcontinent.eu le 23, je dirais que Lucie Castets s’est trouvée placée en box to box15Tel est le titre du premier épisode de la série, explicité à la demi-heure de jeu par une séquence où l’entraîneur précité (Pascal Vannson) décrit, avec passion, ce qu’il attend de Fodé Thiam (Alassane Diong) sur le terrain ; à l’objection de Sam(uelle) Berger (Nina Meurisse), selon laquelle ce choix tactique se fait au détriment de ses statistiques de buteur, il le concède mais répond : « Le football c’est collectif : j’entraîne pas des joueurs moi, j’entraîne une équipe » (à propos de cette phrase, en en améliorant la syntaxe, v. l’entretien avec Grégory Marin du scénariste Éric Benzekri, « Je suis du camp de ceux qui pensent qu’on ne s’en sortira qu’ensemble », humanite.fr 15-18 mars)… Deux épisodes plus loin est imaginé, à partir d’un ouvrage d’un sociologue (blanc), la publication dans Libération d’un article intitulé « Le “Box to box” ou l’animalisation des corps noirs ». Dans sa recension précitée, François Bégaudeau n’en retient que la réaction de Samuelle (« Tissu de mensonges ») et en conclut qu’il serait, selon la série, « exagéré de dire que le racisme existe en France ». C’est oublier un peu vite le contrôle routier dont fait l’objet le sportif (noir, avant d’être relâché une fois sa position sociale connue) ; la scène est en soi assez éloquente pour susciter la réflexion, bien avant sa qualification comme manifestation du « racisme endémique de la police » par la militante décoloniale Kenza Chelbi (Lou-Adriana Bouziouane, par ailleurs au théâtre dans Quartiers de femmes, de Mohamed Bourouissa ; v. sceneweb.fr 17 oct. 2023). ou, plutôt, en regista16Jérôme Latta et Les Dé-Managers, « Lexique tactique / 1 : postes et rôles », cahiersdufootball.com 3-4 sept. 2014 ; Sam Meunier, « Pourquoi et comment faut-il redéfinir le terme de “box-to-box” », cafecremesport.com 9 juill. 2021 du NFP.

Capture d’écran de la vidéo intitulée « UA23 “Le service public a-t-il un avenir ?” – Lucie Castets », LDH France 29 nov. 2023 ; v. aussi son texte « Services publics : dépasser la crise », Droits & Libertés janv. 2024, n° 204, pp. 48 à 50

Avant d’être désignée, elle avait fait montre de ses qualités défensives : fin 2022, elle venait successivement contrer les arguments (et inconséquences) de Stanislas Guerini17« Les cabinets de conseil ont-ils remplacé les fonctionnaires ? », C Ce soir 29-30 nov. 2022 et de Martin Hirsch18« A-t-on laissé le service public dépérir ? », radiofrance.fr 9 déc. 2022 ; le 11 juin dernier, elle faisait partie des personnes invitées par Mediapart en réaction à la victoire du RN aux élections européennes19« Émission spéciale. Contre l’extrême droite, l’indispensable sursaut », Mediapart 11 juin 2024 (l’émission est séquencée, ce qui permet d’aller directement à 1h09 pour l’écouter) ; v. aussi le numéro spécial de La Déferlante, « Extrêmes droites. Résister en féministes » (à paraître fin août 2024, n° 15)..

Entretemps, sa vision du jeu avait été travaillée au sein du collectif Nos services publics (SP)20Dans l’une de ses trois chroniques pour Alter éco, elle invitait plus largement à « observer que les constats dressés par le collectif Nos services publics et le changement de méthode proposé (repartir des besoins) [dans son premier rapport] coïncident avec ceux de la dernière étude annuelle du Conseil d’État, intitulée « L’usager, du premier au dernier kilomètre : un enjeu d’efficacité de l’action publique et une exigence démocratique », également publiée en septembre 2023 » (Lucie Castets, « Services publics : qu’attend-on pour agir ? », alternatives-economiques.fr 20 sept. 2023). Ayant participé à sa rédaction en tant que rapporteure générale adjointe de la section du rapport et des études, Mélanie Villiers était invitée à la présenter après le Grand Reportage d’Ouafia Kheniche, « Services publics, la grande fracture des territoires », radiofrance.fr 2 août 2024 (première diffusion le vendredi 8 mars) ; à propos de la dématérialisation, v. mon billet du 31 déc. 2023, à la note 11 (en la complétant par cet entretien avec Lucie Castets, francetvinfo.fr 17 avr.), et l’article du haut-fonctionnaire Simon Arambourou, « Les déshumanisateurs. De quoi la “dématérialisation” des services publics est-elle le nom ? », Le Monde diplomatique avr. 2024, p. 3 (extrait). et en échangeant des passes au-delà21Elle était en effet co-animatrice (offensive, pour reprendre l’une qualités attendus d’une regista), avec Said Benmouffok et Béligh Nabli – respectivement professeurs de philosophie et de droit public – du podcast « On n’a pas tout essayé », proposé par Le Nouvel Obs (douze épisodes du 3 mars au 30 juill. 2024 ; en complément du premier avec l’économiste Anne-Laure Delatte, v. la formation avec Michaël Zemmour : « Impôts, cotisations sociales : de quoi parle-t-on ? », OnContinue le 25).. Lors de ses premières matinales, elle la confirmait en rappelant que, « pendant la campagne », des personnes ayant voté pour ce parti confiaient « ne pas vouloir avoir à faire des kilomètres de voiture pour pouvoir accoucher, dans une maternité près de chez [elles] » ; ou encore leur (dés)espoir d’avoir un·e « professeur·e dans la classe de leur enfant à la rentrée de septembre »22« Matignon, retraites, nucléaire… L’interview de Lucie Castets, candidate du NFP pour Matignon », BFMTV 25 juil. 2024.

Le premier exemple23Le second m’amène à signaler mon billet du 20 mai 2018, renvoyant aux pages pertinentes de ma thèse à propos du contentieux relatif aux absences d’enseignant·es non remplacé·es ; v. récemment TA Cergy-Pontoise, 3 avril 2024, n° 2211429 et 2301199 (décisions mises en ligne sur le site du tribunal, qui en signale douze dans un communiqué du 10 avr. – dont les n° 2217195 et 2301195 selon Fleur Jourdan le 25 ; le 19, Jérémy Bousquet citait des jugements non mobilisés dans mes travaux : TA Cergy-Pontoise, 21 juill. 2017, M. et Mme Bollérot, n° 1508790 ; TA Lille, 26 juin 2019, n° 1702109 ; TA Nantes, 10 oct. 2019, n° 1608500 ; TA Montreuil, 13 oct. 2020, n° 2003767 ; TA Besançon, 23 fév. 2021, n° 2000557) et, contra, Gérald Camier, « Toulouse : le tribunal administratif déboute les familles qui réclamaient à l’académie réparation après les heures perdues par leur enfant à l’école », ladepeche.fr 1er août 2024 (trois jugements rendus « fin juillet »). Dans une configuration inédite, v. aussi TA Montreuil Ord., 26 avr. 2024, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2404825, 2404826, 2404827, 2404828, 2404829, 2404830, 2404831, 2404832, 2404833, 2404834, 2404964 et 2405058 (douze ordonnances en déféré-suspension, contre des arrêtés municipaux « mettant en demeure l’Etat, dans le cadre d’un plan d’urgence, de créer des postes d’enseignants et de personnels éducatifs ») ; près d’un an plus tôt, 25 mai 2023, n° 2305815, sachant que des contentieux indemnitaires portés par Anina Ciuciu ont abouti en mars 2024 (v. Faïza Zerouala, « Refus de scolarisation : un collectif de mères précaires a gagné face à l’État », Mediapart 29 juin 2024, faisant le lien avec l’affaire de Ris-Orangis, à propos de laquelle v. mon billet du 6 juin 2018). est l’occasion pour moi de revenir sur un arrêt rendu, il y a plus de deux ans, par la Cour administrative d’appel de Lyon, bien qu’il concerne un territoire – le diois – qui constitue, d’un point de vue électoral24« Législatives 2024 : la gauche résiste à la vague RN dans deux circonscriptions de la Drôme », francebleu.fr 30 juin 2024 ; arrivée en tête « dans 181 des 239 communes » de la troisième, Marie Pochon « a été réélue avec 56,59 % des voix contre le candidat RN-LR avec Ciotti, Adhémar Autrand. Une victoire claire, qui place l’une des plus grandes circonscriptions de France résolument à gauche » ; alors que ce dernier « s’impose dans les communes du Sédéronnais et du Tricastin et les piedmonts ouest du Royans-Vercors », elle « fait ses meilleurs scores dans (…) le Crestois, le Nyonsais, le pays de Dieulefit » et, « sans surprise, le Diois [qui] a largement plébiscité la candidate écologiste (70 %) comme en 2022. À Die, elle obtient quasiment 76 % des voix, 66,59 % à Châtillon-en-Diois, 67,32 % à Luc-en-Diois ou encore 78,82 % à Saillans. Elle [y] fait un quasi grand chelem, à l’exception de trois communes, Rochefourchat [une voix contre quatre…], Gumiane [et] Volvent. (…) Deux communes se distinguent sur le Diois, Les Prés où aucun électeur n’a voté pour le Rassemblement national ni au premier ni au second tour, et la commune de Beaumont-en-Diois qui a voté [également, le 7 juillet,] à 100 % pour la députée sortante [recueillant respectivement 14 et 70 voix] » (E.P. et SLC, Journal du Diois et de la Drôme 12 juill., p. 2). « Rare députée écologiste d’une circonscription rurale », souligne sa page Wikipédia (au 26)., plutôt un contre-exemple du lien entre la dégradation des services publics et la montée de l’extrême droite25En tout état de cause, ce lien ne saurait en résumer les déterminants : v. l’émission avec la journaliste Camille Bordenet et le sociologue Benoit Coquard (radiofrance.fr 19 juin 2024), ainsi que la recension du livre de Félicien Faury, Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite (Seuil), par François Rulier, politis.fr 10 juill. ; v. encore Jean-Marie Pottier, « Pourquoi ont-ils voté Rassemblement national ? Ethnographie d’une lame de fond », Sciences Humaines juill.-août 2024, n° 370, pp. 27 à 35, avec d’autres références page 31, et la recension pp. 28-29 de l’essai à paraître du philosophe belge Michel Feher, Producteurs et parasites. L’imaginaire si désirable du Rassemblement national (La Découverte)..

Contrairement au tribunal administratif de Grenoble, qui avait donné raison au Collectif de défense de l’Hôpital de Die26V. mon billet du 29 juillet 2020, renvoyant à mes publications antérieures sur cette question des fermetures de maternité, abordée d’un point de vue contentieux à partir du cas de Die ; en complément au reportage d’Élodie Potente publié dans le Cahier spécial Auvergne-Rhône-Alpes de la revue Sans transition ! janv. 2021, n° 27, p. 15 – déjà cité au détour de mes travaux de recherche –, v. le texte de Géraldine Magnan pour Profession Sage-Femme nov. 2020, n° 266, pp. 7-8, citant in fine l’avocate Lucile Stahl – à partir du site de l’association requérante, « Journée des droits des femmes : à quand une réouverture de la maternité de Die ? », collectifhopitaldie.org 8 mars 2021, la Cour est venue conforter « la décision par laquelle le directeur du centre hospitalier a renoncé à solliciter pour le compte [de l’établissement] le renouvellement des autorisations accordées par l’agence régionale de santé des activités de soins de chirurgie et de gynécologie-obstétrique en hospitalisation complète, arrivées à échéance le 31 décembre 2017 »27CAA Lyon, 3 mai 2022, Centre hospitalier de Die, n° 20LY02168, cons. 10, en précisant le 19 août 2024 que cet arrêt a été rendu sur les conclusions contraires de la rapporteure publique.. L’arrêt repose essentiellement sur l’argument – pourtant facilement réversible – des « problèmes » ou « impératifs de sécurité »28Cons. 12 ; « organiser une prise en charge des parturientes de manière sécurisée », pour reprendre une formule du considérant précédent, s’est donc fait – ici comme ailleurs – en les éloignant des maternités ; dans son étude annuelle précitée, le Conseil d’État ne l’ignore pas : notant que « la priorité légitime donnée aux enjeux de sécurité dans le fonctionnement du service » est un « motif qui a pu justifier, par exemple, les fermetures de maternité depuis plus de quarante ans », il se réfère aux données de la DREES « entre 2000 et 2017 » (2021, 6 p.) pour conclure que « les “anecdotes” de bébés naissant dans le VSL des pompiers se multiplient depuis… » (2023, pp. 111-112). V. encore les travaux de la « Mission d’information sur l’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale », créé par le Sénat et menées au « premier semestre 2024 ». ; pour balayer les droits invoqués par le collectif, la Cour s’est bornée à affirmer que « compte tenu de la situation des services concernés, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse méconnaîtrait les stipulations de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels29Droit aux « services médicaux »., celles des articles 12 et 14 de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes30Idem et obligation des États parties de tenir « compte des problèmes particuliers qui se posent aux femmes rurales ». et les dispositions de l’article 11 de la charte sociale européenne31« Droit à la protection de la santé ». ne sont, en tout état de cause, pas établis »32Cons. 14 ; comparer Nikitas Aliprantis, « Fonder le caractère juridictionnel des organes supranationaux statuant sur des droits sociaux », La Revue des Droits de l’Homme 2024, n° 24, mis en ligne le 3 nov. 2023, § 30, concluant sur « l’obligation des juges [nationaux] d’intégrer ces normes (…) à la seule condition que l’instrument supranational concerné soit ratifié et mis en vigueur »..

À la fin de cette même année 2022, plusieurs associations avaient plus largement sollicité « la condamnation de l’État à réparer les préjudices causés aux intérêts qu’elles représentent et qu’il lui soit enjoint de prendre différentes mesures de nature à mettre un terme à ses carences en matière hospitalière »33TA Paris, 6 juin 2024, Assoc. « Collectif inter hôpitaux » et a., n° 2222852/6-3 ; mutatis mutandis, Christel Cournil et Marine Fleury, « De « l’Affaire du siècle » au « casse du siècle » ? Quand le climat pénètre avec fracas le droit de la responsabilité administrative », La Revue des Droits de l’Homme ADL 7 févr. 2021, avec des recours récents contre l’orpaillage illégal en Guyane (la1ere.francetvinfo.fr 16 oct. 2023) ou l’éolien offshore (seashepherd.fr 11 mars 2024) ; « La Libre Pensée demande au Tribunal administratif de Paris d’engager la responsabilité de l’État pour inaction en matière de laïcité », fnlp.fr 21 juill. 2024 ; au motif qu’il ne saurait « se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique », le tribunal administratif de Paris a rejeté cette requête, le 6 juin dernier34Ibid., cons. 4 et s. ; à propos des tensions liées à l’accès aux études de santé, CE, 29 mars 2024, Sorbonne Université, n° 487772 ; LIJMEN juill. 2024, n° 231 ; Soazig Le Nevé, lemonde.fr le 15 (v. aussi, même s’il faudrait l’actualiser, mon billet du 5 sept. 2018 relatif au numerus clausus)..

Photo reprise depuis C.T., martinique.franceantilles.fr 20 juill. 2011

Le président de la République refusant pour l’instant que la coalition arrivée en tête aux élections législatives ne le fasse, l’un des noms suggérés à la place de la regista du NFP a permis à cette dernière d’exprimer son talent offensif : « “Comment nommer un premier ministre qui n’a pas de majorité et qui ne représenterait que lui-même ?, lance Lucie Castets dans une interview mardi 6 août au quotidien Sud Ouest. (…) Xavier Bertrand, c’est l’affaiblissement des financements de l’hôpital, une suppression massive de lits, l’explosion des constructions d’Ehpad privés, une réforme injuste des retraites”, assène-t-elle, en référence à ses responsabilités ministérielles passées »35« La nomination de Xavier Bertrand à Matignon serait une “aberration”, fustige Lucie Castets », lefigaro.fr avec AFP 7 août 2024 ; v. plus largement Rob Grams, « Xavier Bertrand : modéré en apparence, le pire du macronisme dans les faits », frustrationmagazine.fr le 5, en ajoutant le 19 août l’article publié sur le même site par Adrien Pourageaud, « [Bernard] Cazeneuve de retour à Matignon ? Comment dire… », le 13, ainsi que la réaction de Lucie Castets sur bfmtv (en 2020, à l’occasion de mes activités pédagogiques, je m’étais amusé d’un texte pour le moins osé de l’avocat d’affaires, intitulé « Bernard Stirn, la Normandie et Alexis de Tocqueville », in La scène juridique : harmonies en mouvement. Mélanges en l’honneur de Bernard Stirn, Dalloz, 2019, p. 131, spéc. pp. 133-134, où il discernait un « lien (…) qui les conduisit l’un et l’autre à penser le droit et à l’interpréter de telle sorte qu’il puisse, par la disposition des choses, contenir le pouvoir pour préserver les libertés » ; c’est donc en ces termes que l’ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État voyait son action qualifiée par celui qui était ministre de l’Intérieur durant l’état d’urgence… Comparer ceux de cinq rapporteurs spéciaux des Nations Unies – le 19 janvier 2016 – et de la professeure de droit Danièle Lochak, « Le juge administratif joue-t-il vraiment un rôle politique ? », in Thomas Perroud (dir.), Les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative, LGDJ/Lextenso, 2019,p. 25, spéc. p. 27 : « l’impact [du contrôle du juge] dépend de ce qu’on met sur chacun des plateaux de la balance : en pratique, le triple test dit de nécessité, d’adaptation et de proportionnalité a débouché dans la très grande majorité des cas sur la validation de mesures gravement attentatoires aux libertés »)..

Tout comme il est trop tôt pour savoir si l’équipe de France masculine36L’équipe féminine s’est inclinée en quart de finale contre le Brésil, qui a ensuite « fait chuter l’Espagne et défiera les États-Unis [samedi 10 août 2024 à 17h] » (TB, sofoot.com le 6). de football a su, quarante ans après les Jeux Olympiques d’été de Los Angeles37Benjamin Quarez et Harold Marchetti, « JO Paris 2024, football : les héros de Los Angeles 84 invités au Parc des Princes pour la finale des Bleus [vendredi 9 août, à 18h] », leparisien.fr le 6 ; il est prévu que les jeux de 2028 aient à nouveau lieu dans la ville américaine, et ceux de 2032 à Brisbane (pour la troisième édition australienne)., remporter ceux de Paris38Au cours d’un échange publié dans Le Parisien le mercredi 20 mars, le sélectionneur des Espoirs rappelait que « ça fait longtemps qu’on n’a pas remporté les JO (1984) » ; Thierry Henry confiait aussi avoir « pleuré quand, en qualif en novembre 1999, on s’est fait éliminer par l’Italie de Gattuso et Pirlo » (phrase reprise de façon condensée en titre, n° 24748, pp. 18 et s., spéc. 19 ; extraits initialement placés en note 5 de mon billet du 23 mars 2024, rapatriés ici pour citer la page Wikipédia de ce dernier, au 23 juillet : « Meneur de jeu très bas, pouvant jouer court, long ou individuel, il est l’exemple même du regista ».)., l’on ne sait pas encore sur quoi va déboucher l’actuelle configuration politique. Lorsque j’ai rédigé mon dernier billet, et plus encore au soir du second tour de ces élections législatives, il me semblait – comme à beaucoup – qu’on ne pouvait espérer qu’éviter une majorité absolue du RN ; le pire n’est jamais sûr39Ou pas certain, pour reprendre le titre d’un livre de Catherine et Raphaël Larrère (premierparallele.fr 2020 – la couverture me permettant de consigner ici la date de ma première expérience en parapente, le 21 juillet dernier).

Notes

1 Collectif, « Le Nouveau Front populaire doit sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine », lemonde.fr 11-12 juill. 2024 ; J.J., « Laurence Tubiana à Matignon ? Pourquoi son nom divise autant le Nouveau Front populaire », laprovence.com avec AFP le 16
2 Ce qui est clair, c’est comment les socialistes l’ont fait, à savoir au motif que l’approbation écologiste n’était pas acquise : v. Daniel Schneidermann, « Qui a tué la candidature Huguette Bello ? », arretsurimages.net 17 juill. 2024 ; elle avait même semblé recueillir le soutien de Carole Delga, avant qu’elle ne se fende d’une « mise au point » (v. Gabriel Kenedi, actu.fr/occitanie le 13). Dans la même période, v. CEDH, 9 juill. 2024, Delga c. France, n° 38998/20 (arrêt non définitif de la cinquième section, rendu à l’unanimité ; Abel Mestre, « Victoire juridique de Carole Delga contre un maire RN du Gard », Le Monde 12 juill. 2024, p. 12).
3 « Pas de gouvernement avant la mi-août, rejet de Lucie Castets… les six moments forts de l’interview d’Emmanuel Macron », liberation.fr avec AFP 23 juill. 2024 ; décryptant cette intervention, Théophile Kouamouo, Le Média le 24 ; y voyant « une interprétation erronée de la Constitution », Julien Jeanneney, lemonde.fr le 25 (auparavant et dans le même sens, Pierre Avril, blog.juspoliticum.com le 15 ; contra Dominique Rousseau – cité par Émilie Jehanno, 20minutes.fr le 12).
4 L’École nationale d’administration (ENA) a été remplacée par l’Institut national du service public (INSP) le 31 décembre 2021 ; cette réforme avait été présentée en avril par Emmanuel Macron (issu de la promotion 2002-2004, dite Léopold-Sédar-Senghor).
5 V. mon billet (portrait) du 28 juillet 2018
6 V. mon billet du 28 juin 2024, en signalant la modification de ma note 21, et mon nouveau record sur 5km – 21 minutes 43, ce matin même –, en passant par la nouvelle passerelle de Bourg-lès-Valence, que j’ai plaisir à emprunter depuis le 12 avril (avec des coéquipiers de foot puis mon adjoint et mes joueurs du vieux bourg, nous utilisions l’ancienne pour nous rendre à l’entraînement, dans les années 2000) ; c’était donc une « une course avec un tempo relativement lent » (Olivier GH, « Athlétisme JO 2024 : Beatrice Chebet crée la sensation sur le 5000 m femmes », dicodusport.fr le 5 août), à sept minutes du record de France féminin (lequipe.fr ; deux français sont qualifiés pour la finale hommes ce samedi, pour cette épreuve sur piste introduite aux JO de 1912 – selon Wikipédia –, soit entre les premières éditions françaises, en 1900 et 1924).
7 Lucie Alexandre, Victor Boiteau et Eve Szeftel, « Lucie Castets, une “guerrière” à la croisée des réseaux », Libération 26 juill. 2024, pp. 16-17 ; au passage, recensant le livre de l’historienne américaine Judith Coffin (Sexe, amour et féminisme. Quand on écrivait à « Madame de Beauvoir », Plon, 2023, préfacé par la philosophe Manon Garcia), v. Christian Ruby, nonfiction.fr 8 juin 2024 (ajout le 19 août, à partir de telerama.fr le 10 : Simone de Beauvoir (1908-1986) a été l’une des dix femmes célébrées cet été à Paris, « dont les statues devraient survivre aux JO » ; elle « n’était pas apparue à l’écran lors de la retransmission de la cérémonie [d’ouverture] »).
8 « Arrêté du 7 janvier 2014 portant affectation aux carrières des élèves (…) de l’École nationale d’administration ayant terminé leur scolarité au 31 décembre 2013 (élèves issus des concours externe, interne et troisième concours) », JORF n° 0007 du 9 janv. 2014
9 Arrêté du 14 janvier 2014, JORF n° 0020 du 24 janv.
10 « Tracfin, la cellule de renseignement financier de Bercy » (« Qui est Lucie Castets, proposée par le Nouveau Front populaire pour le poste de Première ministre ? », francetvinfo.fr 24 juill. 2024).
11 Florent Le Du et Lisa Guillemin, « Lucie Castets, propulsée par la gauche pour Matignon », L’Humanité 24 juill. 2024, p. 6 ; Service politique, « Haute fonctionnaire, engagée pour la défense des services publics… Qui est Lucie Castets, proposée par le NFP pour Matignon ? », nouvelobs.com 23-24 juill. 2024 : « D’après ses amis, c’est aussi dans la vie privée une sportive, joueuse de foot, féministe et mère d’un enfant ».
12 « À l’école, je participais à tous les cross. J’ai fait du tennis pendant une dizaine d’années, du handball, du taekwondo. J’aime l’effort physique », confie-t-elle – sans confirmer, donc – dans l’entretien publié sous le titre « Je veux dire qui je suis », Paris Match 8-13 août 2024, p. 18 – réalisé par Florent Buisson, qui ajoute : « Fan de surf, elle a aussi parcouru le monde au gré de ses études. Un parcours qui contraste avec l’image de l’énarque toujours le nez dans ses dossiers ». Ajouts de deux textes : son entretien publié dans Libération le 21, pp. 3-4 (annoncé à la Une sous le titre « Nous saurons trouver des accords »), qu’elle terminait en s’affirmant « étonnée [que l]es commentaires n’ont retenu que [l’évocation de sa famille], alors qu’il y avait plein de choses sur [elle, sa vie, sa provenance de Caen et sa pratique] du sport » ; « Avant, elle aimait jouer au foot le soir, quelles que soient les intempéries », est-il écrit dans une tribune publiée en ligne le 30, au terme de l’extrait accessible sans abonnement (v. aussi Clément Machetto, « Judith Godrèche s’attaque à Emmanuel Macron, “le même qui célébrait Gérard Depardieu” », closermag.fr le 31).
13 Écouter l’entretien avec le réalisateur Ziad Doueiri dans le podcast Affaires culturelles, radiofrance.fr 12 mars 2024, ainsi qu’Ana Girardot et Nina Meurisse revenant « sur leurs rôles » (Canal + le 5 avr.). Pour une critique sans concession, François Bégaudeau, « Une fièvre d’ordre », Le Monde diplomatique juill. 2024, p. 13 (extrait ; v. aussi infra) ; comparer Rémi Lefebvre, « La Fièvre : le thermomètre est-il juste ? », in Raphaël LLorca et Jérémie Peltier (dir.), Sur La Fièvre. Enseignements politiques d’une série, (Fondation) jean-jaures.org 9 avr. 2024, p. 65, spéc. p. 68 : « Si la série ne verse pas dans la caricature de l’antiwokisme (le terme est très peu utilisé), elle tend à rabattre de nouvelles thématiques et revendications (néoféminisme, lutte contre les discriminations…) sur des questions d’identité alors que l’on peut soutenir qu’elle engage aussi des questions d’égalité et qu’elles reformulent les enjeux de l’émancipation (malgré des excès ou des pathologies militantes, fortement mises en avant par la série) ». Oubliant le passage marquant où l’entraîneur Pascal Terret revient sur le licenciement de son père, le politiste écrit que la « question sociale n’affleure dans la série que sous l’angle du statut de coopérative qu’acquiert le Racing. Le club de foot se rallie à « la démocratie corinthiane », modèle d’autogestion démocratique en pleine dictature militaire au Brésil » (v. mon billet du 5 nov. 2018).
14 En ce sens, Solenn de Royer, « “La Fièvre”, nouvelle série de l’auteur de “Baron noir” : Entre la fiction et la politique, un troublant jeu de miroirs », lemonde.fr 2 janv. (extrait) ; Louis Hausalter, « La Fièvre, cette série qui a intoxiqué Emmanuel Macron et ses conseillers », lefigaro.fr 22 juin 2024 (extrait) ; Baptiste Roger-Lacan, « La fièvre de Macron : la dissolution par les séries », legrandcontinent.eu le 23
15 Tel est le titre du premier épisode de la série, explicité à la demi-heure de jeu par une séquence où l’entraîneur précité (Pascal Vannson) décrit, avec passion, ce qu’il attend de Fodé Thiam (Alassane Diong) sur le terrain ; à l’objection de Sam(uelle) Berger (Nina Meurisse), selon laquelle ce choix tactique se fait au détriment de ses statistiques de buteur, il le concède mais répond : « Le football c’est collectif : j’entraîne pas des joueurs moi, j’entraîne une équipe » (à propos de cette phrase, en en améliorant la syntaxe, v. l’entretien avec Grégory Marin du scénariste Éric Benzekri, « Je suis du camp de ceux qui pensent qu’on ne s’en sortira qu’ensemble », humanite.fr 15-18 mars)… Deux épisodes plus loin est imaginé, à partir d’un ouvrage d’un sociologue (blanc), la publication dans Libération d’un article intitulé « Le “Box to box” ou l’animalisation des corps noirs ». Dans sa recension précitée, François Bégaudeau n’en retient que la réaction de Samuelle (« Tissu de mensonges ») et en conclut qu’il serait, selon la série, « exagéré de dire que le racisme existe en France ». C’est oublier un peu vite le contrôle routier dont fait l’objet le sportif (noir, avant d’être relâché une fois sa position sociale connue) ; la scène est en soi assez éloquente pour susciter la réflexion, bien avant sa qualification comme manifestation du « racisme endémique de la police » par la militante décoloniale Kenza Chelbi (Lou-Adriana Bouziouane, par ailleurs au théâtre dans Quartiers de femmes, de Mohamed Bourouissa ; v. sceneweb.fr 17 oct. 2023).
16 Jérôme Latta et Les Dé-Managers, « Lexique tactique / 1 : postes et rôles », cahiersdufootball.com 3-4 sept. 2014 ; Sam Meunier, « Pourquoi et comment faut-il redéfinir le terme de “box-to-box” », cafecremesport.com 9 juill. 2021
17 « Les cabinets de conseil ont-ils remplacé les fonctionnaires ? », C Ce soir 29-30 nov. 2022
18 « A-t-on laissé le service public dépérir ? », radiofrance.fr 9 déc. 2022
19 « Émission spéciale. Contre l’extrême droite, l’indispensable sursaut », Mediapart 11 juin 2024 (l’émission est séquencée, ce qui permet d’aller directement à 1h09 pour l’écouter) ; v. aussi le numéro spécial de La Déferlante, « Extrêmes droites. Résister en féministes » (à paraître fin août 2024, n° 15).
20 Dans l’une de ses trois chroniques pour Alter éco, elle invitait plus largement à « observer que les constats dressés par le collectif Nos services publics et le changement de méthode proposé (repartir des besoins) [dans son premier rapport] coïncident avec ceux de la dernière étude annuelle du Conseil d’État, intitulée « L’usager, du premier au dernier kilomètre : un enjeu d’efficacité de l’action publique et une exigence démocratique », également publiée en septembre 2023 » (Lucie Castets, « Services publics : qu’attend-on pour agir ? », alternatives-economiques.fr 20 sept. 2023). Ayant participé à sa rédaction en tant que rapporteure générale adjointe de la section du rapport et des études, Mélanie Villiers était invitée à la présenter après le Grand Reportage d’Ouafia Kheniche, « Services publics, la grande fracture des territoires », radiofrance.fr 2 août 2024 (première diffusion le vendredi 8 mars) ; à propos de la dématérialisation, v. mon billet du 31 déc. 2023, à la note 11 (en la complétant par cet entretien avec Lucie Castets, francetvinfo.fr 17 avr.), et l’article du haut-fonctionnaire Simon Arambourou, « Les déshumanisateurs. De quoi la “dématérialisation” des services publics est-elle le nom ? », Le Monde diplomatique avr. 2024, p. 3 (extrait).
21 Elle était en effet co-animatrice (offensive, pour reprendre l’une qualités attendus d’une regista), avec Said Benmouffok et Béligh Nabli – respectivement professeurs de philosophie et de droit public – du podcast « On n’a pas tout essayé », proposé par Le Nouvel Obs (douze épisodes du 3 mars au 30 juill. 2024 ; en complément du premier avec l’économiste Anne-Laure Delatte, v. la formation avec Michaël Zemmour : « Impôts, cotisations sociales : de quoi parle-t-on ? », OnContinue le 25).
22 « Matignon, retraites, nucléaire… L’interview de Lucie Castets, candidate du NFP pour Matignon », BFMTV 25 juil. 2024
23 Le second m’amène à signaler mon billet du 20 mai 2018, renvoyant aux pages pertinentes de ma thèse à propos du contentieux relatif aux absences d’enseignant·es non remplacé·es ; v. récemment TA Cergy-Pontoise, 3 avril 2024, n° 2211429 et 2301199 (décisions mises en ligne sur le site du tribunal, qui en signale douze dans un communiqué du 10 avr. – dont les n° 2217195 et 2301195 selon Fleur Jourdan le 25 ; le 19, Jérémy Bousquet citait des jugements non mobilisés dans mes travaux : TA Cergy-Pontoise, 21 juill. 2017, M. et Mme Bollérot, n° 1508790 ; TA Lille, 26 juin 2019, n° 1702109 ; TA Nantes, 10 oct. 2019, n° 1608500 ; TA Montreuil, 13 oct. 2020, n° 2003767 ; TA Besançon, 23 fév. 2021, n° 2000557) et, contra, Gérald Camier, « Toulouse : le tribunal administratif déboute les familles qui réclamaient à l’académie réparation après les heures perdues par leur enfant à l’école », ladepeche.fr 1er août 2024 (trois jugements rendus « fin juillet »). Dans une configuration inédite, v. aussi TA Montreuil Ord., 26 avr. 2024, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 2404825, 2404826, 2404827, 2404828, 2404829, 2404830, 2404831, 2404832, 2404833, 2404834, 2404964 et 2405058 (douze ordonnances en déféré-suspension, contre des arrêtés municipaux « mettant en demeure l’Etat, dans le cadre d’un plan d’urgence, de créer des postes d’enseignants et de personnels éducatifs ») ; près d’un an plus tôt, 25 mai 2023, n° 2305815, sachant que des contentieux indemnitaires portés par Anina Ciuciu ont abouti en mars 2024 (v. Faïza Zerouala, « Refus de scolarisation : un collectif de mères précaires a gagné face à l’État », Mediapart 29 juin 2024, faisant le lien avec l’affaire de Ris-Orangis, à propos de laquelle v. mon billet du 6 juin 2018).
24 « Législatives 2024 : la gauche résiste à la vague RN dans deux circonscriptions de la Drôme », francebleu.fr 30 juin 2024 ; arrivée en tête « dans 181 des 239 communes » de la troisième, Marie Pochon « a été réélue avec 56,59 % des voix contre le candidat RN-LR avec Ciotti, Adhémar Autrand. Une victoire claire, qui place l’une des plus grandes circonscriptions de France résolument à gauche » ; alors que ce dernier « s’impose dans les communes du Sédéronnais et du Tricastin et les piedmonts ouest du Royans-Vercors », elle « fait ses meilleurs scores dans (…) le Crestois, le Nyonsais, le pays de Dieulefit » et, « sans surprise, le Diois [qui] a largement plébiscité la candidate écologiste (70 %) comme en 2022. À Die, elle obtient quasiment 76 % des voix, 66,59 % à Châtillon-en-Diois, 67,32 % à Luc-en-Diois ou encore 78,82 % à Saillans. Elle [y] fait un quasi grand chelem, à l’exception de trois communes, Rochefourchat [une voix contre quatre…], Gumiane [et] Volvent. (…) Deux communes se distinguent sur le Diois, Les Prés où aucun électeur n’a voté pour le Rassemblement national ni au premier ni au second tour, et la commune de Beaumont-en-Diois qui a voté [également, le 7 juillet,] à 100 % pour la députée sortante [recueillant respectivement 14 et 70 voix] » (E.P. et SLC, Journal du Diois et de la Drôme 12 juill., p. 2). « Rare députée écologiste d’une circonscription rurale », souligne sa page Wikipédia (au 26).
25 En tout état de cause, ce lien ne saurait en résumer les déterminants : v. l’émission avec la journaliste Camille Bordenet et le sociologue Benoit Coquard (radiofrance.fr 19 juin 2024), ainsi que la recension du livre de Félicien Faury, Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite (Seuil), par François Rulier, politis.fr 10 juill. ; v. encore Jean-Marie Pottier, « Pourquoi ont-ils voté Rassemblement national ? Ethnographie d’une lame de fond », Sciences Humaines juill.-août 2024, n° 370, pp. 27 à 35, avec d’autres références page 31, et la recension pp. 28-29 de l’essai à paraître du philosophe belge Michel Feher, Producteurs et parasites. L’imaginaire si désirable du Rassemblement national (La Découverte).
26 V. mon billet du 29 juillet 2020, renvoyant à mes publications antérieures sur cette question des fermetures de maternité, abordée d’un point de vue contentieux à partir du cas de Die ; en complément au reportage d’Élodie Potente publié dans le Cahier spécial Auvergne-Rhône-Alpes de la revue Sans transition ! janv. 2021, n° 27, p. 15 – déjà cité au détour de mes travaux de recherche –, v. le texte de Géraldine Magnan pour Profession Sage-Femme nov. 2020, n° 266, pp. 7-8, citant in fine l’avocate Lucile Stahl – à partir du site de l’association requérante, « Journée des droits des femmes : à quand une réouverture de la maternité de Die ? », collectifhopitaldie.org 8 mars 2021
27 CAA Lyon, 3 mai 2022, Centre hospitalier de Die, n° 20LY02168, cons. 10, en précisant le 19 août 2024 que cet arrêt a été rendu sur les conclusions contraires de la rapporteure publique.
28 Cons. 12 ; « organiser une prise en charge des parturientes de manière sécurisée », pour reprendre une formule du considérant précédent, s’est donc fait – ici comme ailleurs – en les éloignant des maternités ; dans son étude annuelle précitée, le Conseil d’État ne l’ignore pas : notant que « la priorité légitime donnée aux enjeux de sécurité dans le fonctionnement du service » est un « motif qui a pu justifier, par exemple, les fermetures de maternité depuis plus de quarante ans », il se réfère aux données de la DREES « entre 2000 et 2017 » (2021, 6 p.) pour conclure que « les “anecdotes” de bébés naissant dans le VSL des pompiers se multiplient depuis… » (2023, pp. 111-112). V. encore les travaux de la « Mission d’information sur l’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale », créé par le Sénat et menées au « premier semestre 2024 ».
29 Droit aux « services médicaux ».
30 Idem et obligation des États parties de tenir « compte des problèmes particuliers qui se posent aux femmes rurales ».
31 « Droit à la protection de la santé ».
32 Cons. 14 ; comparer Nikitas Aliprantis, « Fonder le caractère juridictionnel des organes supranationaux statuant sur des droits sociaux », La Revue des Droits de l’Homme 2024, n° 24, mis en ligne le 3 nov. 2023, § 30, concluant sur « l’obligation des juges [nationaux] d’intégrer ces normes (…) à la seule condition que l’instrument supranational concerné soit ratifié et mis en vigueur ».
33 TA Paris, 6 juin 2024, Assoc. « Collectif inter hôpitaux » et a., n° 2222852/6-3 ; mutatis mutandis, Christel Cournil et Marine Fleury, « De « l’Affaire du siècle » au « casse du siècle » ? Quand le climat pénètre avec fracas le droit de la responsabilité administrative », La Revue des Droits de l’Homme ADL 7 févr. 2021, avec des recours récents contre l’orpaillage illégal en Guyane (la1ere.francetvinfo.fr 16 oct. 2023) ou l’éolien offshore (seashepherd.fr 11 mars 2024) ; « La Libre Pensée demande au Tribunal administratif de Paris d’engager la responsabilité de l’État pour inaction en matière de laïcité », fnlp.fr 21 juill. 2024
34 Ibid., cons. 4 et s. ; à propos des tensions liées à l’accès aux études de santé, CE, 29 mars 2024, Sorbonne Université, n° 487772 ; LIJMEN juill. 2024, n° 231 ; Soazig Le Nevé, lemonde.fr le 15 (v. aussi, même s’il faudrait l’actualiser, mon billet du 5 sept. 2018 relatif au numerus clausus).
35 « La nomination de Xavier Bertrand à Matignon serait une “aberration”, fustige Lucie Castets », lefigaro.fr avec AFP 7 août 2024 ; v. plus largement Rob Grams, « Xavier Bertrand : modéré en apparence, le pire du macronisme dans les faits », frustrationmagazine.fr le 5, en ajoutant le 19 août l’article publié sur le même site par Adrien Pourageaud, « [Bernard] Cazeneuve de retour à Matignon ? Comment dire… », le 13, ainsi que la réaction de Lucie Castets sur bfmtv (en 2020, à l’occasion de mes activités pédagogiques, je m’étais amusé d’un texte pour le moins osé de l’avocat d’affaires, intitulé « Bernard Stirn, la Normandie et Alexis de Tocqueville », in La scène juridique : harmonies en mouvement. Mélanges en l’honneur de Bernard Stirn, Dalloz, 2019, p. 131, spéc. pp. 133-134, où il discernait un « lien (…) qui les conduisit l’un et l’autre à penser le droit et à l’interpréter de telle sorte qu’il puisse, par la disposition des choses, contenir le pouvoir pour préserver les libertés » ; c’est donc en ces termes que l’ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État voyait son action qualifiée par celui qui était ministre de l’Intérieur durant l’état d’urgence… Comparer ceux de cinq rapporteurs spéciaux des Nations Unies – le 19 janvier 2016 – et de la professeure de droit Danièle Lochak, « Le juge administratif joue-t-il vraiment un rôle politique ? », in Thomas Perroud (dir.), Les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative, LGDJ/Lextenso, 2019,p. 25, spéc. p. 27 : « l’impact [du contrôle du juge] dépend de ce qu’on met sur chacun des plateaux de la balance : en pratique, le triple test dit de nécessité, d’adaptation et de proportionnalité a débouché dans la très grande majorité des cas sur la validation de mesures gravement attentatoires aux libertés »).
36 L’équipe féminine s’est inclinée en quart de finale contre le Brésil, qui a ensuite « fait chuter l’Espagne et défiera les États-Unis [samedi 10 août 2024 à 17h] » (TB, sofoot.com le 6).
37 Benjamin Quarez et Harold Marchetti, « JO Paris 2024, football : les héros de Los Angeles 84 invités au Parc des Princes pour la finale des Bleus [vendredi 9 août, à 18h] », leparisien.fr le 6 ; il est prévu que les jeux de 2028 aient à nouveau lieu dans la ville américaine, et ceux de 2032 à Brisbane (pour la troisième édition australienne).
38 Au cours d’un échange publié dans Le Parisien le mercredi 20 mars, le sélectionneur des Espoirs rappelait que « ça fait longtemps qu’on n’a pas remporté les JO (1984) » ; Thierry Henry confiait aussi avoir « pleuré quand, en qualif en novembre 1999, on s’est fait éliminer par l’Italie de Gattuso et Pirlo » (phrase reprise de façon condensée en titre, n° 24748, pp. 18 et s., spéc. 19 ; extraits initialement placés en note 5 de mon billet du 23 mars 2024, rapatriés ici pour citer la page Wikipédia de ce dernier, au 23 juillet : « Meneur de jeu très bas, pouvant jouer court, long ou individuel, il est l’exemple même du regista ».).
39 Ou pas certain, pour reprendre le titre d’un livre de Catherine et Raphaël Larrère (premierparallele.fr 2020 – la couverture me permettant de consigner ici la date de ma première expérience en parapente, le 21 juillet dernier).

Front populaire et Blum : quelques références

Capture d’écran du Contrat de législature du NFP, juin 2024

Après les élections européennes1Il y a un peu plus de cinq ans, le 13 mai 2019, j’avais publié un billet à l’approche du scrutin, à propos des revendications de la liberté de circulation – qui se font parfois au détriment du droit à l’éducation. et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, la référence au « Front populaire » est rapidement redevenue sur le devant de la scène : dès cette soirée du dimanche 9 juin, l’expression avait été employée par François Ruffin qui, trois jours plus tard, proposait comme « première mesure (…) l’école vraiment gratuite »2« Législatives : François Ruffin souhaite “la véritable gratuité de l’école” », bfmtv.com 12 juin 2024 ; ajout le 9 juillet de cet extrait de Marine Tondelier, au soir du second tour, x.com le 7 ; « Faire les premiers pas pour la gratuité intégrale à l’école : cantine scolaire, fournitures, transports, activités périscolaires », telle est l’une des formules du Contrat de législature du Nouveau Front Populaire (NFP)3NFP, Contrat de législature préc., juin 2024, p. 5 ; v. Olivier Chartrain, « Nouveau Front Populaire : fin du “choc des savoirs” et l’ambition de rebâtir l’école publique », humanite.fr le 14, Philippe Watrelot, « La gauche et l’école : un programme prometteur à développer », alternatives-economiques.fr le 26 et, mis en ligne entretemps, comparateur.nosservicespublics.fr/education.

Depuis trois semaines, de nombreux éclairages ont été publiés sur les limites et l’intérêt4V. par ex. Frédéric Monier (entretien avec, par Olivier Doubre), « La référence au Front populaire permet de lier conscience du danger et victoire possible », politis.fr le 18 de cette « réactivation politique d’une référence mémorielle »5Fabien Escalona, « Front populaire : les gauches réveillent le mythe de 1936 », Mediapart le 11 ; v. aussi les textes rassemblés sur le blog du journal, sous le titre « Léon Blum, Front populaire et référence mémorielle ». ; elle me donne l’occasion de renvoyer à quelques textes6V. tout d’abord mes billets des 31 janvier 2020 (au cinquième paragraphe) et 29 février 2020 (en note 9), ainsi que ma note de jurisprudence liée (Rev.jurisp. ALYODA 2020, n° 1, janv.-mai, au point 2)., en particulier à mon billet (portrait) consacré à Jean Zay (1904-1944)7Texte publié le 28 juillet 2018.

Le 4 juin 1936, il avait été nommé ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts par Léon Blum (1872-1950). Sauf erreur, alors que je mentionnais plusieurs fois ce dernier en 20178V. ma thèse, aux (notes de bas de) pages (202, 247,) 550, (717,) 718, 760 (et 1006)., je ne l’ai fait sur ce site qu’une seule fois9Le 23 septembre 2018, lors de l’actualisation de mon billet intitulé « De Marie Curie à Paul Langevin », 4 févr. 2018 ; il l’a été beaucoup plus ces dernières semaines, jusqu’au sommet de l’État10Pour reprendre une jolie formule, Blum est quant à lui « parvenu au sommet en empruntant le chemin des crêtes » (Jacques Julliard, Les gauches françaises. 1762-2012 : Histoire, politique et imaginaire, Flammarion, 2012, p. 556). : les 10 et 12 juin, un député du Rassemblement National, une essayiste et le président de la République tenaient, dans des termes très proches, à lui adresser « une pensée »11« Duhamel (BFM) recadre sèchement Odoul (RN) sur Léon Blum », entrevue.fr 11 juin 2024 : si l’heure mentionnée est la bonne, la formule a été employée deux minutes avant le tweet de l’essayiste plagiaire Rachel Khan (reproduit par Ronan Tésorière, « Législatives : Bernard Cazeneuve et Julien Dray tirent à boulets rouges sur « le Front Populaire », leparisien.fr le 11) ; Mathilde Serra, « “Il doit se retourner dans sa tombe” : Emmanuel Macron adresse une pensée à Léon Blum après la formation d’un “Front populaire” », lefigaro.fr les 12-13.

La stratégie d’Emmanuel Macron reposant notamment sur la division des forces de gauche, il n’a nullement répugné à diffamer l’une d’entre elles en l’accusant d’antisémitisme12V. la tribune intitulée « Réponse collective à une infamie : Sur l’accusation d’antisémitisme portée contre la France insoumise », auposte.fr 17 juin 2024, ainsi que celle co-signée, notamment, par Danièle Lochak, « Nous, citoyens juifs, notre devoir est de refuser l’instrumentalisation de l’antisémitisme et de faire barrage au RN », Libération le 20, blogs.mediapart.fr le 26, déplorant notamment l’enrôlement de Blum dans des « accusations diffamantes » (v. encore Denis Sieffert, « À propos d’un antisémitisme à gauche réel ou supposé », politis.fr le 25). Sur ce site, v. mes billets des 25 mars 2019 – en note 30 – et 30 mai 2020 – à partir de la troisième illustration, où je revenais sur les mises en cause d’Edgar Morin et d’Achille Mbembe ; j’ajoute ici quelques mots à propos de celles liées au terme « rescapé », repris avec insistance par Rachel Khan dans son tweet du 10 juin dernier (v. la note 11 supra), suite à celui qu’elle avait adressé à Mathilde Panot à l’encontre du rappeur Médine : la réaction de l’intéressé avait provoqué les initiatives de 47 députés Renaissance « demand[ant] à EELV et LFI de ne pas l’inviter », leberry.fr 11 août 2023, François Cormier-Bouligeon allant jusqu’à saisir « la justice en adressant un courrier à la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, au titre de l’article 40 du Code pénal » (selon Thomas Lorentz, midilibre.fr le 24), des défections aux universités d’été des écologistes (ibid.), un article dans la presse locale drômoise à l’approche de celles du parti LFI (ledauphine.com le 22) et des propos très clairs de Médine à Châteauneuf-sur-Isère (bfmtv.com le 28 ; revenant quant à lui sur « cette polémique sous l’angle du droit pénal », Thomas Besse, « Controverse sur le tweet de Médine visant Rachel Khan : quid juris ? », le leclubdesjuristes.com le 8 sept.). Durant l’une des manifestations contre l’extrême droite, après sa victoire aux élections européennes, j’ai pu constater à Valence (v. la dernière photo illustrant l’article d’Alexandra Marie Ertiani, francetvinfo.fr 15 juin 2024) que certains slogans visaient explicitement l’antisémitisme et contrastaient, donc, avec le « silence » qui demeure encore souvent au sein des « organisations de la gauche radicale et de l’antiracisme français » (v. Camilla Brenni, Memphis Krickeberg, Léa Nicolas-Teboul & Zacharias Zoubir, « Le non-sujet de l’antisémitisme à gauche », Vacarme févr. 2019, n° 86).. Au début de son premier mandat, il appelait à ne « pas occulter la figure de (Charles) Maurras » (1868-1952)13« Macron (plutôt) contre une réédition des pamphlets antisémites de Céline », nouvelobs.com (avec AFP) 8 mars 2018 ; c’était après l’indignation qu’avait suscité le fait qu’on ait pu envisager, « dans une commémoration officielle, oublier l’antisémitisme de l’insulteur quotidien du “Juif Blum” »14Daniel Schneidermann, « Maurras, une amnésie d’État ? », liberation.fr 4 févr. 2018. Plus tard, il s’y référait encore15V. son entretien publié dans L’Express du 22 décembre 2020, provoquant notamment ce communiqué des Juives et juifs révolutionnaires, « Macron, Maurras, Pétain et l’antisémitisme », dijoncter.info 27 déc. 2020-1er févr. 2022 et cette tribune du directeur du Musée d’art et d’histoire du judaïsme Paul Salmona, « A quoi sert la mise au ban de Maurras par la justice si l’amnésie vient la recouvrir ? », lemonde.fr 7 janv. 2021 ; v. encore Rémi Noyon, « “Un tout organique”  : Macron entre Durkheim et Maurras », nouvelobs.com 18 juill. 2022 ; Sébastien Fontenelle, « Les trous de mémoire de M. Macron », politis.fr le 20, comme s’il lui importait peu que le directeur du journal L’Action française ait écrit : « C’est en tant que juif qu’il faut voir, concevoir, entendre et abattre le Blum »16Nicolas Truong, « Front populaire », Le Monde 27 juin 2024, p. 31, en datant cette phrase du fondateur de l’action française au 15 mai 1936, après avoir cité les historiens Antoine Prost et Jean Vigreux, auteurs respectivement d’Autour du Front populaire. Aspects du mouvement social au XXème siècle (Seuil, 2006) et d’Histoire du Front populaire. 1936, l’échappée belle ([Tallandier, 2016,] Texto, 2022). ; « “Voilà un homme à fusiller, mais dans le dos”, qu’il ait inscrit Blum en bonne place sur la liste des personnages à tuer [égorger] “avec un couteau de cuisine” »17Jean Lacouture, Léon Blum, Seuil, 1977 (édition abrégée), p. 205 [249]. V. par ailleurs page 95, pour revenir aux questions pédagogiques : « L’enfant unique de Lise et Léon Blum est né en 1902, Robert, à l’éducation duquel son père voue une attention passionnée » ; ces lignes sont extraites du chapitre intitulé « Le sillage de Jaurès », pp. 72 à 120 : le biographe rappelle que l’affaire Dreyfus « a noué à jamais [leurs] deux vies » et termine sur l’assassinat de Jaurès, le 31 juillet 1914 (pour une nouvelle récente dans laquelle ce dernier ne meurt pas, v. Camille Leboulanger, « La Générale », in Dévorer le futur, Goater, 2023, p. 23 ; s’agissant de sa contribution à l’affirmation du droit à l’éducation, v. mon portrait). Ajout au 9 juillet de plusieurs lignes en réaction à un échange entre Raphaël Kempf et Aleksandar Nikolic ; L’Équipe du dimanche 7 juillet a consacré ultérieurement à ce dernier un portrait, titré « L’inconnu national », permettant de présenter brièvement celui qui s’est trouvé, quatre ans après avoir adhéré au Front National, « bombardé “conseiller sport” » de la patronne » en 2017 : « Mère portugaise, père serbe (décédé), binational, enfant métisse et parcours idéologique entamé, à 15 ans, dans la foulée de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) avant une brève adhésion au PC », il justifie aujourd’hui son évolution politique par des formules antisémite et pro-palestinienne entendues lors d’une projection du film La vie est belle dans son lycée des Yvelines (Alban Traquet avec A.D., page 15) ; député européen élu en 2024, il était 19ème sur la liste du RN, qui a obtenu 30 sièges (sur les 81 français et 720 européens) le 9 juin – soit la majorité des plus ou moins quatre-vingt « “Patriotes pour l’Europe”, imaginé[s] par le Premier ministre hongrois Viktor Orban » (Romain Herreros, « Le groupe présidé par Jordan Bardella au Parlement européen torpille la “normalisation” du RN », huffingtonpost.fr 8 juill. ; v. aussi cet article avec AFP, le situant « derrière la droite pro-européenne (PPE) et les sociaux-démocrates (S&D), surpassant les libéraux de Renew (76 sièges), groupe auquel appartient le parti du président français Emmanuel Macron, et le groupe de droite radicale ECR associé à la Première ministre italienne Giorgia Meloni (78 sièges). »). Le 1er juillet, l’avocat revenait sur la genèse de sa candidature NFP dans la 1ère circonscription de Paris en évoquant son livre « sur Léon Blum » (Ennemis d’État. Les lois scélérates, des anarchistes aux terroristes, La Fabrique, 2019, spéc. pp. 32 et s. à partir de son article à La Revue blanche 1er juill. 1898, reproduit pp. 125 et s., signé « Un [jeune] juriste » et repris dans « une brochure de 62 pages » en 1899 ; je la citais dans ma thèse en note de bas de page 247, n° 1484, tout comme l’un des deux autres auteurs – Francis de Pressensé, pour son parcours ultérieur, spéc. pp. 314, 547 et s.). L’eurodéputé RN de rétorquer avec aplomb que celui-ci « était pour la préférence nationale » ; le Front populaire l’aurait « mis[e] en vigueur » et le nier relèverait d’une « inculture historique » (LCP, à partir de 35 min. 30). Gérard Noiriel vient justement de publier, en mars dans la collection « Tracts » (n° 55), Préférence nationale. Leçon d’histoire à l’usage des contemporains, Gallimard, 2024, 58 p., avec page suivante ces notes 10 et 9 : « La plupart de mes références sur les années 1930 sont extraites de l’étude de Jean-Charles Bonnet, Les Pouvoirs publics et l’immigration dans l’entre-deux-guerres, Centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1976 [v. la recension de de cette thèse de 3ème cycle par Martine Charlot, Migrants Formation 1980, n° 40, pp. 2-3] ; Imre Ferenczi, « La statistique des étrangers notamment au point de vue français », Journal de la société statistique de Paris 1937, n° 78, pp. 288-310 : en s’appuyant sur cet article, l’historien écrit : « En 1930, d’après les chiffres du Bureau international du Travail, la proportion d’étrangers immigrés en France était de 8,6 %, soit un chiffre supérieur à celui d’aujourd’hui (7,8 %) » ; elle baissait dès l’année suivante, lorsque « l’effondrement de la bourse de Wall Street (octobre 1929) avait déjà produit ses effets. (…) Alors que l’immigration avait été invisible (…) – parce qu’il fallait combler les déficits du marché du travail – elle redevint un “problème” dès le début des années 1930 » (pp. 16-17). Après un « quasi-consensus sur la “préférence nationale” [qui] aboutit au vote de la loi du 10 août 1932, adoptée à l’unanimité malgré 128 abstentions de gauche et d’extrême-gauche », les « décrets-lois adoptés entre mai et novembre 1938 poussèrent au paroxysme la stratégie, née au cours des années 1880, visant à intégrer le discours de l’extrême-droite [la] concernant ». Entretemps, la « victoire du Front populaire marqua un coup d’arrêt dans cette fuite en avant (…). Certes, la proposition du PCF en faveur d’un statut juridique des immigrés ne fut pas adoptée et la politique antérieure du contingentement des flux migratoires fut prolongée. Néanmoins, les nouveaux gouvernants firent preuve d’une attitude plus souple et plus humaine, surtout pour les réfugiés. Les décrets-lois imposés par [Édouard Daladier, successeur de Léon Blum] plongèrent donc la gauche dans une consternation bien illustrée par ces propos du communiste Georges Lévy : « qui aurait pu croire que deux ans après la victoire du Front populaire, les immigrés, au lieu du statut juridique escompté, se verraient octroyer un ensemble de mesures policières propres à faire passer la France pour une marâtre » (pp. 18, 24 et 26-27, avant d’ouvrir ses « Réflexions sur la loi Asile et immigration du 19 décembre 2023 » par ce titre : « Emmanuel Macron, le Daladier du XXIe siècle ? », pp. 30 et s.)..

« Paris, le 14 juillet 1936. Sur la tribune officielle, Thérèse (à gauche) est la seule femme au premier rang de l’estrade. Aux côtés de son époux Léon Blum, de Maurice Thorez et de Roger Salengro (de gauche à droite), elle lève son poing ganté pour célébrer la victoire du Front populaire » (Charles De Saint Sauveur, « Le sacrifice de la “citoyenne Blum” », leparisien.fr 7 mai 2016, recensant la biographie de Dominique Missika, Thérèse : le Grand Amour caché de Léon Blum, Alma ; v. auparavant le livre que l’historienne avait consacré, en 2009, à sa relation avec sa troisième épouse, Jeanne Reichenbach)

Au lendemain de la formation du gouvernement du Front populaire, Maurras commentait : « Le cabinet juif est fait »18Figurant en Une de L’Action française 5 juin 1936 (titré « La France sous le juif »), cette phrase est citée par Edwy Plenel, « Front populaire : Blum contre Macron », Mediapart 16 juin 2024 ; outre le rappel par le fondateur du journal en ligne de ce que Gérald Darmanin avait fait référence, le 6 décembre 2022, à Jacques Bainville (Hugues Maillot, lefigaro.fr le 7), l’avoir entendu ce vendredi 28 juin sur franceinfo m’incite à modifier cette note le 9 juillet pour revenir sur le retrait d’investiture évoqué et, surtout, à « un fait incontestable » plus récent que ces « tweets à caractère antisémite » (Jacques Pezet, liberation.fr le 27 ; lanouvellerepublique.fr le 28). Dans son livre intitulé Le séparatisme islamiste : manifeste pour la laïcité (L’Observatoire, 2021), Gérald Darmanin développait une idée exprimée dans Libération dès 2015 : « Il faut que l’État impose aux musulmans ce que Napoléon a imposé aux juifs » (23 nov. ; v. déjà sa tribune du 14 janv., citée dans ma thèse en bas de page 566, n° 3651) ; il le faisait toutefois en ressassant des clichés antisémites, dans une indifférence quasi-générale (v. Sébastien Fontenelle, « Darmanin, écrivain », politis.fr 31 mars 2021, renvoyant aux « timides articles » parus dans L’Huma et L’Obs, ainsi qu’au « passionnant entretien avec l’historien Pierre Birnbaum, qui remet quelques points sur quelques i : « Napoléon et les Juifs : politique “scandaleuse” », sur www.arretsurimages.net [v. respectivement les 25, 23-24 et à nouveau 25] ». ; ainsi accueillait-il un évènement dont il convient de rappeler, au présent, la genèse : après la manifestation antiparlementaire du 6 février 1934, organisée par les ligues d’extrême-droite, les partis communistes et socialistes s’unissent et, en juillet, « signent un “pacte d’unité d’action antifasciste”. En juin 1935, le parti radical [les rejoint avant un défilé marquant, à la date symbolique du 14 juillet et grâce à d’autres formations politiques, syndicales et associatives, la naissance du] Front populaire (…). Il remporte une nette victoire aux élections législatives de 1936, envoyant 386 députés sur 608 sièges à la Chambre des députés, dont 147 pour la SFIO [Section française de l’Internationale ouvrière19V. l’étude de Ji-Hyun Jeon, « Quelques jalons pour une histoire des juristes au sein du Parti socialiste-SFIO (1905-1939) », in Carlos Miguel Herrera, Les juristes face au politique. Le droit, la gauche, la doctrine sous la Troisième République, t. II, Kimé, 2005, p. 45, spéc. pp. 46 et 48 : « du moment de sa création en 1905 jusqu’à la veille de la Deuxième Guerre mondiale », l’alors doctorante en histoire à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), en recense 251.]. Le socialiste Léon Blum forme un gouvernement de coalition. En moins de deux mois sont votés la semaine de quarante heures, les congés payés et les conventions collectives »20Stéphanie Trouillard, « Après l’appel à un nouveau “Front populaire”, retour sur “l’immense espoir” suscité en 1936 », france24.com 11 juin 2024.

AFP, illustration reprise depuis l’article de Marion Pignot, « En images : Suffragettes, Hubertine Auclert et IVG… Il y a 80 ans, les Françaises votaient », 20minutes.fr 21 avr. 2024 (à l’occasion du 170ème anniversaire de la naissance de cette dernière, v. mon billet du 10 avril 2018 ; récemment, v. la tribune de Camille Froidevaux-Metterie, « Voter RN pour les femmes, c’est braquer une arme contre soi », lemonde.fr 13 juin 2024)

« Ce train de réformes marque durablement la société française et le modèle républicain, comme le souligne Jean Vigreux (…)[, pour qui] il ne faut pas non plus perdre de vue “les désillusions suscitées” par le Front populaire : “Il y a eu trois secrétaires d’État, femmes21Plus précisément sous-secrétaires d’État (note modifiée le 3 août, complétée le 12 en renvoyant au premier épisode de la série de Mediapart, « Ministres pionnières du Front Populaire », signé ce jour par Antoine Perraud) : Suzanne Lacore à la Protection de l’enfance, Cécile Brunschvicg à l’Éducation nationale et Irène Joliot-Curie à la Recherche scientifique ; à propos de cette dernière et outre mon billet signalé en note 9, v. le texte de Jean-Christophe Féraud, « Irène Curie et Frédéric Joliot, atomes très crochus », Libération 1er août 2024, pp. II-III des feuilles « été » ; à la page 22 liée, lire Alexandra Schwartzbrod, « Blum, itinéraire d’un lettré », p. 22, à propos de l’adaptation en livre, en 2023, du podcast de Philippe Collin cité ci-après. J’ajoute aussi la localisation des rues Léon Blum les plus proches pour moi – auxquelles j’ai prêté attention à la faveur de mes dernières courses à pied : au nord, à Bourg-lès-Valence, elle se situe juste avant la rue Édith Piaf (au passage, quelques réactions dans la presse étrangère à « la cérémonie d’ouverture des JO de Paris », courrierinternational.com 27 juill.) ; à Valence sud, dans le quartier de Valensolles, c’est depuis la rue Jules Ferry (où se trouvait une école réhabilitée en MPT, inaugurée le 12 avril) que l’on accède à la rue Léon Blum (pour une photo prise en 1984 – l’année de ma naissance – entre ces deux rues, v. le site memoire-drome.com ; elles peuvent être aussi reliées, à pied, par l’allée René Cassin – à qui j’ai consacré, en 2018, l’un de mes portraits). ; mais cela n’a pas permis d’accorder le droit de vote aux femmes. D’un point de vue colonial, il faut aussi souligner l’inégalité des droits entre ceux qui étaient sous le code de l’indigénat et le reste des colons européens. La non-intervention lors de la guerre civile en Espagne a aussi créé des blessures” »22Stéphanie Trouillard (citant Jean Vigreux), art. préc..

Livrant « une contribution majeure à l’histoire du droit politique français »23Éric Desmons, « Préface », in Vincent Le Grand, Léon Blum (1872-1950) : gouverner la République, LGDJ, 2008, p. VI, Vincent Le Grand écrivait en 2008 : « Si la vie lui en avait laissé le temps, le vieil homme aurait [certainement approuvé] l’arrêt Dehaene24Relatif au droit de grève et figurant parmi les « grands arrêts de la jurisprudence administrative » (GAJA), l’arrêt Dehaene se trouve évoqué à la page 19 du Livret de méthodologie, ainsi qu’aux notes 16 et 22 de mon billet du 23 octobre 2019, dont le titre fait écho à la proposition mise en exergue au seuil de ce billet : Services publics de l’enseignement laïque (gratuité) et de la restauration scolaire (« lois »). Dès le premier épisode du podcast intitulé Léon Blum, une vie héroïque, produit par Philippe Collin pour France Inter, Pierre Birnbaum rappelle que « tout étudiant – de nos jours – de deuxième année de droit administratif sera amené à étudier les conclusions de Léon Blum sur l’arrêt Lemonnier » (« Juif alsacien, dandy parisien », radiofrance.fr 5 déc. 2022, dans le dernier quart d’heure). L’association française pour la recherche en droit administratif (AFDA) a consacré l’un de ses « printemps de la jeune recherche juridique », en 2012, à Léon Blum (v. ce lien, les articles ayant été publiés à la RFDA 2013) ; dix ans plus tard, à l’occasion du 150ème anniversaire de sa naissance, la direction de la bibliothèque et des archives du Conseil d’État a réuni pour un colloque des « Ressources documentaires » (nov. 2022, 30 p.). rendu par le Conseil d’État trois mois après sa mort », en 1950 ; plus en phase avec l’actualité, un autre extrait mérite d’être cité pour conclure : « “Dans une démocratie, même aussi imparfaite que la nôtre, proclamait Léon Blum, nulle autorité n’est concevable sans responsabilité correspondante”. Irresponsable devant le Parlement comme devant le suffrage universel, le président de la République ne pouvait pas posséder de pouvoirs propres. Blum souhaitait en conséquence que le bicéphalisme de l’exécutif français puisse connaître la même évolution qu’en Angleterre, où l’effacement royal avait été compensé par la promotion du Premier ministre. Ce transfert d’autorité répondant au principe des vases communicants n’est pas sans faire penser à celui qui devait s’opérer plus près de nous lors des périodes de cohabitation qu’a connues la Cinquième République. L’effacement imposé alors au président de la République constitue de fait une issue dont Blum se serait sans doute félicité parce qu’elle a pour conséquence de rapprocher la France du parlementarisme à l’anglaise qu’il tenait comme référence »25Vincent Le Grand, thèse préc., 2008, pp. 500 et 325, citant Léon Blum, « La question est posée », Le Populaire 16 oct. 1923 – en invitant à « approfondir cette question du lien particulier entre autorité et responsabilité en régime parlementaire », en lisant Pierre Pactet, « L’évolution contemporaine de la responsabilité gouvernementale dans les démocraties pluralistes », in Le Pouvoir. Mélanges offerts à Georges Burdeau, LGDJ, 1977, p. 208.

« Revitaliser le Parlement [et a]broger le 49.3 », telles sont précisément deux des propositions du NFP dans le cadre d’une VIème République, instaurée « par la convocation d’une assemblée constituante citoyenne élue »26Contrat de législature préc., juin 2024, p. 15, après le paragraphe consacré au « nouveau droit à la retraite »..

Notes

1 Il y a un peu plus de cinq ans, le 13 mai 2019, j’avais publié un billet à l’approche du scrutin, à propos des revendications de la liberté de circulation – qui se font parfois au détriment du droit à l’éducation.
2 « Législatives : François Ruffin souhaite “la véritable gratuité de l’école” », bfmtv.com 12 juin 2024 ; ajout le 9 juillet de cet extrait de Marine Tondelier, au soir du second tour, x.com le 7
3 NFP, Contrat de législature préc., juin 2024, p. 5 ; v. Olivier Chartrain, « Nouveau Front Populaire : fin du “choc des savoirs” et l’ambition de rebâtir l’école publique », humanite.fr le 14, Philippe Watrelot, « La gauche et l’école : un programme prometteur à développer », alternatives-economiques.fr le 26 et, mis en ligne entretemps, comparateur.nosservicespublics.fr/education
4 V. par ex. Frédéric Monier (entretien avec, par Olivier Doubre), « La référence au Front populaire permet de lier conscience du danger et victoire possible », politis.fr le 18
5 Fabien Escalona, « Front populaire : les gauches réveillent le mythe de 1936 », Mediapart le 11 ; v. aussi les textes rassemblés sur le blog du journal, sous le titre « Léon Blum, Front populaire et référence mémorielle ».
6 V. tout d’abord mes billets des 31 janvier 2020 (au cinquième paragraphe) et 29 février 2020 (en note 9), ainsi que ma note de jurisprudence liée (Rev.jurisp. ALYODA 2020, n° 1, janv.-mai, au point 2).
7 Texte publié le 28 juillet 2018
8 V. ma thèse, aux (notes de bas de) pages (202, 247,) 550, (717,) 718, 760 (et 1006).
9 Le 23 septembre 2018, lors de l’actualisation de mon billet intitulé « De Marie Curie à Paul Langevin », 4 févr. 2018
10 Pour reprendre une jolie formule, Blum est quant à lui « parvenu au sommet en empruntant le chemin des crêtes » (Jacques Julliard, Les gauches françaises. 1762-2012 : Histoire, politique et imaginaire, Flammarion, 2012, p. 556).
11 « Duhamel (BFM) recadre sèchement Odoul (RN) sur Léon Blum », entrevue.fr 11 juin 2024 : si l’heure mentionnée est la bonne, la formule a été employée deux minutes avant le tweet de l’essayiste plagiaire Rachel Khan (reproduit par Ronan Tésorière, « Législatives : Bernard Cazeneuve et Julien Dray tirent à boulets rouges sur « le Front Populaire », leparisien.fr le 11) ; Mathilde Serra, « “Il doit se retourner dans sa tombe” : Emmanuel Macron adresse une pensée à Léon Blum après la formation d’un “Front populaire” », lefigaro.fr les 12-13
12 V. la tribune intitulée « Réponse collective à une infamie : Sur l’accusation d’antisémitisme portée contre la France insoumise », auposte.fr 17 juin 2024, ainsi que celle co-signée, notamment, par Danièle Lochak, « Nous, citoyens juifs, notre devoir est de refuser l’instrumentalisation de l’antisémitisme et de faire barrage au RN », Libération le 20, blogs.mediapart.fr le 26, déplorant notamment l’enrôlement de Blum dans des « accusations diffamantes » (v. encore Denis Sieffert, « À propos d’un antisémitisme à gauche réel ou supposé », politis.fr le 25). Sur ce site, v. mes billets des 25 mars 2019 – en note 30 – et 30 mai 2020 – à partir de la troisième illustration, où je revenais sur les mises en cause d’Edgar Morin et d’Achille Mbembe ; j’ajoute ici quelques mots à propos de celles liées au terme « rescapé », repris avec insistance par Rachel Khan dans son tweet du 10 juin dernier (v. la note 11 supra), suite à celui qu’elle avait adressé à Mathilde Panot à l’encontre du rappeur Médine : la réaction de l’intéressé avait provoqué les initiatives de 47 députés Renaissance « demand[ant] à EELV et LFI de ne pas l’inviter », leberry.fr 11 août 2023, François Cormier-Bouligeon allant jusqu’à saisir « la justice en adressant un courrier à la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, au titre de l’article 40 du Code pénal » (selon Thomas Lorentz, midilibre.fr le 24), des défections aux universités d’été des écologistes (ibid.), un article dans la presse locale drômoise à l’approche de celles du parti LFI (ledauphine.com le 22) et des propos très clairs de Médine à Châteauneuf-sur-Isère (bfmtv.com le 28 ; revenant quant à lui sur « cette polémique sous l’angle du droit pénal », Thomas Besse, « Controverse sur le tweet de Médine visant Rachel Khan : quid juris ? », le leclubdesjuristes.com le 8 sept.). Durant l’une des manifestations contre l’extrême droite, après sa victoire aux élections européennes, j’ai pu constater à Valence (v. la dernière photo illustrant l’article d’Alexandra Marie Ertiani, francetvinfo.fr 15 juin 2024) que certains slogans visaient explicitement l’antisémitisme et contrastaient, donc, avec le « silence » qui demeure encore souvent au sein des « organisations de la gauche radicale et de l’antiracisme français » (v. Camilla Brenni, Memphis Krickeberg, Léa Nicolas-Teboul & Zacharias Zoubir, « Le non-sujet de l’antisémitisme à gauche », Vacarme févr. 2019, n° 86).
13 « Macron (plutôt) contre une réédition des pamphlets antisémites de Céline », nouvelobs.com (avec AFP) 8 mars 2018
14 Daniel Schneidermann, « Maurras, une amnésie d’État ? », liberation.fr 4 févr. 2018
15 V. son entretien publié dans L’Express du 22 décembre 2020, provoquant notamment ce communiqué des Juives et juifs révolutionnaires, « Macron, Maurras, Pétain et l’antisémitisme », dijoncter.info 27 déc. 2020-1er févr. 2022 et cette tribune du directeur du Musée d’art et d’histoire du judaïsme Paul Salmona, « A quoi sert la mise au ban de Maurras par la justice si l’amnésie vient la recouvrir ? », lemonde.fr 7 janv. 2021 ; v. encore Rémi Noyon, « “Un tout organique”  : Macron entre Durkheim et Maurras », nouvelobs.com 18 juill. 2022 ; Sébastien Fontenelle, « Les trous de mémoire de M. Macron », politis.fr le 20
16 Nicolas Truong, « Front populaire », Le Monde 27 juin 2024, p. 31, en datant cette phrase du fondateur de l’action française au 15 mai 1936, après avoir cité les historiens Antoine Prost et Jean Vigreux, auteurs respectivement d’Autour du Front populaire. Aspects du mouvement social au XXème siècle (Seuil, 2006) et d’Histoire du Front populaire. 1936, l’échappée belle ([Tallandier, 2016,] Texto, 2022).
17 Jean Lacouture, Léon Blum, Seuil, 1977 (édition abrégée), p. 205 [249]. V. par ailleurs page 95, pour revenir aux questions pédagogiques : « L’enfant unique de Lise et Léon Blum est né en 1902, Robert, à l’éducation duquel son père voue une attention passionnée » ; ces lignes sont extraites du chapitre intitulé « Le sillage de Jaurès », pp. 72 à 120 : le biographe rappelle que l’affaire Dreyfus « a noué à jamais [leurs] deux vies » et termine sur l’assassinat de Jaurès, le 31 juillet 1914 (pour une nouvelle récente dans laquelle ce dernier ne meurt pas, v. Camille Leboulanger, « La Générale », in Dévorer le futur, Goater, 2023, p. 23 ; s’agissant de sa contribution à l’affirmation du droit à l’éducation, v. mon portrait). Ajout au 9 juillet de plusieurs lignes en réaction à un échange entre Raphaël Kempf et Aleksandar Nikolic ; L’Équipe du dimanche 7 juillet a consacré ultérieurement à ce dernier un portrait, titré « L’inconnu national », permettant de présenter brièvement celui qui s’est trouvé, quatre ans après avoir adhéré au Front National, « bombardé “conseiller sport” » de la patronne » en 2017 : « Mère portugaise, père serbe (décédé), binational, enfant métisse et parcours idéologique entamé, à 15 ans, dans la foulée de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) avant une brève adhésion au PC », il justifie aujourd’hui son évolution politique par des formules antisémite et pro-palestinienne entendues lors d’une projection du film La vie est belle dans son lycée des Yvelines (Alban Traquet avec A.D., page 15) ; député européen élu en 2024, il était 19ème sur la liste du RN, qui a obtenu 30 sièges (sur les 81 français et 720 européens) le 9 juin – soit la majorité des plus ou moins quatre-vingt « “Patriotes pour l’Europe”, imaginé[s] par le Premier ministre hongrois Viktor Orban » (Romain Herreros, « Le groupe présidé par Jordan Bardella au Parlement européen torpille la “normalisation” du RN », huffingtonpost.fr 8 juill. ; v. aussi cet article avec AFP, le situant « derrière la droite pro-européenne (PPE) et les sociaux-démocrates (S&D), surpassant les libéraux de Renew (76 sièges), groupe auquel appartient le parti du président français Emmanuel Macron, et le groupe de droite radicale ECR associé à la Première ministre italienne Giorgia Meloni (78 sièges). »). Le 1er juillet, l’avocat revenait sur la genèse de sa candidature NFP dans la 1ère circonscription de Paris en évoquant son livre « sur Léon Blum » (Ennemis d’État. Les lois scélérates, des anarchistes aux terroristes, La Fabrique, 2019, spéc. pp. 32 et s. à partir de son article à La Revue blanche 1er juill. 1898, reproduit pp. 125 et s., signé « Un [jeune] juriste » et repris dans « une brochure de 62 pages » en 1899 ; je la citais dans ma thèse en note de bas de page 247, n° 1484, tout comme l’un des deux autres auteurs – Francis de Pressensé, pour son parcours ultérieur, spéc. pp. 314, 547 et s.). L’eurodéputé RN de rétorquer avec aplomb que celui-ci « était pour la préférence nationale » ; le Front populaire l’aurait « mis[e] en vigueur » et le nier relèverait d’une « inculture historique » (LCP, à partir de 35 min. 30). Gérard Noiriel vient justement de publier, en mars dans la collection « Tracts » (n° 55), Préférence nationale. Leçon d’histoire à l’usage des contemporains, Gallimard, 2024, 58 p., avec page suivante ces notes 10 et 9 : « La plupart de mes références sur les années 1930 sont extraites de l’étude de Jean-Charles Bonnet, Les Pouvoirs publics et l’immigration dans l’entre-deux-guerres, Centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1976 [v. la recension de de cette thèse de 3ème cycle par Martine Charlot, Migrants Formation 1980, n° 40, pp. 2-3] ; Imre Ferenczi, « La statistique des étrangers notamment au point de vue français », Journal de la société statistique de Paris 1937, n° 78, pp. 288-310 : en s’appuyant sur cet article, l’historien écrit : « En 1930, d’après les chiffres du Bureau international du Travail, la proportion d’étrangers immigrés en France était de 8,6 %, soit un chiffre supérieur à celui d’aujourd’hui (7,8 %) » ; elle baissait dès l’année suivante, lorsque « l’effondrement de la bourse de Wall Street (octobre 1929) avait déjà produit ses effets. (…) Alors que l’immigration avait été invisible (…) – parce qu’il fallait combler les déficits du marché du travail – elle redevint un “problème” dès le début des années 1930 » (pp. 16-17). Après un « quasi-consensus sur la “préférence nationale” [qui] aboutit au vote de la loi du 10 août 1932, adoptée à l’unanimité malgré 128 abstentions de gauche et d’extrême-gauche », les « décrets-lois adoptés entre mai et novembre 1938 poussèrent au paroxysme la stratégie, née au cours des années 1880, visant à intégrer le discours de l’extrême-droite [la] concernant ». Entretemps, la « victoire du Front populaire marqua un coup d’arrêt dans cette fuite en avant (…). Certes, la proposition du PCF en faveur d’un statut juridique des immigrés ne fut pas adoptée et la politique antérieure du contingentement des flux migratoires fut prolongée. Néanmoins, les nouveaux gouvernants firent preuve d’une attitude plus souple et plus humaine, surtout pour les réfugiés. Les décrets-lois imposés par [Édouard Daladier, successeur de Léon Blum] plongèrent donc la gauche dans une consternation bien illustrée par ces propos du communiste Georges Lévy : « qui aurait pu croire que deux ans après la victoire du Front populaire, les immigrés, au lieu du statut juridique escompté, se verraient octroyer un ensemble de mesures policières propres à faire passer la France pour une marâtre » (pp. 18, 24 et 26-27, avant d’ouvrir ses « Réflexions sur la loi Asile et immigration du 19 décembre 2023 » par ce titre : « Emmanuel Macron, le Daladier du XXIe siècle ? », pp. 30 et s.).
18 Figurant en Une de L’Action française 5 juin 1936 (titré « La France sous le juif »), cette phrase est citée par Edwy Plenel, « Front populaire : Blum contre Macron », Mediapart 16 juin 2024 ; outre le rappel par le fondateur du journal en ligne de ce que Gérald Darmanin avait fait référence, le 6 décembre 2022, à Jacques Bainville (Hugues Maillot, lefigaro.fr le 7), l’avoir entendu ce vendredi 28 juin sur franceinfo m’incite à modifier cette note le 9 juillet pour revenir sur le retrait d’investiture évoqué et, surtout, à « un fait incontestable » plus récent que ces « tweets à caractère antisémite » (Jacques Pezet, liberation.fr le 27 ; lanouvellerepublique.fr le 28). Dans son livre intitulé Le séparatisme islamiste : manifeste pour la laïcité (L’Observatoire, 2021), Gérald Darmanin développait une idée exprimée dans Libération dès 2015 : « Il faut que l’État impose aux musulmans ce que Napoléon a imposé aux juifs » (23 nov. ; v. déjà sa tribune du 14 janv., citée dans ma thèse en bas de page 566, n° 3651) ; il le faisait toutefois en ressassant des clichés antisémites, dans une indifférence quasi-générale (v. Sébastien Fontenelle, « Darmanin, écrivain », politis.fr 31 mars 2021, renvoyant aux « timides articles » parus dans L’Huma et L’Obs, ainsi qu’au « passionnant entretien avec l’historien Pierre Birnbaum, qui remet quelques points sur quelques i : « Napoléon et les Juifs : politique “scandaleuse” », sur www.arretsurimages.net [v. respectivement les 25, 23-24 et à nouveau 25] ».
19 V. l’étude de Ji-Hyun Jeon, « Quelques jalons pour une histoire des juristes au sein du Parti socialiste-SFIO (1905-1939) », in Carlos Miguel Herrera, Les juristes face au politique. Le droit, la gauche, la doctrine sous la Troisième République, t. II, Kimé, 2005, p. 45, spéc. pp. 46 et 48 : « du moment de sa création en 1905 jusqu’à la veille de la Deuxième Guerre mondiale », l’alors doctorante en histoire à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), en recense 251.
20 Stéphanie Trouillard, « Après l’appel à un nouveau “Front populaire”, retour sur “l’immense espoir” suscité en 1936 », france24.com 11 juin 2024
21 Plus précisément sous-secrétaires d’État (note modifiée le 3 août, complétée le 12 en renvoyant au premier épisode de la série de Mediapart, « Ministres pionnières du Front Populaire », signé ce jour par Antoine Perraud) : Suzanne Lacore à la Protection de l’enfance, Cécile Brunschvicg à l’Éducation nationale et Irène Joliot-Curie à la Recherche scientifique ; à propos de cette dernière et outre mon billet signalé en note 9, v. le texte de Jean-Christophe Féraud, « Irène Curie et Frédéric Joliot, atomes très crochus », Libération 1er août 2024, pp. II-III des feuilles « été » ; à la page 22 liée, lire Alexandra Schwartzbrod, « Blum, itinéraire d’un lettré », p. 22, à propos de l’adaptation en livre, en 2023, du podcast de Philippe Collin cité ci-après. J’ajoute aussi la localisation des rues Léon Blum les plus proches pour moi – auxquelles j’ai prêté attention à la faveur de mes dernières courses à pied : au nord, à Bourg-lès-Valence, elle se situe juste avant la rue Édith Piaf (au passage, quelques réactions dans la presse étrangère à « la cérémonie d’ouverture des JO de Paris », courrierinternational.com 27 juill.) ; à Valence sud, dans le quartier de Valensolles, c’est depuis la rue Jules Ferry (où se trouvait une école réhabilitée en MPT, inaugurée le 12 avril) que l’on accède à la rue Léon Blum (pour une photo prise en 1984 – l’année de ma naissance – entre ces deux rues, v. le site memoire-drome.com ; elles peuvent être aussi reliées, à pied, par l’allée René Cassin – à qui j’ai consacré, en 2018, l’un de mes portraits).
22 Stéphanie Trouillard (citant Jean Vigreux), art. préc.
23 Éric Desmons, « Préface », in Vincent Le Grand, Léon Blum (1872-1950) : gouverner la République, LGDJ, 2008, p. VI
24 Relatif au droit de grève et figurant parmi les « grands arrêts de la jurisprudence administrative » (GAJA), l’arrêt Dehaene se trouve évoqué à la page 19 du Livret de méthodologie, ainsi qu’aux notes 16 et 22 de mon billet du 23 octobre 2019, dont le titre fait écho à la proposition mise en exergue au seuil de ce billet : Services publics de l’enseignement laïque (gratuité) et de la restauration scolaire (« lois »). Dès le premier épisode du podcast intitulé Léon Blum, une vie héroïque, produit par Philippe Collin pour France Inter, Pierre Birnbaum rappelle que « tout étudiant – de nos jours – de deuxième année de droit administratif sera amené à étudier les conclusions de Léon Blum sur l’arrêt Lemonnier » (« Juif alsacien, dandy parisien », radiofrance.fr 5 déc. 2022, dans le dernier quart d’heure). L’association française pour la recherche en droit administratif (AFDA) a consacré l’un de ses « printemps de la jeune recherche juridique », en 2012, à Léon Blum (v. ce lien, les articles ayant été publiés à la RFDA 2013) ; dix ans plus tard, à l’occasion du 150ème anniversaire de sa naissance, la direction de la bibliothèque et des archives du Conseil d’État a réuni pour un colloque des « Ressources documentaires » (nov. 2022, 30 p.).
25 Vincent Le Grand, thèse préc., 2008, pp. 500 et 325, citant Léon Blum, « La question est posée », Le Populaire 16 oct. 1923 – en invitant à « approfondir cette question du lien particulier entre autorité et responsabilité en régime parlementaire », en lisant Pierre Pactet, « L’évolution contemporaine de la responsabilité gouvernementale dans les démocraties pluralistes », in Le Pouvoir. Mélanges offerts à Georges Burdeau, LGDJ, 1977, p. 208
26 Contrat de législature préc., juin 2024, p. 15, après le paragraphe consacré au « nouveau droit à la retraite ».

Rejet du recours contre le couvre-feu biterrois

Il y a quelques heures, ce mercredi, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a conclu à l’absence de « doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté du maire de Béziers du 22 avril » (ré)instaurant un couvre-feu1Dès l’annonce de cette mesure, en anticipant l’idée qu’elle pourrait être cette fois légale, v. le billet de Jean-Paul Markus, « Robert Ménard instaure un couvre-feu pour les mineurs à Béziers : les conditions posées par le juge », lessurligneurs.eu 23 avr. 2024 (écrit le 21 et relu par Isabelle Muller-Quoy), commençant par rappeler l’ordre donné quelques jours plus tôt par le « ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à Pointe-à-Pitre » (témoignant de ce que, loin de constituer un barrage contre l’extrême-droite, la macronie lui sert de plus en plus souvent de tremplin…) ; v. Amandine Ascensio, « À la Guadeloupe, un couvre-feu loin de traiter les problèmes de fond », Le Monde 25 avr. 2024, p. 9, avec l’encadré « Vers un couvre-feu à Béziers et Nice » et les tribunes citées en illustration et ci-après, avec enfin celle de l’anthropologue David Puaud, « Les effectifs des éducateurs de rue sont devenus une variable d’ajustement économique » (page 29). ; il a donc rejeté le référé-suspension de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH).

Le Petit Journal 17 nov. 1907 (illustration reprise depuis le compte « Passionnés d’Histoire », facebook.com 24 mars 2021), dans lequel était pointé déjà un « fléau de la délinquance juvénile » décrite comme « toujours plus violente, plus nombreuse, plus précoce »… (Véronique Blanchard et David Niget, « La répression des jeunes est une idée populaire, mais c’est un échec », Le Monde 25 avr. 2024, p. 28)

L’ordonnance est rendue compte tenu « notamment » des « données chiffrées2V. déjà CE Ord., 10 mai 2024, Le Lakou-LKP, n° 493935, cons. 3, à propos de l’arrêté du préfet de la Guadeloupe du 20 avril, relatif à des secteurs des communes des Abymes et de Pointe-à-Pitre : avant de conclure à l’absence d’atteinte manifestement illégale « à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion ou à l’intérêt supérieur de l’enfant (cons. 5), le juge des référés du Conseil d’État raisonnait à partir des « données chiffrées versées à l’instruction par le ministre » ; comparer la tribune du sociologue Christian Mouhanna (sociologue au CNRS et CESDIP), « En dépit de dramatiques faits divers, le nombre de mineurs délinquants baisse », Ibid., p. 28, à propos de « ceux qui instrumentalisent ces faits divers terribles pour en tirer des leçons sur les évolutions de la société et en faire le terreau de politiques prônant davantage de sanctions. Ces derniers ignorent, ou font semblant d’ignorer, que les lois pénalisant les mineurs n’ont cessé de se multiplier depuis le milieu des années 1990, et jusque très récemment ». versées à l’instruction » – pour parties relatives aux « mineurs, en particulier de moins de 13 ans » –, conjuguées au fait que l’interdiction en cause se trouve « circonscrite » à ces enfants-là, dans le temps et « géographiquement à trois secteurs de la commune classés en quartiers prioritaires de la ville »3TA Montpellier Ord., 15 mai 2024, LDH, n° 2402422, cons. 6 ; à propos des 4 et 5 – « l’autorité de la chose jugée par le Conseil d’État le 6 juin 2018 » étant mise en avant par l’association requérante –, v. mon billet (du 20)..

Dans la matinée, l’avocate de la LDH avait notamment plaidé la cause des enfants et « parents des quartiers populaires »4Sophie Mazas, citée par Solange de Fréminville, « Couvre-feu pour les moins de 13 ans à Béziers : devant la justice, la LDH dénonce “un fantasme ” et “une instrumentalisation politique” », liberation.fr 15 mai 2024 ; par ailleurs présidente de l’association dans l’Hérault (34), elle a réagi à l’ordonnance en annonçant un (nouveau) pourvoi en cassation : « Déjà, lors de l’arrêté de couvre-feu de 2014, le tribunal administratif avait validé [en 2016] la décision du maire d’extrême droite, alors que le Conseil d’État avait annulé [en 2018 (suivre le second lien de ma note 3)] en raison de l’absence de situation particulière justifiée : on ne peut limiter la liberté des personnes que sur la base d’éléments réels. La LDH saisit donc le Conseil d’État dans le contentieux de l’urgence et maintient la procédure en annulation qui sera audiencée sous [dix-huit] mois »5Citée par Alix Drouillat, lagazettedemontpellier.fr 15 mai 2024 et « Couvre-feu pour les moins de 13 ans à Béziers : la justice rejette le recours de la LDH, qui va saisir le Conseil d’État », francetvinfo.fr 15 mai 2024 ; proposant « un état du droit » à cette date, v. Éric Landot, blog.landot-avocats.net 15 mai 2024 (lu le lendemain). Version (provisoire ?) stabilisée cinq jours après la publication de ce billet, après avoir renvoyé le 17 à un autre rejet en référé(-liberté cette fois), CE Ord., 7 déc. 2021, Mme B. et a., n° 459131, évoqué par Nacira Guénif-Souilamas, « Nouvelle-Calédonie : “Les choses se sont dégradées de façon définitive au lendemain du 3e référendum”, estime une professeure de sociologie », francetvinfo.fr 16 mai 2024 ; v. aussi les points de vue de François Roux – avocat honoraire du FLNKS, appelant à « une médiation des Nations-Unies » (entretien avec, par Fabrice Dubault, 17 mai 2024) – et Mathias Chauchat – professeur de droit public, pour qui l’« égalité du droit de suffrage ne peut pas être lue dans les mêmes termes dans un territoire en situation coloniale » (cité par Raphaël Godet et Élise Lambert, extrait d’un « article à lire pour comprendre pourquoi l’archipel s’embrase à nouveau », 17 mai 2024) ; v. enfin « La Ligue des droits de l’Homme et la Quadrature du Net attaquent en justice le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie », 17 mai 2024  ; Ilyes Ramdani, « À Nouméa comme à Nanterre, le gouvernement face à ses vieux démons coloniaux », Mediapart 19 mai 2024, soulignant la répression et la dépolitisation des jeunes Kanaks qui, comme le note la veille Benoît Trépied – dans un entretien avec Lucie Delaporte – « vivent une dépossession sociale et coloniale » : « Lorsque la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain) – créée par des partis indépendantistes pour s’opposer au passage en force de Macron via des mobilisations collectives – a organisé des manifestations, ils sont venus en masse » ; l’anthropologue rappelle que, « quand les indépendantistes ont appelé à ne pas aller voter, au troisième référendum de 2021, il y a eu 56 % d’abstention. Ces chiffres témoignent d’une discipline électorale très importante de la part de gens qui ont, le reste du temps, un rapport plutôt distancié au personnel politique ». Contrairement à ce qu’a affirmé le 20 mai 2024 Alix Bouilhaguet – dans la matinale de France Info, au détour d’une question curieusement formulée, l’Assemblée générale de l’ONU a noté que ce référendum s’était tenu « dans des circonstances difficiles, marquées par la pandémie de COVID-19 et le boycott du scrutin par certains groupes d’électeurs inscrits » (point 6 de la résolution du 16 juin 2022, larje.unc.nc)..

Actualisation (dans le dernier week-end de juillet), « Couvre-feux pour mineurs à Béziers et Nice : le Conseil d’État confirme le rejet de la demande de suspension », letelegramme.fr 26 juill. 2024 (le 5 novembre 2018, j’avais signalé dans mon billet du 20 mai la note publiée par Hugo Avvenire et évoqué la thèse dans laquelle il s’était engagé, Le concept d’espace public. Contribution à une théorie de la spatialisation du régime des libertés [finalement intitulée Espaces publics et libertés : Contribution à l’étude de la spatialisation du droit], Thèse Université Toulouse Capitole, 2022, §§ 823, 855, 973 et 1052-1053, avec un renvoi à ladite note de jurisprudence ; ses paragraphes 941-942 [pp. 408-409] sur l’accessibilité « nécessaire à l’effectivité du droit à l’éducation » m’amènent à renvoyer au texte que j’ai publié le 8 avril 2019, dix ans après cet arrêt Laruelle relatif aux « enfants handicapés », ainsi qu’à ma propre thèse [2017], spéc. les pages 798, 871, 873, 1188-1189 et 1200 à 1204).

Notes

1 Dès l’annonce de cette mesure, en anticipant l’idée qu’elle pourrait être cette fois légale, v. le billet de Jean-Paul Markus, « Robert Ménard instaure un couvre-feu pour les mineurs à Béziers : les conditions posées par le juge », lessurligneurs.eu 23 avr. 2024 (écrit le 21 et relu par Isabelle Muller-Quoy), commençant par rappeler l’ordre donné quelques jours plus tôt par le « ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à Pointe-à-Pitre » (témoignant de ce que, loin de constituer un barrage contre l’extrême-droite, la macronie lui sert de plus en plus souvent de tremplin…) ; v. Amandine Ascensio, « À la Guadeloupe, un couvre-feu loin de traiter les problèmes de fond », Le Monde 25 avr. 2024, p. 9, avec l’encadré « Vers un couvre-feu à Béziers et Nice » et les tribunes citées en illustration et ci-après, avec enfin celle de l’anthropologue David Puaud, « Les effectifs des éducateurs de rue sont devenus une variable d’ajustement économique » (page 29).
2 V. déjà CE Ord., 10 mai 2024, Le Lakou-LKP, n° 493935, cons. 3, à propos de l’arrêté du préfet de la Guadeloupe du 20 avril, relatif à des secteurs des communes des Abymes et de Pointe-à-Pitre : avant de conclure à l’absence d’atteinte manifestement illégale « à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion ou à l’intérêt supérieur de l’enfant (cons. 5), le juge des référés du Conseil d’État raisonnait à partir des « données chiffrées versées à l’instruction par le ministre » ; comparer la tribune du sociologue Christian Mouhanna (sociologue au CNRS et CESDIP), « En dépit de dramatiques faits divers, le nombre de mineurs délinquants baisse », Ibid., p. 28, à propos de « ceux qui instrumentalisent ces faits divers terribles pour en tirer des leçons sur les évolutions de la société et en faire le terreau de politiques prônant davantage de sanctions. Ces derniers ignorent, ou font semblant d’ignorer, que les lois pénalisant les mineurs n’ont cessé de se multiplier depuis le milieu des années 1990, et jusque très récemment ».
3 TA Montpellier Ord., 15 mai 2024, LDH, n° 2402422, cons. 6 ; à propos des 4 et 5 – « l’autorité de la chose jugée par le Conseil d’État le 6 juin 2018 » étant mise en avant par l’association requérante –, v. mon billet (du 20).
4 Sophie Mazas, citée par Solange de Fréminville, « Couvre-feu pour les moins de 13 ans à Béziers : devant la justice, la LDH dénonce “un fantasme ” et “une instrumentalisation politique” », liberation.fr 15 mai 2024
5 Citée par Alix Drouillat, lagazettedemontpellier.fr 15 mai 2024 et « Couvre-feu pour les moins de 13 ans à Béziers : la justice rejette le recours de la LDH, qui va saisir le Conseil d’État », francetvinfo.fr 15 mai 2024 ; proposant « un état du droit » à cette date, v. Éric Landot, blog.landot-avocats.net 15 mai 2024 (lu le lendemain). Version (provisoire ?) stabilisée cinq jours après la publication de ce billet, après avoir renvoyé le 17 à un autre rejet en référé(-liberté cette fois), CE Ord., 7 déc. 2021, Mme B. et a., n° 459131, évoqué par Nacira Guénif-Souilamas, « Nouvelle-Calédonie : “Les choses se sont dégradées de façon définitive au lendemain du 3e référendum”, estime une professeure de sociologie », francetvinfo.fr 16 mai 2024 ; v. aussi les points de vue de François Roux – avocat honoraire du FLNKS, appelant à « une médiation des Nations-Unies » (entretien avec, par Fabrice Dubault, 17 mai 2024) – et Mathias Chauchat – professeur de droit public, pour qui l’« égalité du droit de suffrage ne peut pas être lue dans les mêmes termes dans un territoire en situation coloniale » (cité par Raphaël Godet et Élise Lambert, extrait d’un « article à lire pour comprendre pourquoi l’archipel s’embrase à nouveau », 17 mai 2024) ; v. enfin « La Ligue des droits de l’Homme et la Quadrature du Net attaquent en justice le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie », 17 mai 2024  ; Ilyes Ramdani, « À Nouméa comme à Nanterre, le gouvernement face à ses vieux démons coloniaux », Mediapart 19 mai 2024, soulignant la répression et la dépolitisation des jeunes Kanaks qui, comme le note la veille Benoît Trépied – dans un entretien avec Lucie Delaporte – « vivent une dépossession sociale et coloniale » : « Lorsque la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain) – créée par des partis indépendantistes pour s’opposer au passage en force de Macron via des mobilisations collectives – a organisé des manifestations, ils sont venus en masse » ; l’anthropologue rappelle que, « quand les indépendantistes ont appelé à ne pas aller voter, au troisième référendum de 2021, il y a eu 56 % d’abstention. Ces chiffres témoignent d’une discipline électorale très importante de la part de gens qui ont, le reste du temps, un rapport plutôt distancié au personnel politique ». Contrairement à ce qu’a affirmé le 20 mai 2024 Alix Bouilhaguet – dans la matinale de France Info, au détour d’une question curieusement formulée, l’Assemblée générale de l’ONU a noté que ce référendum s’était tenu « dans des circonstances difficiles, marquées par la pandémie de COVID-19 et le boycott du scrutin par certains groupes d’électeurs inscrits » (point 6 de la résolution du 16 juin 2022, larje.unc.nc).

Une « facette de la fin de la guerre d’Algérie » saisie par la CEDH

Photo de FRANCK FIFE / AFP, reprise depuis l’article d’Adel Miliani, « République démocratique du Congo : comprendre la “crise oubliée” que dénoncent les footballeurs de la CAN », lemonde.fr 10 févr. 2024, rappelant que la « rébellion [M23] est, selon un rapport d’experts des Nations unies, soutenue par le Rwanda voisin », avant de citer Pierre Jacquemot, maître de conférences à l’IEP de Paris (puis de renvoyer à un compte-rendu du rapport de déc. 2022 ; pour celui de 2023, v. rfi.fr le 29 déc.) ; v. aussi  Christophe Châtelot, « La renaissance sans compromis du Rwanda », Le Monde 7-8 avr. 2024, pp. 20-21 : ce « 7 février, en demi-finale de la plus populaire des compétitions sportives du continent, la Coupe d’Afrique des nations, organisée cette année en Côte d’Ivoire, l’attitude des footballeurs congolais a marqué les esprits lors de l’hymne national. Une main en bâillon sur la bouche et deux doigts imitant le canon d’un pistolet sur la tempe, ils dénonçaient le silence de la communauté internationale face aux violences subies par les populations dans l’est de la RDC. Et dont Kinshasa attribue la responsabilité à son voisin rwandais, ce que ce dernier dément vigoureusement. (…) Kigali est aujourd’hui loin d’être isolé – au grand dam de Kinshasa, qui dénonce l’inaction d’une communauté internationale pourtant prompte, fait-il remarquer, à condamner l’agression russe contre l’Ukraine » (v. ainsi la tribune publiée fin mars par le président Félix Tshisekedi, en particulier cet extrait ; lors des commémorations du 7 avril, selon le compte-rendu d’Anna Sylvestre-Treiner, son homologue « rwandais a, en substance, invoqué le droit et même la nécessité de se défendre » – une rhétorique souvent mobilisée à propos du gouvernement d’Israël).

Au terme de mon billet du mois de janvier, j’évoquais la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël (en renvoyant à celui que j’ai publié il y a plus de cinq ans sur les génocides) ; le 28 mars, à La Haye (Pays-Bas), la Cour Internationale de Justice (CIJ) a statué sur la demande tendant à la modification de l’ordonnance du 26 janvier 2024 indiquant des mesures conservatoires : observant « que les conditions désastreuses dans lesquelles vivent les Palestiniens de la bande de Gaza se sont, depuis, encore détériorées », cette population devant « désormais faire face à une famine qui s’installe », elle indique notamment que l’État d’Israël doit « [v]eiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette pas d’actes constituant une violation de l’un quelconque des droits des Palestiniens de Gaza en tant que groupe protégé en vertu de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (…) »1CIJ, 28 mars 2024, Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël), ordonnance accessible sur le site de la Cour (icj-cij.org/fr/affaire/192), §§ 18, 21 et 51, 2 b) (« Par quinze voix contre une »)..

Trois jours plus tôt, à Genève (Suisse), Francesca Albanese estimait quant à elle dans un rapport au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies : « La nature et l’ampleur écrasante de l’assaut israélien sur Gaza et les conditions de vie destructrices qu’il a causées révèlent une intention de détruire physiquement les Palestiniens en tant que groupe »2« Guerre Israël-Hamas, jour 171 : une rapporteuse de l’ONU accuse Israël de commettre plusieurs « actes de génocide » dans la bande de Gaza », lemonde.fr (avec AFP) 25-26 mars 2024 ; dans Mediapart, Rachida El Azzouzi interrogeait l’avocate italienne, rapporteure spéciale pour les territoires palestiniens : « Votre analyse est critiquée par plusieurs chancelleries, notamment en France, où le ministre des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, affirme qu’”accuser l’État juif3Comparer « l’entretien accordé à l’AFP et à deux radios de la communauté juive française, Radio J et RCJ », par le président Nicolas Sarkozy : « Un “État juif” n’a pas de signification », Agence France-Presse 18 oct. 2011, rappelant la conférence de presse du ministre français des Affaires étrangères, le 18 juill. préc. ; v. auparavant la lettre ouverte de l’historien Shlomo Sand à Alain Juppé (le 15 juin) et, ultérieurement, ce texte du journaliste Alain Gresh, « Israël, Etat juif ? Doutes français » (blog.mondediplo.net le 1er août). Ajouts au 19 avril – à l’occasion de celui opéré en note 12 de mon précédent billet, au lendemain d’une nouvelle interdiction préoccupante – de ces rappels de Rima Hassan les 29 octobre et 7 novembre derniers, à travers ce communiqué de soutien de la FNLP le 17 févr. 2024 de génocide, c’est franchir un seuil moral”. Que leur répondez-vous ? Le génocide est défini par le droit international. (…) Je suis troublée par cette hypothèse dogmatique selon laquelle un État ne pourrait pas commettre certains crimes en raison de son histoire »4Francesca Albanese (entretien avec, par Rachida El Azzouzi), « Aucun État n’est au-dessus des lois », Mediapart 30 mars 2024 : « Israël a annoncé en février 2024 [v. lefigaro.fr (avec AFP) le 12] qu’il m’interdisait le territoire. Mais en réalité, aucun rapporteur spécial de l’ONU pour les Territoires palestiniens occupés n’a été autorisé à entrer dans le pays au cours des seize dernières années »….

Dans un message rendu public le jeudi 4 avril, la présidence de la République française avait eu des mots très forts sur le propre passé de cette dernière, qui contrastent avec ses contradictions présentes vis-à-vis d’Israël5Ariane Lavrilleux et Nina Hubinet (Marsactu), « Guerre à Gaza : la France a fourni en secret des équipements de mitrailleuses à Israël », disclose.ngo 25 mars 2024 ; sur la base de cette enquête, v. la lettre signée par Mathilde Panot et alii : « Guerre à Gaza : 115 parlementaires demandent à Macron l’arrêt immédiat des ventes d’armes à Israël », bfmtv.com le 5 avr. : « À l’instar de plusieurs ONG (Médecins du monde, Save the Children, Oxfam, Handicap International, nous considérons que la France est en contradiction avec les traités internationaux qu’elle a signés en continuant à fournir du matériel militaire à Israël ». V. aussi ce « texte à l’initiative de l’Institut du Genre en Géopolitique », blogs.mediapart.fr le 3 : avant qu’« une contradiction majeure » soit pointée, il est noté : « Parmi les géants français de l’armement, Thalès envoie encore à ce jour du matériel à Israël, permettant ainsi l’assassinat de plusieurs dizaines de milliers de Palestinien·nes, dont 70 % étaient des femmes et des enfants ». Ces 8 et 9 avril avaient lieu les audiences de la CIJ relatives à la requête du Nicaragua « déposée le 15 mars devant la plus haute instance judiciaire des Nations unies », pour lui demander « d’ordonner un embargo sur les armes vendues par Berlin à l’État hébreu » (Stéphanie Maupas, « L’Allemagne mise en cause pour “plausible” complicité avec Israël », Le Monde 9 avr., p. 3 : « selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stochholm », il s’agit du « deuxième fournisseur d’armes (…), derrière les États-Unis ». Dans l’édition du lendemain, page 25, v. Benjamin Barthe, « L’IA, amplificateur des crimes de guerre dans la bande de Gaza », revenant sur « deux enquêtes publiées par la presse israélienne » – la première du quotidien Haaretz le 31 mars, à propos des kill zones « à l’origine de la mort, fin décembre 2023, de trois otages du Hamas » ; au nom de son éradication a lieu « une massification 2.0 des meurtres de civils »). ; elle avait en effet fait savoir qu’Emmanuel Macron « rappellera notamment [le 7] que, quand la phase d’extermination totale contre les Tutsi a commencé [il y a exactement trente ans au Rwanda6Dans la vidéo diffusée ce dimanche 7 avril à Kigali, Emmanuel Macron s’en tiendra finalement au discours qu’il avait tenu dans la capitale rwandaise le 27 mai 2021 (il avait alors admis la « responsabilité accablante [de la France] dans un engrenage qui a abouti au pire », ce qui va déjà trop loin selon un communiqué du 8 avril 2024 [ajout le 20 de l’entretien avec Maria Malagardis de Vincent Duclert, liberation.fr et, à propos du prédécesseur de Jean Glavany à la présidence de l’Institut François Mitterrand, lire l’enquête publiée le 8 par Michael Pauron, « Hubert Védrine, le bâillon en bandoulière », afriquexxi.info]) ; v. le 9 dans Le Monde préc. (A. S.-T., p. 4), politis.fr (Denis Sieffert, « Rwanda : la phrase que Macron n’a pas prononcée ») et Mediapart (Fabrice Arfi et Ellen Salvi, « Macron et les mots perdus : le génocide des Tutsis révèle des fractures internes à l’Élysée » : « Selon plusieurs sources informées, le texte évoqué par l’Élysée le 4 avril existe bel et bien : il a été rédigé par les conseillers de la présidence avant d’être communiqué à la presse. (…) Mais impossible de savoir, à ce stade, qui a autorisé la diffusion de ces éléments de discours »).], la communauté internationale avait les moyens de savoir et d’agir, par sa connaissance des génocides que nous avaient révélée les survivants des Arméniens et de la Shoah, et que la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté »7« Rwanda : pour Emmanuel Macron, la France “aurait pu arrêter le génocide”, mais n’en a “pas eu la volonté” », lemonde.fr (avec AFP) 4-5 avr. 2024 ; v. aussi Pierre Lepidi, « Rwanda, le compte à rebours d’un printemps sanglant », Le Monde des 7-8, p. 28 : « Enrichi par les mots de Gaël Faye, le documentaire [Rwanda, vers l’apocalypse – actuellement en ligne et diffusé dimanche soir sur France 5 – revient sur sa] période préparatoire. (…) La soirée se poursuit avec l’émission « La Case du siècle et un autre documentaire, Rwanda, désobéir ou laisser mourir ?, qui montre les hésitations de la communauté internationale pendant la tragédie rwandaise »..

Photo d’Abdelkader Tamazount, reprise depuis l’entretien de son frère Charles avec Julien Pellicier, « “Un contentieux de masse va s’ouvrir”, assure un enfant de harki après la condamnation de la France par la CEDH », sudouest.fr 4-5 avr. 2024 (la citation du titre du présent billet est extraite de la fin de ce texte) ; il y a un peu plus de trois ans, le président du Comité harkis et vérité annonçait : « C’est la première fois que notre histoire va être jugée par des non-Français et des non-Algériens » (cité par Mustapha Kessous, « Les harkis et leurs descendants s’estiment toujours “indésirables” des mémoires franco-algériennes », lemonde.fr 23-26 janv. 2021)

Le même jour, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu un arrêt relatif à une autre affaire aux enjeux mémoriels importants ; il résulte du recours de cinq requérants dont quatre – trois frères et leur sœur aînée, Zohra Tamazount, née en 1960 – « sont arrivés en France au moment de l’indépendance de l’Algérie en 1962 ou sont nés en France dans les années suivantes. Ils ont vécu dans des camps d’accueil pour harkis, principalement celui de Bias, dans le Lot-et-Garonne, jusqu’en 1975 »8« La Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour son accueil des harkis “pas compatible avec le respect de la dignité humaine” », francetvinfo.fr (avec AFP) 4 avr. 2024 : « Le cinquième requérant [Kaddour Mechalikh], dont le père avait été exécuté en 1957 par le Front de libération national [FLN] algérien, et qui avait rejoint la France en 1980, n’a en revanche pas obtenu gain de cause »..

Au terme de mon billet consacré au 17 octobre 1961, j’étais revenu sur les décisions rendues par les juridictions françaises en 2015, 2017 et 2018, en expliquant que j’avais placé les deux premières, dans ma thèse, au sein du chapitre sur la référence au service public pour saisir le bienfait éducation9Avant d’évoquer l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles en note de bas de page 188 de cette thèse (2017, note n° 1099 de la première partie), je citais le jugement rendu par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, ainsi que je le rappelais à la fin de mon billet du 15 oct. 2018 (deux paragraphes avant les notes et ajouts, avec la dernière illustration), ainsi que la note publiée en 2015 par Hafida Belrhali (v. depuis « Harkis : de l’arrêt du 3 octobre 2018 au projet de loi de reconnaissance et de réparation », DA févr. 2022, étude n° 2) ; elle fait partie des membres de la CNIH, dont le rôle a pu être présenté à la faculté de droit de Grenoble le 24 mai 2023, et où se tiendra ce vendredi 12 avril 2024 un nouveau séminaire (en plus de cette professeure de droit public, interviendront la doctorante Anaïs Al Nasr et les historien·nes Anne Dulphy et Abderahmen Moumen)..

Après avoir rappelé que les cinq « requérants sont des enfants de harkis (auxiliaires d’origine algérienne ayant combattu aux côtés de l’armée française pendant la guerre d’Algérie) » et au « vu de l’ensemble des circonstances de la cause, la Cour conclut [dans un premier temps] que la déclaration d’incompétence du Conseil d’État, au nom de la doctrine des actes de gouvernement, limitée aux demandes des requérants en ce qu’elles visaient à engager la responsabilité pour faute de l’État du fait de l’absence de protection des harkis et de leurs familles en Algérie et du défaut de rapatriement systématique vers la France, ne saurait être considérée comme excédant la marge d’appréciation dont jouissent les États pour limiter le droit d’accès d’une personne à un tribunal. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention »10CEDH, 4 avr. 2024, Tamazount et autres c. France, n° 17131/19, §§ 1 et 126-127.

Dans un second temps, en revanche, « et s’en remettant aux décisions des juridictions internes, la Cour ne peut que constater que les conditions de vie quotidienne des résidents du camp de Bias (…) n’étaient pas compatibles avec le respect de la dignité humaine et s’accompagnaient en outre d’atteintes aux libertés individuelles. La Cour relève que les juridictions nationales n’ont pas explicitement qualifié ces atteintes à la lumière des dispositions de la Convention. Toutefois, il ressort des décisions internes qu’elles sont, en substance, parvenues au constat de violation des articles 3 et 8 de la Convention et de l’article 1 du Protocole n°1 »11Arrêt préc., § 155 ; cette relecture est assez audacieuse au regard des §§ 137 et 138 : « La Cour rappelle d’emblée que la France a ratifié la Convention et son Protocole n° 1 le 3 mai 1974 (…). Elle considère donc la période passée par les requérants au sein du camp de Bias avant l’entrée en vigueur de [ces textes] à l’égard de la France échappe à sa compétence ratione temporis »..

Si l’intérêt concret de cet arrêt porte sur l’indemnisation « des dommages matériel et moral découlant du séjour au sein du camp de Bias », revue à la hausse12À l’unanimité, après que la Cour a « considéré que le montant de 15 000 EUR octroyé à chacun des requérants par les juridictions internes était modique et qu’il ne suffisait pas à réparer l’intégralité des violations constatées » (§ 176)., je m’en tiendrai pour ma part à trois observations : d’abord, il convient de remarquer que l’article 2 du premier protocole à la Convention était invoqué, mais que la « Cour, maîtresse de la qualification juridique des faits, considère que l’attitude indigne des autorités nationales dénoncée par les requérants à l’égard de leurs besoins éducatifs est englobée par les questions posées sous l’angle des articles 3 et 8 »13Arrêt préc., §§ 1, 128 et 129, avant de reproduire ces articles 3 et 8 (« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ; « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (…) »), puis le premier du Protocole n° 1 (relatif au « droit au respect de ses biens » ; v. la première illustration de mon billet du 6 août 2018) ; à propos du second, je renvoie à ma thèse préc., pp. 803 et s. Selon un important arrêt rendu ce jour, « l’article 8 doit être considéré comme englobant un droit pour les individus à une protection effective, par les autorités de l’État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie » (CEDH G. C., 9 avr. 2024, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse, n° 53600/20, § 519 ; pour un résumé, v. echr.coe.int)..

Ensuite, bien que le « droit à l’instruction » n’apparaisse pas expressément dans l’arrêt (en raison de ce choix), il est bien fait mention de « la scolarisation des enfants dans une école interne au camp, en dehors du système d’éducation de droit commun »14CEDH, 4 avr. 2024, préc., § 153 ; v. auparavant les §§ 33, 57-58, 128, 140, 144 et 152 ; si la Cour n’a pas souhaité renvoyer à une jurisprudence désormais abondante15V. là encore ma thèse préc., pp. 856 et s., c’est peut-être pour esquiver le prisme non-discriminatoire et parce qu’il « ressort des conclusions de la rapporteure publique, adoptées dans le cadre du pourvoi en cassation introduit par M. Abdelkader Tamazount, que le montant global accordé (…) [a été] majoré en vue de tenir compte des troubles propres au défaut de scolarisation »16Arrêt préc., § 159 (cette dernière expression est reprise des conclusions, ainsi qu’en atteste la fin du § 40 où elles sont largement reproduites)..

Article de Guillaume Béars, La Dépêche 18 nov. 2022, à propos du « film poignant de Dalila Kerchouche » selon le site harkisdordogne.com ; « les enfants n’ont pas eu le droit d’aller à l’école de la République. “Pourquoi ?”, martèle » cette journaliste qui y est née, en 1973 (Mustapha Kessous, « “Bias, le camp du mépris”, sur France.tv : quand la France parquait les harkis derrière des barbelés », lemonde.fr le 6 déc. : « On tente de saisir toutes les violences décrites en écoutant les témoignages poignants – en français et en arabe – de quatre femmes, dont celui de Yamina Tamazount [qui avait alors 97 ans] » ; v. déjà – et plus largement – cette brève vidéo de Brut. le 21 sept. 2021).

Enfin, « la Cour rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement selon laquelle MM. Abdelkader, Aïssa et Brahim Tamazount et Mme Zohra Tamazount ne peuvent plus se prétendre victimes (…) et conclut, au regard des considérations qui précèdent, que le séjour des requérants au sein du camp de Bias, pour la période du 3 mai 1974 au 31 décembre 1975, a emporté violation des articles » précités. Cet arrêt peut donc être ajouté aux « [s]ources relatives aux (…) filles de Harkis », dont le rôle a été – et reste sans doute – « insuffisamment mis en avant »17« Sources relatives aux mamans, épouses, filles de Harkis et Harkettes », harkis.gouv.fr.

Notes

1 CIJ, 28 mars 2024, Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël), ordonnance accessible sur le site de la Cour (icj-cij.org/fr/affaire/192), §§ 18, 21 et 51, 2 b) (« Par quinze voix contre une »).
2 « Guerre Israël-Hamas, jour 171 : une rapporteuse de l’ONU accuse Israël de commettre plusieurs « actes de génocide » dans la bande de Gaza », lemonde.fr (avec AFP) 25-26 mars 2024
3 Comparer « l’entretien accordé à l’AFP et à deux radios de la communauté juive française, Radio J et RCJ », par le président Nicolas Sarkozy : « Un “État juif” n’a pas de signification », Agence France-Presse 18 oct. 2011, rappelant la conférence de presse du ministre français des Affaires étrangères, le 18 juill. préc. ; v. auparavant la lettre ouverte de l’historien Shlomo Sand à Alain Juppé (le 15 juin) et, ultérieurement, ce texte du journaliste Alain Gresh, « Israël, Etat juif ? Doutes français » (blog.mondediplo.net le 1er août). Ajouts au 19 avril – à l’occasion de celui opéré en note 12 de mon précédent billet, au lendemain d’une nouvelle interdiction préoccupante – de ces rappels de Rima Hassan les 29 octobre et 7 novembre derniers, à travers ce communiqué de soutien de la FNLP le 17 févr. 2024
4 Francesca Albanese (entretien avec, par Rachida El Azzouzi), « Aucun État n’est au-dessus des lois », Mediapart 30 mars 2024 : « Israël a annoncé en février 2024 [v. lefigaro.fr (avec AFP) le 12] qu’il m’interdisait le territoire. Mais en réalité, aucun rapporteur spécial de l’ONU pour les Territoires palestiniens occupés n’a été autorisé à entrer dans le pays au cours des seize dernières années »…
5 Ariane Lavrilleux et Nina Hubinet (Marsactu), « Guerre à Gaza : la France a fourni en secret des équipements de mitrailleuses à Israël », disclose.ngo 25 mars 2024 ; sur la base de cette enquête, v. la lettre signée par Mathilde Panot et alii : « Guerre à Gaza : 115 parlementaires demandent à Macron l’arrêt immédiat des ventes d’armes à Israël », bfmtv.com le 5 avr. : « À l’instar de plusieurs ONG (Médecins du monde, Save the Children, Oxfam, Handicap International, nous considérons que la France est en contradiction avec les traités internationaux qu’elle a signés en continuant à fournir du matériel militaire à Israël ». V. aussi ce « texte à l’initiative de l’Institut du Genre en Géopolitique », blogs.mediapart.fr le 3 : avant qu’« une contradiction majeure » soit pointée, il est noté : « Parmi les géants français de l’armement, Thalès envoie encore à ce jour du matériel à Israël, permettant ainsi l’assassinat de plusieurs dizaines de milliers de Palestinien·nes, dont 70 % étaient des femmes et des enfants ». Ces 8 et 9 avril avaient lieu les audiences de la CIJ relatives à la requête du Nicaragua « déposée le 15 mars devant la plus haute instance judiciaire des Nations unies », pour lui demander « d’ordonner un embargo sur les armes vendues par Berlin à l’État hébreu » (Stéphanie Maupas, « L’Allemagne mise en cause pour “plausible” complicité avec Israël », Le Monde 9 avr., p. 3 : « selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stochholm », il s’agit du « deuxième fournisseur d’armes (…), derrière les États-Unis ». Dans l’édition du lendemain, page 25, v. Benjamin Barthe, « L’IA, amplificateur des crimes de guerre dans la bande de Gaza », revenant sur « deux enquêtes publiées par la presse israélienne » – la première du quotidien Haaretz le 31 mars, à propos des kill zones « à l’origine de la mort, fin décembre 2023, de trois otages du Hamas » ; au nom de son éradication a lieu « une massification 2.0 des meurtres de civils »).
6 Dans la vidéo diffusée ce dimanche 7 avril à Kigali, Emmanuel Macron s’en tiendra finalement au discours qu’il avait tenu dans la capitale rwandaise le 27 mai 2021 (il avait alors admis la « responsabilité accablante [de la France] dans un engrenage qui a abouti au pire », ce qui va déjà trop loin selon un communiqué du 8 avril 2024 [ajout le 20 de l’entretien avec Maria Malagardis de Vincent Duclert, liberation.fr et, à propos du prédécesseur de Jean Glavany à la présidence de l’Institut François Mitterrand, lire l’enquête publiée le 8 par Michael Pauron, « Hubert Védrine, le bâillon en bandoulière », afriquexxi.info]) ; v. le 9 dans Le Monde préc. (A. S.-T., p. 4), politis.fr (Denis Sieffert, « Rwanda : la phrase que Macron n’a pas prononcée ») et Mediapart (Fabrice Arfi et Ellen Salvi, « Macron et les mots perdus : le génocide des Tutsis révèle des fractures internes à l’Élysée » : « Selon plusieurs sources informées, le texte évoqué par l’Élysée le 4 avril existe bel et bien : il a été rédigé par les conseillers de la présidence avant d’être communiqué à la presse. (…) Mais impossible de savoir, à ce stade, qui a autorisé la diffusion de ces éléments de discours »).
7 « Rwanda : pour Emmanuel Macron, la France “aurait pu arrêter le génocide”, mais n’en a “pas eu la volonté” », lemonde.fr (avec AFP) 4-5 avr. 2024 ; v. aussi Pierre Lepidi, « Rwanda, le compte à rebours d’un printemps sanglant », Le Monde des 7-8, p. 28 : « Enrichi par les mots de Gaël Faye, le documentaire [Rwanda, vers l’apocalypse – actuellement en ligne et diffusé dimanche soir sur France 5 – revient sur sa] période préparatoire. (…) La soirée se poursuit avec l’émission « La Case du siècle et un autre documentaire, Rwanda, désobéir ou laisser mourir ?, qui montre les hésitations de la communauté internationale pendant la tragédie rwandaise ».
8 « La Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour son accueil des harkis “pas compatible avec le respect de la dignité humaine” », francetvinfo.fr (avec AFP) 4 avr. 2024 : « Le cinquième requérant [Kaddour Mechalikh], dont le père avait été exécuté en 1957 par le Front de libération national [FLN] algérien, et qui avait rejoint la France en 1980, n’a en revanche pas obtenu gain de cause ».
9 Avant d’évoquer l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles en note de bas de page 188 de cette thèse (2017, note n° 1099 de la première partie), je citais le jugement rendu par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, ainsi que je le rappelais à la fin de mon billet du 15 oct. 2018 (deux paragraphes avant les notes et ajouts, avec la dernière illustration), ainsi que la note publiée en 2015 par Hafida Belrhali (v. depuis « Harkis : de l’arrêt du 3 octobre 2018 au projet de loi de reconnaissance et de réparation », DA févr. 2022, étude n° 2) ; elle fait partie des membres de la CNIH, dont le rôle a pu être présenté à la faculté de droit de Grenoble le 24 mai 2023, et où se tiendra ce vendredi 12 avril 2024 un nouveau séminaire (en plus de cette professeure de droit public, interviendront la doctorante Anaïs Al Nasr et les historien·nes Anne Dulphy et Abderahmen Moumen).
10 CEDH, 4 avr. 2024, Tamazount et autres c. France, n° 17131/19, §§ 1 et 126-127
11 Arrêt préc., § 155 ; cette relecture est assez audacieuse au regard des §§ 137 et 138 : « La Cour rappelle d’emblée que la France a ratifié la Convention et son Protocole n° 1 le 3 mai 1974 (…). Elle considère donc la période passée par les requérants au sein du camp de Bias avant l’entrée en vigueur de [ces textes] à l’égard de la France échappe à sa compétence ratione temporis ».
12 À l’unanimité, après que la Cour a « considéré que le montant de 15 000 EUR octroyé à chacun des requérants par les juridictions internes était modique et qu’il ne suffisait pas à réparer l’intégralité des violations constatées » (§ 176).
13 Arrêt préc., §§ 1, 128 et 129, avant de reproduire ces articles 3 et 8 (« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ; « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (…) »), puis le premier du Protocole n° 1 (relatif au « droit au respect de ses biens » ; v. la première illustration de mon billet du 6 août 2018) ; à propos du second, je renvoie à ma thèse préc., pp. 803 et s. Selon un important arrêt rendu ce jour, « l’article 8 doit être considéré comme englobant un droit pour les individus à une protection effective, par les autorités de l’État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie » (CEDH G. C., 9 avr. 2024, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse, n° 53600/20, § 519 ; pour un résumé, v. echr.coe.int).
14 CEDH, 4 avr. 2024, préc., § 153 ; v. auparavant les §§ 33, 57-58, 128, 140, 144 et 152
15 V. là encore ma thèse préc., pp. 856 et s.
16 Arrêt préc., § 159 (cette dernière expression est reprise des conclusions, ainsi qu’en atteste la fin du § 40 où elles sont largement reproduites).
17 « Sources relatives aux mamans, épouses, filles de Harkis et Harkettes », harkis.gouv.fr

Villarreal/OM : retour sur un cas d’école(s – fermées !)

Photo reprise à partir du texte intitulé « À Marseille, le stade Vélodrome et l’OM, une histoire qui dure depuis 85 ans », madeinmarseille.net 30 oct. 2022

À l’exception d’une note1Il s’agit de la toute dernière (note 95) de mon billet du 29 févr. 2020, qui commence en évoquant successivement Nicole Belloubet (v. aussi les notes 24 et 26 du billet précédent, le 31 janv.) – ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse depuis le 8 février dernier – et la loi n° 2004-228 du 15 mars, laquelle vient de fêter ses 20 ans (v. son entretien avec Agathe Lambret et Jean-Rémi Baudot, francetvinfo.fr 15 mars 2024, à partir de la 9ème minute ; comparer ceux de Stéphanie Hennette-Vauchez avec Brigitte Menguy et Cécile Laborde avec Fabien Escalona, publiés le même jour dans La Gazette des communes et Mediapart – qui, sous la plume de Faïza Zerouala, « donne la parole à trois femmes concernées par les interdictions successives de 1994, 2004 et 2023 » ; v. encore Ismail Ferhat et Beatrice Mabilon-Bonfils, « Signes religieux à l’école : 20 ans de recherches sur la loi du 15 mars 2004 », theconversation.com le 13 ; Valentine Zuber, « La loi de 2004 sur le voile pose des difficultés insurmontables », la-croix.com le 16). et d’un bref billet à l’occasion de la Coupe du monde 20185« De Kylian Mbappé à Olympe de Gouges », 20 juill. 2018 ; au passage, j’évoquais ici initialement la possible participation du joueur aux Jeux Olympiques, qui n’a finalement pas eu lieu (reprise d’une partie des éléments de cette note à l’avant-dernière de mon billet de ce jeudi 8 août, à la veille de la finale des Bleus). Au contentieux, interprétant les dispositions législatives relatives aux logements étudiants pour les rendre compatibles avec l’organisation de ces JO et Paralympiques, CE, 29 déc. 2023, CROUS de Paris, n° 488337 ; LIJMEN mars 2024, n° 229, cons. 6 et 7, il n’a pas été question sur ce site de football ; c’est pourtant l’une de mes passions (depuis mon enfance3J’ai d’ailleurs obtenu, dès mes 15 et 18 ans, les diplômes de jeune animateur de football et d’initiateur premier degré ; mon installation à Grenoble m’avait contraint à stopper cette activité d’entraîneur, que j’ai quand même continuée en participant à l’encadrement des stages « Feurs Vacances Foot » – les étés entre 2003 et 2010 –, sur l’invitation de mon oncle Michel Teil, impliqué au district de la Loire (v. Jean-Claude Vial, leprogres.fr 8 mars 2017 et 16 oct. 2019). En plus de la sienne, j’avais alors profité de l’expérience de plusieurs personnes, parmi lesquelles Patrick Brossat, Nicolas Forge (v. aussi footballdatabase.eu) et Jean-Marie Laborde, qui a été directeur du centre de formation de l’AS Saint-Étienne (1999-2002) ; armé de mon BAFA (2004), je les avais pour ma part initiés aux Loups-garous, où ils étaient vite devenus aussi redoutables que les enfants dont nous avions la responsabilité !) et je me suis remis ces derniers temps à regarder beaucoup de matchs2Mon retour – en septembre 2022 – auprès de mes amis d’enfance, qui ont quasiment tous baigné dans cet écosystème, n’y est pas pour rien : au-delà des matchs télévisés, j’ai notamment pu assister – juché sur les barrières d’un city stade –, à la défaite de l’Olympique de Valence en Coupe Gambardella, mettant un terme à « une très belle aventure » pour les jeunes drômois (Justin Teste, ledauphine.com 25 févr. 2024) ; deux jours plus tôt, j’avais pu savourer la victoire des bleues en demi-finale de la Ligue des Nations (Jérémy Laugier, « France-Allemagne : Alors, l’engouement à Lyon était-il aussi “désespérant” que le redoutait Amandine Henry ? », 20minutes.fr le 24). Alors que les hommes des deux nations s’opposent à leur tour au Groupama Stadium ce samedi 23 mars (en match amical), la couleur du maillot extérieur de l’équipe allemande « pour l’Euro fait polémique outre-Rhin » (v. Kylian Gil Blanco, beinsports.com 19 mars) ; c’est l’occasion d’inviter à (re)lire cet article de Sofian Aissaoui, « Pourquoi le rose est-il aussi mal vu lorsqu’il est porté par les garçons ? », slate.fr 20 mars 2023, notamment des sélections jeunes de l’équipe de France4Sur la chaîne L’équipe ou celle, YouTube, de la FFF ; je renvoie à cet égard au podcast L’avenir leur appartient (lequipe.fr), dont le premier épisode a été consacré, le 26 avril 2023, au « Titi d’Or 2021 » (psg.fr 25 janv. 2022) : à l’occasion de son premier but en Ligue 1, Ayman Kari a publié cette brève vidéo sur X (twitter.com 30 janv. 2024)..

La semaine dernière avait lieu Villarreal-OM, en huitième de finale de la Ligue Europa ; il s’en est fallu de peu pour devoir se priver, à l’avenir, de l’un des moyens sinon « le plus sûr de se moquer du club de la capitale »6« L’OM évite de peu une “remontada” à Villarreal et se qualifie pour les quarts de Ligue Europa », varmatin.com (avec AFP) 14 mars 2024 ; « Tout le monde se souvient de la remontada, mais pour que cela arrive, il y a eu un premier match, le PSG avait gagné 4-0 au Parc des Princes. Et vous savez comment l’entraîneur avait été traité dans les médias… » (Christophe Remise, « “La remontada n’a servi à rien” : Luis Enrique revient sur PSG-Barça », lefigaro.fr 16 mars 2024). : après avoir, au Vélodrome7« Le Vélodrome est le seul espace qui réunit tous les quartiers de Marseille », tel est le titre d’un des épisodes de la saison 3 du podcast Archi intéressant, réalisés en partenariat avec la Cité de l’architecture et du patrimoine : v. Émilie Regnault (entretien avec, par Joséfa Lopez), « Les stades sont devenus des monuments à part entière », lemonde.fr 18 mars 2024. « Selon France Bleu Provence, seulement seize supporters du Submarino Amarillo [devaien]t parcourir les 588 kilomètres – à vol d’oiseau – séparant Vila-real [un peu plus de 50 000 habitants] de la cité phocéenne [près de 900 000] » (J.B., « Le nombre fou de supporters de Villarreal qui se déplaceront au Vélodrome », sofoot.com le 6), « la possibilité de se faire importuner a[yant] eu raison de leur passion » (A.S., « Ligue Europa : pourquoi n’y a-t-il que 16 supporters de Villarreal au stade Vélodrome pour le match contre l’OM ? », lequipe.fr le 7) ; côté marseillais, v. Arnaud Vitalis, « OM – Villarreal : les minots au rendez-vous en Virage Depé », laprovence.com le 8 ; pour d’autres exemples d’initiatives solidaires, Florent Germain, « OM : pendant le confinement, la Commanderie héberge des femmes victimes de violences », rmcsport.bfmtv.com 17-18 avr. 2020. Il y a plus de trois ans, Arte avait consacré une série sur le thème Devenir un Ultra !, 13 déc. 2020, laquelle se termine sur « Saint-Étienne : la culture ultra des Verts » – un épisode initialement publié le 16 septembre ; entretemps, dans un article intitulé « Saint-Étienne dans le chaudron », Libération 7 nov., pp. 10-11, Ramsès Kefi revenait sur « la pandémie [qui] transperce l’agglomération (400 000 habitants [170 000 pour la ville-centre], 53 communes), au point de l’ériger en cluster des clusters. (…) Un groupe de supporteurs de l’ASSE, le club de foot de la ville, monument national, organise des distributions alimentaires ». Il en avait été de même à Marseille, plus précisément « dans les quartiers sud, à la cité de la Soude, d’où est originaire l’un des lieutenants de Rachid Zeroual », Hamza Baggour (Gilles Rof, « À Marseille, les South Winners, ultras influents », M. Le Magazine Le Monde 6 avr. 2024, n° 655, pp. 58 et s., spéc. p. 62, avant de préciser qu’il a été « lui aussi condamné – avec sursis – par la justice [en première instance] pour l’attaque de la Commanderie » le 30 janvier 2021 ; pour ce centre d’entraînement vu du ciel, avec le Vélodrome, v. en 2009)., « torpill[é] le sous-marin jaune »8Bruno Alvarez, « Ligue Europa. L’OM torpille le sous-marin jaune Villarreal au Vélodrome, les quarts se profilent », ouest-france.fr 7 mars 2024 ; v. Richard Martin, « Villarreal : pourquoi Sous-Marin jaune ? », fr.uefa.com 2 mai 2022 : « Ce surnom remonte à la saison 1967/68, lorsque Villarreal luttait pour la promotion en troisième division espagnole » ; il provient d’un détournement par un groupe de supporters « d’une chanson des Beatles, “Yellow Submarine”, sortie en 1966 »., l’Olympique de Marseille a failli céder à la pression du club espagnol – tout près de rattraper les quatre buts qu’il avait encaissés lors du match aller, le 7 mars (le 16, l’OM a finalement réduit le score à 3-1 dans les arrêts de jeu).

Photo reprise à partir du texte intitulé « Estadio de la Cerámica (stade de la céramique) », tauceramica.com (v. aussi Rachid Madani, « Le nouveau stade de Villareal : La céramique (La Cerámica) », lopinion.ma 21 mai 2022)

Il y a quelques mois, le Stade Rennais avait fait part dans un communiqué de « son indignation face au traitement subi par ses supporters » avant et pendant le match à Villarreal9A.S., « Ligue Europa : Rennes dénonce les “comportements brutaux et intimidants” de certaines forces de l’ordre à Villarreal », rmcsport.bfmtv.com 6 oct. 2023. Puis, en phase de groupe de la Ligue des champions cette fois, le Racing Club de Lens (RCL) recevait « l’équipe espagnole du Sevilla Fútbol club (FC Séville) au stade Bollaert-Delelis10Concernant le « stade Bollaert-Delelis de Lens, dont l’histoire est intimement liée à celle de la Compagnie des Mines voisine », v. là aussi la série de podcasts.lemonde.fr/archi-interessant 18 mars 2024 ; dans un entretien avec Nicolas Celnik, Vincent Béal, co-auteur de l’ouvrage collectif Sociologie de Saint-Etienne (La Découverte, 2020), notait qu’elle « a toujours été une ville industrielle, manufacturière, et donc un peu différente des autres villes françaises » (adaptation de cette formule pour titrer dans Libération 7 nov. 2020, pp. 12-13 : « Les valeurs ouvrières d’humilité, d’abnégation, de travail, sont fréquemment mises en avant par les supporteurs, surtout depuis les années 90 et la création des groupes d’ultras. Comme l’a montré la sociologue Bérangère Ginhoux, il y a un alignement entre la ville et son club de foot »). de Lens (Pas-de-Calais), mardi 12 décembre 2023 à 18 h 45 » ; le ministre de l’intérieur et des outre-mer décidait alors d’interdire « le déplacement individuel ou collectif, par tout moyen, de toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club du FC Séville ou se comportant comme tel, entre les points frontières routiers, portuaires et aéroportuaires français, d’une part, et la commune de Lens, d’autre part11CE Ord., 12 déc. 2023, Sevilla Fútbol Club et a., n° 490062, cons. 3.

Gérald Darmanin estimait « impossible de mobiliser des forces de l’ordre en nombre suffisant pour contenir les troubles à l’ordre public qui seraient causés par des supporters en déplacement ». Le Conseil d’État allait toutefois suspendre cette décision, après avoir notamment remarqué qu’il « n’est pas contesté qu’aucune rivalité n’existe entre les deux clubs et leurs supporters ainsi qu’en témoigne le déplacement sans incident avéré des 2 000 supporters lensois à Séville pour le match du 20 septembre 2023 ainsi que la proposition d’un des groupes de supporters de Lens de céder sa tribune au stade Bollaert-Delelis à ceux venant de Séville » ; « Dans ces conditions, les associations requérantes sont fondées à soutenir que les mesures d’interdiction de déplacement individuel ou collectif concernant les personnes se prévalant de la qualité de supporter du FC Séville ou se comportant comme tel, édictées par l’arrêté ministériel contesté sont disproportionnées et portent, par suite, une atteinte grave et manifestement disproportionnées aux libertés fondamentales de ces personnes »12Cons. 9, 10 et 11 ; idem au 12 à propos de l’arrêté lié, adopté le 11 décembre par le préfet du Pas-de-Calais. V. par ex. Romane Porcon, « Ligue des Champions : le Conseil d’État suspend l’interdiction de déplacement des supporters espagnols à Lens », francebleu.fr 12 déc. 2023. Ajout d’une justification qui pourrait elle aussi faire l’objet de développements contentieux, à savoir celle du préfet du Nord pour interdire cette fois un évènement d’un parti d’opposition, fondée notamment sur « la tenue au même  moment du match de coupe d’Europe classé à risque LOSC / Aston Villa FC au stade Pierre Mauroy (…) » (communiqué du 18 avr. 2024 ; « Élections européennes : on vous résume la polémique sur la conférence annulée de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan sur la Palestine à Lille », francetvinfo.fr (avec AFP) les 18-19) ; ayant mis en avant un contexte de « mobilisation policière sur d’autres manifestations et événements sportifs », avec le match aller de la demi-finale de Ligue des champions féminine OL-PSG, le préfet de police de Paris a vu sa décision suspendue par le juge des référés du tribunal administratif de cette ville (« La justice suspend l’interdiction d’une marche prévue dimanche à Paris contre le racisme et l’islamophobie », leparisien.fr (avec AFP) le 19)..

Capture d’écran du compte twitter de la ville, à partir de Juan Francisco de la Ossa, « Más colegios cerrados en Vila-real por el Villarreal-Olympique de Marsella », elperiodicomediterraneo.com 12 mars 2024

Peut-être parce que les autorités espagnoles n’ont pas le réflexe aussi facile de ce type de mesures d’interdiction, le match du 16 mars dernier a offert un véritable cas… d’école13Alain Anquetil, « Qu’est-ce qu’un cas d’école ? », essca-knowledge.fr 31 janv. 2021(s). En effet, trois d’entre elles, situées à proximité de La Cerámica – Fundación Flors, Virgen del Carmen y Sarthou Carreres – ont été fermées14Miguel Á. Gutiérrez, « Cierran tres colegios en Villarreal por la llegada de los ultras del Marsella », okdiario.com 12 mars 2024, par une décision administrative immédiatement commentée de l’autre côté des Pyrénées15V. par ex. Youri Léger, « Villarreal – OM : les ultras marseillais font fermer les écoles espagnoles », onzemondial.com 12 mars 2024.

Au motif que le match était classé par le gouvernement espagnol « à haut risque, avec un triplement des effectifs de police déployés », le maire de Villarreall a décidé de « suspendre les cours à partir de 15h, pour que les gens puissent vivre tranquillement une belle journée de sport »16« Football, Ligue Europa : “C’était la décision la plus sage” le maire de Villareal ferme des écoles pour la venue de l’OM », eurosport.fr (avec AFP) 13 mars 2024 ; fait notable, José Benlloch Fernandez a mentionné explicitement le droit à l’éducation alors qu’il justifiait cette décision (v. la capture d’écran ci-dessous).

Capture d’écran d’une interview du maire José Benlloch Fernandez, à partir de F.Ga avec Florent Germain, rmcsport.bfmtv.com 14 mars 2024

Sans rentrer ici dans la répartition des compétences17V. par ex. l’article de l’avocat Philippe Petit, « La protection au sein et aux abords des établissements scolaires », lagazettedescommunes.com 17 avr. 2019, cette fermeture d’écoles est l’occasion de rappeler que ce droit peut être l’objet de restrictions.

Dans une contribution à un ouvrage collectif publié en 2019, synthétisant et prolongeant mon travail de thèse, j’écrivais en reprenant des expressions de celui qui l’a dirigée18Xavier Dupré de Boulois, Droit des libertés fondamentales, PUF, 2018, p. 150 (4e édition mise à jour publiée en ce début d’année 2024). : « S’il existe un “aménagement-concrétisation” des droits, ils peuvent être aussi l’objet d’un “encadrement” allant à l’encontre de leur “effectivité”. Celle du droit à l’éducation peut, autrement dit, être en connaissance de cause mise à mal, au profit de l’effectivité d’un intérêt général ou d’un autre droit. (…) L’effectivité de l’ordre public peut [ainsi] justifier l’interruption des cours à l’Université, notamment la fermeture des locaux par son président, ce y compris “pour une durée indéterminée” et nonobstant l’”atteinte grave au droit à l’éducation des requérants” »19Thomas Bompard, « Le droit à l’éducation », in Sara Brimo et Christine Pauti (dir.), L’effectivité des droits. Regards en droit administratif, éd. mare & martin, 2019, p. 39, spéc. pp. 48-49, en citant TA Versailles Ord., 18 mars 2006, X. c. Université Paris X Nanterre, n° 0602618, à partir de Thierry-Xavier Girardot, « Le blocage des universités devant le juge des référés », LIJMEN juin 2006, n° 106, p. 30, spéc. p. 33.

Capture d’écran du compte X @yallahvamos2030, à partir de A.H., « Le Maroc, le Portugal et l’Espagne dévoilent le logo de la Coupe du monde 2030 », lequipe.fr 19 mars 2024 (v. aussi Thibault Le Hégarat, « Faites du foot, pas la guerre ! », scienceshumaines.com mars 2024, n° 366, recensant l’article de Paul Dietschy, « Le football et le rapprochement des peuples ou la Weltanschauung des premiers dirigeants de la Fifa (1904-1942) », Relations internationales 2023/3, n° 195).

Ultérieurement, le tribunal administratif de Mayotte s’est prononcé en 2022 sur une affaire où « des faits de violences urbaines » étaient allégués ; il a estimé que « les conditions n’étaient manifestement pas réunies, en l’espèce, pour que le maire de Mamoudzou puisse légalement édicter une décision de maintien de fermeture de l’école maternelle et élémentaire de M’gombani sur le fondement de son pouvoir de police générale ou des pouvoirs propres qui lui sont impartis »20TA Mayotte Ord., 17 sept. 2022, n° 2204507, à partir d’un billet de l’avocat Louis le Foyer de Costil, « Illégalité de la fermeture d’une école par le maire sanctionné par référé liberté », 23 janv. 2023 ; s’agissant de la reconnaissance du « droit à l’instruction » comme une liberté fondamentale, v. ma thèse, 2017, pp. 1109 et s. (une dizaine de pages plus loin, j’enchaîne avec la question prioritaire de constitutionnalité). V. par ailleurs pp. 644 à 646, où je termine en note 114 par une comparaison avec l’article 27 de la Constitution espagnole du 27 décembre 1978 : l’affirmant toutefois « consacré par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 », v. la récente décision de non renvoi datée du 16 février 2024, n° 489634, cons. 5 (rapprocher de CE, 19 juill. 2017, Assoc. Les Enfants d’Abord et a., n° 406150, cons. 4, avec le terme « reconnu », un arrêt mentionné dans mes article préc. et billet lié du 29 décembre 2019, en note 7)..

Prise quelques jours avant que le logo de la Coupe du monde 2030 ne soit dévoilé (v. ci-contre), la décision adoptée à Villarreall ne semble pas avoir suscité de contestations ; elles pourraient se manifester si de telles fermetures venaient à se répéter, ce qui permettrait de voir leur proportionnalité discutée.

Notes

1 Il s’agit de la toute dernière (note 95) de mon billet du 29 févr. 2020, qui commence en évoquant successivement Nicole Belloubet (v. aussi les notes 24 et 26 du billet précédent, le 31 janv.) – ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse depuis le 8 février dernier – et la loi n° 2004-228 du 15 mars, laquelle vient de fêter ses 20 ans (v. son entretien avec Agathe Lambret et Jean-Rémi Baudot, francetvinfo.fr 15 mars 2024, à partir de la 9ème minute ; comparer ceux de Stéphanie Hennette-Vauchez avec Brigitte Menguy et Cécile Laborde avec Fabien Escalona, publiés le même jour dans La Gazette des communes et Mediapart – qui, sous la plume de Faïza Zerouala, « donne la parole à trois femmes concernées par les interdictions successives de 1994, 2004 et 2023 » ; v. encore Ismail Ferhat et Beatrice Mabilon-Bonfils, « Signes religieux à l’école : 20 ans de recherches sur la loi du 15 mars 2004 », theconversation.com le 13 ; Valentine Zuber, « La loi de 2004 sur le voile pose des difficultés insurmontables », la-croix.com le 16).
2 Mon retour – en septembre 2022 – auprès de mes amis d’enfance, qui ont quasiment tous baigné dans cet écosystème, n’y est pas pour rien : au-delà des matchs télévisés, j’ai notamment pu assister – juché sur les barrières d’un city stade –, à la défaite de l’Olympique de Valence en Coupe Gambardella, mettant un terme à « une très belle aventure » pour les jeunes drômois (Justin Teste, ledauphine.com 25 févr. 2024) ; deux jours plus tôt, j’avais pu savourer la victoire des bleues en demi-finale de la Ligue des Nations (Jérémy Laugier, « France-Allemagne : Alors, l’engouement à Lyon était-il aussi “désespérant” que le redoutait Amandine Henry ? », 20minutes.fr le 24). Alors que les hommes des deux nations s’opposent à leur tour au Groupama Stadium ce samedi 23 mars (en match amical), la couleur du maillot extérieur de l’équipe allemande « pour l’Euro fait polémique outre-Rhin » (v. Kylian Gil Blanco, beinsports.com 19 mars) ; c’est l’occasion d’inviter à (re)lire cet article de Sofian Aissaoui, « Pourquoi le rose est-il aussi mal vu lorsqu’il est porté par les garçons ? », slate.fr 20 mars 2023
3 J’ai d’ailleurs obtenu, dès mes 15 et 18 ans, les diplômes de jeune animateur de football et d’initiateur premier degré ; mon installation à Grenoble m’avait contraint à stopper cette activité d’entraîneur, que j’ai quand même continuée en participant à l’encadrement des stages « Feurs Vacances Foot » – les étés entre 2003 et 2010 –, sur l’invitation de mon oncle Michel Teil, impliqué au district de la Loire (v. Jean-Claude Vial, leprogres.fr 8 mars 2017 et 16 oct. 2019). En plus de la sienne, j’avais alors profité de l’expérience de plusieurs personnes, parmi lesquelles Patrick Brossat, Nicolas Forge (v. aussi footballdatabase.eu) et Jean-Marie Laborde, qui a été directeur du centre de formation de l’AS Saint-Étienne (1999-2002) ; armé de mon BAFA (2004), je les avais pour ma part initiés aux Loups-garous, où ils étaient vite devenus aussi redoutables que les enfants dont nous avions la responsabilité !
4 Sur la chaîne L’équipe ou celle, YouTube, de la FFF ; je renvoie à cet égard au podcast L’avenir leur appartient (lequipe.fr), dont le premier épisode a été consacré, le 26 avril 2023, au « Titi d’Or 2021 » (psg.fr 25 janv. 2022) : à l’occasion de son premier but en Ligue 1, Ayman Kari a publié cette brève vidéo sur X (twitter.com 30 janv. 2024).
5 « De Kylian Mbappé à Olympe de Gouges », 20 juill. 2018 ; au passage, j’évoquais ici initialement la possible participation du joueur aux Jeux Olympiques, qui n’a finalement pas eu lieu (reprise d’une partie des éléments de cette note à l’avant-dernière de mon billet de ce jeudi 8 août, à la veille de la finale des Bleus). Au contentieux, interprétant les dispositions législatives relatives aux logements étudiants pour les rendre compatibles avec l’organisation de ces JO et Paralympiques, CE, 29 déc. 2023, CROUS de Paris, n° 488337 ; LIJMEN mars 2024, n° 229, cons. 6 et 7
6 « L’OM évite de peu une “remontada” à Villarreal et se qualifie pour les quarts de Ligue Europa », varmatin.com (avec AFP) 14 mars 2024 ; « Tout le monde se souvient de la remontada, mais pour que cela arrive, il y a eu un premier match, le PSG avait gagné 4-0 au Parc des Princes. Et vous savez comment l’entraîneur avait été traité dans les médias… » (Christophe Remise, « “La remontada n’a servi à rien” : Luis Enrique revient sur PSG-Barça », lefigaro.fr 16 mars 2024).
7 « Le Vélodrome est le seul espace qui réunit tous les quartiers de Marseille », tel est le titre d’un des épisodes de la saison 3 du podcast Archi intéressant, réalisés en partenariat avec la Cité de l’architecture et du patrimoine : v. Émilie Regnault (entretien avec, par Joséfa Lopez), « Les stades sont devenus des monuments à part entière », lemonde.fr 18 mars 2024. « Selon France Bleu Provence, seulement seize supporters du Submarino Amarillo [devaien]t parcourir les 588 kilomètres – à vol d’oiseau – séparant Vila-real [un peu plus de 50 000 habitants] de la cité phocéenne [près de 900 000] » (J.B., « Le nombre fou de supporters de Villarreal qui se déplaceront au Vélodrome », sofoot.com le 6), « la possibilité de se faire importuner a[yant] eu raison de leur passion » (A.S., « Ligue Europa : pourquoi n’y a-t-il que 16 supporters de Villarreal au stade Vélodrome pour le match contre l’OM ? », lequipe.fr le 7) ; côté marseillais, v. Arnaud Vitalis, « OM – Villarreal : les minots au rendez-vous en Virage Depé », laprovence.com le 8 ; pour d’autres exemples d’initiatives solidaires, Florent Germain, « OM : pendant le confinement, la Commanderie héberge des femmes victimes de violences », rmcsport.bfmtv.com 17-18 avr. 2020. Il y a plus de trois ans, Arte avait consacré une série sur le thème Devenir un Ultra !, 13 déc. 2020, laquelle se termine sur « Saint-Étienne : la culture ultra des Verts » – un épisode initialement publié le 16 septembre ; entretemps, dans un article intitulé « Saint-Étienne dans le chaudron », Libération 7 nov., pp. 10-11, Ramsès Kefi revenait sur « la pandémie [qui] transperce l’agglomération (400 000 habitants [170 000 pour la ville-centre], 53 communes), au point de l’ériger en cluster des clusters. (…) Un groupe de supporteurs de l’ASSE, le club de foot de la ville, monument national, organise des distributions alimentaires ». Il en avait été de même à Marseille, plus précisément « dans les quartiers sud, à la cité de la Soude, d’où est originaire l’un des lieutenants de Rachid Zeroual », Hamza Baggour (Gilles Rof, « À Marseille, les South Winners, ultras influents », M. Le Magazine Le Monde 6 avr. 2024, n° 655, pp. 58 et s., spéc. p. 62, avant de préciser qu’il a été « lui aussi condamné – avec sursis – par la justice [en première instance] pour l’attaque de la Commanderie » le 30 janvier 2021 ; pour ce centre d’entraînement vu du ciel, avec le Vélodrome, v. en 2009).
8 Bruno Alvarez, « Ligue Europa. L’OM torpille le sous-marin jaune Villarreal au Vélodrome, les quarts se profilent », ouest-france.fr 7 mars 2024 ; v. Richard Martin, « Villarreal : pourquoi Sous-Marin jaune ? », fr.uefa.com 2 mai 2022 : « Ce surnom remonte à la saison 1967/68, lorsque Villarreal luttait pour la promotion en troisième division espagnole » ; il provient d’un détournement par un groupe de supporters « d’une chanson des Beatles, “Yellow Submarine”, sortie en 1966 ».
9 A.S., « Ligue Europa : Rennes dénonce les “comportements brutaux et intimidants” de certaines forces de l’ordre à Villarreal », rmcsport.bfmtv.com 6 oct. 2023
10 Concernant le « stade Bollaert-Delelis de Lens, dont l’histoire est intimement liée à celle de la Compagnie des Mines voisine », v. là aussi la série de podcasts.lemonde.fr/archi-interessant 18 mars 2024 ; dans un entretien avec Nicolas Celnik, Vincent Béal, co-auteur de l’ouvrage collectif Sociologie de Saint-Etienne (La Découverte, 2020), notait qu’elle « a toujours été une ville industrielle, manufacturière, et donc un peu différente des autres villes françaises » (adaptation de cette formule pour titrer dans Libération 7 nov. 2020, pp. 12-13 : « Les valeurs ouvrières d’humilité, d’abnégation, de travail, sont fréquemment mises en avant par les supporteurs, surtout depuis les années 90 et la création des groupes d’ultras. Comme l’a montré la sociologue Bérangère Ginhoux, il y a un alignement entre la ville et son club de foot »).
11 CE Ord., 12 déc. 2023, Sevilla Fútbol Club et a., n° 490062, cons. 3
12 Cons. 9, 10 et 11 ; idem au 12 à propos de l’arrêté lié, adopté le 11 décembre par le préfet du Pas-de-Calais. V. par ex. Romane Porcon, « Ligue des Champions : le Conseil d’État suspend l’interdiction de déplacement des supporters espagnols à Lens », francebleu.fr 12 déc. 2023. Ajout d’une justification qui pourrait elle aussi faire l’objet de développements contentieux, à savoir celle du préfet du Nord pour interdire cette fois un évènement d’un parti d’opposition, fondée notamment sur « la tenue au même  moment du match de coupe d’Europe classé à risque LOSC / Aston Villa FC au stade Pierre Mauroy (…) » (communiqué du 18 avr. 2024 ; « Élections européennes : on vous résume la polémique sur la conférence annulée de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan sur la Palestine à Lille », francetvinfo.fr (avec AFP) les 18-19) ; ayant mis en avant un contexte de « mobilisation policière sur d’autres manifestations et événements sportifs », avec le match aller de la demi-finale de Ligue des champions féminine OL-PSG, le préfet de police de Paris a vu sa décision suspendue par le juge des référés du tribunal administratif de cette ville (« La justice suspend l’interdiction d’une marche prévue dimanche à Paris contre le racisme et l’islamophobie », leparisien.fr (avec AFP) le 19).
13 Alain Anquetil, « Qu’est-ce qu’un cas d’école ? », essca-knowledge.fr 31 janv. 2021
14 Miguel Á. Gutiérrez, « Cierran tres colegios en Villarreal por la llegada de los ultras del Marsella », okdiario.com 12 mars 2024
15 V. par ex. Youri Léger, « Villarreal – OM : les ultras marseillais font fermer les écoles espagnoles », onzemondial.com 12 mars 2024
16 « Football, Ligue Europa : “C’était la décision la plus sage” le maire de Villareal ferme des écoles pour la venue de l’OM », eurosport.fr (avec AFP) 13 mars 2024
17 V. par ex. l’article de l’avocat Philippe Petit, « La protection au sein et aux abords des établissements scolaires », lagazettedescommunes.com 17 avr. 2019
18 Xavier Dupré de Boulois, Droit des libertés fondamentales, PUF, 2018, p. 150 (4e édition mise à jour publiée en ce début d’année 2024).
19 Thomas Bompard, « Le droit à l’éducation », in Sara Brimo et Christine Pauti (dir.), L’effectivité des droits. Regards en droit administratif, éd. mare & martin, 2019, p. 39, spéc. pp. 48-49, en citant TA Versailles Ord., 18 mars 2006, X. c. Université Paris X Nanterre, n° 0602618, à partir de Thierry-Xavier Girardot, « Le blocage des universités devant le juge des référés », LIJMEN juin 2006, n° 106, p. 30, spéc. p. 33
20 TA Mayotte Ord., 17 sept. 2022, n° 2204507, à partir d’un billet de l’avocat Louis le Foyer de Costil, « Illégalité de la fermeture d’une école par le maire sanctionné par référé liberté », 23 janv. 2023 ; s’agissant de la reconnaissance du « droit à l’instruction » comme une liberté fondamentale, v. ma thèse, 2017, pp. 1109 et s. (une dizaine de pages plus loin, j’enchaîne avec la question prioritaire de constitutionnalité). V. par ailleurs pp. 644 à 646, où je termine en note 114 par une comparaison avec l’article 27 de la Constitution espagnole du 27 décembre 1978 : l’affirmant toutefois « consacré par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 », v. la récente décision de non renvoi datée du 16 février 2024, n° 489634, cons. 5 (rapprocher de CE, 19 juill. 2017, Assoc. Les Enfants d’Abord et a., n° 406150, cons. 4, avec le terme « reconnu », un arrêt mentionné dans mes article préc. et billet lié du 29 décembre 2019, en note 7).

Un avis important sur l’enseignement « dans les lieux d’enfermement »

Le 31 janvier dernier, Dominique Simonnot était l’invitée de Mathilde Munos sur France Inter1« Les enfants enfermés ont cinq fois moins d’heures de cours que les autres », radiofrance.fr 31 janv. 2024 ; pour un entretien ultérieur et plus long (une vingtaine de minutes, à compter de 9’30), avec Virginie Guilhaume sur Sqool TV cette fois, v. l’illustration ci-dessus.. Ce mercredi-là était en effet rendu public5La publication de l’avis a donné lieu à une dépêche AFP, suscitant quelques reprises dans la presse, parmi lesquelles celle de Théo Bourrieau, « Scolarité : l’enseignement “loin d’être à la hauteur” pour les mineurs enfermés, selon la contrôleuse des prisons », humanite.fr 31 janv. 2024, renvoyant à l’article publié dans le même quotidien par Eugénie Barbezat le 11 mai 2023, suite au rapport d’activité 2022 de la Contrôleure (le titre de l’article reprend une citation de la Défenseure des droits : « Depuis 2012, 35 000 jeunes enfermés en France “au mépris des droits et de l’intérêt supérieur de l’enfant” »). un avis de la Contrôleure générale des lieux de privations de liberté (CGLPL), « relatif à l’accès des mineurs enfermés à l’enseignement »2CGLPL, « Avis relatif à l’accès des mineurs enfermés à l’enseignement », cglpl.fr 31 janv. 2024 (renvoyant à un extrait du JORF de ce jour, avec le texte de cet avis du 17 nov. 2023 – cité ci-dessus – suivi des observations du garde des sceaux, datées du 30 janv. 2024)..

Ce texte invite d’abord à les recenser : « Si on comptabilise environ 700 mineurs incarcérés, 600 jeunes placés en centrés éducatifs fermés (CEF), et 22 000 hospitalisés dans les services de psychiatrie, aucune statistique nationale n’existe sur le nombre des mineurs enfermés en âge d’être scolarisés, leurs caractéristiques, leur évolution, alors qu’elle permettrait de mieux connaitre ce public et d’identifier ses besoins ».

Capture d’écran du « Grand JT » de Sqool TV, « L’éducation selon Dominique Simonnot », 15 févr. 2024 (vidéo mise en ligne le lendemain sur YouTube).

Dominique Simonnot déplore ensuite que les durées hebdomadaires d’enseignement constatées soient « toujours inférieures à celles théoriquement prévues : moins de 5 heures de cours hebdomadaires effectifs en CEF [au lieu de 25], y compris pour les mineurs de moins de seize ans, pas plus de 15 heures en [établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM, au lieu de 20)], pas plus de 6 heures en quartier [de prison pour mineurs (au lieu de 12)]. En psychiatrie, [aucune durée théorique n’est prévue et elle est en pratique] plus variable mais toujours très faible ». Parce que « le droit à l’éducation de chaque enfant a vocation à s’exercer dans les lieux d’enfermement », il est notamment recommandé la détermination d’« un établissement de rattachement qui a[urait] la responsabilité de veiller à la continuité de son parcours scolaire »3 Souligné dans le texte. Si le Ministre de la justice Éric Dupond-Moretti assure que ses « services sont mobilisés afin que le droit commun s’applique en détention et au sein des CEF », il ne mentionne pas le droit à l’éducation mais les obligations « de scolarité » et « de formation » (cette (p)référence le conduit même, à la page 2 de ses observations, à viser « l’obligations de formation »… V. déjà, mutatis mutandis, mon billet du 30 mars 2018, avec aussi les actualisations ; « Dans le cadre des entretiens menés pendant les visites et vérifications sur place du CGLPL, [cinq ans plus tard,] nombre d’enseignants ont déploré la faible attractivité des postes en milieu fermé »)..

Dans l’un de mes trois premiers billets publiés sur ce site, en 2018, j’évoquais l’article L. 1110-6 du Code de la santé publique ; l’avis note à juste titre qu’il « se born[e] à indiquer que “les enfants en âge scolaire ont droit à un suivi scolaire adapté au sein des établissements de santé”4« Dans la mesure où leurs conditions d’hospitalisation le permettent », commence cet article issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars – une formule restrictive soulignée implicitement dans mon billet du 5 janvier 2018 ; Adeline Hazan était alors CGLPL, une fonction qu’elle a occupée de juillet 2014 à 2020 (en juin 2022, elle a succédé « à Jean-Marie Dru à la présidence de l’UNICEF France » ; ce comité national de l’agence onusienne a récemment tenté en vain, par le biais d’une contribution extérieure de la SCP Spinosi au Conseil Constitutionnel, de faire censurer les dispositions de la loi immigration « en ce qu’elles prévoient que l’interdiction de l’enfermement des enfants à Mayotte sera différée au 1er janvier 2027 »).. En l’absence de cadre national, l’organisation de l’accès à l’enseignement scolaire des jeunes patients en psychiatrie dépend des rectorats ».

D’une manière générale, si la scolarisation doit être adaptée « aux profils et besoins des élèves concernés », il devrait s’agir d’« une priorité absolue (…) expressément prévue par la loi, mise en œuvre dans les faits, sans que les contraintes et difficultés opérationnelles propres aux administrations responsables des lieux d’enfermement n’y fassent obstacle ».

Notes

1 « Les enfants enfermés ont cinq fois moins d’heures de cours que les autres », radiofrance.fr 31 janv. 2024 ; pour un entretien ultérieur et plus long (une vingtaine de minutes, à compter de 9’30), avec Virginie Guilhaume sur Sqool TV cette fois, v. l’illustration ci-dessus.
2 CGLPL, « Avis relatif à l’accès des mineurs enfermés à l’enseignement », cglpl.fr 31 janv. 2024 (renvoyant à un extrait du JORF de ce jour, avec le texte de cet avis du 17 nov. 2023 – cité ci-dessus – suivi des observations du garde des sceaux, datées du 30 janv. 2024).
3 Souligné dans le texte. Si le Ministre de la justice Éric Dupond-Moretti assure que ses « services sont mobilisés afin que le droit commun s’applique en détention et au sein des CEF », il ne mentionne pas le droit à l’éducation mais les obligations « de scolarité » et « de formation » (cette (p)référence le conduit même, à la page 2 de ses observations, à viser « l’obligations de formation »… V. déjà, mutatis mutandis, mon billet du 30 mars 2018, avec aussi les actualisations ; « Dans le cadre des entretiens menés pendant les visites et vérifications sur place du CGLPL, [cinq ans plus tard,] nombre d’enseignants ont déploré la faible attractivité des postes en milieu fermé »).
4 « Dans la mesure où leurs conditions d’hospitalisation le permettent », commence cet article issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars – une formule restrictive soulignée implicitement dans mon billet du 5 janvier 2018 ; Adeline Hazan était alors CGLPL, une fonction qu’elle a occupée de juillet 2014 à 2020 (en juin 2022, elle a succédé « à Jean-Marie Dru à la présidence de l’UNICEF France » ; ce comité national de l’agence onusienne a récemment tenté en vain, par le biais d’une contribution extérieure de la SCP Spinosi au Conseil Constitutionnel, de faire censurer les dispositions de la loi immigration « en ce qu’elles prévoient que l’interdiction de l’enfermement des enfants à Mayotte sera différée au 1er janvier 2027 »).
5 La publication de l’avis a donné lieu à une dépêche AFP, suscitant quelques reprises dans la presse, parmi lesquelles celle de Théo Bourrieau, « Scolarité : l’enseignement “loin d’être à la hauteur” pour les mineurs enfermés, selon la contrôleuse des prisons », humanite.fr 31 janv. 2024, renvoyant à l’article publié dans le même quotidien par Eugénie Barbezat le 11 mai 2023, suite au rapport d’activité 2022 de la Contrôleure (le titre de l’article reprend une citation de la Défenseure des droits : « Depuis 2012, 35 000 jeunes enfermés en France “au mépris des droits et de l’intérêt supérieur de l’enfant” »).

Construire le « problème de l’abaya » peut bien préoccuper Genève, tant que cela conduit à Matignon…

Photo d’Alain Jocard/AFP, reprise depuis l’article d’Antoine Masset, « Amélie Oudéa-Castera ajoute le ministère de l’Éducation nationale à son périmètre », livreshebdo.fr 12 janv. 2024 ; pour un exemple de réaction syndicale immédiate à ce cumul, fsu50.fsu.fr

Au début de cette nouvelle année, une ancienne inspectrice de l’Éducation nationale pointait « l’analphabétisme [du] ministre en matière de sciences et d’histoire de l’éducation (…) [et] ses piètres talents en maths – hors du simple calcul politique »1Monique Picaud, « Le retour du redoublement à l’école, crime contre l’individu et hérésie budgétaire », lemonde.fr/blog 5 janv. 2024. Quelques jours plus tard, Gabriel Attal devenait Premier ministre, suite à « la démission forcée d’Élisabeth Borne »2Ariane Vidal-Naquet, « Les comportements des acteurs politiques sont en contradiction avec ce que prévoient les normes juridiques », lemonde.fr 10 janv. 2024. La fin de la semaine allait être consacrée à commenter ce remaniement3Pierre Jacquemain, « Gabriel Attal, l’homme qui “piquait” les idées du RN », politis.fr 9 janv. 2024 et, pour ce qui concerne le domaine scolaire, la première sortie de celle appelée à lui succéder rue de Grenelle (v. ci-dessus)4Thibaud Le Meneec, « Des révélations de Mediapart aux accusations de “mensonge”, on vous résume la polémique qui touche la ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra », francetvinfo.fr avec AFP 13-15 janv. 2024 (à propos des absences d’enseignant·es non remplacé·es, v. mon billet du 20 mai 2018 et, concernant l’établissement catholique Stanislas, ma thèse, 2017, pp. 612 et 1000)..

Caricature de Colm, reprise depuis le communiqué publié par le snudifo02.fr 10 sept. 2023 ; « Comment effacer vite fait les problèmes de la rentrée ? Le tour de magie d’Attal : “Abayacadabra !” », titrait Le Canard enchaîné du mercredi 30 août. Telle était aussi l’analyse, deux jours plus tard, de l’hebdomadaire allemand Die Zeit, ainsi que l’a relaté courrierinternational.com

Le jour de la nomination de Gabriel Attal, Mediapart revenait sur une lettre adressée au Gouvernement français le 27 octobre dernier ; six titulaires de mandats des procédures spéciales du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations Unies se saisissaient de la mesure agitée5V. le billet de Cécile Bourgneuf, « Abaya : la douteuse opération de com du cabinet d’Attal », liberation.fr 4 sept. 2023 lors de la rentrée : « la décision du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, exprimée notamment par une note de service relative au respect des valeurs de la République publiée le 31 août 2023 au bulletin officiel de l’éducation nationale, d’interdire le port de l’abaya dans l’enceinte des établissements scolaires »6CE Ord., 25 sept. 2023, Association la Voix Lycéenne et a., n° 487896, cons. 4 (en référé-suspension) ; v. déjà (en référé-liberté) CE Ord., 7 sept. 2023, Association Action Droits des Musulmans, n° 487891, cons. 2, en ajoutant le terme « notamment ». Dans ma thèse préc., j’évoquais déjà le cas des « jupes longues ou d’abayas », pp. 456 et s., spéc. 459-460.

Juridicisant une allusion remarquée du secrétaire général Antonio Guterres7« Le patron de l’ONU s’en prend implicitement à la France et à l’interdiction de l’abaya à l’école », nouvelobs.com 20 sept. 2023 : « À travers le monde, les droits des femmes, y compris les droits sexuels et reproductifs, sont réduits, voire supprimés, leurs libertés restreintes. Dans certains pays, les femmes et les filles sont punies parce qu’elles portent trop de vêtements. Dans d’autres, parce qu’elles n’en portent pas assez »., cette lettre conjointe réagissait aux témoignages rapportant « que des élèves présumées musulmanes ont été empêchées d’accéder aux cours parce qu’elles portaient d’autres types de vêtements jugés trop couvrants ou trop amples. Des étudiantes portant des kimonos se sont vu refuser l’accès à l’éducation sous prétexte que cette tenue était similaire à une abaya ». Avant de s’intéresser aussi aux décisions des « instances dirigeantes sportives », les six signataires – dont Farida Shaheed (v. ci-dessous) – s’affirmaient notamment « gravement préoccupés par les atteintes faites au droit des filles et des femmes portant le hijab à l’éducation et au travail, de même qu’à leur droit de participer à la vie culturelle »8AL FRA 13/2023, lettre de 13 p. du 27 oct. 2023 (jointe à l’article de David Perrotin, « “Profilage racial” : l’interdiction de l’abaya par Attal “préoccupe” des rapporteuses de l’ONU », Mediapart 10 janv. 2024), spéc. pp. 3 et 6, rappelant entretemps – page 5 – l’annonce de la ministre des Sports, le 24 septembre 2023, « que les athlètes françaises ne seraient pas autorisées à porter un hijab aux Jeux Olympiques d’été de Paris 2024 ». Comptant également treize pages et datée du 20 décembre, la réponse du Gouvernement français a été adressée deux jours plus tard par la Mission Permanente de la France auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales en Suisse (LF/cda/2023-0555181, 22 déc. 2023, 13 p. Ce document se retrouve lui aussi à l’aide du moteur de recherches des communications : https://spcommreports.ohchr.org/)..

Capture d’écran d’une vidéo de Farida Shaheed publiée sur X, twitter.com/UNGeneva 30 juin 2023 ; ayant succédé en août 2022 à Koumbou Boly Barry, elle est la troisième femme rapporteure spéciale sur le droit à l’éducation, la première ayant été Katarina Tomaševski (v. le dernier de mes cinq portraits).

Cette mise en cause onusienne9V. déjà les décisions et observations rappelées dans mon billet intitulé « Foulard et enfance : la position des institutions onusiennes », 26 août 2018 n’a pas fait les gros titres10D’autant que le courrier précité a dû être rendu public en décembre, même s’il est possible de comprendre qu’il soit relayé avec un certain délai ; mutatis mutandis, « Un élève peut-il recevoir un signe religieux d’un membre de l’établissement alors qu’il est dans une école publique ? », nicematin.com (avec AFP) 12 janv. 2024, signalant Crim., 5 déc. 2023, n° 22-87459, arrêt lui-même fondé sur la décision de non-renvoi de QPC de la même chambre de la Cour de cassation (20 juin 2023, n° 22-87459). ; il a pourtant été question des Nations Unies cette semaine, avec la tenue des audiences de la Cour Internationale de Justice (CIJ) relative à la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël11V. « l’édito médias » de Pauline Bock, « Israël-Gaza : plaidoirie sudafricaine et silence médiatique », arretsurimages.net 13 janv. 2024 (sur le même site, v. le billet de Daniel Schneidermann, « Gaza : Génocide, ou crime contre l’humanité ? », le 11, à partir du Retour à Lemberg de Philippe Sands – que j’évoquais in fine le 30 juillet 2018).. C’est l’occasion de rappeler que la CIJ a pu aussi affirmer le droit à l’éducation, précisément dans son Avis du 9 juillet 2004, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé12Disponible ici, cet Avis de la CIJ est brièvement mentionné dans ma thèse ; il fait l’objet de ma note de bas de page 954, n° 1998

Notes

1 Monique Picaud, « Le retour du redoublement à l’école, crime contre l’individu et hérésie budgétaire », lemonde.fr/blog 5 janv. 2024
2 Ariane Vidal-Naquet, « Les comportements des acteurs politiques sont en contradiction avec ce que prévoient les normes juridiques », lemonde.fr 10 janv. 2024
3 Pierre Jacquemain, « Gabriel Attal, l’homme qui “piquait” les idées du RN », politis.fr 9 janv. 2024
4 Thibaud Le Meneec, « Des révélations de Mediapart aux accusations de “mensonge”, on vous résume la polémique qui touche la ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra », francetvinfo.fr avec AFP 13-15 janv. 2024 (à propos des absences d’enseignant·es non remplacé·es, v. mon billet du 20 mai 2018 et, concernant l’établissement catholique Stanislas, ma thèse, 2017, pp. 612 et 1000).
5 V. le billet de Cécile Bourgneuf, « Abaya : la douteuse opération de com du cabinet d’Attal », liberation.fr 4 sept. 2023
6 CE Ord., 25 sept. 2023, Association la Voix Lycéenne et a., n° 487896, cons. 4 (en référé-suspension) ; v. déjà (en référé-liberté) CE Ord., 7 sept. 2023, Association Action Droits des Musulmans, n° 487891, cons. 2, en ajoutant le terme « notamment ». Dans ma thèse préc., j’évoquais déjà le cas des « jupes longues ou d’abayas », pp. 456 et s., spéc. 459-460
7 « Le patron de l’ONU s’en prend implicitement à la France et à l’interdiction de l’abaya à l’école », nouvelobs.com 20 sept. 2023 : « À travers le monde, les droits des femmes, y compris les droits sexuels et reproductifs, sont réduits, voire supprimés, leurs libertés restreintes. Dans certains pays, les femmes et les filles sont punies parce qu’elles portent trop de vêtements. Dans d’autres, parce qu’elles n’en portent pas assez ».
8 AL FRA 13/2023, lettre de 13 p. du 27 oct. 2023 (jointe à l’article de David Perrotin, « “Profilage racial” : l’interdiction de l’abaya par Attal “préoccupe” des rapporteuses de l’ONU », Mediapart 10 janv. 2024), spéc. pp. 3 et 6, rappelant entretemps – page 5 – l’annonce de la ministre des Sports, le 24 septembre 2023, « que les athlètes françaises ne seraient pas autorisées à porter un hijab aux Jeux Olympiques d’été de Paris 2024 ». Comptant également treize pages et datée du 20 décembre, la réponse du Gouvernement français a été adressée deux jours plus tard par la Mission Permanente de la France auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales en Suisse (LF/cda/2023-0555181, 22 déc. 2023, 13 p. Ce document se retrouve lui aussi à l’aide du moteur de recherches des communications : https://spcommreports.ohchr.org/).
9 V. déjà les décisions et observations rappelées dans mon billet intitulé « Foulard et enfance : la position des institutions onusiennes », 26 août 2018
10 D’autant que le courrier précité a dû être rendu public en décembre, même s’il est possible de comprendre qu’il soit relayé avec un certain délai ; mutatis mutandis, « Un élève peut-il recevoir un signe religieux d’un membre de l’établissement alors qu’il est dans une école publique ? », nicematin.com (avec AFP) 12 janv. 2024, signalant Crim., 5 déc. 2023, n° 22-87459, arrêt lui-même fondé sur la décision de non-renvoi de QPC de la même chambre de la Cour de cassation (20 juin 2023, n° 22-87459).
11 V. « l’édito médias » de Pauline Bock, « Israël-Gaza : plaidoirie sudafricaine et silence médiatique », arretsurimages.net 13 janv. 2024 (sur le même site, v. le billet de Daniel Schneidermann, « Gaza : Génocide, ou crime contre l’humanité ? », le 11, à partir du Retour à Lemberg de Philippe Sands – que j’évoquais in fine le 30 juillet 2018).
12 Disponible ici, cet Avis de la CIJ est brièvement mentionné dans ma thèse ; il fait l’objet de ma note de bas de page 954, n° 1998

Sécurité sociale et école inclusive (à partir de deux décisions du Conseil constitutionnel)

S’il est possible d’avoir conscience de l’importance du système de protection sociale en l’ayant abordé d’une manière largement théorique, avoir eu à en bénéficier directement rend encore plus sensible à la nécessité de le préserver. Au terme de cette année 2023, qui m’a conduit à m’intéresser professionnellement aux politiques publiques de logement et de santé – en m’éloignant donc du droit de l’éducation –, je réagis ici brièvement à deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel.

Campagne de pétitions intitulée « Pas de taxe sur ma santé », renouvelée cette année et à laquelle participe Mutami : v. Jocelyne Le Roux et Sophie Elorri (entretien avec, par Delphine Delarue), « Nous devons revenir aux fondamentaux d’une Sécurité sociale de haut niveau », vivamagazine.fr 4 déc. 2023 (la présidente déléguée concède « quelques mesures en faveur de la prévention, notamment dans le domaine de la lutte contre la précarité menstruelle », avant de déplorer : « En vingt ans, les taxes sur les contrats santé ont été multipliées par 8. Elles atteignent aujourd’hui 14,1 %. Et depuis plusieurs années, on assiste à un désengagement de la Sécurité sociale et à un transfert de ses charges vers les mutuelles ». V. aussi Astrid Cousin, « Mutuelle et réforme 100% Santé : changements en vue pour janvier 2024 », magnolia.fr 25 avr. 2023, notant que les organismes complémentaires « financent déjà 70% de [cette réforme] » – remontant à 2019 et supprimant les restes à charge, pour lutter contre le renoncement aux soins).

Dans la première, ses membres ont refusé que « le versement des indemnités journalières [(d’arrêt de travail) soit] désormais suspendu par l’organisme local d’assurance maladie sans l’intervention préalable du service du contrôle médical », autrement dit sur la seule base du « rapport du médecin diligenté par l’employeur »1CC, 21 déc. 2023, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, n° 2023-860 DC, cons. 44 ; v. « Une mesure polémique sur les arrêts de travail censurée par le Conseil constitutionnel », publicsenat.fr 22 déc. 2023, résumant ce qui a été par ailleurs validé, notamment « la limitation à trois jours – sauf exception – des arrêts de travail par téléconsultation. Une durée correspondant au délai de carence non indemnisé par la Sécu »..

Cette inconstitutionnalité se fonde sur les termes de l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946, dont la seconde phrase prévoit : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence »2À propos de cette affirmation explicite d’un droit, v. ma thèse, 2017, en note de bas de page 646, n° 112 ; concernant la formule reprise à la fin de ce considérant 41, v. Grégory Mollion, « Les garanties légales des exigences constitutionnelles », RFDC 2005, p. 257 ; Ariane Vidal-Naquet, Les  « garanties  légales  des  exigences constitutionnelles » dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, thèse Panthéon-Assas, 2007, 671 p..

Illustration reprise depuis le texte intitulé « École inclusive : un projet de réforme en trompe-l’œil », accens-avocats.com 13 oct. 2023

La seconde décision, rendue une semaine plus tard, sanctionne le recours à « une procédure contraire à la Constitution » dans l’insertion dans la loi de finances de plusieurs dispositions3V. aussi Elsa Conesa, « Budget 2024 : le « cadeau fiscal » à la FIFA censuré », Le Monde 30 déc. 2023, p. 10 ; c’est en particulier le cas de l’« article 233 [qui réécrivai]t l’article L. 351-3 du code de l’éducation afin de prévoir la création de pôles d’appui à la scolarité4Ces « pôles d’appui à la scolarité » (PAS) devaient se substituer aux « pôles inclusifs d’accompagnement localisés [PIAL] créés dans chaque département [pour assurer] la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires » (art. 25 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance – prévoyant par ailleurs « l’extension des obligations des communes en matière scolaire », pour reprendre le titre mon focus publié à l’AJCT 2020, p. 28 ; v. Éléa Pommiers, « Une réforme de l’école inclusive censurée par le Conseil constitutionnel », Le Monde 31 déc. 2023-2 janv. 2024, p. 10 (cet article prend place après celui d’Isaline Boiteux, « Un arrêt maladie sans carence pour les victimes de fausse couche », rappelant qu’une « femme sur dix est confrontée à une interruption spontanée de grossesse au cours de sa vie, soit près de 200 000 grossesses chaque année. (…) Cette mesure, adoptée à l’unanimité par le Parlement le 29 juin 2023 dans le cadre de la loi visant à favoriser [leur] accompagnement psychologique [et qui entre en vigueur le premier janvier], entend lever un frein qui pouvait jusqu’alors les empêcher de prendre le temps de récupérer »). chargés de définir, pour certains établissements scolaires, les mesures d’accessibilité destinées à favoriser la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers »5CC, 28 déc. 2023, Loi de finances pour 2024, n° 2023-862 DC, cons. 133 et 130 ; v. Dominique Momiron, « Sale temps pour l’école inclusive (II) », cafepedagogique.net 20 nov. 2023, lequel avait anticipé l’éventualité que cet article soit considéré comme un « cavalier législatif », et rappelle que les élèves en situation de handicap « sont minoritaires en nombre dans le contingent des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers » (avant de préciser ; v. aussi la fin de mon billet du 3 avr. 2018 et, cette année, le colloque intitulé Les « élèves à besoins éducatifs particuliers » (EBEP) : regards des sciences sociales (15-16 juin), actu.univ-fcomte.fr 22 mai 2023)..

Le Collectif Handicaps, regroupement d’une cinquantaine d’associations, s’était dressé contre cet article (53, selon le projet de loi) : « Alors que la France a été condamnée à plusieurs reprises par l’ONU et le Conseil de l’Europe pour violation du droit à l’éducation, il est urgent de se doter d’une véritable vision politique sur l’école inclusive. L’heure n’est plus au catalogue de mesures, mais à une politique publique cohérente portant à la fois sur la coopération entre les différents acteurs et la formation des équipes pédagogiques et médico-sociales pour répondre aux besoins de tous les enfants, sans exclusion d’aucune situation de handicap »6Communiqué intitulé « Création des Pôles d’Appui à la Scolarité : le Projet de Loi de Finances 2024 ne peut pas être adopté en l’état » (collectifhandicaps.fr 19 oct. 2023) ; pour les décisions auxquelles il est fait allusion, v. ma thèse pp. 795 et s., mon billet du 25 févr. 2019 et CEDS, 19 oct. 2022, Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe c. France, n° 168/2018, décision sur le bien-fondé (rendue publique le 17 avr. 2023), §§ 231 à 273 (signalant et résumant cette décision, v. lexisveille.fr le 19). Dans la jurisprudence administrative, annulant CAA Lyon, 8 nov. 2018, n° 16LY04217 (v. le premier point de mon billet du 8 avril 2019), CE, 19 juill. 2022, n° 428311.

Photo reprise depuis le recueil de témoignages d’Andrea Desideri, intitulé « On est oubliées, on n’existe pas », revolutionpermanente.fr 3 oct. 2023 ; à propos des accompagnant·es d’élèves en situation de handicap (AESH), v. mon billet du 30 sept. 2018, la note 11 de celui du 29 déc. 2019, cette Rép. min. publiée au JO Sénat 17 oct. 2019, p. 5286 et, en application de l’article 25 de la loi Blanquer – venu modifier l’art. L. 917-1 du Code de l’éducation –, le décret n° 2020-1287 du 23 oct. « portant création de l’indemnité de fonctions particulières allouée aux [AESH référent·e·s], avec l’arrêté correspondant, fixant son montant à 600 euros, « à compter du mois de septembre 2020 ». Citée en note 6 du présent billet, une décision du CEDS comprend des développements spécifiques aux AESH (§§ 69-70, 234 à 238 et 264 à 272).

« “Rapprocher le médico-social et l’école, apporter des réponses plus rapides à des familles et des élèves qui aujourd’hui attendent de long mois sont autant d’impératifs sur lesquels le ministère avancera dans les prochains mois, quel qu’en soit le vecteur”, a réagi la Rue de Grenelle auprès du Monde après la censure du Conseil constitutionnel »7Éléa Pommiers, art. préc., laquelle commente : « Si l’essentiel des réformes de l’éducation nationale passe par la voie réglementaire, ces transformations de l’école inclusive ne pourront vraisemblablement pas faire l’économie d’une loi – et donc de débats parlementaires alors même que le gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue »..

Ce dernier a enregistré, durant cette même semaine, quatre saisines relatives à la constitutionnalité de la loi « immigration »8Yves-Marie Robien, « Loi immigration : le Conseil constitutionnel saisi quatre fois », ouest-france.fr 27 déc. 2023, dans un contexte où la « dénonciation d’un “gouvernement des juges” français et européens a été largement relayée par les têtes d’affiche des médias du groupe Bolloré9V. la cartographie « Médias français, qui possède quoi ? », Le Monde diplomatique et Acrimed, déc. 2023, notamment les animateurs Cyril Hanouna et Pascal Praud, ou le chroniqueur Mathieu Bock-Côté »10Clément Guillou, « L’État de droit, nouvelle frontière du RN contre l’immigration », Le Monde 29 déc. 2023, p. 8, présentant ce front comme la seconde de ses « guerres idéologiques sur l’immigration » – avec « la préférence nationale, dont le principe a été inscrit par le parti Les Républicains (LR) dans cette loi avec l’aval de la majorité ». Ajout le 4 janvier de la tribune signée ce jour dans le même quotidien par Elvire Guillaud et Michaël Zemmour, « Le critère de nationalité n’est pas, depuis les origines, dans le répertoire de la Sécurité sociale », p. 20, notant qu’« à [leur] connaissance, personne, à l’université ou dans les administrations, n’a songé jusqu’ici à évaluer l’impact d’un tel tournant xénophobe de la politique sociale »..

« Dès le 9 décembre, la Défenseure des droits Claire Hédon a alerté dans une tribune au Monde et souligné combien ce texte de loi était d’une “gravité majeure pour les droits fondamentaux” des personnes étrangères en France »11Nejma Brahim, « Immigration : une loi qui bafoue les droits les plus fondamentaux », Mediapart 19 déc. 2023 ; d’une manière plus générale, la défenseure des droits a antérieurement déclaré à basta! que, si la dématérialisation peut faciliter les démarches, elle « ne doit pas signifier la disparition du téléphone et de l’accueil dans les services publics. Le problème est là : les réclamants ne peuvent plus aller voir quelqu’un » (Claire Hédon – entretien avec, par Ivan du Roy et Pierre Jequier-Zalc –, « L’intersectionnalité n’est pas un gros mot », basta.media 9 févr. 2022, citation reprise par Emma Bougerol, « Payer pour percevoir ses aides : le désengagement de l’État laisse place au privé », basta.media 28 août 2023 ; à propos des titres de séjour, Nathan Chaize, « À Lyon, la préfecture du Rhône “fabrique elle-même ses sans-papiers” », lyoncapitale.fr 3 mai 2023). ; le Conseil constitutionnel saura-t-il les protéger, en saisissant notamment l’occasion d’affirmer enfin clairement le droit à l’éducation (en l’occurrence de celles poursuivant des études supérieures)12V. mes billets des 25 juill. 2019 et 26 mars 2020 ; comparer avec les saisines des parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat, les 26 et 27 déc. 2023, contre cette Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (2023-863 DC ; disponibles ici) : concernant les étudiant·es, l’argumentation repose sur le « principe d’égalité » et/ou la « liberté d’enseignement » (v. respectivement les pp. 19-21 et 11-12 ; s’agissant de ces alternatives au droit à l’éducation, pour reprendre le titre de la première partie de ma thèse, pp. 59 et s., v. spéc. mes pp. 183 à 279 – et, dans la seconde, 1097 à 1099) ; v. aussi les entretiens avec Serge Slama et Véronique Champeil-Desplats,« À propos de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », La Revue des Droits de l’Homme ADL 23 et 24 janv. 2024, renvoyant tous deux à la contribution extérieure présentée au CC concernant les « étudiants internationaux », qui reprend cet argument à la page 9 (ajout au 29 septembre, à l’occasion de la rédaction de mon billet relatif au gouvernement Barnier). ?

Notes

1 CC, 21 déc. 2023, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, n° 2023-860 DC, cons. 44 ; v. « Une mesure polémique sur les arrêts de travail censurée par le Conseil constitutionnel », publicsenat.fr 22 déc. 2023, résumant ce qui a été par ailleurs validé, notamment « la limitation à trois jours – sauf exception – des arrêts de travail par téléconsultation. Une durée correspondant au délai de carence non indemnisé par la Sécu ».
2 À propos de cette affirmation explicite d’un droit, v. ma thèse, 2017, en note de bas de page 646, n° 112 ; concernant la formule reprise à la fin de ce considérant 41, v. Grégory Mollion, « Les garanties légales des exigences constitutionnelles », RFDC 2005, p. 257 ; Ariane Vidal-Naquet, Les  « garanties  légales  des  exigences constitutionnelles » dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, thèse Panthéon-Assas, 2007, 671 p.
3 V. aussi Elsa Conesa, « Budget 2024 : le « cadeau fiscal » à la FIFA censuré », Le Monde 30 déc. 2023, p. 10
4 Ces « pôles d’appui à la scolarité » (PAS) devaient se substituer aux « pôles inclusifs d’accompagnement localisés [PIAL] créés dans chaque département [pour assurer] la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires » (art. 25 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance – prévoyant par ailleurs « l’extension des obligations des communes en matière scolaire », pour reprendre le titre mon focus publié à l’AJCT 2020, p. 28 ; v. Éléa Pommiers, « Une réforme de l’école inclusive censurée par le Conseil constitutionnel », Le Monde 31 déc. 2023-2 janv. 2024, p. 10 (cet article prend place après celui d’Isaline Boiteux, « Un arrêt maladie sans carence pour les victimes de fausse couche », rappelant qu’une « femme sur dix est confrontée à une interruption spontanée de grossesse au cours de sa vie, soit près de 200 000 grossesses chaque année. (…) Cette mesure, adoptée à l’unanimité par le Parlement le 29 juin 2023 dans le cadre de la loi visant à favoriser [leur] accompagnement psychologique [et qui entre en vigueur le premier janvier], entend lever un frein qui pouvait jusqu’alors les empêcher de prendre le temps de récupérer »).
5 CC, 28 déc. 2023, Loi de finances pour 2024, n° 2023-862 DC, cons. 133 et 130 ; v. Dominique Momiron, « Sale temps pour l’école inclusive (II) », cafepedagogique.net 20 nov. 2023, lequel avait anticipé l’éventualité que cet article soit considéré comme un « cavalier législatif », et rappelle que les élèves en situation de handicap « sont minoritaires en nombre dans le contingent des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers » (avant de préciser ; v. aussi la fin de mon billet du 3 avr. 2018 et, cette année, le colloque intitulé Les « élèves à besoins éducatifs particuliers » (EBEP) : regards des sciences sociales (15-16 juin), actu.univ-fcomte.fr 22 mai 2023).
6 Communiqué intitulé « Création des Pôles d’Appui à la Scolarité : le Projet de Loi de Finances 2024 ne peut pas être adopté en l’état » (collectifhandicaps.fr 19 oct. 2023) ; pour les décisions auxquelles il est fait allusion, v. ma thèse pp. 795 et s., mon billet du 25 févr. 2019 et CEDS, 19 oct. 2022, Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe c. France, n° 168/2018, décision sur le bien-fondé (rendue publique le 17 avr. 2023), §§ 231 à 273 (signalant et résumant cette décision, v. lexisveille.fr le 19). Dans la jurisprudence administrative, annulant CAA Lyon, 8 nov. 2018, n° 16LY04217 (v. le premier point de mon billet du 8 avril 2019), CE, 19 juill. 2022, n° 428311
7 Éléa Pommiers, art. préc., laquelle commente : « Si l’essentiel des réformes de l’éducation nationale passe par la voie réglementaire, ces transformations de l’école inclusive ne pourront vraisemblablement pas faire l’économie d’une loi – et donc de débats parlementaires alors même que le gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue ».
8 Yves-Marie Robien, « Loi immigration : le Conseil constitutionnel saisi quatre fois », ouest-france.fr 27 déc. 2023
9 V. la cartographie « Médias français, qui possède quoi ? », Le Monde diplomatique et Acrimed, déc. 2023
10 Clément Guillou, « L’État de droit, nouvelle frontière du RN contre l’immigration », Le Monde 29 déc. 2023, p. 8, présentant ce front comme la seconde de ses « guerres idéologiques sur l’immigration » – avec « la préférence nationale, dont le principe a été inscrit par le parti Les Républicains (LR) dans cette loi avec l’aval de la majorité ». Ajout le 4 janvier de la tribune signée ce jour dans le même quotidien par Elvire Guillaud et Michaël Zemmour, « Le critère de nationalité n’est pas, depuis les origines, dans le répertoire de la Sécurité sociale », p. 20, notant qu’« à [leur] connaissance, personne, à l’université ou dans les administrations, n’a songé jusqu’ici à évaluer l’impact d’un tel tournant xénophobe de la politique sociale ».
11 Nejma Brahim, « Immigration : une loi qui bafoue les droits les plus fondamentaux », Mediapart 19 déc. 2023 ; d’une manière plus générale, la défenseure des droits a antérieurement déclaré à basta! que, si la dématérialisation peut faciliter les démarches, elle « ne doit pas signifier la disparition du téléphone et de l’accueil dans les services publics. Le problème est là : les réclamants ne peuvent plus aller voir quelqu’un » (Claire Hédon – entretien avec, par Ivan du Roy et Pierre Jequier-Zalc –, « L’intersectionnalité n’est pas un gros mot », basta.media 9 févr. 2022, citation reprise par Emma Bougerol, « Payer pour percevoir ses aides : le désengagement de l’État laisse place au privé », basta.media 28 août 2023 ; à propos des titres de séjour, Nathan Chaize, « À Lyon, la préfecture du Rhône “fabrique elle-même ses sans-papiers” », lyoncapitale.fr 3 mai 2023).
12 V. mes billets des 25 juill. 2019 et 26 mars 2020 ; comparer avec les saisines des parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat, les 26 et 27 déc. 2023, contre cette Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (2023-863 DC ; disponibles ici) : concernant les étudiant·es, l’argumentation repose sur le « principe d’égalité » et/ou la « liberté d’enseignement » (v. respectivement les pp. 19-21 et 11-12 ; s’agissant de ces alternatives au droit à l’éducation, pour reprendre le titre de la première partie de ma thèse, pp. 59 et s., v. spéc. mes pp. 183 à 279 – et, dans la seconde, 1097 à 1099) ; v. aussi les entretiens avec Serge Slama et Véronique Champeil-Desplats,« À propos de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », La Revue des Droits de l’Homme ADL 23 et 24 janv. 2024, renvoyant tous deux à la contribution extérieure présentée au CC concernant les « étudiants internationaux », qui reprend cet argument à la page 9 (ajout au 29 septembre, à l’occasion de la rédaction de mon billet relatif au gouvernement Barnier).

Un « Manuel » publié par l’Organisation des Nations Unies ; et à l’écran, la « destruction » de l’une d’entre elles : l’Irak

« The French version of the Right to Education Handbook1« To mark the first ever International Day of Education, [RTE] in collaboration with UNESCO, have published the Right to education handbook » (right-to-education.org 24 janv. 2019).(…) is now available » ; dans son e-Bulletin de janvier, l’organisation Right to Education Initiative (RTE) signale ainsi cette version française, également publiée avec et par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) : Manuel sur le droit à l’éducation, 2020, 284 p.

L’« Avant-propos », page 4, est co-signé par Stefania Giannini (v. ci-contre) et David Archer – en tant que président du bureau exécutif de RTE (dont il relaye régulièrement les tweets ; v. ainsi le 24 janvier, à l’occasion du troisième #EducationDay2Quant à elle directrice générale de l’organisation onusienne, Audrey Azoulay a alors adressé un message se terminant par ce chiasme : « En cette Journée internationale, l’UNESCO vous invite à promouvoir l’éducation comme droit fondamental, et plus puissant instrument de développement qui soit. Car défendre l’avenir de ce droit, c’est défendre le droit à l’avenir » (unesco.org 24 janv. 2021). David Archer est par ailleurs responsable des services publics à ActionAid, et c’est à ce titre qu’il est remercié à la page 5 du Manuel préc. (v. aussi p. 212, s’agissant de Promoting Rights in Schools (PRS), « fruit d’une collaboration » entre cette ONG et celle dont il préside le bureau exécutif, RTE) ; v. son retweet de ce jour, concernant les Principes directeurs relatifs aux obligations des États…, dits Principes d’Abidjan ; célébrant leur première année, abidjanprinciples.org 13 févr. 2020).

Il est rappelé que RTE « est une organisation internationale de défense des droits humains (…), établie en 2000 par la première Rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à l’éducation » ; les travaux de Katarina Tomaševski (1953-2006) ont inspiré les miens : ils constituent un point d’entrée dans ma thèse (2017), à partir du dernier de mes portraits (last but not least)3À partir du pdf de ma thèse, l’expression « Nations Unies » se retrouve 155 fois ; il est possible d’avoir un aperçu plus rapide en utilisant le mot-clé « onus » (67 résultats)..

Le Manuel précité comprend huit chapitres. Il s’agit de décliner l’idée du tout premier, rappelant que l’éducation est « un droit humain » (p. 21, avec une présentation synthétique des critiques formulées à l’encontre des droits – « humains » –, en général, pp. 39 et s.). Les intitulés des deuxième et quatrième peuvent être discutés : à la « reconnaissance » du droit à l’éducation, pour en faire la présentation en/« dans le droit international » (pp. 45 à 72), je maintiens ma préférence pour les termes affirmation et consécration (v. mes pp. 627 et s., puis 725 et s.) ; page 135, les obligations des États sont qualifiées de « légales » et, si elles « émanent d’une grande variété de sources » (p. 157), elles sont bien encore ici supra-législatives. Entretemps, page 76, le modèle des « 4A » est par contre représenté en commençant par une traduction habile : « Available » devient « À disposition » (plutôt que « Dotations » ; v. mes pp. 1188 et s.).

Couverture du Manuel préc., UNESCO (avec RTE, 2019-2020)

Le cinquième chapitre s’efforce de relier l’un des dix-sept objectifs de développement durable, « l’ODD 4-Éducation 2030 », au droit à l’éducation (pp. 159 à 168).

Assurer sa « [m]ise en œuvre nationale » et son « suivi » sont l’objet des chapitres 6 et 7, avec notamment un tableau et une présentation des comités onusiens (pp. 215 et s.), mais aussi – auparavant – un renvoi au huitième et dernier au moment de rappeler que sa protection nationale peut relever d’« un statut constitutionnel ou inférieur » (p. 178).

« Reddition des comptes et droit à l’éducation », tel est le titre du chapitre 8, page 240 : « Le droit international des droits humains (DIDH), s’il est correctement mis en œuvre, fournit un moyen clé pour [l’]accroître » ; ils « désignent et délimitent les responsabilités de fond (…)[,] identifient les garants et les titulaires de droits », ainsi que leurs relations au « contenu normatif » du droit à l’éducation. Il s’agit d’en faire un « droit justiciable » ; au plan constitutionnel, ce n’est « formellement » le cas que pour un peu plus d’une centaine d’États (pp. 243, 245 et 249, à partir des « recherches de RTE, basées sur les données de l’Initiative de Toronto sur les droits économiques et sociaux (…) et le Comparative Constitutions Project, en 2014 », publiées en anglais en 2017 ; v. aussi les pp. 46 à 49 de mon introduction, mon avant-dernier chapitre – pp. 1145 à 1185 – et, pour un renvoi à ceux dirigés par Diane Roman, ma page travaux).

Page 250, un tableau les classe selon cette « justiciabilité » (constitutionnelle) : avec 36 pays dont l’Australie, l’Allemagne et les États-Unis, la France est rangée dans la colonne « Aucun droit à l’éducation » ; les 107 les mieux placés vont de l’Albanie au Yémen, en comprenant l’Italie, l’Espagne ou la Turquie (v. déjà mon approche comparative, non contredite par CC, 11 oct. 2019, Union nationale des étudiants en droit, gestion, AES, sciences économiques, politiques et sociales et autres [Droits d’inscription pour l’accès aux établissements publics d’enseignement supérieur], n° 2019-809 QPC ; v. l’ajout du jour, à la fin de ce billet du 25 juillet ; comparer la note 757, page suivante du Manuel préc., avec cette proposition de correction en contentieux constitutionnel, le 26 mars 2020).

Parmi les 53 pays de la colonne intermédiaire, « Principe directeur/droit ambitieux à l’éducation », figurent l’Arabie Saoudite, le Mali4Sauf oubli, je ne l’ai pas encore directement évoqué, dans mes écrits ; j’y ai passé un mois en 2005, en me rendant dans la région de Mopti – un an après Yves Faucoup ; une quinzaine d’années plus tard, j’avais remarqué son billet intitulé « Massacre au pays des Dogons », blogs.mediapart.fr 11 juin 2019 ; dans la continuité du mien du 29 décembre, j’avais mis de côté plusieurs articles, dont celui de Nathalie Guibert, « Au Sahel, le nouveau visage de « Barkhane » », Le Monde.fr 13 janv. 2020 (extrait, avec une carte), rappelant qu’« un ennemi principal est désigné : l’organisation État islamique dans le grand Sahara (EIGS) » ; « Dans le centre du Mali, (…) place à la mission de l’ONU, la Minusma, jusqu’ici présente uniquement dans le nord du pays, et récemment réorientée ». Il y a deux jours était annoncée cette « enquête sur les lieux d’une frappe aérienne française à Bounti », france24.com avec AFP 29 janv. 2021 et l’Irak.

Un documentaire (v. ci-contre, ainsi que la présentation de Catherine Pacary, lemonde.fr 31 janv. 2021) revient notamment sur « la destruction de ses infrastructures et de ses systèmes sociaux, éducatifs et de santé », lors de la première guerre du Golfe il y a trente ans ; « Réputé jusqu’à la fin des années 1980 comme étant le pays ou les femmes sont les plus éduquées, doté du système éducatif et universitaire le plus développé et performant dans la région, l’Irak des années 2000 est sur la liste des pays avec le plus haut taux d’illettrisme et de mortalité infantile »5Pour le dire en citant Zahra Ali, « La fragmentation du genre dans l’Irak post-invasion », NQF 2018/1, Vol. 37, pp. 86 et s. (traduction de sa contribution à l’ouvrage dirigé par Amal Ghazal et Jens Hanssen, The Oxford Handbook of Contemporary Middle-Eastern and North African History, 2017), qui montre plus loin qu’avec la « retribalisation sociale » alors enclenchée, la « violence confessionnelle est clairement genrée »..

Notes

1 « To mark the first ever International Day of Education, [RTE] in collaboration with UNESCO, have published the Right to education handbook » (right-to-education.org 24 janv. 2019).
2 Quant à elle directrice générale de l’organisation onusienne, Audrey Azoulay a alors adressé un message se terminant par ce chiasme : « En cette Journée internationale, l’UNESCO vous invite à promouvoir l’éducation comme droit fondamental, et plus puissant instrument de développement qui soit. Car défendre l’avenir de ce droit, c’est défendre le droit à l’avenir » (unesco.org 24 janv. 2021). David Archer est par ailleurs responsable des services publics à ActionAid, et c’est à ce titre qu’il est remercié à la page 5 du Manuel préc. (v. aussi p. 212, s’agissant de Promoting Rights in Schools (PRS), « fruit d’une collaboration » entre cette ONG et celle dont il préside le bureau exécutif, RTE) ; v. son retweet de ce jour, concernant les Principes directeurs relatifs aux obligations des États…, dits Principes d’Abidjan ; célébrant leur première année, abidjanprinciples.org 13 févr. 2020
3 À partir du pdf de ma thèse, l’expression « Nations Unies » se retrouve 155 fois ; il est possible d’avoir un aperçu plus rapide en utilisant le mot-clé « onus » (67 résultats).
4 Sauf oubli, je ne l’ai pas encore directement évoqué, dans mes écrits ; j’y ai passé un mois en 2005, en me rendant dans la région de Mopti – un an après Yves Faucoup ; une quinzaine d’années plus tard, j’avais remarqué son billet intitulé « Massacre au pays des Dogons », blogs.mediapart.fr 11 juin 2019 ; dans la continuité du mien du 29 décembre, j’avais mis de côté plusieurs articles, dont celui de Nathalie Guibert, « Au Sahel, le nouveau visage de « Barkhane » », Le Monde.fr 13 janv. 2020 (extrait, avec une carte), rappelant qu’« un ennemi principal est désigné : l’organisation État islamique dans le grand Sahara (EIGS) » ; « Dans le centre du Mali, (…) place à la mission de l’ONU, la Minusma, jusqu’ici présente uniquement dans le nord du pays, et récemment réorientée ». Il y a deux jours était annoncée cette « enquête sur les lieux d’une frappe aérienne française à Bounti », france24.com avec AFP 29 janv. 2021
5 Pour le dire en citant Zahra Ali, « La fragmentation du genre dans l’Irak post-invasion », NQF 2018/1, Vol. 37, pp. 86 et s. (traduction de sa contribution à l’ouvrage dirigé par Amal Ghazal et Jens Hanssen, The Oxford Handbook of Contemporary Middle-Eastern and North African History, 2017), qui montre plus loin qu’avec la « retribalisation sociale » alors enclenchée, la « violence confessionnelle est clairement genrée ».

« Point de vue situé, projet universel »

C’est par un « Préambule » ainsi titré que Fatima Ouassak commence son livre La puissance des mères. Pour un nouveau sujet révolutionnaire (La Découverte, 2020, avec l’introduction et la table des matières).

V. ci-contre

Ayant eu le privilège de passer presque toute l’année dans un environnement « très sensible aux enjeux écologiques » (p. 49), la parution de cet ouvrage – à la rentrée – avait attiré mon attention, et je devrais enfin pouvoir, en 2021, le lire jusqu’au bout (donc aux pages pertinentes, sur la question ci-après abordée).

En cette fin décembre, je me borne à signaler ici le rejet – par le Conseil d’État le 11 –, du pourvoi de la Commune de Chalon-sur-Saône (n° 426483, avec un communiqué de presse) ; deux mois auparavant, Dominique Albertini consacrait un portrait à « Gilles Platret, le « Wauquiez de Chalon » » (Libération 8 oct. 2020, pp. 8-9). Un an après l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon, qui lui avait déjà donné tort le 23 octobre 2018, j’étais revenu sur cette affaire de menus de substitution dans les cantines scolaires : v. les derniers paragraphes de ce billet.

En attendant l’avis du Conseil d’État : recourir à l’IEF ou l’empêcher, de quel droit ?

« Dès la rentrée 2021, l’instruction (…) à domicile [ci-après en famille, l’IEF] sera strictement limitée, notamment aux impératifs de santé » ; ainsi l’a décidé Emmanuel Macron, le vendredi 2 octobre dernier, après en avoir « beaucoup débattu avec les ministres »1« Discours du Président de la République sur le thème de la lutte contre les séparatismes », elysee.fr 2 oct. 2020.

Capture d’écran de cette vidéo du 12 nov. : le geste d’Alana (10 ans, au premier plan) semble assez spontané ; et son sourire, juste après, m’a désarmé… (avertissement : c’est pas parce que je l’ai « capturée », que le chercheur que je suis écrit « pour l’IEF » ; peut-être seulement contre l’idée d’« [i]nterdire, limiter, forcer, obliger » ? En l’état, je ne sais pas !)

Cette annonce a surpris, alors que des écoles étaient fermées2« Covid19 – Point de situation du vendredi 2 octobre 2020 » (« Données arrêtées au jeudi à 13h »), education.gouv.fr ; surtout, qu’un tel moment soit choisi – un mois après la rentrée – pour annoncer une telle restriction pouvait difficilement être anticipé : quelques mois auparavant seulement, un rappeur havrais avait ainsi pu dédicacer un morceau « aux parents, qui ont fait l’école à la maison pendant le confinement » (ça rime)3Jules Pecnard, « Quand Édouard Philippe découvrait l’existence du rappeur Médine », lefigaro.fr 11 juin 2018 ; Arte. Les concerts à la maison, 29 avr. 2020, à 3’30.

Certaines pratiques allaient « vraiment au cœur de la « coéducation » », notait dès la mi-avril Benoît Urgelli – un chercheur en sciences de l’éducation4Benoît Urgelli (v. la note suivante et, plus généralement, univ-lyon2.fr) ; au passage, v. la Lettre d’information du laboratoire Éducation, Cultures, Politiques (ECP), nov. 2020, n° 4 (signalant l’ouvrage de Claire Polo, Le débat fertile. Explorer une controverse dans l’émotion, UGA éd.), avec ce propos introductif de Stéphane Simonian : « Par ces temps difficiles, la recherche est peut-être une ressource, un souffle. Mais elle ne saurait masquer un contexte chahuté par la crise sanitaire qui désorganise nos modes de fonctionnement et d’organisation » ; à cet égard, je tiens à remercier encore les personnes que j’ai sollicitées récemment – notamment celle qui m’a permis d’emprunter l’ouvrage ci-dessus, dans la foulée de ma « descente » ce mercredi 25 (ce bref passage à Grenoble m’a aussi permis de continuer à parcourir le livre de Françoise Waquet, Une histoire émotionnelle du savoir (XVIIe-XXIe siècle), CNRS éd., 2019, en particulier les développements titrés « La bibliothèque : lieux désertés, lieux aimés », pp. 73 et s.)., par ailleurs administrateur de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) du Rhône et de la métropole de Lyon5Benoît Urgelli (entretien avec, par Violaine Morin), « Les enfants vont perdre deux mois d’école, est-ce un drame ? », Le Monde 16 avr. 2020, p. 14 ; le 24 juin, Philippe Bongrand revenait pour les Savanturiers à « ce qu’on appelle aujourd’hui, mais pas hier, la coéducation » : v. les premières minutes du webinaire « Se repérer dans la galaxie de l’école à la maison », organisé dans le cadre de l’Université numérique de l’éducation ; ces regards croisés avec Pauline Proboeuf, animés par Ange Ansour, ont été mis en ligne le 2 juill.. Dans le même esprit enthousiaste, Julie Gameiro, professeure des écoles stagiaire à Nîmes, a « saisi l’occasion, « trop belle », du confinement, pour consacrer son mémoire à l’évolution de [la] relation parents/enseignants »6Lorraine Rossignol, « La coéducation, une révolution », Télérama le 1er, n° 3677, p. 36, spéc. p. 38, concernant l’école du Mas de Mingue ; s’agissant de celle dite Jean-Moulin, également à Nîmes, v. le 4 (au passage, à propos du résistant qui fût son secrétaire, v. Jean Chichizola, lefigaro.fr 26 nov., rappelant sa prise de position publique du 30 avr. 2017 : « Marine Le Pen (…), c’est la France de Maurras qui continue » ; Jean Lebrun, qui connaissait bien Daniel Cordier, revient en des termes touchants sur ce « mort à cent ans ». Critiquant l’hommage national aux Invalides, Olivier Charneux, tetu.com le 27 ; v. enfin Hugo Ruaud, publicsenat.fr le 29 : « Hubert Germain, centenaire, est le dernier représentant vivant des Compagnons de la Libération. Inévitablement, la question de la postérité se pose. Bien sûr, les communes concernées sont garantes de cette mémoire » ; parmi elles, Grenoble, ainsi que je le rappelais dans mon billet du 30 mai (en note 2)..

Alors qu’il était affirmé que l’« école redevient obligatoire »7Le Monde 23 juin, p. 15 ; v. depuis la toute première phase prononcée par « Karim Benmiloud, le recteur de l’académie de Clermont-Ferrand, [qui prévoyait] « une rentrée particulière mais sereine et apaisée », lamontagne.fr 27 août 2020. « On attribue à Joseph Goebbels la phrase « un mensonge répété mille fois se transforme en vérité ». Il n’a pas été prouvé que cette citation vient bien de lui » (nospensees.fr 19 oct. 2017) ; en tout état de cause, l’idée selon laquelle l’école serait « obligatoire », depuis Jules Ferry, a peut-être fini par être une vérité au sein de l’Éducation nationale, facilitant ainsi l’annonce de l’officialiser (juridiquement)., le Conseil d’État ordonnait de ne pas statuer « sur la requête d’appel de la commune de Marseille » : un juge des référés du tribunal administratif (TA) de cette ville lui avait enjoint, le 5 juin, « de mettre en œuvre, dans un délai de trois jours à compter de son ordonnance [n° 2004097], les modalités d’accueil des élèves âgés de trois et plus dans les classes des toutes petites sections et des petites sections » ; « compte tenu de ce qu’au plan national, toutes les écoles maternelles, tous niveaux de classe confondus, accueillent à nouveau l’ensemble de leurs élèves depuis le 22 », la ou le juge estimait le lendemain que les conclusions de « la commune de Marseille ont perdu leur objet » (n° 441106, cons. 5).

Dans les derniers jours de septembre, j’intégrais cette ordonnance à des observations qui viennent d’être publiées : j’insiste ici sur le contraste avec les prises de positions des juges de TA, acceptant avec beaucoup de facilité l’invocation du droit à l’éducation8« Les maires et le déconfinement, ou le déploiement du droit à l’éducation en référé », AJCT 2020, p. 542 (n° 11 du 19 nov., sommaire), obs. sous TA Montreuil Ord., 20 mai 2020, Mme Aline C., n° 2004683 ; Toulon le 28, Préfet du Var, n° 201320 ; La Réunion le 29, Mmes X. et Y., n° 2000415 ; Marseille le 5 juin, Mme Abderrahman Ben Allel et a., n° 2004097 ; Guadeloupe le même jour, M. B. A., n° 2000422 ; Nîmes les 9 et 10, Préfet du Gard, n° 2001571 (2001572, 2001573, 2001576 et 2001577) et n° 2001594) ; CE Ord., le 23, Commune de Marseille, préc. ; c’est qu’il s’agissait, dans cette configuration contentieuse, non pas de l’opposer à l’État, mais de lui donner raison.

Durant le premier confinement, Patricia Rrapi remarquait que « la protection de la santé devient un droit du gouvernement »9Patricia Rrapi, « Le Préambule de la Constitution de 1946, fondement constitutionnel de l’état d’urgence », La Revue des Droits de l’Homme ADL 8 juin, § 13, avant montrer en quoi ce cons. 17 « favorise aussi un éclatement plus général encore ». ; à l’occasion du second (ou deuxième ?), s’agirait-il que ce « droit » recouvre aussi celui à l’éducation (ou à l’instruction)) ?

Les deux mois qui viennent de s’écouler m’incitent à formuler cette hypothèse de travail : sollicité à plusieurs reprises, j’ai en effet profité du report d’un colloque pour réfléchir un peu à la question. En cette fin d’année où il aura mieux fallu rester chez soi10Mona Chollet, Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique, La Découverte, 2015 ; lire Ousama Bouiss, « Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? Les enseignements de Pierre Bayard », theconversation.com 14 mars 2019 : « se libérer de la volonté de paraître cultivé », un beau projet ! Aux éditions de Minuit, en 2007, il proposait « le concept de « bibliothèque collective » » ; et d’inviter à « se pencher davantage sur [chaque livre et] sa situation »., je l’ai fait notamment en échangeant, après avoir monté au séchoir une remorque de noix (dioises)11Non loin de ma maman – ça rime aussi avec confinement -, et avec mon papa, dans un endroit « parfois appelée la pampa » (Pierre Lasterra, « Une 3e circonscription vaste, disparate et indécise… », ledauphine.com 30 mai 2012 – soit un mois avant la dernière réélection d’Hervé Mariton (UMP) – avant de préciser qu’elle « est une des plus vastes de France »..

Plus récemment, il y a neuf jours exactement, l’une des trois députées LaREM du département12« Dans la Drôme, quatre femmes élues députées », ledauphine.com 18 juin 2017 alertait Jean Castex : des « familles drômoises se sont senties profondément touchées par le discours prononcé par le Président » ; récusant tout « parallèle entre l’IEF et [la] rupture avec les valeurs de notre République »13Comparer Philippe Bongrand (entretien avec, par Cécile Bourgneuf, « L’existence de cas de radicalisation est incontestable, mais c’est marginal », Libération (site web) 4 oct. 2020 ; v. surtout sa tribune avec l’équipe ANR SociogrIEF, « La décision de supprimer l’instruction en famille, sauf raison de santé, justifierait un débat public », Le Monde le 15, p. 29 : leurs « recherches montrent la très grande diversité des motivations des familles », irréductibles « aux dimensions religieuses ou « séparatistes » » ; entretemps, Valentin Bertrand, « Les écoles par correspondance défendent leur raison d’être », francebleu.fr le 11 : « « Bienvenue dans la cellule de radicalisation », ironise Cyril Metreau »., et s’affirmant « particulièrement attentive à ce que [la] majorité soit à la hauteur du débat parlementaire sur un sujet de société majeur », l’élue voudrait « pouvoir disposer de données, de raisons voire d’un argumentaire précis et étayé justifiant de l’obligation de l’instruction à l’école dès 3 ans »14Communiqué de presse, à partir du texte « La députée de la Drôme Célia de Lavergne interpelle le Premier Ministre au sujet de l’Instruction en famille… », mediascitoyens-diois.info 20 nov. 2020 (avec les coordonnées de Kim O’Dowd, son attachée parlementaire)..

Auparavant, Célia de Lavergne ajoute toutefois : « L’Instruction en famille est un droit (…), et ce depuis 1882 » ; est-ce vrai ? Et est-elle, selon cette loi dite Ferry, « un droit au même titre que l’instruction dans les écoles ou les établissements scolaires publics ou privés » (comme affirmé dans le passage d’abord tronqué) ? Il est permis d’en douter15V. le texte d’André D. Robert et Jean-Yves Seguy, « L’instruction dans les familles et la loi du 28 mars 1882 : paradoxe, controverses, mise en œuvre (1880-1914) », Histoire de l’éducation 2015/2, n° 144, pp. 29 et s., lesquels commencent par rappeler les termes de son article 4, qui ne fait que réserver la possibilité de donner l’enseignement primaire obligatoire « dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu’il aura choisie »., surtout si l’on veut bien prêter attention aux affirmations onusiennes et européennes du droit à l’éducation depuis 194816Pour un aperçu du droit international par l’initiative collaborative RTE, « Existe-t-il un droit à l’instruction à domicile ? », right-to-education.org, 2018 ; et de conclure : « la réponse est non »., préalables à la reformulation du droit français (en 1975, 1989 et 1998 – qu’elle reconnaît en faisant allusion à la bien mal-nommée loi n° 98-1165 du 18 décembre17Une loi qui n’a « pas été déférée au Conseil constitutionnel », comme le note Pierre-Henri Prélot, « L’enseignement privé confessionnel primaire et secondaire », in Francis Messner, Pierre-Henri Prélot et Jean-Marie Woehrling (dir.), Traité de droit français des religions, LexisNexis, 2ème éd., 2013, p. 1826, en note de bas de page, après avoir affirmé : « La liberté de l’enseignement domestique comme composante essentielle de la liberté de l’enseignement n’est guère soulignée en doctrine. Elle est pourtant essentielle » ; et de la reformuler en « droit », avant d’aller jusqu’à le qualifier – trois pages plus loin – de « fondamental (…), étant entendu que l’instruction constitue un droit pour les enfants et une obligation pour les parents ». À la RDLF 2018, thèse n° 10, je reviens sur les confusions suscitées par la référence à « l’obligation scolaire », en écrivant que le Conseil constitutionnel pourrait aider à les dissiper en rehaussant la référence au droit à l’éducation ; une occasion de le consacrer enfin pourrait être donnée par le projet de loi annoncé., plus précisément à son article premier in fine).

Dans ma thèse (2017), la démonstration de ma première partie aboutit à la conclusion selon laquelle le service public et les libertés publiques sont des références non seulement alternatives au droit à l’éducation, mais aussi porteuses des droits de l’État [et] des parents (notamment)18Je reprends ici à nouveau, en la raccourcissant un peu, une phrase de mon résumé préc. ; si je m’étais employé à tenter de contrer la tendance qui m’apparaissait dominer dans ma « communauté » de formation – celle des juristes (pas franchement étatiste sur les questions scolaires) –, je me demande aujourd’hui si j’ai assez critiqué sa symétrique (pour aller vite), consistant à rabattre ce droit sur celui parfois reconnu à l’État.

« Jérôme est venu de Grenoble pour exprimer son inquiétude. © Radio France » ; photo prise devant la préfecture par Claire Guédon (« “On nous prive de liberté” : des parents manifestent pour défendre l’école à la maison à Valence », francebleu.fr 20 nov. 2020)

Cette autre tendance se manifestait dans l’avis « rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi relatif à une école de la confiance », il y a tout juste deux ans19Avis rendu public par le Gouvernement le 5 déc. 2018 (v. infra la note 22). : après avoir partiellement repris à son compte un arrêt20CE, 19 juill. 2017, Assoc. Les Enfants d’Abord et a., n° 406150, cons. 3 – arrêt assez habilement écarté par Jean-Éric Schoettl, membre honoraire de l’institution (Le Figaro 9 oct. 2020, n° 23684, p. 18) puis mobilisé par Me Bernard Fau (v. la vidéo de Droit Instruction 17 nov. 2020, « diffusée par les associations Led’a, Laia, Cise, Unie et les collectifs Félicia et L’école est la maison »)., le Conseil d’État prêtait à la Cour européenne une décision de la Commission21Comm.EDH, 6 mars 1984 (v. infra)., cette erreur22Avis préc. du 29 nov. 2018 (public le 5 déc.), n° 396047, §12 ; « Depuis que la Cour européenne des droits de l’homme a été rendue permanente, le 1er novembre 1998, la commission a été supprimée », rappelle wikipedia.org (page actualisée le 25 nov. 2019). Ajout au 23 février 2021 – alors que je me suis remis « à l’IEF » (v. la toute dernière note) –, en me bornant pour l’heure à faire observer que cette erreur a été réitérée (v. supra ma note 7) au § 60 de « l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi « confortant le respect, par tous, des principes de la République » (dit « séparatisme » ou laïcité) », mis en ligne par l’avocat Éric Landot le 7 déc. 2020, rendu public par le Gouvernement à la date symbolique du 9 décembre (conseil-etat.fr) ; v. supra ma deuxième illustration, avec les « critiques de l’historien » Jean Baubérot (entretien avec, par Claire Legros), « Le gouvernement affirme renforcer la laïcité, alors qu’il porte atteinte à la séparation des religions et de l’État », Le Monde 15 déc. 2020, p. 30 (annoncé à la Une, ce mardi-là) : « Dans ses discours de Mulhouse [le 18 février] et des Mureaux [le 2 octobre], Emmanuel Macron cherchait un équilibre entre le séparatisme produit par la République et le radicalisme religieux. Il n’en reste rien dans le projet de loi (…) ». pouvant s’expliquer par la reprise de la même formule depuis23CEDH, 11 sept. 2006, Konrad c. Allemagne, n° 35504/03 ; il aurait toutefois été mieux inspiré en en citant une autre, selon laquelle la seconde phrase de l’article 2 du premier protocole additionnel à la Convention « consacre le rôle de l’État dans le domaine de l’éducation »24Je reprends ici l’essentiel de ma thèse, 2017, pp. 832-833, 1030 et 1197-1198.

En effet, son prétendu « droit d’instaurer une scolarisation obligatoire » est certes affirmé, mais moyennant une importante réserve à laquelle il n’a pas été assez prêté attention : « qu’elle ait lieu dans les écoles publiques ou grâce à des leçons particulières de qualité » ; or, dans la décision citée, « instruire leurs enfants à domicile » n’avait pas été interdit aux « parents requérants »25Comm.EDH, 6 mars 1984, Famille H. c. Royaume-Uni, n° 10233/83 ; DR 37, p. 109, spéc. p. 112 ; il n’est d’ailleurs pas du tout certain que la Cour accepterait aussi facilement la condamnation pénale d’une carence parentale « sans aucun doute étroitement liée au problème de la dyslexie des enfants » (pour citer la page 111 de cette décision disponible en ligne)..

Ce n’était pas le cas non plus avec la loi alors projetée, dite Blanquer ; dans un article rédigé l’année dernière, actualisé avant son adoption, je commentais comme suit la référence au « droit à l’instruction dans la famille reconnu par le législateur » (§17 de l’avis préc.) : Si elle est permise par la loi française, ce n’est pas en tant que droit à, expression qu’il est préférable de réserver aux bénéficiaires de l’éducation pour éviter de perpétuer des confusions qui peuvent être délibérément entretenues26Extrait de ma contribution intitulée « Le droit à l’éducation », in Sara Brimo et Christine Pauti (dir.), L’effectivité des droits. Regards en droit administratif, éd. mare & martin, 2019, p. 39, spéc. pp. 47-48, avec en note n° 59 cette précision : L’éducation est le mot le plus souvent utilisé au plan international, depuis 1948 ; l’art. 2 [du premier protocole additionnel à la Conv.EDH] (« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction (…) ») est, pour ainsi dire, l’exception européenne qui confirme la règle » (reprise mot pour mot ici, pour permettre à qui le souhaite de citer – c’est mieux que de plagier)..

L’avant-projet de loi « confortant les principes républicains », dans sa version transmise au Conseil d’État, peut d’ores et déjà être consulté27V. à partir de dalloz-actualite.fr 18 nov., obs. de Pierre Januel (dans ce billet, les passages soulignés sont tous de mon fait). ; reste à savoir si et quand il sera possible de faire de même avec son nouvel avis. Ayant beaucoup appris des écrits de politistes, de socio-historien·e·s et, même parfois, de philosophes, je ne saurais trop recommander aux juristes – que la question de l’IEF intéresse – de lire en sciences de l’éducation et de la formation28Philippe Bongrand et Dominique Glasman, « Instruction(s) en famille. Explorations sociologiques d’un phénomène émergent », Revue française de pédagogie oct.-nov.-déc. 2018/4, n° 205, p. 5 (introduction au dossier, paru en février 2020) ; Jean-Marie Pottier, « Contrôler l’éducation à la maison », scienceshumaines.com août-sept. 2020, n° 328, recensant en outre les articles de Pauline Proboeuf (« S’affranchir de l’institution scolaire pour émanciper l’enfant ? », Émulations 2019, n° 29), Géraldine Farges et Élise Tenret (« Évaluer l’instruction en dehors de l’école. Une enquête sur la fabrication du jugement des inspecteurs dans les contrôles de l’instruction dans la famille », Sociologie 2020/2)..

Ouvrage cité ci-contre – à propos duquel v. infra la note 4 –, en signalant le « Chapitre 12. La question des Misérables », pp. 313 et s. Pour une lecture de cet « immense classique (…) du grand Victor Hugo », @GrandeLibrairie 26 août 2020 ; le mois suivant, « Mohamed-Iyad Smaïne, un Caladois de 15 ans, émeut [à nouveau] avec sa lecture sur RTL », leprogres.fr le 30 sept.

J’ai plaisir à terminer ce trop long billet en laissant la place à l’éloquence d’un adolescent. Pour ma part, je me retrancherai derrière un livre, écrit par deux auteurs avec lesquels j’ai d’importants désaccords ; à la réflexion, et je pèse mes mots, ils sont plus souvent théoriques et, surtout, méthodologiques, que politiques (et encore moins poétiques ; v. la légende ci-contre).

Après avoir affirmé « l’invention par Hugo de la notion de « droit de l’enfant », dont on sait la fortune juridique dans les Conventions internationales du vingtième siècle », ils en viennent à sa critique « des outrances du « droit du père » », lors de son opposition à ce qui allait devenir la loi Falloux (1850) ; « elle fait de l’enfant non un être qui s’appartient à soi, mais un être possédé par la famille, dont se trouve légitimée l’éventuelle volonté de le façonner à son gré, voire à son image. Hugo, on l’a vu, oppose « le droit de l’État » à un tel « droit » ». Dans les pages consacrées à ce discours, on peut lire que « la contrainte multiforme exercée par le « parti clérical » est vivement dénoncée » (« une loi qui a un masque. (Bravo !) ») ; et de placer en exergue, plus loin, cet extrait : « L’instruction primaire obligatoire, c’est le droit de l’enfant qui est plus sacré encore que le droit du père et qui se confond avec le droit de l’État » (v. Henri Peña-Ruiz et Jean-Paul Scot, Un poète en politique. Les combats de Victor Hugo, Flammarion, 2003, pp. 360-361, 109 et 122).

Soucieux d’éviter des relectures anachroniques29Invité récemment de la Radio chrétienne francophone (RCF) – Alsace, pour une émission intitulée « Le droit en débat », Grégor Puppinck se livre à nouveau à une lecture plus qu’orientée des textes pertinents, en particulier les travaux préparatoires du protocole additionnel à la Convention (il procède d’ailleurs à un simple copier-coller de ses Observations écrites soumises à la Cour le 9 décembre 2016, 11 p., spéc. pp. 10-11 ; Officiel ECLJ 22 oct. 2020) ; la CEDH s’est prononcée depuis et, pour le dire en une phrase, sur le modèle de mon précédent billet : Scolarisation obligatoire, la Cour européenne ne condamne pas l’Allemagne (v. mes ajouts dans celui-ci, le 20). Ajout, le 23 février 2021, de cette précision : « Les militants de l’éducation à la maison mettent régulièrement en avant que c’est une loi adoptée sous le IIIe Reich, pour des raisons d’endoctrinement. Leur débat est complexe, car une des raisons avancées pour le maintien de la loi est que l’école construit des démocrates » (Philippe Bongrand (entretien avec, par Jean-Christophe Henriet), « Ceux qui délèguent et ceux qui assument », Journal du Centre 10 avr. 2019, p. 5, à l’occasion d’une « journée d’échanges sur les modes d’instruction en Morvan »)., je me bornerai à cette piste de réflexion pour conclure : peut-être fallait-il en passer par-là, pour assurer la séparation – laïque – de l’Église (catholique) et de l’État (français) ; en pensant avec Hugo, mais aussi contre lui, l’enjeu n’est-il pas aujourd’hui d’autonomiser – voire émanciper, pour reprendre un mot qui plaît aux auteurs précités – la référence au droit à l’éducation ?

Au fait, le 25 novembre, c’était la Journée nationale contre le harcèlement (à l’école)30À partir de l’article 5 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet pour une école de la confiance, v. Valérie Piau (entretien avec, par Sophie de Tarlé), etudiant.lefigaro.fr 5 nov. ; dans l’émission Ça commence aujourd’hui, Bilal Hassani livrait ce jour-là un témoignage (avant de lancer quelques jours plus tard un appel au gouvernement, sur le plateau de Quotidien le 10). Paragraphe modifié après réflexion et révisions du présent texte (en essayant de le rendre plus lisible ; pour mes billets à venir, je me fixe ici l’objectif de diviser le nombre de notes par deux – soit 15, comme max.) ; n’hésitez pas à m’écrire si vous avez des réactions ou informations à partager, les discours du – et sur le – droit de l’IEF font partie de mes projets d’étude pour 2021 (ajout au 23 février, en renvoyant aussi à Antonello Lambertucci, « Interdiction de l’instruction à domicile : enjeux et problématiques », La Revue du SIA nov. 2020, n° 37, p. 7, ainsi qu’à mon billet suivant in fine)., lequel était présenté par la députée précitée comme l’une des causes du recours à l’IEF – il y a neuf jours, le 20, cependant qu’on célébrait les droits de l’enfant.

Ajout au 15 décembre, pour dédier ce billet à la mémoire de la tante d’un ami d’enfance, la  sœur d’une personne d’une grande hospitalité (je l’ai éprouvée plus d’une fois…) ; alors que je lui présentais mes condoléances (hier), elle m’a rappelé, d’une part, qu’elle était croyante – ce qui n’était pas vraiment un secret, pas plus qu’elle ne devrait s’offusquer que je la qualifie de « catho de gauche ». D’autre part, ou par voie de conséquence, elle m’a indiqué avoir choisi comme lecture (la semaine dernière) ce poème de Victor Hugo : « Aux arbres » (ce qui m’a conduit, évidemment, à lui parler de la deuxième illustration supra ; lire Les Contemplations, Nelson éd., 1856, poetica.fr).

Notes

1 « Discours du Président de la République sur le thème de la lutte contre les séparatismes », elysee.fr 2 oct. 2020
2 « Covid19 – Point de situation du vendredi 2 octobre 2020 » (« Données arrêtées au jeudi à 13h »), education.gouv.fr
3 Jules Pecnard, « Quand Édouard Philippe découvrait l’existence du rappeur Médine », lefigaro.fr 11 juin 2018 ; Arte. Les concerts à la maison, 29 avr. 2020, à 3’30
4 Benoît Urgelli (v. la note suivante et, plus généralement, univ-lyon2.fr) ; au passage, v. la Lettre d’information du laboratoire Éducation, Cultures, Politiques (ECP), nov. 2020, n° 4 (signalant l’ouvrage de Claire Polo, Le débat fertile. Explorer une controverse dans l’émotion, UGA éd.), avec ce propos introductif de Stéphane Simonian : « Par ces temps difficiles, la recherche est peut-être une ressource, un souffle. Mais elle ne saurait masquer un contexte chahuté par la crise sanitaire qui désorganise nos modes de fonctionnement et d’organisation » ; à cet égard, je tiens à remercier encore les personnes que j’ai sollicitées récemment – notamment celle qui m’a permis d’emprunter l’ouvrage ci-dessus, dans la foulée de ma « descente » ce mercredi 25 (ce bref passage à Grenoble m’a aussi permis de continuer à parcourir le livre de Françoise Waquet, Une histoire émotionnelle du savoir (XVIIe-XXIe siècle), CNRS éd., 2019, en particulier les développements titrés « La bibliothèque : lieux désertés, lieux aimés », pp. 73 et s.).
5 Benoît Urgelli (entretien avec, par Violaine Morin), « Les enfants vont perdre deux mois d’école, est-ce un drame ? », Le Monde 16 avr. 2020, p. 14 ; le 24 juin, Philippe Bongrand revenait pour les Savanturiers à « ce qu’on appelle aujourd’hui, mais pas hier, la coéducation » : v. les premières minutes du webinaire « Se repérer dans la galaxie de l’école à la maison », organisé dans le cadre de l’Université numérique de l’éducation ; ces regards croisés avec Pauline Proboeuf, animés par Ange Ansour, ont été mis en ligne le 2 juill.
6 Lorraine Rossignol, « La coéducation, une révolution », Télérama le 1er, n° 3677, p. 36, spéc. p. 38, concernant l’école du Mas de Mingue ; s’agissant de celle dite Jean-Moulin, également à Nîmes, v. le 4 (au passage, à propos du résistant qui fût son secrétaire, v. Jean Chichizola, lefigaro.fr 26 nov., rappelant sa prise de position publique du 30 avr. 2017 : « Marine Le Pen (…), c’est la France de Maurras qui continue » ; Jean Lebrun, qui connaissait bien Daniel Cordier, revient en des termes touchants sur ce « mort à cent ans ». Critiquant l’hommage national aux Invalides, Olivier Charneux, tetu.com le 27 ; v. enfin Hugo Ruaud, publicsenat.fr le 29 : « Hubert Germain, centenaire, est le dernier représentant vivant des Compagnons de la Libération. Inévitablement, la question de la postérité se pose. Bien sûr, les communes concernées sont garantes de cette mémoire » ; parmi elles, Grenoble, ainsi que je le rappelais dans mon billet du 30 mai (en note 2).
7 Le Monde 23 juin, p. 15 ; v. depuis la toute première phase prononcée par « Karim Benmiloud, le recteur de l’académie de Clermont-Ferrand, [qui prévoyait] « une rentrée particulière mais sereine et apaisée », lamontagne.fr 27 août 2020. « On attribue à Joseph Goebbels la phrase « un mensonge répété mille fois se transforme en vérité ». Il n’a pas été prouvé que cette citation vient bien de lui » (nospensees.fr 19 oct. 2017) ; en tout état de cause, l’idée selon laquelle l’école serait « obligatoire », depuis Jules Ferry, a peut-être fini par être une vérité au sein de l’Éducation nationale, facilitant ainsi l’annonce de l’officialiser (juridiquement).
8 « Les maires et le déconfinement, ou le déploiement du droit à l’éducation en référé », AJCT 2020, p. 542 (n° 11 du 19 nov., sommaire), obs. sous TA Montreuil Ord., 20 mai 2020, Mme Aline C., n° 2004683 ; Toulon le 28, Préfet du Var, n° 201320 ; La Réunion le 29, Mmes X. et Y., n° 2000415 ; Marseille le 5 juin, Mme Abderrahman Ben Allel et a., n° 2004097 ; Guadeloupe le même jour, M. B. A., n° 2000422 ; Nîmes les 9 et 10, Préfet du Gard, n° 2001571 (2001572, 2001573, 2001576 et 2001577) et n° 2001594) ; CE Ord., le 23, Commune de Marseille, préc.
9 Patricia Rrapi, « Le Préambule de la Constitution de 1946, fondement constitutionnel de l’état d’urgence », La Revue des Droits de l’Homme ADL 8 juin, § 13, avant montrer en quoi ce cons. 17 « favorise aussi un éclatement plus général encore ».
10 Mona Chollet, Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique, La Découverte, 2015 ; lire Ousama Bouiss, « Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? Les enseignements de Pierre Bayard », theconversation.com 14 mars 2019 : « se libérer de la volonté de paraître cultivé », un beau projet ! Aux éditions de Minuit, en 2007, il proposait « le concept de « bibliothèque collective » » ; et d’inviter à « se pencher davantage sur [chaque livre et] sa situation ».
11 Non loin de ma maman – ça rime aussi avec confinement -, et avec mon papa, dans un endroit « parfois appelée la pampa » (Pierre Lasterra, « Une 3e circonscription vaste, disparate et indécise… », ledauphine.com 30 mai 2012 – soit un mois avant la dernière réélection d’Hervé Mariton (UMP) – avant de préciser qu’elle « est une des plus vastes de France ».
12 « Dans la Drôme, quatre femmes élues députées », ledauphine.com 18 juin 2017
13 Comparer Philippe Bongrand (entretien avec, par Cécile Bourgneuf, « L’existence de cas de radicalisation est incontestable, mais c’est marginal », Libération (site web) 4 oct. 2020 ; v. surtout sa tribune avec l’équipe ANR SociogrIEF, « La décision de supprimer l’instruction en famille, sauf raison de santé, justifierait un débat public », Le Monde le 15, p. 29 : leurs « recherches montrent la très grande diversité des motivations des familles », irréductibles « aux dimensions religieuses ou « séparatistes » » ; entretemps, Valentin Bertrand, « Les écoles par correspondance défendent leur raison d’être », francebleu.fr le 11 : « « Bienvenue dans la cellule de radicalisation », ironise Cyril Metreau ».
14 Communiqué de presse, à partir du texte « La députée de la Drôme Célia de Lavergne interpelle le Premier Ministre au sujet de l’Instruction en famille… », mediascitoyens-diois.info 20 nov. 2020 (avec les coordonnées de Kim O’Dowd, son attachée parlementaire).
15 V. le texte d’André D. Robert et Jean-Yves Seguy, « L’instruction dans les familles et la loi du 28 mars 1882 : paradoxe, controverses, mise en œuvre (1880-1914) », Histoire de l’éducation 2015/2, n° 144, pp. 29 et s., lesquels commencent par rappeler les termes de son article 4, qui ne fait que réserver la possibilité de donner l’enseignement primaire obligatoire « dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu’il aura choisie ».
16 Pour un aperçu du droit international par l’initiative collaborative RTE, « Existe-t-il un droit à l’instruction à domicile ? », right-to-education.org, 2018 ; et de conclure : « la réponse est non ».
17 Une loi qui n’a « pas été déférée au Conseil constitutionnel », comme le note Pierre-Henri Prélot, « L’enseignement privé confessionnel primaire et secondaire », in Francis Messner, Pierre-Henri Prélot et Jean-Marie Woehrling (dir.), Traité de droit français des religions, LexisNexis, 2ème éd., 2013, p. 1826, en note de bas de page, après avoir affirmé : « La liberté de l’enseignement domestique comme composante essentielle de la liberté de l’enseignement n’est guère soulignée en doctrine. Elle est pourtant essentielle » ; et de la reformuler en « droit », avant d’aller jusqu’à le qualifier – trois pages plus loin – de « fondamental (…), étant entendu que l’instruction constitue un droit pour les enfants et une obligation pour les parents ». À la RDLF 2018, thèse n° 10, je reviens sur les confusions suscitées par la référence à « l’obligation scolaire », en écrivant que le Conseil constitutionnel pourrait aider à les dissiper en rehaussant la référence au droit à l’éducation ; une occasion de le consacrer enfin pourrait être donnée par le projet de loi annoncé.
18 Je reprends ici à nouveau, en la raccourcissant un peu, une phrase de mon résumé préc.
19 Avis rendu public par le Gouvernement le 5 déc. 2018 (v. infra la note 22).
20 CE, 19 juill. 2017, Assoc. Les Enfants d’Abord et a., n° 406150, cons. 3 – arrêt assez habilement écarté par Jean-Éric Schoettl, membre honoraire de l’institution (Le Figaro 9 oct. 2020, n° 23684, p. 18) puis mobilisé par Me Bernard Fau (v. la vidéo de Droit Instruction 17 nov. 2020, « diffusée par les associations Led’a, Laia, Cise, Unie et les collectifs Félicia et L’école est la maison »).
21 Comm.EDH, 6 mars 1984 (v. infra).
22 Avis préc. du 29 nov. 2018 (public le 5 déc.), n° 396047, §12 ; « Depuis que la Cour européenne des droits de l’homme a été rendue permanente, le 1er novembre 1998, la commission a été supprimée », rappelle wikipedia.org (page actualisée le 25 nov. 2019). Ajout au 23 février 2021 – alors que je me suis remis « à l’IEF » (v. la toute dernière note) –, en me bornant pour l’heure à faire observer que cette erreur a été réitérée (v. supra ma note 7) au § 60 de « l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi « confortant le respect, par tous, des principes de la République » (dit « séparatisme » ou laïcité) », mis en ligne par l’avocat Éric Landot le 7 déc. 2020, rendu public par le Gouvernement à la date symbolique du 9 décembre (conseil-etat.fr) ; v. supra ma deuxième illustration, avec les « critiques de l’historien » Jean Baubérot (entretien avec, par Claire Legros), « Le gouvernement affirme renforcer la laïcité, alors qu’il porte atteinte à la séparation des religions et de l’État », Le Monde 15 déc. 2020, p. 30 (annoncé à la Une, ce mardi-là) : « Dans ses discours de Mulhouse [le 18 février] et des Mureaux [le 2 octobre], Emmanuel Macron cherchait un équilibre entre le séparatisme produit par la République et le radicalisme religieux. Il n’en reste rien dans le projet de loi (…) ».
23 CEDH, 11 sept. 2006, Konrad c. Allemagne, n° 35504/03
24 Je reprends ici l’essentiel de ma thèse, 2017, pp. 832-833, 1030 et 1197-1198
25 Comm.EDH, 6 mars 1984, Famille H. c. Royaume-Uni, n° 10233/83 ; DR 37, p. 109, spéc. p. 112 ; il n’est d’ailleurs pas du tout certain que la Cour accepterait aussi facilement la condamnation pénale d’une carence parentale « sans aucun doute étroitement liée au problème de la dyslexie des enfants » (pour citer la page 111 de cette décision disponible en ligne).
26 Extrait de ma contribution intitulée « Le droit à l’éducation », in Sara Brimo et Christine Pauti (dir.), L’effectivité des droits. Regards en droit administratif, éd. mare & martin, 2019, p. 39, spéc. pp. 47-48, avec en note n° 59 cette précision : L’éducation est le mot le plus souvent utilisé au plan international, depuis 1948 ; l’art. 2 [du premier protocole additionnel à la Conv.EDH] (« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction (…) ») est, pour ainsi dire, l’exception européenne qui confirme la règle » (reprise mot pour mot ici, pour permettre à qui le souhaite de citer – c’est mieux que de plagier).
27 V. à partir de dalloz-actualite.fr 18 nov., obs. de Pierre Januel (dans ce billet, les passages soulignés sont tous de mon fait).
28 Philippe Bongrand et Dominique Glasman, « Instruction(s) en famille. Explorations sociologiques d’un phénomène émergent », Revue française de pédagogie oct.-nov.-déc. 2018/4, n° 205, p. 5 (introduction au dossier, paru en février 2020) ; Jean-Marie Pottier, « Contrôler l’éducation à la maison », scienceshumaines.com août-sept. 2020, n° 328, recensant en outre les articles de Pauline Proboeuf (« S’affranchir de l’institution scolaire pour émanciper l’enfant ? », Émulations 2019, n° 29), Géraldine Farges et Élise Tenret (« Évaluer l’instruction en dehors de l’école. Une enquête sur la fabrication du jugement des inspecteurs dans les contrôles de l’instruction dans la famille », Sociologie 2020/2).
29 Invité récemment de la Radio chrétienne francophone (RCF) – Alsace, pour une émission intitulée « Le droit en débat », Grégor Puppinck se livre à nouveau à une lecture plus qu’orientée des textes pertinents, en particulier les travaux préparatoires du protocole additionnel à la Convention (il procède d’ailleurs à un simple copier-coller de ses Observations écrites soumises à la Cour le 9 décembre 2016, 11 p., spéc. pp. 10-11 ; Officiel ECLJ 22 oct. 2020) ; la CEDH s’est prononcée depuis et, pour le dire en une phrase, sur le modèle de mon précédent billet : Scolarisation obligatoire, la Cour européenne ne condamne pas l’Allemagne (v. mes ajouts dans celui-ci, le 20). Ajout, le 23 février 2021, de cette précision : « Les militants de l’éducation à la maison mettent régulièrement en avant que c’est une loi adoptée sous le IIIe Reich, pour des raisons d’endoctrinement. Leur débat est complexe, car une des raisons avancées pour le maintien de la loi est que l’école construit des démocrates » (Philippe Bongrand (entretien avec, par Jean-Christophe Henriet), « Ceux qui délèguent et ceux qui assument », Journal du Centre 10 avr. 2019, p. 5, à l’occasion d’une « journée d’échanges sur les modes d’instruction en Morvan »).
30 À partir de l’article 5 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet pour une école de la confiance, v. Valérie Piau (entretien avec, par Sophie de Tarlé), etudiant.lefigaro.fr 5 nov. ; dans l’émission Ça commence aujourd’hui, Bilal Hassani livrait ce jour-là un témoignage (avant de lancer quelques jours plus tard un appel au gouvernement, sur le plateau de Quotidien le 10). Paragraphe modifié après réflexion et révisions du présent texte (en essayant de le rendre plus lisible ; pour mes billets à venir, je me fixe ici l’objectif de diviser le nombre de notes par deux – soit 15, comme max.) ; n’hésitez pas à m’écrire si vous avez des réactions ou informations à partager, les discours du – et sur le – droit de l’IEF font partie de mes projets d’étude pour 2021 (ajout au 23 février, en renvoyant aussi à Antonello Lambertucci, « Interdiction de l’instruction à domicile : enjeux et problématiques », La Revue du SIA nov. 2020, n° 37, p. 7, ainsi qu’à mon billet suivant in fine).

Éducation inclusive : la Cour européenne condamne l’Italie

Il y a trois semaines, saisie par une élève – par l’intermédiaire de son père –, la première section de la CEDH a condamné l’Italie.

Née en 2004, cette « jeune fille autiste non verbale » n’avait pu « bénéficier d’un soutien scolaire spécialisé pendant ses deux premières années d’école primaire (2010/2011 et 2011/2012) ». La mairie d’Eboli (v. le point ci-contre) étant restée silencieuse, ses parents avaient formé un recours devant le tribunal administratif de la région de Campanie, en invoquant la loi n° 104 promulguée vingt ans plus tôt, en 1992 ; le Conseil d’État italien ayant lui aussi rejeté leur requête, en 2015, son père la dirigea – avec un avocat milanais – vers la Cour de Strasbourg. Elle « conclut qu’en l’espèce, le Gouvernement n’a pas démontré que les autorités nationales aient réagi avec la diligence requise pour garantir à la requérante la jouissance de son droit à l’éducation sur un pied d’égalité avec les autres élèves, de manière à ménager un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu »1CEDH, 10 sept. 2020, G.L. c. Italie, n° 59751/15, §§ 1-2, 14, 16 et 72 : « Partant, il y a eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 2 du Protocole n° 1 ». Merci à Denis de m’avoir signalé cet arrêt..

Alors pendante, l’affaire était évoquée2Avec une autre affaire pendante, qui s’est soldée par arrêt – évoqué au § 70 – de non-violation le 25 juin 2019 (Stoian v. Romania, n° 289/14, § 111 ; également rendu à l’unanimité). par Johan Lievens et Marie Spinoy, au terme d’une note intitulée « Éducation inclusive : la Cour est-elle à bonne école ? », RTDH 2019, n° 119, p. 707, spéc. p. 718 ; l’arrêt s’inscrit dans le prolongement d’une jurisprudence dessinée trois ans plus tôt, que je rappelais – juste avant de consacrer quelques lignes à l’expérience italienne – dans un billet du 3 avril 20183Comparer l’Opinion concordante du juge Wojtyczek, in fine (p. 27, spéc. p. 29) – où il cite, « en particulier, Dupin c. France, no 2282/17 » ; à propos de cet arrêt du 24 janvier 2019, v. le 8 avril, au point 4..

Notes

1 CEDH, 10 sept. 2020, G.L. c. Italie, n° 59751/15, §§ 1-2, 14, 16 et 72 : « Partant, il y a eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 2 du Protocole n° 1 ». Merci à Denis de m’avoir signalé cet arrêt.
2 Avec une autre affaire pendante, qui s’est soldée par arrêt – évoqué au § 70 – de non-violation le 25 juin 2019 (Stoian v. Romania, n° 289/14, § 111 ; également rendu à l’unanimité).
3 Comparer l’Opinion concordante du juge Wojtyczek, in fine (p. 27, spéc. p. 29) – où il cite, « en particulier, Dupin c. France, no 2282/17 » ; à propos de cet arrêt du 24 janvier 2019, v. le 8 avril, au point 4.

7ème version du Livret de méthodologie

En ce jour anniversaire de la naissance de Jean Jaurès (à Castres, le 3 septembre 1859), je signale avoir retouché son portrait dressé sur ce site, ainsi que l’actualisation du Livret de méthodologie (il y a environ deux mois) ; les modifications par rapport à la sixième version restent limitées mais, si vous utilisez cet outil, autant télécharger le document révisé (avec les récapitulatifs qu’il contient).

Photo adressée par un ami fin juin ; il m’indiquait être « redescendu de la montagne pile à temps pour la soirée électorale ».

En souhaitant aux personnes concernées une bonne rentrée, et en réaction (retardée) à la photo ci-contre, je reprendrai cet extrait d’un entretien avec Jean Baubérot : « On a perpétuellement à apprendre, y compris de ceux qui sont restés dans la plaine » (« Il existe une tension réelle entre objectivité et engagement », in Pascal Boniface, Les intellectuels intègres, éd. Jean-Claude Gawsewitch, 2013, p. 53, spéc. p. 59).

L’année suivante était publié Une si vive révolte ; dans le neuvième chapitre, « Les années soixante-dix : le militant et le chercheur », Jean Baubérot rappelle avoir bénéficié de « soutiens » et « conseils », en particulier ceux de « la spécialiste de Jaurès, Madeleine Rebérioux » (éd. de l’Atelier, 2014, p. 117, spéc. pp. 133-134) ; en 1991 – et jusqu’en 1995 (dix ans avant sa mort) –, elle deviendra la première présidente de la LDH (v. ma thèse, 2017, en note de bas de page 1227, en conclusion).

…quand la laïcité repose sur une croyance (Rev.jurisp. ALYODA 2020, n° 1, janv.-mai)

Note sous CAA Lyon, 23 juill. 2019, n° 17LY04351 ; « Interdiction des mères voilées dans les locaux scolaires : quand la laïcité repose sur une croyance » 1La présente note, dans cette version du 12 décembre 2019, a été publiée en janvier dans la Rev.jurisp. ALYODA 2020, n° 1, puis supprimée dans les premiers jours de juin (entretemps, le 31 janvier en note n° 8, j’avais renvoyé aux commentaires relatifs à cet arrêt). Les illustrations ont été ajoutées le dimanche 7 juin 2020, lors de la première publication de ce billet (la dernière légende a été complétée ce 3 septembre)..

Ferdinand Mélin-Soucramanien et Fabrice Melleray (dir.), Le professeur Jean Rivero ou la liberté en action, Dalloz, 2012, univ-droit.fr

Croire à « un manquement à la laïcité dans tout acte susceptible d’apprendre à l’enfant ce qu’il sait par la vie quotidienne, à savoir l’existence historique et actuelle des religions, ce serait condamner l’enseignement à édifier, pour y instruire les enfants, une cité chimérique, en marge du monde réel » (Jean Rivero, S. 1949, III, 41, spéc. p. 44).

Le 27 novembre 1989, saisi par le ministre de l’Éducation nationale, le Conseil d’État estimait que le « principe de laïcité de l’enseignement public » n’impliquait d’obligations de « neutralité » qu’en ce qui concerne les programmes et les enseignant·e·s ; près de trente ans après, la Cour administrative d’appel de Lyon a décidé de reprendre ces termes – ainsi que la référence à « la liberté de conscience des élèves » (pourtant redéfinie depuis) –, avant de les compléter pour imposer cette laïcité-neutralité à de nouvelles « personnes » (CAA Lyon, 23 juill. 2019, n° 17LY04351, cons. 3).

En l’espèce et parce qu’elles portaient un voile, deux mères d’élèves se savaient visées par ce que le rapporteur public qualifie de « règlement scolaire des écoles maternelle et primaire adopté le 10 novembre 2014 », et qui n’apparaît dans l’arrêt que comme « un échange » lors de cette « réunion du conseil d’école » (cons. 4 ; je remercie Samuel Deliancourt pour m’avoir transmis ses conclusions – publiées depuis au JCP A 2019, 2307, avec une note approbatrice de Mathilde Philip-Gay). Selon les témoignages publiés par le journal Le Monde le 24 octobre dernier (p. 10), il leur aurait été indiqué que « la loi » les obligeait à s’en délester, puis qu’elles n’avaient qu’à, pour participer, faire « des gâteaux » (« Madame, vous ne partirez pas avec votre foulard ! », Aurélie Collas présentant l’une d’elles comme « [a]vocate de formation » ; ici comme ailleurs, le contentieux ne reflète qu’une partie des cas litigieux). Le directeur refusant de leur donner raison, elles décidèrent – avec une mère d’élève d’une autre école de la ville de Meyzieu (Marcel Pagnol) – de saisir la rectrice de l’académie de Lyon. Moins d’un mois plus tard, cette dernière répondait en se rangeant à la « position qui été retenue pour assurer le bon fonctionnement [de ces deux] écoles maternelles ».

Photo prise personnellement il y a quelques mois (dans une autre ville ; illustration déjà mobilisée dans mon billet du 29 février, en note n° 86)

Cette décision rectorale du 2 avril 2015, dont les termes ne figurent que dans les conclusions, semble n’avoir été attaquée qu’à propos de la première école (Condorcet). À la suite du tribunal administratif de Lyon, le 19 octobre 2017, la CAA a rejeté leur recours en annulation. L’arrêt du 23 juillet 2019 adopte néanmoins une nouvelle motivation, en suivant cette fois son rapporteur public ; après l’avoir d’abord en elle-même contestée (1.), une attention prêtée aux sources d’inspiration de ce dernier conduira à pointer le paradoxe qui consiste à prétendre enrichir le principe de laïcité à partir d’une croyance (2.). Quelques lignes seront enfin consacrées à la portée de cet arrêt, qui devrait permettre au Conseil d’État de se prononcer en formation contentieuse (3.).

1. Une motivation renouvelée

La CAA confirme un jugement qui avait été rendu sur des conclusions contraires (TA Lyon, 19 oct. 2017, Mmes B. et C., n° 1505363 ; Rev.jurisp. ALYODA 2018, n° 2, concl. Joël Arnould et obs. Nicolas Charrol ; l’un et l’autre reviennent sur les jugements antérieurs). Elles s’inscrivaient dans la voie tracée par le Conseil d’État le 19 décembre 2013, au motif que l’étude alors adoptée par l’assemblée générale visait « tant les sorties que les « activités scolaires » » (v. en effet la page 34). Informé de ce que « les rapports de l’observatoire [de la laïcité] ont témoigné de l’accueil contrasté de l’étude », Joël Arnould en déduisait qu’« en ne se fondant sur aucun fait concret, la rectrice n’a pas légalement fondé sa décision » ; il proposait donc d’accueillir ce moyen. Confirmant la plasticité des formules suggérées fin 2013, le tribunal les avait reprises pour – au contraire – rejeter le recours (cons. 6 et 7).

Ignorant l’indication de son homologue au TA, Samuel Deliancourt affirme quant à lui devant la CAA que cette étude « n’envisage pas le cas » ici résolu. Le rapporteur public se réfère alors – entre parenthèses – au « propos tout à fait juste de la professeure Mme S. Hennette-Vauchez commentant le jugement du TA de Montreuil ». L’autrice déplorait dans cette note un contresens de la rapporteure publique (à propos de l’arrêt du 27 juillet 2001, Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière – Direction et a., n° 215550 et 220980, admettant le concours de sœurs d’une congrégation au fonctionnement de ce service public). Dans ses propres conclusions, Samuel Deliancourt la cite à contre-emploi, Stéphanie Hennette-Vauchez pointant précisément « l’inconséquence qui s’attache au raisonnement juridique qui prétend systématiquement étendre la portée utile de certaines catégories », à savoir « les principes de laïcité/neutralité du service public » (« Discrimination indirecte, genre et liberté religieuse : encore un rebondissement dans les affaires du voile », AJDA 2012, p. 163).

C’est ainsi qu’il avance un « double critère matériel tiré de la nature des activités exercées par les parents avec les enfants et du lieu d’exercice de celles-ci ». Préalablement, il suggère que ce dernier pourrait provoquer leur incapacité à distinguer leurs parents de leurs « enseignants » ; cette hypothèse surprenante a été reprise le 24 octobre 2019 par Xavier Bioy, soucieux d’éviter aux enfants – de mamans non voilées – « de se poser des questions »… Le rapporteur public tente de juridiciser sa position en mobilisant un article (L. 212-15 du Code de l’éducation) et un arrêt (CE, 8 nov. 1985, MÉN, n° 55594), qui présentent toutefois un défaut dirimant : ils ne concernent pas des activités scolaires (ou « des activités assimilables à celles des personnels enseignants », selon le considérant 3 de la CAA ; « similaires » selon le suivant). Pareille interprétation, téléologique (pour ne pas dire théologique !), s’explique sans doute par l’une de ses autres affirmations, selon laquelle l’école serait « fondée », au profit des enfants, sur une « neutralité scolaire exigée (…) depuis le 19e siècle » qui tendrait « à « sanctuariser » ces dépendances [les locaux scolaires] pour les épargner de toutes pressions et convictions ». Autrement dit, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, la laïcité repose ici sur une croyance.

2. Une croyance dissimulée

Colloque organisé par la Libre Pensée et le Conseil Départemental de la Haute-Garonne, lp37.over-blog.com 7 oct. 2019 ; illustration initialement mobilisée dans ce billet (portrait)

Dissimulée par l’arrêt, cette croyance est révélée dès la « citation bien connue » placée en exergue des conclusions : « Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles [des] hommes [sic] n’entrent pas ». En citant ainsi Jean Zay, Samuel Deliancourt annonçait une nouvelle illustration de la conception de l’école publique comme un sanctuaire républicain « laïque » (v. ma thèse en ligne – à laquelle renvoie le précédent lien –, 2017, pp. 493 et s.).

La croyance du rapporteur public a probablement trouvé son inspiration dans une étude qu’il cite, celle de Pierre Juston (« La laïcité à l’épreuve des parents d’élèves accompagnateurs des sorties scolaires », in Hiam Mouannès (dir.), La laïcité à l’œuvre et à l’épreuve, Presses de l’université Toulouse 1 Capitole, 2017 [192 p., mis en ligne sur OpenEdition Books le 12 octobre 2018], pp. 145 et s.). Il convient de remarquer que ce dernier y plaide la « solution d’une interdiction textuelle de manifester les convictions religieuses, philosophiques et politiques des parents accompagnateurs » (§§ 34 et s. Je souligne ; v. aussi « Mères voilées aux sorties scolaires : c’est à la loi de trancher, pas au Conseil d’État », marianne.net 13 déc. 2017). Au § 13, en la qualifiant en note n° 45 d’« illustre », l’auteur mobilise la circulaire Zay du 31 décembre 1936 pour… trouver un fondement à la loi du 15 mars 2004 (en d’autres occasions, il concède que « cette loi est bien une extension du principe de laïcité » ; cela ne l’empêche pas d’opposer quelques lignes plus loin « une méconnaissance de la construction du modèle français du service public de l’éducation » : v. « “Droits des musulmanes” : quelques réponses au manifeste de Rokhaya Diallo », marianne.net 7 août 2018). Au § 22, Pierre Juston suggère à juste titre qu’un arrêt mobilisé dans l’étude de 2013 n’a pas été alors bien choisi (CE, 22 mars 1941, Union nationale des parents d’élèves de l’enseignement libre, Rec. 49), selon lui parce que cette décision mériterait d’être « envisagé à la lumière [du contexte de Vichy] » ; abordant auparavant la circulaire de Jean Zay, il l’extrait de son propre contexte : « en plein front populaire, elle vise à faire cesser les agissements de propagande des Ligues d’extrême droite dans et aux abords des lycées et ne concerne aucunement les signes religieux » (Olivier Loubes, « Interdire les signes religieux et politiques dans les lycées publics depuis Jules Ferry : contribution à l’histoire réglementaire du tempérament républicain », Historiens et Géographes mai 2007, n° 398, p. 71, spéc. p. 76, avant de renvoyer à son article de 2004 – cité dans ma thèse pp. 502-503 et, encore plus récemment, par Stéphanie Hennette-Vauchez dans ses obs. sous CE, 2 nov. 1992, Kherouaa, n° 130394, in Thomas Perroud (dir., avec Jacques Caillosse, Jacques Chevalier et Danièle Lochak), Les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative [GAPJA], LGDJ/Lextenso, 2019, p. 460, spéc. §§ 818 à 820).

Patrick Rayou (dir.), ouvr. cité ci-contre, 2019

Dans ses conclusions, Samuel Deliancourt se réfère aussi au texte d’un autre rapporteur public évoquant « une sorte de sanctuaire laïque » (Frédéric Dieu, « Des questions que les femmes posent au juge », JCP A 2018, 2216, § 4 ; v. déjà le titre d’une de ses notes, « L’école, sanctuaire laïque », RDP 2009, p. 685). « [L’]école sanctuaire » est effectivement une entrée fréquente, y compris dans les écrits de sciences de l’éducation (v. récemment la première page du livre dirigé par Patrick Rayou, L’origine sociale des élèves, éd. Retz, 2019, extraits en ligne, p. 4). Pour ce qui concerne les signes considérés comme manifestant une appartenance religieuse, l’idée selon laquelle « l’école doit être sanctuarisée » avait été exprimée par François Baroin en 2003, favorable à l’expérimentation de l’uniforme (v. mes pp. 493 et s., avec la note n° 3295 2 Le lien vers l’entretien cité étant lui aussi devenu inactif, je l’ai ici supprimé. ) ; il venait de remettre au Premier ministre un rapport significativement intitulé Pour une nouvelle laïcité, lequel préfigurait une seconde évolution législative majeure – en 2004, après celle de 1959 – de la compréhension de ce principe constitutionnel – depuis 1946 (v. mes pp. 435 et s., puis 583 à 588 pour les Constitutions de 1946 et 1958 et la loi Debré).

Toutefois, cette brève loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 n’a consacré cette conception qu’à propos des « élèves » des établissements publics, à l’exception de leurs parents. Cela n’empêcha pas qu’après avoir exclu des filles, le plus souvent – d’abord sans base légale, puis avec –, il se soit vite agi de s’en prendre aux mères ; l’Association des maires (de France et des présidents d’intercommunalité), par exemple, l’a encouragé : présidée depuis la fin 2014 par le même François Baroin, l’AMF publie l’année suivante un Vade-mecum Laïcité (Hors-série nov. 2015, 34 p.), dans lequel il est écrit que le « milieu scolaire est un cadre qui doit être particulièrement préservé », en particulier de ces participations « à des déplacements ou des activités scolaires » (p. 11, en allant jusqu’à affirmer que « la circulaire Chatel de 2012 », pourtant ignorée dans l’étude du Conseil d’État fin 2013, aurait été « valid[ée] » par lui ; suit un encadré qui présente le livret « Laïcité » de septembre 2015 comme une « réponse » à sa saisine du « ministre en charge de l’Éducation nationale »).

Dans la période contemporaine, loin d’être un produit de la recherche historique en éducation, l’école sanctuaire relève donc avant tout de la proposition politique ; et s’il est possible de faire confiance à Antoinette Ashworth lorsqu’elle affirme que « c’est très tardivement qu’une collaboration a été institutionnalisée entre l’administration et les parents d’élèves » (L’École, l’État et la société civile en France depuis le XVIe siècle, thèse Paris II, 1989, tome 1, p. 1131), il existe désormais des fondements juridiques à cette construction de « la communauté éducative » (v. infra).

Rénovation de l’école Barthelon, en 1994-1995, avec en arrière-plan un préau idéal pour le « ballon prisonnier » (ac-grenoble.fr 24 oct. 2008 ; v. déjà l’une des illustrations de mes travaux de recherche)

À propos des « enseignants » et « sur la “neutralité scolaire” qui leur est imposée », le rapporteur public croit pouvoir renvoyer à un arrêt Connet (en ligne). Rendu le 4 mai 1948, il avait été annoté par Jean Rivero, lequel remarquait – près d’une décennie après le texte de Jean Zay… – que cet arrêt « ne dégage pas, au moins de manière explicite, les traits qui définissent le véritable manquement à la neutralité » ; il était en effet donné raison à Monsieur Connet, qui n’en avait commis aucun, alors même que l’un des faits reprochés peut être rapproché – et distingué – de la situation ici envisagée : l’auteur commençait cette note (précitée en exergue) en indiquant que, selon « les observations présentées par le ministre sur le recours formé contre sa décision », cet « instituteur aurait dû s’opposer à la réception [d’un] évêque sous le préau de l’école » (« seul bâtiment municipal susceptible de l’abriter » de la pluie, d’après le maire à l’origine de cette « cérémonie patriotique » ; prévenu seulement « au matin du jour prévu », Monsieur Connet avait négocié pour « que le préau fut seul affecté »). En 2019, l’affectation d’une partie d’une cour de récréation aurait pu donner l’occasion au juge administratif d’identifier un manquement à l’article L. 212-15 cité par Samuel Deliancourt, relatif à la laïcité-neutralité (v. au détour de ce billet) ; il eût fallu alors sanctionner une collectivité publique, et ce sont finalement – trois mois plus tard – deux personnes privées qui se voient opposer une interdiction sur ce fondement (implicite).

3. Une portée non maîtrisée

La motivation retenue vient fragiliser des interventions sollicitées dans les classes, telles celles de Latifa Ibn Ziaten ; son nom mérite d’être cité car il est l’un des rares qui puissent l’être par les participant·e·s aux conversations relatives aux femmes portant un voile. Dans la dernière séquence d’intense médiatisation sur la question – postérieure à la prise de position ici commentée –, la « présidente et fondatrice de l’association Imad Ibn Ziaten pour la Jeunesse et la Paix » fut la seule invitée à « s’exprimer sur LCI » (Robin Andraca – avec des 3ème année de l’école de journalisme de Toulouse, en réponse à une question de Thierry –, « Une semaine sur les chaînes d’info : 85 débats sur le voile, 286 invitations et 0 femme voilée », liberation.fr 17 oct. 2019). Dans sa note précitée, Mathilde Philip-Gay prend l’exemple de « cette célèbre mère d’un soldat victime de terroriste qui explique avoir pris le voile en signe de deuil » ; convaincue par l’arrêt 3 L’arrêt suit ici les conclusions, il en constitue en quelque sorte une version condensée ; elles comprennent un renvoi au livre de Mathilde Philip-Gay, Droit de la laïcité, Ellipses, 2016, pp. 203 à 223. Cette dernière ne cite toutefois pas Samuel Deliancourt dans sa note ; j’ai donc commis une erreur en écrivant qu’elle a été convaincue par cette personne en particulier (membre associé de l’équipe dont elle était directrice) ; je la prie de bien vouloir accepter mes excuses sur ce point (v. surtout les explications qui précèdent, à la republication de mon texte ici)., elle suggère que les « conférences » de l’intéressée, comme celles des autres « grands témoins », aient lieu – désormais et toujours – « dans un lieu distinct de la classe ». Avant même l’arrêt de la CAA de Lyon, il lui aurait été demandé, lors d’une audition devant le Conseil des « sages » de la laïcité et selon Valentine Zuber, « de bien vouloir retirer son voile lors de ses interventions bénévoles en faveur de la tolérance et des valeurs républicaines dans les écoles… » (laurent-mucchielli.org 5 nov. 2019).

Dans son édition du 9 octobre, Le Monde publiait deux tribunes, l’une signée par l’actuelle présidente du Conseil précité ; dans ce texte en soutien de celui qui l’a désignée – à savoir le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, fin 2017 –, Dominique Schnapper cite expressément l’arrêt de la CAA, juste avant d’affirmer : « Pour distincte que soit cette situation – dans la classe même – de celle d’une sortie scolaire, (…) il nous semble que l’esprit de cette décision devrait être adopté dans les deux cas ». Le passage tronqué fait référence au Vademecum « La laïcité à l’école », tout juste actualisé ; présenté comme ayant « admis la légalité d’un règlement intérieur », l’arrêt est largement reproduit, sans qu’il soit précisé qu’il pourrait être remis en cause en cassation. Comme pour son étude de 2013, le texte sert à formuler des « pistes (…) pour justifier le refus qu’un parent participe à l’encadrement de déplacements ou d’activités scolaires » (oct. 2019, 92 p., spéc. pp. 83 et 84 ; v. aussi la page 4 pour la citation de Jean Zay, en mai 1937 cette fois).

Portraits repris d’Alexandre Devecchio, « Gilles Kepel/ Jean-Michel Blanquer, le débat « Esprits libres » », lefigaro.fr 11 mars 2020 (déjà mobilisés dans mon billet du 30 avril, en note n° 43)

Avant même d’avancer son « double critère matériel », le rapporteur public déclarait écarter « les activités ludiques au sein de l’enceinte scolaire, telles que les fêtes de fin d’année et autres kermesses ». Plus loin, il faisait de même avec les « sorties scolaires car l’activité est celle d’accompagnant en dehors de l’enceinte scolaire et les enfants font alors naturellement [sic] la différence ». Début décembre, Olivia Bui-Xuan remarque que l’arrêt de la CAA de Lyon « pouvait être lu comme cantonnant étroitement la nouvelle obligation de neutralité » (« Extension du domaine de la neutralité religieuse », AJDA 2019, p. 2401 ; en ce sens, JCP A 2019, act. 575, obs. Lucienne Erstein ; AJCT 2019, p. 526, obs. Pierre Villeneuve), ainsi que l’ont compris les juristes du ministère (LIJMEN nov. 2019, n° 208) ; « il constitue au contraire une étape décisive » de la « véritable lutte » que semblent mener les « instances » de ce même ministère, et en premier lieu Jean-Michel Blanquer.

En 2017, Joël Arnould rappelait dans ses conclusions précitées qu’« avant la loi de 2004, le Conseil d’État avait jugé qu’en lui-même, le port d’un voile n’est pas nécessairement ostentatoire ou revendicatif (CE, 27 novembre 1996, [MÉN,]  n° 172787, au Lebon) » (concernant les arrêts rendus ce jour-là – sept ans après l’avis précité –, puis ceux du 10 mars 1997, v. évent. mes pp. 427 à 429) ; cette formule n’a pas été reprise dans l’étude de 2013 (v. ma page 517), mais la haute juridiction serait tout à fait fondée (juridiquement et sociologiquement) à la réitérer, ce dans le prolongement même de la loi n° 2019-791 du 26 juillet : en effet, son article 10 risque d’être invoqué, et il importe qu’il soit rapidement interprété à la lumière non seulement du rejet de l’amendement qu’avait adopté le Sénat – et qui se trouve cité dans les conclusions prononcées sur l’arrêt rendu trois jours plus tôt (v. le communiqué du groupe LR, le 15 mai) –, mais aussi du « lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation » mentionné en ouverture du texte (à propos de cet art. 1er qui « peut se lire à différents niveaux », v. Marc Debene, « L’École sous le pavillon de la confiance », AJDA 2019, pp. 2300 et s. Plus loin et sans mobiliser l’art. 10 qu’il estime « redondant », l’ancien recteur estime « ouvert le débat sur les tenues des parents accompagnant les sorties scolaires » ; il cite alors l’arrêt commenté qui ne les concerne pas… Le considérant 2 mentionne la « communauté éducative », sur laquelle l’auteur revient auparavant : v. l’art. 11 de la loi n° 89-486 du 10 juillet, dont les formules figurent depuis 2000 à l’art. L. 111-4 du Code de l’éducation et ont simplement été enrichies le 26 juillet dernier).

Dans l’entretien précité du 24 octobre, Xavier Bioy affirme qu’une « conception trop « organique » des individus et des rôles peut conduire à méconnaître les objectifs républicains de la norme autant que le droit à l’éducation des enfants et des parents » (hostiles au voile ?). Au-delà de cette confusion que je souligne – ne se trouvant pas dans les textes y relatifs, elle éclaire l’attachement à « l’intérêt de l’enfant » préalablement affiché par l’auteur –, il existe en droit international une obligation pour les États de faciliter l’exercice de ce droit (v. mes pp. 1180 et s.) ; il n’est pas servi en s’en prenant à certaines de leurs mamans : il est possible de dénier aux parents un « droit » à la participation mais, « [q]uoi qu’il en soit, la problématique d’inclusion/exclusion [en matière de laïcités] s’avère fructueuse pour ce qui est des femmes » (« Introduction. Genre, laïcités, religions 1905-2005 : vers une problématisation pluridisciplinaire », in Florence Rochefort (dir.), Le pouvoir du genre. Laïcités et religions, 1905-2005, PUM, 2007, p. 9, spéc. p. 15). Dans son avis de 1989, juste avant l’expression de ce qui allait devenir le considérant de principe l’arrêt Kherouaa et autres de 1992, le Conseil d’État rappelait au point 1 que « la République française s’est engagée : à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire le droit d’accéder à l’enseignement sans distinction aucune notamment de religion (…) ; à respecter, dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, le droit des parents de faire assurer cette éducation conformément à leurs convictions religieuses ; à prendre les mesures nécessaires pour que l’éducation favorise la compréhension et la tolérance entre tous les groupes raciaux et religieux » (n° 346893). Cette dernière formule était reprise de l’une des « conventions internationales susvisées », à savoir celle « concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement » (1960, art. 5, 1. a.). S’il était question des élèves, une réflexion de Rivero peut être relue pour son actualité : en conclusion sa note, publiée il y a trente ans à la RFDA (1990, p. 1, spéc. p. 6), le professeur (catholique) remarquait que « rejeter hors de la communauté scolaire intégratrice les porteuses de voile eût été fournir aux tenants de l’intégrisme un argument de poids, en leur permettant de présenter le rejet de leur tendance comme un rejet de l’Islam tout entier »…

Ajouts au 3 septembre 2020, en déplaçant ce billet au 30 août, avec en guise d’explications mon courrier du 22 juin, parvenu au greffe le 26. J’ai appris depuis que Régis Fraisse avait été nommé, par un décret du 13, à « la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à compter du 1er juillet 2020 » ; par un autre décret, daté du 22 (v. respectivement ces textes n° 63 et 75, publiés au JORF du lendemain, n° 0145 et 0179), Gilles Hermitte l’a remplacé à la présidence de la Cour, au 1er septembre.

Je le remercie pour avoir pris le temps de me faire parvenir une réponse, datée du 10 juillet – assez curieusement à mon adresse grenobloise, ce qui fait que je n’ai pu la lire qu’à la fin du mois. Le conseiller d’État ne devrait pas être surpris de sa mise en ligne, puisqu’il n’a pas souhaité « donner un effet utile » à ma demande (pour le dire en reprenant des mots d’un contributeur très régulier de sa revue, cités dans la première de mes notes y publiées).

Dans ma lettre, je m’étais abstenu d’indiquer le motif qui m’avait été communiqué indirectement le 2 juin, pour voir s’il serait maintenu (et faciliter sa substitution, le cas échéant) ; je me bornerai ici à trois séries de remarques et renvois :

  • à la note n° 32 de mon billet du 30 avril (antérieur à la suppression de ma note, donc), concernant ma citation non sourcée, qui reprend une formule célèbre, extraite des… conclusions d’Édouard Laferrière sur un arrêt du Conseil d’État (finalement non saisi de l’arrêt rendu par la CAA de Lyon l’été dernier, ce qu’il convient de déplorer) ;
  • à mon tout premier billet, qui renvoie lui-même à ma toute première note de jurisprudence, publiée à la Revue du droit public (RDP 2010, n° 1, p. 197) ; en effet, j’aurais pu reprendre une formule que j’avais employée en introduction, puisqu’il s’est bien agi pour moi, là encore, de commenter une décision éclairée par les conclusions du rapporteur public : parce qu’elles étaient « riches d’enseignement » (alyoda.eu), je m’y référais autant de fois qu’ici, et le comité de rédaction de la RDP n’avait pas tiqué, il y a dix ans ; mes deux relecteurs pour ALYODA pas davantage, le 3 puis le 12 décembre 2019 (un professeur de droit – devenu depuis doyen de faculté –, et le rédacteur en chef, président honoraire à la Cour) ;
  • à (au moins) une note dont l’auteur s’est senti autorisé, lui aussi, à critiquer des conclusions (TA Lyon, 19 nov. 2019, Association Oasis d’amour, n° 1808848 ; Rev.jurisp. ALYODA 2020, n° 2, concl. Isabelle Caron, note Christophe Testard) ; ne pouvant croire que la règle qui m’a été opposée le 10 juillet soit à géométrie variable (selon la juridiction concernée, le statut de l’auteur, et/ou le nombre de citations autorisées), j’invite les personnes qui ont protesté de façon anonyme contre mon texte – en contribuant ainsi à sa suppression –, à me faire part de leurs propres critiques directement (à défaut de le faire publiquement) : cela me permettrait de les comprendre, et même peut-être un échange intéressant. Bien que préférant les règles classiques, ainsi qu’en témoigne mon texte, je terminerai par ces mots : je « n’ai trompé personne », en tout état de cause ; « Certains n’ont que des prétextes et veulent en faire des causes »…

Latifa Ibn Ziaten à la rencontre de jeunes dans une école primaire
« Latifa Ibn Ziaten à la rencontre de jeunes dans une école primaire • Crédits : PASCAL PAVANI AFP » (émission animée par Caroline Broué, franceculture.fr 30 sept. 2017 ; v. aussi, découvert en cette période où l’on craint notre envie de nous embrasser, le très beau clip de Christophe Willem, « Madame », 10 sept. 2018)

Notes

1 La présente note, dans cette version du 12 décembre 2019, a été publiée en janvier dans la Rev.jurisp. ALYODA 2020, n° 1, puis supprimée dans les premiers jours de juin (entretemps, le 31 janvier en note n° 8, j’avais renvoyé aux commentaires relatifs à cet arrêt). Les illustrations ont été ajoutées le dimanche 7 juin 2020, lors de la première publication de ce billet (la dernière légende a été complétée ce 3 septembre).
2 Le lien vers l’entretien cité étant lui aussi devenu inactif, je l’ai ici supprimé.
3 L’arrêt suit ici les conclusions, il en constitue en quelque sorte une version condensée ; elles comprennent un renvoi au livre de Mathilde Philip-Gay, Droit de la laïcité, Ellipses, 2016, pp. 203 à 223. Cette dernière ne cite toutefois pas Samuel Deliancourt dans sa note ; j’ai donc commis une erreur en écrivant qu’elle a été convaincue par cette personne en particulier (membre associé de l’équipe dont elle était directrice) ; je la prie de bien vouloir accepter mes excuses sur ce point (v. surtout les explications qui précèdent, à la republication de mon texte ici).

Maternité de Die : une fermeture contraire au(x) droit(s)

Entrée de l’hôpital de Die (photo prise personnellement ce mercredi 29 juillet 2020)

Il y a environ trois semaines, le tribunal administratif (TA) de Grenoble a donné raison au Collectif de défense de l’hôpital de Die (après une audience « publique » le 23 juin[i]). Ce jugement commence par affirmer que « la décision attaquée, qui fait grief tant au personnel de l’établissement qu’aux tiers, ne peut être regardée comme une mesure d’ordre intérieur. Par suite, [elle n’est pas insusceptible de recours et] la fin de non-recevoir opposée sur ce point par le centre hospitalier de Die doit être écartée » (TA Grenoble, 7 juill. 2020, Collectif de défense de l’hôpital de Die, n° 1801892, cons. 2[ii]).

Dans un second temps, alors que son juge des référés n’avait pas su construire un raisonnement pour suspendre « la fermeture de services hospitaliers à compter du 1er janvier 2018 », la « décision implicite née le 29 » est annulée ; elle l’est par le TA plus de deux ans et demi plus tard, mais pour un motif qui se dédouble et ramène bien en 2017 : « L’absence de consultation du conseil de surveillance et de concertation avec le directoire préalablement à la décision de ne pas solliciter le renouvellement des autorisations litigieuses a été de nature à priver tant les patients que le personnel du centre hospitalier de Die d’une garantie » (cons. 2 et 4, en résumant entretemps les articles L. 6143-1 et L. 6143-7 du code de la santé publique ; il y a là une application de la jurisprudence Danthony[iii]).

Il se trouve que l’un des juges avait rendu l’ordonnance à laquelle il vient d’être fait allusion (TA Grenoble Ord., 28 déc. 2017, Collectif de défense de l’hôpital de Die et autres, n° 1706777)[iv] ; la relire conduit à remarquer que le Collectif et al. avançait notamment que « le conseil de surveillance de l’hôpital n’a pas été consulté, en méconnaissance [du premier article précité] ». Je n’en parlais même pas dans ma note de jurisprudence[v] : en mobilisant des décisions du Conseil d’État, je critiquais cependant une occasion manquée de rendre utile le référé-suspension (Rev.jurisp. ALYODA 2018, n° 3).

S’il faut regretter là encore le silence sur les « droits » et « l’État », et sans ignorer les subtilités propres à ce jugement[vi] – qui n’entraîne pas, en lui-même, la réouverture de la maternité –, il convient pour l’heure d’y voir une belle manifestation d’indépendance, qui incite à ne pas désespérer de la juridiction administrative ; même placée devant le fait accompli, elle sait parfois ne pas s’incliner, en laissant rêver à un véritable État de droits[vii].

Actualisation à partir de mon billet du 8 août 2024 – spéc. le huitième paragraphe (avec les notes 26 à 32) à propos de CAA Lyon, 3 mai 2022, Centre hospitalier de Die, n° 20LY02168, contredisant le TA de Grenoble spéc. aux cons. 7 et 8


Salle d’audience, grenoble.tribunal-administratif.fr 16 nov. 2015 (ce mardi 23 juin 2020, le nombre de chaises apparaissant au premier plan avait été ramené à quatre)

[i] Je remercie l’avocate du Collectif de défense de l’hôpital de Die pour m’avoir permis d’assister à cette audience, qui était initialement prévue le mardi 17 mars ; le 15, j’apprenais qu’elle n’aurait pas lieu et, le lendemain, j’allais me confiner dans le Haut-Diois. Le lundi 22 juin, curieux d’aller plus loin que le seul sens des conclusions (v. @ColHopitaldie, le 20), je faisais le trajet inverse – en voiture, cette fois, pour une autre raison de service public (lui aussi dégradé, depuis plusieurs années ; v. ce billet, en note n° 2 in fine).

[ii] Le contraire eût été, sur ce point, vraiment surprenant : il convient néanmoins de remarquer l’absence de motivation – ou, à tout le moins, son caractère tautologique : la fermeture d’une maternité n’est pas une mesure d’ordre intérieur (MOI), parce qu’elle fait grief ; elle n’est donc pas une MOI. Jean Rivero avait consacré sa thèse à ces mesures, en 1934 (v. évent. la mienne, 2017, pp. 151 et 155, surtout ; v. aussi page 504 et, dans ma seconde partie, en note de bas de page 1176, n° 3389) ; mutatis mutandis, v. Éric Péchillon, « Y a-t-il trop peu de mesures d’ordre intérieur à l’université ? », in Mickaël Baubonne, Robert Carin et Anna Neyrat (dir.), Le contentieux universitaire et la modernité, Lextenso/LGDJ, 2019, p. 81

[iii] CE Ass. (et Sect.), 23 déc. 2011, Danthony et a., n° 335033 ; Les grands arrêts de la jurisprudence administrative (GAJA), Dalloz, 22ème éd., 2019, le second arrêt portant aussi sur des arrêtés et non seulement un décret, tous ces textes étant en l’occurrence relatifs à la création de la nouvelle École Normale Supérieure (ENS) de Lyon, regroupant l’ancienne et celle de Fontenay-Saint-Cloud ; « si l’on considère l’importance respective des deux vices de procédure possibles, celui de la violation des garanties (…) a une portée plus radicale que celui ayant seulement pu avoir une influence sur le contenu de la décision (…) » (§ 5, pp. 890-891 ; l’application du second cas de figure m’avait semblé pouvoir avoir inspiré celle du premier, avant que je ne change d’avis (v. mon billet du 7 juillet 2019, actualisé le 12 août ; pour une autre illustration, CAA Lyon, 2 avr. 2020, Métropole de Lyon, n° 18LY02847 ; Rev.jurisp. ALYODA 2020, n° 2, « Assistant maternel [sic] : procédure applicable à la modification de son agrément » ; selon le considérant 5, le « défaut de saisine de la commission consultative paritaire, devant laquelle Mme E… aurait été à même de présenter ses observations, l’a privée d’une garantie ». Pourvoi en cassation en cours, n° 440937). V. plus largement Stéphanie Douteaud, « De l’annulation platonique à la résiliation platonique », AJDA 2019, p. 2329, rappelant que cette jurisprudence était destinée à combattre ce type d’annulation.

Dessin repris du billet d’Éric Landot, le 7 mai 2020 (le port du masque étant obligatoire, ce mardi 23 juin 2020, la tâche de la rapporteure publique et des avocates s’en trouvait compliquée)

Elle a été provoquée par Claude Danthony (v. aussi le 9 nov. 2019, n° 412388 ; AJDA 2020, p. 358, note André Legrand, intitulée : « Nouvelle annulation des statuts de la COMUE de Lyon » ; « Le feuilleton n’est pas terminé »). Après le discours du président de la République, le 14 juillet 2020, le mathématicien écrivait avoir « perdu une heure 15 de [s]on temps. Des mots, des mots et rien de concret » ; le lendemain, et toujours sur twitter, il commentait la nomination de Claire Landais comme secrétaire générale du gouvernement (SGG ; v. aussi Pierre Alonso, liberation.fr le 22). Elle a remplacé Marc Guillaume, que j’évoquais dans mon billet du 31 janvier (in fine), et qui a quant à lui été nommé préfet de la région Île-de-France, quelques jours après avoir été « débarqué à l’initiative du nouveau Premier ministre » (Dominique Albertini, Libération le 23, pp. 1 et 10-11). Il y a une quinzaine d’années, Jean Castex était « directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) au ministère de la santé » (Paul Benkimoun et Michel Delberghe, « La rentabilité imposée à l’hôpital », lemonde.fr 22 févr.-11 mai 2006).

[iv] Après avoir toutefois organisé, ce qui mérite d’être salué, une audience publique le 22 décembre 2017. L’ordonnance du 28 a été explicitement approuvée dans les conclusions prononcées ce 23 juin 2020, le juge l’ayant rendue se tenant à quelques mètres ; compte-tenu du désistement consécutif à l’irrecevabilité de ce premier recours, cela ne pose pas de difficultés… du moins selon la jurisprudence du Conseil d’État : v. les obs. de Paul Cassia in Les grands arrêts du contentieux administratif (GACA),co-écrit avec Jean-Claude Bonichot et Bernard Poujade, Dalloz, 7ème éd., 2020 (mis à jour au 15 oct. 2019), pp. 103 et 105-106

© F3 RA, illustrant l’article d’Aude Henry, francetvinfo.fr 10 déc. 2017 (v. depuis le reportage de Romain Mahdoud, Le Média 12 nov. 2019, ainsi que cette Lettre du Collectif de défense de l’hôpital de Die, le 24 juill. 2020)

[v] Sinon indirectement, à travers mes développements relatifs à la démocratie sanitaire (v. aussi le billet associé à ma note, à partir de l’onglet Travaux de recherche ; le doute n’est ici pas permis : des « droits » étaient invoqués, ainsi qu’en témoigne le résumé de la requête du Collectif). Dans une tribune publiée dans Le Monde le 20 juillet, page 28, le professeur d’éthique médicale Emmanuel Hirsch note que cette « démocratie en santé a été bafouée ces derniers mois » ; il regrette auparavant l’exclusion de la société civile « du processus décisionnel instruit au sein d’instances indifférentes à l’exigence de concertation ». Le jugement rendu par le TA de Grenoble le 7 atteste qu’il n’a pas fallu attendre la pandémie de Covid-19 pour que ladite démocratie soit méconnue.

[vi] Alors qu’il est rappelé que la requête du Collectif tendait à l’annulation du refus du directeur du centre hospitalier de Die « de demander le renouvellement de l’autorisation de fonctionnement des activités de gynécologie-obstétrique et de chirurgie de son établissement », le TA l’interprète comme la contestation de son refus « de solliciter de nouveau ces autorisations » (cons. 1, en se référant dans son injonction – sans revenir sur cette reformulation – à « la demande présentée par le Collectif » ; comme la rapporteure publique, les trois juges ne reviennent pas sur celle « d’enjoindre au directeur de l’Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes, sans délai et sous astreinte de 300 euros par jour de retard, de délivrer au centre hospitalier de Die une telle autorisation et de faire publier sans délai les offres de postes correspondants aux besoins de fonctionnement des services concernés » : en 2020 comme au 29 décembre 2019, la question reste posée de savoir si cette ARS entend faire partie des actrices de l’effectivité du droit à la santé génésique, dans le Diois).

[vii] En ce jour marqué par cette sortie de Gérald Darmanin, dont la nomination symbolise l’« indifférence aux droits des femmes » du régime (Éric Fassin pour La Déferlante, le 19 juill. ; v. aussi @GeraldineMagnan, le 26), je reprendrai pour finir cet extrait d’une chanson pour Adama Traoré : « arrêtez de nous berner, arrêtez de nous [Bernay] » ! (v. à nouveau ce billet, spéc. la note n° 5).

Ajouts au 28 novembre : le 24 juillet, une personne m’a encouragé, par mail, à écrire (à nouveau) ; ma réponse, le lendemain, avait été laconique. J’ai retrouvé, depuis, la force d’exprimer que je n’avais, à ce moment-là, pas du tout la tête à ça ; je m’étais d’ailleurs fait violence pour publier ce texte – qui m’a valu d’être ensuite à plusieurs reprises contacté –, juste avant de parvenir à de vrais moments de détente (en août, et grâce à des enfants, sans doute).

Françoise Waquet, Une histoire émotionnelle du savoir (XVIIe-XXIe siècle), CNRS éd., 2019, avec en ligne les pp. 7 à 13 et la table des matières ; merci à Mouafo pour ce prêt de 24h chrono, suite à la réunion professionnelle que nous avions à Grenoble, en cette Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes (au passage, v. les ressources de la maisonegalitefemmeshommes.fr)

Je viens d’apprendre que cette personne est actuellement en congé maternité, et je ne résiste pas à l’envie de lui dédier mon billet ; à elle comme à d’autres, je recommande un livre que je viens seulement d’entamer (je savais déjà qu’il serait passionnant, dès lors que j’avais lu cette brève recension de Frédérique Letourneux, scienceshumaines.com avr. 2019 ; v. ci-contre).

Selon le site parler-francais.eklablog.com et à « l’origine, dédier a un sens religieux ». Toutefois, sous « l’influence de l’anglais dedicated, dédié s’emploie de plus en plus souvent au sens élargi de « consacré, réservé, spécialisé, destiné, affecté » » ; c’est avec cette signification souple que je recours à ce terme ici.

Transmettre les « valeurs (…) portées par le programme » du CNR

Plaque devant « l’appartement de René Corbin, au premier étage du 48 rue du Four à Paris » (@Mindef SGA/DMPA, illustration reprise depuis le site du ministère, education.gouv.fr)

En juillet 2013, entre les lois relatives à l’enseignement du 8 et du 22 (dites respectivement Peillon et Fioraso) était promulguée celle n° 2013-642 du 19[1] : « La République française institu[ait] une journée nationale de la Résistance », chaque 27 mai, dans le cadre de laquelle « les établissements d’enseignement du second degré sont invités à organiser des actions éducatives visant à assurer la transmission des valeurs de la Résistance et de celles portées par le programme du Conseil national de la Résistance » (art. 1 et 3). Les autorités répondaient ainsi à une revendication formulée depuis une trentaine d’années par plusieurs collectifs, parmi lesquels l’« Association nationale des anciens combattants et Ami(e)s de la Résistance (ANACR) », selon son appellation depuis 2006.

En 2020, il a « suffi que le président de la République promette, le 13 avril, qu’on « retrouverait les jours heureux » pour que les commentateurs saisissent l’allusion » au programme du Conseil national de la Résistance (CNR) ; au début du mois de mai, l’historien Laurent Douzou rappelait aussi comment ce texte « était célébré et en même temps relégué aux oubliettes d’un passé révolu » par Emmanuel Macron « le 13 juin 2018, à Montpellier », soit il y a moins de deux ans[2]. Plus fondamentalement, le professeur émérite de Sciences Po Lyon précisait que ce titre[3] provient d’« une brochure de huit pages éditée et diffusée par le mouvement Libération-Sud », laquelle prévoyait notamment « pour l’éducation l’objectif de promouvoir « une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires »[4] ».

Un mois avant la publication (en juin 1944) de ce programme était « créé le Centre national d’enseignement par correspondance (CNEC, ancêtre du CNED), que le gouvernement provisoire de la République française conforte dans ses missions après la libération »[5] ; reste à savoir si les enseignant·e·s de collèges et lycées ont pu, il y a trois jours, répondre à l’invitation qui leur est faite par la loi : à l’heure de leur « réouverture »[6], il y a malheureusement tout lieu de penser à une large ineffectivité de la disposition précitée.

Pendant la récréation à la rentrée des classes à l'école Paul Langevin de Saint-Martin-d'Hères (Isère), le 12 mai 2020.
Illustration reprise de l’éditorial du quotidien Le Monde, « L’épidémie et le rôle central de l’école », 16 mai 2020 ; v. Alice Raybaud, « Les inégales expériences des cours à distance [à l’Université] », le 13, p. 11, ainsi que le reportage de Violaine Morin à l’école élémentaire Paul-Langevin, à Saint-Martin-d’Hères (Isère) (« école prioritaire (REP) de 165 élèves », figurant « parmi les premières de l’agglomération grenobloise » à avoir réouvert le mardi 12), « On a hâte de retrouver les enfants en vrai », p. 5 ; « Tu as le droit de discuter avec les copains, mais pas de les toucher », le 14, p. 9

Dans ma thèse (2017), je me suis intéressé à l’émergence du droit à l’éducation, envisagé comme un discours ; page 667, je remarquais le contraste de formulation avec les droits au travail et au repos (1944) – lesquels se retrouveront aux articles 23 et 24 de la DUDH (1948) – avant de m’arrêter sur plusieurs textes liés au « résistant André Philip »[7], auquel j’ai consacré l’un de mes portraits.


[1] Cette loi du 19 juillet 2013 était notamment signée par le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian ; devenu le 17 mai 2017 ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, il est présenté trois ans plus tard comme l’« interlocuteur occidental préféré » de Mohammed Ben Zayed Al-Nahyane (« « MBZ », le véritable homme fort du Golfe », Le Monde 13 mai 2020, pp. 20 et s.) ; Christophe Ayad et Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant) ajoutent : « Emmanuel Macron ne cesse d’échanger avec lui par messagerie sécurisée ».

Autres extraits de cet article éclairant : « Avec Trump au pouvoir, « MBZ » a pu donner libre cours à son hubris. Il a poussé la nouvelle administration américaine à sortir de l’accord sur le nucléaire iranien et à réinstaller des sanctions contre Téhéran, plus dures que jamais. En contrepartie, l’homme fort des Émirats offrira au « plan de paix » de Donald Trump un soutien remarqué, jetant par-dessus bord l’engagement propalestinien de son père » ; « L’ambassadeur émirati aux États-Unis a même assisté, fin janvier, à la présentation du fameux plan Trump pour le conflit israélo-palestinien, indice du rapprochement des pétromonarchies du Golfe avec l’État hébreu [comparer « Israël / Palestine : 9 clés pour comprendre la position de la France », diplomatie.gouv.fr mars 2018 ; v. aussi mon billet du 29 février 2020, en note n° 22]. Le régent d’Abou Dhabi est aussi présent en Afrique, où sa toile s’étend de jour en jour : des armes en Libye, des ports dans la Corne, des capitaux en Mauritanie, au Sénégal, au Botswana et à Madagascar », la guerre au Yémen ayant notamment comme enjeu le contrôle de « l’accès à la mer Rouge et à l’océan Indien. (…) Le Saoudien Mohammed Ben Salman [« MBS »] et l’Égyptien Abdel Fattah Al-Sissi l’épaulent dans ce grand dessein. Mais il ne faut pas s’y tromper : dans ce trio, l’Égypte représente les bras (avec ses 100 millions d’habitants), l’Arabie saoudite le portefeuille, et les Émirats le cerveau (…). Sous la férule de « MBZ », les Émirats ont pris la tête de l’axe contre-révolutionnaire dans le monde arabe. (…) La propension de « MBZ » à s’ingérer dans les affaires de pays étrangers se retrouve jusqu’en France, où le Front national a bénéficié de ses largesses par le passé. Et en Inde, où le premier ministre, Narendra Modi, jouit du soutien infaillible d’Abou Dhabi, en dépit de sa politique antimusulmans ».

Ajout de l’émission Géopolitique du jour, animée par Marie-France Chatin, avec Blandine Chelini-Pont (Université d’Aix-Marseille), François Mabille (GSRL not.) et François Burgat (IREMAM), ce dernier abordant les éléments qui précèdent.

Illustration reprise à partir de ce lien de VertRougeJaune237, rappelant le titre de la thèse d’Herrick Mouafo Djontu (mise en ligne le 12 janv. 2018), soutenue quelques mois avant la mienne ; merci à lui pour m’avoir signalé la Lettre ci-contre ; il m’avait déjà transmis le texte cité en note n° 3 de mon précédent billet (j’ai depuis visionné ces entretiens avec Mohamed Bajrafil et Delphine Horvilleur : « vivre sa foi confiné », Arte 20 mars). Parmi ses activités, à Échirolles et Grenoble, v. humanite.fr 11 déc. 2015, in fine ; avec Anne-Laure Amilhat Szary et Karine Gatelier, lemonde.fr 19 mars 2016 ; leparisien.fr 20 avr. 2017 ; france3-regions.francetvinfo.fr 9 mai 2020, annonçant « la grande soirée Emergences spécial confinement diffusée sur la page Facebook de la ville de Grenoble » le lendemain.

En découvrant, au début du mois également, les accusations délirantes portées contre Achille Mbembe, j’ai pensé à l’« affaire Morin » (2002) ; elle a été conclue par la Cour de cassation « le 12 juillet 2006, le jour même de l’agression d’Israël contre le Liban » (Christiane Gillmann, « Une heureuse décision de justice », Pour la Palestine 31 déc. 2006, n° 51), « initialement appelée Opération Juste Rétribution (hébreu : מבצע שכר הולם, ‘Mivtsa Skhar Holem’) » (« La Seconde Guerre du Liban », texte non daté de Tsahal, sigle employé pour désigner plus rapidement « Tsva Haganah Lé-Israël », la « Force de défense d’Israël ») ; v. Jean-François Bayart, « Achille Mbembe antisémite ? MDR… », 11 mai 2020, ainsi que, de ce dernier, sa Lettre aux Allemand.e.s.

L’An zéro de l’Allemagne fut le premier livre d’Edgar Morin – publié en 1946 –, né Nahoum le 8 juillet 1921 ; v. Les souvenirs viennent à ma rencontre, Fayard, 2019, pp. 23, 141, 161 et 751-752 ; l’auteur revient page 93 sur le « statut des juifs » (3 oct. 1940) : « À Toulouse, il ne sera appliqué ni en lettres ni en droit », où il pourra s’inscrire en « seconde année ». Plus loin, il explique que son « premier séjour en Israël » lui « permit de comprendre qu’un peuple sans terre n’était pas venu dans une terre sans peuple » (en écho, Avec le cœur et la raison, en 2009 ; pour une version « En Concert Acoustique », en 2012 ; d’un autre artiste, en 2014 : Gaza Soccer Beach, « où les tirs se poursuivent même quand l’ONU siffle ») ; renvoyant sur « la tragédie Israël-Palestine [à s]on livre Le Monde moderne et la condition juive », il termine les deux pages qu’il consacre à Stéphane Hessel en indiquant avoir repris le président de la République, le 7 mars 2013, lors d’un « hommage national aux Invalides » (pp. 335-336 et 665 ; v. aussi la tribune publiée le lendemain par le diplomate et poète palestinien – né aux Émirats arabes unis – Majed Bamya, « Hessel et la Palestine : M. Hollande, votre « incompréhension » n’est pas légitime », leplus.nouvelobs.com le 8

Le 18 mai 2020, « un tribunal de district de Lod (centre) a condamné Amiram Ben-Ouliel, colon de 25 ans, pour le meurtre, en juillet 2015, d’un enfant palestinien de 18 mois, Ali Dawabcheh, et de ses parents, Riham et Saad, dans le village de Douma, dans le nord de la Cisjordanie. Il risque la perpétuité et peut faire appel devant la Cour suprême » (Louis Imbert, « Un « terroriste juif » condamné en Israël », Le Monde le 20, p. 20 : « L’affaire cristallise une rupture au sein du mouvement sioniste religieux, qui se veut le fer de lance moral de la société israélienne » ; la « sévérité [du Shin Bet (le service de renseignement intérieur)] n’a pas significativement réduit les attaques des colons contre des Palestiniens. Depuis le début de l’année, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies en a dénombré 70 en Cisjordanie, en partie perpétrées à la faveur du confinement »).

V. enfin ces textes de l’AFPS des 21 avr. et 15 mai 2020 et avec l’entrée « Mbembe », le dernier à ce jour datant du 12 ; il se termine par ces mots de l’écrivaine égyptienne Ahdaf Soueif : « J’espère que le fait que tant d’entre nous — venant d’une telle diversité de convictions politiques — ressentent le besoin de publier cette déclaration alertera nos collègues en Allemagne sur la gravité de ces interventions politiques et idéologiques persistantes dans leur champ et les poussera à leur résister avec nous ».

[2] Entretemps et par exemple, le maire de Grenoble a pu se revendiquer du programme du CNR (Éric Piolle, Grandir ensemble. Les villes réveillent l’espoir, éd. les liens qui libèrent, 2019, p. 55) ; son introduction reprenait une formule d’un spectacle d’une trentaine d’élèves : « Novembre 2014. Le dimanche soir de mars est déjà loin. (…) Grenoble bruisse et se prépare à célébrer le 70e anniversaire de son statut de ville Compagnon de la Libération, attribué par le général de Gaulle pour ses hauts faits dans la Résistance. Grenoble partage ce titre avec Nantes, Paris, l’île de Sein et Vassieux-en-Vercors » ; « J’admire le rôle de passeur, de révélateur, de traducteur que la professeure fait vivre à chaque instant et toute l’année. Trouver les clés, transmettre, sauver notre avenir. « Être résistant quand on a dix ans, hier et aujourd’hui ». Le spectacle, mélange de chant et de théâtre, a été travaillé durant des mois. (…) [Il] le dit avec une simplicité confondante, mais qui exprime tout pour moi : pour approcher ce qu’est être résistant à 10 ans, « tout commence par s’entraîner à parler d’amour » » (pp. 16 et 18-19 ; v. toutefois la conclusion, p. 249).

« « La haine généralise, l’amour singularise », nous rappelle la féministe Robin Morgan. Voilà pourquoi voyager est crucial. C’est une école de la singularisation » (Gloria Steinem, traduit de l’anglais (États-Unis) par Karine Lalechère, Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe, Harper Collins, 2019, non paginé ; phrase découverte le 2 février 2020, en écoutant le 56e épisode de La Poudre, avec Lauren Bastide ; première diffusion le 25 juill. 2019). V. aussi la fin de l’entretien d’Edgar Morin cité pour illustrer mon précédent billet (en note n° 17).

Exposition en 2015, dans le cadre d’un projet pédagogique co-organisé par le ministère et la ville, @ Sylvain Frappat, grenoble.fr

Plus loin, Éric Piolle évoque la « reconquête de l’air », alors qu’au « début des années 2010, à cause de la pollution, les écoliers avaient vu annuler des évènements de sport en plein air » (v. récemment Stéphane Mandard, « Air : la France de nouveau épinglée par l’Europe », Le Monde 29 mai 2020, p. 21), et que « la tendance gouvernementale actuelle est à la fermeture des petites lignes de proximité, comme le Grenoble-Gap » (j’envisageais de rejoindre la ville par-là, ce lundi ; quatre « trajets par jour », avec une durée moyenne de 4h47, selon le site de la SNCF, « Oui » ; Non…) ; il écrit auparavant : « Il est faux de dire que l’espace public est un lieu politiquement neutre naturellement : traditionnellement, il est pensé et réalisé principalement par des hommes dans la force de l’âge, formés dans des schémas de pensée dans lesquels l’homme est dominant » (pp. 167-168 et 149-150, avant de préciser que seulement « 3 % des rues portaient des noms de femmes » au début de son (premier) mandat ; v. par ailleurs la note n° 26 de mon billet du 9 septembre 2019 – actualisé ce jour – et, ci-contre la légende du panneau, à gauche – comme par hasard : « 60 noms de rues et de places dans la ville : ceux de Résistantes et de Résistants ! »).

[3] « Originellement, le texte adopté par le CNR avait pourtant un titre aussi sobre que plat : « Programme d’action de la Résistance ». C’est sous cet intitulé que le journal clandestin Libération-Sud le publia dans un numéro spécial, en mai 1944. Chargé de son impression sous forme de brochure en juin 1944, le patron du service de la propagande-diffusion du mouvement, Jules Meurillon, gêné par l’absence de vrai titre, avait repris, sans consulter personne parce que les liaisons étaient difficiles, le titre d’un film alors projeté sur les écrans. Cette trouvaille déplut aux dirigeants de Libération, qui la jugèrent décalée par rapport à la teneur du texte. La postérité en a décidé autrement » (Laurent Douzou, « En 1944, les « jours heureux » de la reconstruction », Le Monde 11 mai 2020, p. 32 ; sur la même page, Patrick Weil, « Ce que la Grande Guerre a à nous apprendre sur la pandémie » ; à propos de ce directeur de recherche au CNRS, v. là encore mon précédent billet).

[4] Dans l’ouvrage Résistons ensemble, pour que renaissent des jours heureux, Massot éd., mis en ligne ce 27 mai, ce passage est cité à deux reprises : v. Anne Beaumanoir, « Je me souviens… », p. 37, spéc. p. 39 et Raymond Millot, « Le jour d’après concerne-t-il nos enfants ? », p. 165, spéc. p. 166, après une référence au plan Langevin-Wallon (v. mon billet du 4 février 2018, avec l’ajout d’une note en ce jour, concernant Marie Curie ; page 168, l’auteur prend l’« exemple de La Villeneuve de Grenoble » où il a été coordinateur d’« une recherche-action sur « l’école ouverte, la pédagogie du projet » »).

[5] Julien Cahon, « L’École à l’heure du Covid-19. Une situation sans précédent ? », cahiers-pedagogiques.com 15 avr. 2020, renvoyant à MEN / MESR, L’histoire du CNED depuis 1939, CNED, 2008 ; du même auteur, « Ce que les plans pandémie de l’éducation nationale avaient anticipé – ou pas », Le Monde de l’éducation.fr le 26 mai : il remonte aux « plans ministériels des années 2000 qui, pour la première fois, envisagent le scénario d’une fermeture généralisée » ; comparer le ministre, restant dans le registre péremptoire qu’il affectionne : « l’entrée dans l’enseignement à distance généralisé était préparée avec le CNED, grâce à un dispositif imaginé dès l’ouragan Irma, en 2017 » (une catastrophe évoquée dans ma thèse ; v. mon billet du 3 août 2018) ; cité par Mattea Battaglia, Alexandre Lemarié et Violaine Morin, « Jean-Michel Blanquer secoué par la tempête », Le Monde 11 mai 2020, p. 10 : le 12 mars, Emmanuel Macron annonçait « la fermeture des crèches, écoles, lycées et universités », en suivant les recommandations du conseil scientifique qu’il avait réuni « ce jour-là » ; « le matin même, Jean-Michel Blanquer écartait cette hypothèse sur Franceinfo : « Nous n’avons jamais envisagé la fermeture totale des écoles car elle nous semble contre-productive » »… Gouverner, « c’est faire croire » (citation attribuée à Machiavel, selon Adrian, laculturegenerale.com 9 déc. 2019 ; « c’est prévoir », aussi : v. le dessin de @SebCrayon, à partir d’une photo de @KoriaPhoto, twittée comme « punchline de la semaine » par Kery James le 29 mars 2020 (à propos duquel v. l’ajout en note 54 de mon précédent billet – actualisé ce jour, ainsi que la première du présent texte, in fine).

[6] v. Mattea Battaglia, « Une réouverture des écoles et des collèges en trompe-l’œil », Le Monde 29 mai 2020, p. 13

[7] Edgar Morin, ouvr. préc., 2019, p. 88 ; rédigées en juin à Montpellier, les dernières pages reviennent sur sa rencontre avec Sabah Abouessalam, « sa ferme familiale de 14 hectares qu’entretenait sa mère de façon traditionnelle, n’ayant pas la possibilité de la moderniser (…) [et] son père qui en avait fait l’acquisition en 1959 ». Sociologue de la pauvreté urbaine, elle repris cette ferme, ce qui « nécessitait non seulement une compétence dans le domaine de l’agriculture, mais surtout une grande connaissance du milieu rural et paysan. Que d’efforts ont été dépensés par Sabah ! Mais, comme disait Guillaume d’Orange : « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ». Aujourd’hui, la ferme continue à vivre avec son frère Khalil » ; « Sabah est présente dans mon travail, même quand on ne la voit pas ou qu’on ne veut pas la voir », précise Edgar plus loin (pp. 694-695 et 699).

L’actu de Zaïtchick le 8 mai 2020 ; v. « Usul. Culture : enfourchons le tigre », le 18 et « Barbare Civilisé », le 28 (« évidente référence à l’auteur Julius Evola », ajoutée le 3 septembre – après qu’elle m’a été signalée fin juin) ; le président ne songeait pas, cette fois, à Clemenceau, à propos duquel v. la note n° 55 de mon précédent billet – actualisé ce jour – et, en complément d’un autre de mes portraits – celui de Jaurès-Buisson –, à propos des « fermetures de classes dans les zones d’éducation prioritaire à la prochaine rentrée », la réplique de la sénatrice Céline Brulin au ministre Jean-Michel Blanquer, JO Sénat 16 avr. 2020 ; Denis Cosnard, « A Paris, le rectorat d’académie renonce à fermer plusieurs classes », Le Monde le 27, p. 8

« L’œuvre de Morin est probablement plus reconnue dans les milieux universitaires latino-américains des sciences sociales qu’en France, probablement du fait d’une certaine compatibilité culturelle pour des pensées syncrétiques (Espaces Latinos, 2007) » (Jean Foyer, « Libérer et écologiser les sciences sociales », Hermès, La Revue 2011/2, n° 60, p. 182, en note n° 1). Si, comme a pu le remarquer Ulysse Rabaté, « on attend les mots présidentiels pour les femmes de ménage qui nettoient les lieux encore en activité et notamment les structures de soin » (« Do the right thing – à propos des quartiers populaires », AOC 23 avr. 2020, en référence au « film culte de Spike Lee, sorti en 1989 », et avant d’ajouter : « vous savez, ces gens qui ne sont rien… »), Emmanuel Macron en a quand même eu pour les « premiers de corvée » (Pierre Charbonnier, « L’écologie ne nous rassemble pas, elle nous divise », Le Monde 15 mai 2020, p. 25, avec des guillemets ; à propos de ces « populations qui se retrouvent en première ligne aujourd’hui », v. encore la tribune d’IAM et alii, lejdd.fr le 22) ; à d’autres, il a suggéré d’« enfourcher le tigre » : v. ci-contre et, parce que sa pensée incite à faire des liens, Edgar Morin (entretien avec, par Arnaud Spire), « J’ai chevauché l’Histoire, J’étais au Parti Communiste », Nouvelles FondationS 2006/3, n° 3-4, p. 49, à l’occasion de la réédition en poche d’Autocritique (1959 ; phrase découverte grâce sa lecture par Nicolas Bouchaud : émission du 3 décembre 2018, réalisée par Laure Adler et son équipe, écoutée depuis sa rediffusion il y a tout juste deux mois).

« La liberté de conscience, elle est absolue » (L3 Sciences de l’éducation)

« Marguerite Soubeyran devant des élèves » (1943 ; Jean Sauvageon, museedelaresistanceenligne.org). Intervenant à l’occasion de la deuxième édition du festival « Trouble ton genre ! », le 9 mars 2020, Sophie Louargant (UGA-PACTE) avait retenu comme illustration le bâtiment de la Faculté de droit de Valence : en écho à notre unique séance en présentiel – à Grenoble, dans un « bâtiment Simone Veil » –, v. la deuxième illustration ici ; pour une vue aérienne du campus en cette période de confinement, telegrenoble 21 avr.).

Cette citation de Patrick Weil, extraite d’une brève vidéo présentant « la » laïcité en cinq minutes, me sert de sujet de dissertation en troisième année de licence en Sciences de l’éducation (L3 SDE). L’objectif est de réfléchir au droit des laïcités scolaires, en vue de l’évaluation d’un cours que j’ai bâti à la hâte, en parallèle de mes travaux-dirigés à la faculté de droit de Grenoble (mais aussi à son antenne – un mot approprié, en cette période de confinement – de Valence ; v. ci-contre).

En explicitant là encore au passage des remarques de méthode, ce billet vise à illustrer comment répondre à un tel sujet avec ce cours, composé de quatre supports numériques (portant successivement sur les enseignant·e·s, les élèves, leurs parents[1] et quelques particularités des établissements privés) ; j’ajoute les références mobilisées en note pour les personnes qui voudraient remonter ces sources[2], avec des compléments plus ou moins importants et critiques, notamment en (histoire du) droit administratif de l’éducation.

Les étudiant·e·s à qui ces développements sont prioritairement destinés ne sont pas juristes : au moment de retenir ce sujet, je l’ai testé en adressant l’extrait sus-indiqué à un ami ne l’étant pas non plus, et qu’il est possible de présenter comme un professionnel de l’éducation par ailleurs pratiquant (au plan religieux) ; sa réaction illustre assez bien l’intérêt que je trouve, en tant qu’enseignant-chercheur (contractuel), à parler de droit en dehors des facultés y relatives.

En effet, la vidéo l’a ainsi amené – après avoir rappelé qu’il interprète sa religion comme l’obligeant à respecter la loi[3] – à mettre en regard l’assez grande tolérance à l’exposition des enfants à la vue des agents publics en train de fumer[4], avec l’obligation de neutralité qui pèse sur ces derniers ; n’ayant pas retenu dans le cours de quoi approfondir le cas auquel il songeait – l’impossibilité de faire ses prières pendant ses pauses[5] –, je n’avais pas prévu de l’évoquer avant que cela me conduise jusqu’au Japon[6], une dizaine de jours après lu cet entretien accordé dans Le Monde du 4 avril 2020 (p. 25, titré en reprenant l’une des phrases employées : « Nous faisons l’expérience que la Terre peut se débarrasser de nous avec la plus petite de ses créatures »). Philosophe à l’EHESS[7], Emanuele Coccia faisait observer qu’« on a laissé ouvert les tabacs, mais pas les librairies[8] : le choix des « biens de première nécessité » renvoie à une image assez caricaturale de l’humanité »[9]

1er avertissement. Les propos ont été recueillis par le journaliste Nicolas Truong, ce qui me permet d’en venir à notre sujet, car ce dernier a réalisé en 2015 un livre d’entretiens avec Patrick Weil (Le sens de la République, Grasset, 2015) ; c’était le premier des petits galets semés dans mon cours en pensant à la citation retenue[10] : avant de s’intéresser aux mots employés, il convient d’en dire quelques-uns de l’auteur : s’il y affirmerait, page 80, que « la laïcité, c’est d’abord du droit »[11], il s’y intéresse en tant qu’historien et politologue. Le situant politiquement, sa page Wikipédia[12] signale qu’il a été « chef de cabinet du secrétariat d’État aux immigrés en 1981 et 1982 »[13] ; l’histoire de l’immigration domine dans ses publications et interventions.

Patrick Weil n’est donc pas seulement un chercheur, c’est aussi un acteur de la vie publique ; dans la vidéo du média en ligne Le Vent Se Lève – lui aussi engagé à gauche, créé fin 2016 –, il se présente comme directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et président de Bibliothèques Sans Frontières (BSF)[14], une ONG qu’il a contribué à faire naître en 2006. Trois ans auparavant, en tant que membre de la Commission Stasi, il avait participé activement[15] à une évolution majeure du droit des laïcités scolaires, dont le point de départ sera la loi du 15 mars 2004 ; il est intéressant de remarquer qu’il ne le rappelle pas, et qu’il n’évoque pas non plus ce texte qu’il défendra (v. infra). En mettant en scène un échange avec un enfant, il se veut pédagogue ; cet effet est renforcé par les titre et format retenus le 6 février 2020, où il apparaît seul face caméra. À cet égard, l’hebdomadaire Marianne le présentait, le 2 mars 2018, comme « initiateur de (…) programmes d’éducation sur la laïcité »[16].

Daniel Favre, Éduquer à l’incertitude. Élèves, enseignants : comment sortir du piège du dogmatisme ?, dunod.com 2016 ; v. évent. l’une de mes conclusions de thèse (2017), en note de bas de page 1224, n° 3655, renvoyant aussi à l’intervention de ce professeur en sciences de l’éducation dans l’émission Du Grain à moudre du 18 octobre 2016, « Comment enseigner le doute sans tomber dans le relativisme ? », disponible sur franceculture.fr

2. « Voir, c’est repérer partout les liens, les contradictions, les complémentarités, les tensions ». Cette citation d’Eugénie Végleris, découverte grâce à Edgar Morin[17], peut aider à cerner la démarche idéale, en général, pour penser. En l’occurrence, l’objectif n’est pas d’attaquer Patrick Weil, mais de voir à partir de ses propos, avec et contre eux. N’ayant que quelques minutes, il se livre à des choix qu’il convient d’apprécier de manière critique ; l’attitude la plus habile – car prudente – est d’éviter de les discuter frontalement, pour mener sa propre démonstration, sans s’interdire de s’appuyer sur ses affirmations, celle sélectionnée ou d’autres de la vidéo ou du cours, citées à cette fin. En la visionnant, il apparaît qu’il procède à des citations liées à la loi de 1905 (dont « il suffit », nous dit-il, d’en lire l’article premier) ; son récit est – implicitement – celui d’une continuité entre l’état du droit d’alors et celui d’aujourd’hui (ce serait toujours la même laïcité, tant et si bien que sa préconisation, pour la comprendre, est de lire le Journal Officiel de l’époque).

Introduisant son manuel de Droit de la laïcité, Mathilde Philip-Gay précise ne pas se limiter à ce texte législatif[18]. Centré quant à lui sur les laïcités scolaires, mon cours propose une approche par les droits[19], dont celui à la liberté de conscience ; une première mention en est faite – en se référant également à la loi de 1905 –, en citant des conclusions sur un « grand arrêt » de 1912, Abbé Bouteyre, qui aurait cependant pu être remplacé aux GAJA[20] par l’avis contentieux de 2000, (Julie) Marteaux. Pour ajouter ici – en complément du cours – une première citation de Bruno Garnier, ce professeur de sciences de l’éducation écrit fin 2019 que « certains au Conseil d’État voudraient voir modifier [cette position de 1912[21], qui n’a] jamais fait l’objet de confirmation législative » ; et d’évoquer au paragraphe suivant, « concernant les élèves, (…) le maintien d’aumôneries dans les collèges et lycées », en citant notamment la loi de 1905 (Le système éducatif français. Grands enjeux et transformations. Concours et métiers de l’éducation. Professeurs, CPE, personnels de direction et d’inspection, Dunod, 3ème éd., 2019, p. 194).

Parce qu’il s’agit d’une des rares dispositions de cette loi – relative à la séparation des Églises et de l’État –, qui concernent l’école, il m’a semblé pertinent de l’aborder d’emblée, en remontant toutefois aux premières lois laïques pour délimiter le sujet temporellement. Spatialement centrée sur la France par le cours, cette délimitation mérite en effet d’être adaptée à la large période qu’il couvre : il vaut mieux éviter d’en retenir une trop resserrée qui obligerait, pour être cohérent, à n’aborder qu’en introduction certains éléments ; en l’occurrence, sans que cela ne signifie qu’il faille toujours procéder ainsi, j’ai opté pour la nourrir avec ce qui cadre le mieux avec le propos de Patrick Weil, pour ensuite m’en émanciper.

Pour lui, la liberté de conscience est, en vertu de la loi de 1905, « absolue »[22] ; il est d’abord possible de se demander ce qu’elle apporte de nouveau par rapport à l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789[23] : il leur assure une protection de leurs « opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » [réflexe du recours aux textes, celui-ci permettant une définition en même temps qu’une problématisation matérielle et approche historique du sujet]. S’il faudra attendre une décision de 1977 (v. infra) pour que le Conseil constitutionnel (ci-après CC) mobilise cet article, Corneille présentait cette Déclaration, soixante-dix ans plus tôt, comme « au frontispice des Constitutions républicaines » (concl. sur l’arrêt Baldy du 10 août 1917)[24].

Couverture de Samuel Pruvot, Monseigneur Charles, aumônier de la Sorbonne (1944-1959), editionsducerf.fr 2002 (livre extrait de sa thèse sur cet abbé Maxime Charles (1908-1993), soutenue l’année précédente à l’IEP de Paris). « Comme pour les hôpitaux, l’État est tenu, par la loi de séparation de 1905, d’assurer le libre exercice du culte dans les prisons, ce qu’il fait par les aumôneries. Mais plus encore que les hôpitaux, les prisons se sont fermées aux aumôniers » (Cécile Chambraud, « Les aumôniers débordés par l’ampleur du drame », Le Monde 9 avr. 2020, p. 13).

Après avoir affirmé la liberté de conscience, l’article 1er de la loi de 1905 prévoit que la République « garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées [par les articles suivants,] dans l’intérêt de l’ordre public »[25]. L’article 2 envisageant à cette fin des « services d’aumôneries », notamment dans les collèges et les lycées, le Conseil d’État (CE) donnera raison à l’abbé Chaveneau (et autres) dans un arrêt de 1949 ; quelques années plus tard, l’Association professionnelle des aumôniers de l’enseignement public n’obtiendra pas gain de cause : le CE estimera qu’en l’espèce, la suppression de ce service n’avait pas compromis la « liberté cultuelle des élèves » (selon le résumé des auteurs de la première édition des GAJA[26], en précisant que cet arrêt, et un autre du 28 janvier 1955, « pourraient constituer en quelque sorte la charte de la laïcité de l’État »[27]). En 1969, dans ses conclusions sur un arrêt Ville de Lille, le commissaire du gouvernement Guillaume suggérera que « la liberté de conscience de tous » se trouve sauvegardée, du moment que les activités religieuses et scolaires se trouvent « nettement » séparées.

Si ces solutions confirment la distinction entre les libertés de conscience et de culte, d’autres montrent qu’elle n’est pas si étanche, précisément parce que la manifestation religieuse peut relever de la conscience de chacun·e, y compris pour des activités non religieuses : le port des signes dits ostensibles ou ostentatoires, qui focalise l’attention depuis plus de trente ans (actualité), en témoigne.

3. « Qui peut le plus peut le moins ». Attribué à Aristote, je mentionne ce proverbe simplement pour préciser, avant d’en venir à la problématique retenue, et au plan correspondant, qu’il est ici développé en reprenant plus d’informations qu’il n’en faudrait ; autrement dit, si j’avais retenu ce sujet pour l’évaluation, il n’aurait pas été nécessaire de les reprendre toutes pour obtenir une bonne note : ces éléments de correction remplaçant le dernier support de cours, il s’agit d’essayer de montrer comment organiser les connaissances partagées d’une autre manière, pour se les approprier.

Dans les lignes qui suivent, j’ai opté pour une première partie qui permette d’aller au-delà de la seule loi de 1905, un écueil à éviter étant alors une énumération descriptive en lieu et place d’une véritable démonstration ; pour la seconde partie, j’ai fait le choix – ce plan n’était évidemment pas le seul possible – d’axer le propos sur une tendance forte de la laïcité française actuelle, en montrant d’une part en quoi elle renouvelle celle d’hier en s’appuyant implicitement sur la liberté de conscience des enfants (mon dernier titre se situe à la limite d’un éloignement excessif par rapport au sujet ; n’ayant qu’une sous-partie à rédiger, j’aurais pu stratégiquement choisir celle-ci pour lever le doute à cet égard).

Dans quelle mesure la liberté peut-elle être sans limites ? Cet exemple type d’un sujet de dissertation de philosophie aurait pu me servir en accroche, en faisant immédiatement le lien avec l’affirmation de Patrick Weil. Plus loin, je n’aurais eu qu’à reprendre cette interrogation de façon indirecte, pour formuler la problématique à laquelle je suis parvenu en suivant les étapes de l’introduction (v. supra, à placer après la phase de définitions qui suit) : le terme « absolu » renvoie à l’absence de limites ; d’un point de vue juridique, ce sont plutôt elles qui s’imposent au regard, tant elles se développent précisément au motif de préserver les enfants et leur « liberté de conscience » – l’autre expression essentielle du sujet.

Le terme « laïcité » n’a pas été retenu dans l’extrait choisi mais, quoiqu’il en soit, mon cours repose sur un refus d’une définition présupposée ; elle est en elle-même un enjeu[28], si bien qu’il vaut mieux suspendre cette opération en introduction, en construisant par contre un plan qui donne à voir des lignes de force du droit des laïcités scolaires. Il s’agira ainsi de montrer que la liberté de conscience constitue une finalité laïque incontournable (I.), mais que la laïcité-neutralité apparaît comme un motif de restriction de la liberté de conscience (II.) [annonce du plan].

Au plan linguistique, peut-être existe-t-il un mot pour désigner la façon qu’a Patrick Weil d’insister sur le sujet (« la liberté (…), elle »…). D’un point de vue formel également, mon propos est intégralement rédigé alors que vous – étudiant·e·s de L3 SDE – pourrez, sans exagérer, recourir à des phrases nominales (autrement dit sans la présence d’un verbe conjugué, au moins)[29] dans la copie que vous avez à me rendre bientôt.

I. La liberté de conscience, une finalité laïque incontournable

La liberté de conscience est une référence privilégiée en droit de l’éducation. Cette liberté laïque a été progressivement intégrée dans les lois françaises (A.). Elle figure en outre parmi les principaux droits de valeur supra-législative (B.).

A. Une référence progressivement intégrée dans les lois françaises

Affiche représentant Jules Ferry (ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts à plusieurs reprises, entre 1879 et 1883) et Ferdinand Buisson (directeur de l’Enseignement primaire, sans discontinuité pendant dix-sept ans, de 1879 à 1896), amisdesmuseesdelecole.fr 2019

Dans les premières lois laïques – relatives à l’éducation –, la « liberté de conscience » n’apparaît pas expressément ; il est cependant possible de considérer que « l’esprit » de la législation, pour reprendre une formule de Gaston Jèze sous l’arrêt Abbé Bouteyre de 1912, y renvoie : c’est en tout cas ce qui ressort des conclusions du commissaire du gouvernement, qui allait même jusqu’à lier « liberté de conscience » des élèves et « neutralité absolue » de l’enseignement[30]. Helbronner ne manquait pas de s’appuyer sur l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905. Dès lors, cette dernière pouvait être située dans le prolongement de la loi Ferry du 28 mars 1882.

Reprenant des termes prononcés le 24 juin 1883 par Ferdinand Buisson[31], la célèbre Lettre aux instituteurs du ministre – adressée sous forme de circulaire le 17 novembre – affirmait que le législateur de 1882 « a eu pour premier objet de séparer l’école de l’église, d’assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves ». Cette circulaire sera citée notamment par le commissaire du gouvernement Tardieu[32] (concl. sur TC, 2 juin 1908, Girodet c. Morizot[33]).

Dans les établissements d’enseignement privés sous contrat, la loi Debré de 1959 préserve leur « caractère propre » et, en même temps, « la liberté de conscience » des enfants ; sans développer ici le fait que cela « n’est pas toujours conciliable, au quotidien » (Jean-Paul Costa in Les laïcités à la française, PUF, 1998, p. 98), le législateur reprenait donc cette référence traditionnelle, en contribuant à la rendre encore plus incontournable (sans qu’il soit toujours perçu, avec le temps, qu’il s’est bien gardé de lui conférer un sens identique à celui qu’elle conservait dans les établissements publics).

Elle l’est toujours avec la « nouvelle laïcité » (selon le titre du rapport Baroin de 2003), quarante-cinq ans plus tard, même si elle est là aussi apparue progressivement : tout comme la laïcité historique ne reposait initialement pas sur des lois faisant référence à ladite liberté, elle ne se retrouve que dans la circulaire Fillon du 18 mai 2004[34], là où la loi n° 2004-228 du 15 mars se bornait à mentionner le « principe de laïcité » ; il faut attendre l’article 10 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet (dite Blanquer) pour voir apparaître « la liberté de conscience des élèves », que l’« État protège »[35]. Auparavant, loin d’avoir remis en cause les premières lois laïques, l’affirmation de droits à un niveau supra-législatif avait permis de rehausser la valeur de cette liberté.

B. Une place assurée parmi les principaux droits de valeur supra-législative

Jean Houssaye, Janusz Korczak. L’amour des droits de l’enfant, enseignants.hachette-education.com, 2000, 159 p. (l’éditeur suggère, à la suite de l’auteur, que celui « à l’éducation » était affirmé, en son temps, par Henryk Goldszmit – son nom en 1878, avant qu’il se choisisse un pseudonyme à l’âge de vingt ans ; en sens contraire, v. ma note de bas de page 761, n° 812) ; « le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion » est proclamé par l’article 14 de la CIDE – v. ci-contre -, adoptée en 1989).

Dans sa décision Liberté de l’enseignement du 23 novembre 1977 (n° 77-87 DC), le CC a conféré une valeur constitutionnelle à cette liberté, mais aussi à une autre, celle « de conscience » ; si les juges la rangeaient également parmi les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » (PFRLR), ils citaient aussi l’article 10 de la DDHC. Elle prenait donc place dans le « bloc de constitutionnalité ».

Trois ans plus tôt, la France avait enfin ratifié la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) ; ce texte de 1950 protège le « droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion » (art. 9 ; v. aussi, au plan onusien, l’art. 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le PIDCP, en signalant sa reprise à l’article 14 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, la CIDE).

La seconde phrase de l’article 2 du premier protocole (1952) à la Convention protège les parents dans « leurs convictions religieuses et philosophiques » ; la Suisse n’ayant pas ratifié ce texte additionnel, la Cour a appliqué sa jurisprudence Kjeldsen (1976), relative à l’éducation à la sexualité, en précisant que l’article 9 ne permet pas de s’y opposer[36], mais interdit seulement « d’endoctriner les enfants par le biais de cet enseignement » (18 janv. 2018, A.R. et L.R. contre Suisse, § 49).

En 2010, la Cour rappelait que cette liberté (religieuse, selon un raccourci fréquent) protège « les athées, les agnostiques, les sceptiques et les indifférents » et que « la liberté de manifester ses convictions religieuses comporte aussi un aspect négatif, à savoir le droit pour l’individu de ne pas être obligé de faire état de sa confession ou de ses convictions religieuses et de ne pas être contraint d’adopter un comportement duquel on pourrait déduire qu’il a ou n’a pas de telles convictions (§§ 85 et 87 de cet arrêt Grzelak contre Pologne[37], selon une traduction de Nicolas Hervieu[38]). Pour le dire avec Jean Baubérot, introduisant son ouvrage Les 7 laïcités françaises, c’est dans « ses divers rapports avec la liberté de religion » que celle de conscience constitue une finalité laïque (éd. MSH, 2015, p. 18).

S’ils affirment le droit à la liberté de conscience, ces textes supra-législatifs – en particulier la CEDH – envisagent aussi sa restriction ; pour eux, elle n’est donc pas absolue et un motif d’intérêt général, notamment, peut servir de justification. Depuis 2004, le principe de laïcité joue surtout ce rôle en droit, en étant compris dans le sens d’une laïcité-neutralité.

II. La laïcité-neutralité, un motif de restriction de la liberté de conscience

Jusqu’à une période assez récente, la liberté de conscience des enfants était indirectement protégée ; il s’agissait essentiellement d’y voir l’une des justifications aboutissant à la restriction de celle des enseignant·e·s : en plus d’avoir été renouvelée, d’une part (A.), elle a été, d’autre part, retournée contre une partie des élèves avec la loi n° 2004-228 du 15 mars ; alors que la liberté de conscience constituait antérieurement un fondement explicite pour ne pas exclure celles qui portaient un foulard, elles ne peuvent plus s’en prévaloir contre la laïcité-neutralité, qui fait d’ailleurs l’objet depuis d’une extension non maîtrisée (B.).

A. Une restriction renouvelée de la liberté de conscience des enseignant·e·s

Helbronner affirmait en 1912 que, « pour respecter la liberté de conscience », les fonctions de l’enseignement secondaire peuvent « ne pas être compatibles (dans l’esprit qui domine la législation de l’instruction publique depuis 1882), avec les fonctions de ministre du culte, d’ecclésiastique, de prêtre d’une religion quelconque ». Rétorquant à l’une des affirmations de ces conclusions, Maurice Hauriou fera alors remarquer qu’« en réalité, toute une catégorie de citoyens se trouve frappée ». C’était encore « le temps (…) des séparations (1880-1914) » (Julien Bouchet, en 2019[39]).

« Jacques-André Boiffard, prêtre marchant sur le pont Alexandre III, Paris, vers 1928, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Ancienne collection Christian Bouqueret (Mme Denise Boiffard) » (Photo reprise depuis la notice de Josselin Tricou, « Hommes d’Église, masculinités et idéal sacerdotal », Encyclopédie pour une histoire nouvelle de l’Europe 2016, mis en ligne le 5 mars 2020

Cette laïcité-séparation va progressivement être remise en cause : par la loi Debré d’abord qui, en conférant à la liberté de conscience un sens distinct dans les établissements privés sous contrat – essentiellement catholiques –, ne pouvait que permettre à des prêtres de continuer à y enseigner. Sept ans après un jugement du TA de Paris statuant en ce sens, en 1970 (Spagnol, à propos de l’agrégation d’anglais), le CC protégeait dans sa décision précitée la liberté de conscience des « maîtres » des établissements privés, mais en la conciliant avec leur « devoir de réserve ».

Ensuite et surtout, le CE a procédé au renouvellement de la restriction dans les établissements publics. Après qu’en 2000, Rémy Schwartz a ressuscité un « devoir de stricte neutralité » manifestement non réaffirmé au contentieux depuis cinquante ans (pour l’opposer à Julie Marteaux ; v. infra), le retournement est complet en 2018 dans les conclusions du rapporteur public Frédéric Dieu : « le principe de laïcité lui-même [lui] semble s’opposer à toute incompatibilité de principe entre l’état religieux et l’accès aux fonctions publiques » ; un prêtre est présenté comme subissant aujourd’hui « un soupçon de méconnaissance par état » (ecclésiastique), et il n’est cette fois pas pensé qu’il y a là « un acte ». L’abbé Bouteyre n’avait pas bénéficié de cette distinction ; il n’était pas nécessaire qu’il porte une soutane pour s’être placé dans une situation incompatible avec celle d’un enseignant[40].

Selon l’arrêt SNESUP du 27 juin 2018, l’essentiel est pour l’agent public de « ne pas manifester ses opinions religieuses dans l’exercice de ses fonctions » (en l’occurrence de président d’Université) ; cette formule constitue une reprise de l’avis contentieux Marteaux du 3 mai 2000 qui, tout en assurant à une surveillante intérimaire qu’elle bénéficie de la « liberté de conscience », postule que son foulard est « destiné à marquer son appartenance à une religion », ce qui ne saurait désormais être admis dans la fonction publique (pas seulement enseignante ; v. depuis l’article 1er de la loi n° 2016-483 du 20 avril). Il ressortait des conclusions de Rémy Schwartz un passage de la « neutralité absolue » de l’enseignement (Helbronner en 1912) à celle des « services publics et de leurs agents » (RFDA 2001, p. 146, spéc. 149).

Palais des Droits de l’Homme, siège de la Cour de Strasbourg ©, accueillant la 25ème édition du Concours de plaidoiries René Cassin (ceuropeens.org 2010), « dont le jury était présidé par Noëlle Lenoir ».

L’année suivante, raisonnant différemment, la CEDH rappelait que cette liberté, selon l’article 9 de la Convention, « implique [celle de] manifester » sa religion sous réserve de « restrictions [nécessaires] prévues par la loi » ; dans son arrêt Dahlab c. Suisse, elle admettait en 2001 une telle restriction.

Pendant encore trois années, la situation des élèves était différente. Dans le prolongement de son avis de 1989, et suivant la jurisprudence Kherouaa (1992)[41], leur « liberté de conscience » leur conférait le droit de porter un foulard – mais pas celui de se livrer à un acte avéré de prosélytisme, sur le même fondement de la même liberté des (autres) élèves. Cette distinction n’aura été difficile à comprendre que par les personnes postulant une pression sur autrui par le seul port d’un signe manifestant une appartenance religieuse, présomption sur laquelle repose la loi du 15 mars 2004. Ce n’était pas le cas de Patrick Weil qui, au contraire, a assumé très vite l’exclusion « des jeunes musulmanes [qui] n’exercent[42] aucune pression sur les autres » (« Lever le voile », Esprit janv. 2005, p. 45, spéc. p. 50) ; à ce moment-là, il pouvait envisager le recours à un établissement privé mais, très vite, même cette solution – coûteuse – ne pourra plus l’être avec certitude. En effet, dès le 21 juin 2005, la Cour de cassation admettait que le foulard y soit aussi interdit, sur un autre fondement que la laïcité-neutralité[43], cependant qu’elle commençait à se trouver pour sa part étendue dans les établissements publics.

B. Une extension non maîtrisée de la laïcité-neutralité

Après avoir validé la circulaire d’application du 18 mai (CE, 8 oct. 2004), le CE a admis plusieurs exclusions, dont celle d’une élève portant un bandana – le 5 décembre 2007, dans l’arrêt Ghazal ; en 2013, le port d’un bandeau et d’une jupe longue rentreront aussi parmi les signes pouvant être considérés comme prohibés par la loi du 15 mars[44].

Entre les circulaire Fillon et la loi Blanquer ont été adoptées celles dites Peillon, en 2013 ; là où la loi ajoute aux missions de l’Éducation nationale (art. L. 111-1 du Code) l’apprentissage « de la liberté de conscience et de la laïcité », la « Charte de la laïcité à l’École » est sous-titrée « Valeurs et symboles de la République ». Au terme de sa présidence du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL), Philippe Portier remarquait que celle française « s’agence désormais en un dispositif de diffusion de la valeur, en essayant de ramener les citoyens au bien que l’État définit »[45]. L’une des difficultés tient au fait que la « liberté de conscience » reçoit des significations différentes : outre la contradiction entre le point 14 et les points 3 et 5 combinés de la Charte-circulaire précitée, elle n’a manifestement pas le même sens selon les lieux scolaires.

La tendance est celle d’une extension non maîtrisée de la laïcité-neutralité ; au préalable, il convient de remarquer un premier contraste, avec un arrêt antérieur à la loi du 15 mars 2004 : cinq ans auparavant, tout en affirmant que « l’apposition d’un emblème religieux sur un édifice public, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 9 décembre 1905, méconnaît la liberté de conscience », la Cour administrative d’appel de Nantes refusait de sanctionner l’installation par un département d’un logotype (deux cœurs entrelacés surmontés d’une croix) sur le fronton de deux collèges publics[46].

Dans un autre contexte, celui de l’Alsace-Moselle, l’État français impose aux élèves une obligation qu’il ne s’impose pas lui-même[47], puisque la laïcisation des personnels et des locaux n’est pas imposée par le droit local, et qu’il appartient aux (parents d’)élèves de faire valoir leur propre liberté de conscience pour obtenir une dispense de l’enseignement religieux (non musulman, l’islam ne faisant pas partie des cultes reconnus). Si la Cour a exigé cette possibilité, en 2007, en condamnant successivement la Norvège et la Turquie[48], elle n’a posé aucun obstacle, en 2009, à l’application de la loi française de 2004, y compris sur ce territoire. Auditionné dans des conditions controversées par la Commission Stasi en 2003[49], Jean-Paul Costa[50] siégera en 2008 dans une chambre de la Cour, dont les formules allaient préfigurer ces six décisions relatives à la loi de 2004 (dont CEDH, 2009, Ghazal ; v. supra) ; dans l’une d’entre elles, l’élève était scolarisée à Mulhouse ce qui ne l’a pas empêchée d’être exclue (Aktas contre France). Plus récemment, lorsqu’il s’est agi de savoir si un prêtre pouvait présider l’Université de Strasbourg, le CE a par contre suivi son rapporteur public n’y voyant pas d’inconvénient, alors même que cette « probabilité (…) est plus forte dans les territoires de la République où ne s’applique pas la loi du 9 décembre 1905 » (F. Dieu, concl. sur CE, 27 juin 2018[51]).

Au contraire de la Cour, le Comité des droits de l’Homme n’avait pas admis – en 2012 et sur la base de l’article 18 du PIDCP –, la restriction de la liberté de conscience dans les établissements scolaires ; cette position, qui rejoint celle de deux autres comités onusiens (pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes d’une part, des droits de l’enfant d’autre part) n’a pas suffi à freiner la tendance ici décrite : elle a en effet été étendue depuis à plusieurs catégories d’adultes, suivant des formations dispensées dans les lycées – que ce soit en qualité de stagiaires des GRETA (pour groupement d’établissements ; 2016, pourvoi en cassation non admis)[52] ou d’élèves en instituts de formation paramédicaux (CE, 2017)[53].

« Afroféminisme : Ndella Paye met les points sur les i », lallab.org 22 nov. 2016

Pour ce qui concerne les mères portant un foulard, les tribunaux administratifs ont rendu des solutions contradictoires à propos de l’accompagnement des sorties scolaires : après que celui de Montreuil a donné tort à Sylvie Osman, en 2011, celui de Nice a tranché en faveur de Mme Dahi, en 2015. Récemment, le contentieux a porté sur des activités en classe ; la Cour administrative d’appel de Lyon a décidé, le 23 juillet 2019, d’étendre la laïcité-neutralité à des personnes (là encore musulmanes) qu’elles ne concernait pas jusqu’ici[54] ; auparavant, cette tension a fragilisé les interventions de quelques aumôniers (catholiques).

En définitive, outre cette extension en elle-même, ses effets de genre n’apparaissent pas maîtrisés non plus, ce qui constitue l’un des paradoxes de la laïcité française du moment : postulant qu’il suffit de l’affirmer pour réaliser l’égalité entre les sexes – et les sexualités –, elle se déploie en imposant toujours plus d’obligations à des filles, et des femmes.

En guise d’ouverture (ou de complément, plutôt), « il ne faut pas réécrire l’histoire »[55] : la laïcité française d’hier était indéniablement encore moins sensible aux droits des femmes, ainsi qu’en témoigne l’entrée « Femme » du Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire (1911) ou les conclusions Helbronner (l’année suivante) ; en effet, le seul moment où « les femmes » apparaissent alors, c’est pour rappeler qu’elles sont l’objet d’« une mesure bienveillante » (d’une faveur donc, et non d’un droit). À ce moment-là d’ailleurs, les filles étaient « confinées à [dans ?] l’enseignement élémentaire »[56] [pour ajouter une seconde citation de Bruno Garnier, qui trouve aujourd’hui un écho particulier], et le remplacement des sœurs enseignant pour elles dans les écoles publiques n’était pas encore achevé partout[57].

En 1912, le CE admettait toutefois que le ministre craigne l’influence des prêtres, eu égard à la séparation récente de l’Église catholique et – de l’école publique, puis – de l’État ; à partir de l’année 2000, les juges administratifs consentent à l’exclusion d’une surveillante intérimaire, puis n’hésitent pas, parfois, à étendre le raisonnement à des mères pour la même raison (le port d’un foulard) : tout se passe alors comme si (l’école de) la République était aujourd’hui menacée d’être renversée par ces femmes, là où il s’agissait hier de se méfier surtout d’hommes au pouvoir institutionnalisé.


Illustration liée à l’annonce du colloque dirigé par Gweltaz Eveillard, Quentin Barnabé et Steven Dutus, L’enseignement scolaire saisi par le droit. Étude sur la juridicisation du secteur de l’enseignement, idpsp.univ-rennes1.fr/agenda 10 avr. 2020

[1] Cette leçon sur les parents d’élèves était introduite à partir de la structuration de la seconde partie d’un colloque qui devait se tenir à Rennes, le vendredi 10 avril dernier (v. ci-contre ; merci à Denis Jouve de m’en avoir informé). C’est aussi en rédigeant ce cours que j’ai complété la note 6 de mon précédent billet (pour « mes » M1 de droit public), où je précisais en introduction aborder les bases constitutionnelles du droit des laïcités scolaires ; du point de vue plus général du contentieux constitutionnel de l’éducation, et tout comme trois contributions annoncées dans les Mélanges Rousseau (LGDJ, 2020, à paraître), le titre de la communication de Patricia Rrapi avait forcément attiré mon attention. Était également invité à ce colloque Yann Buttner, co-auteur avec André Maurin d’un ouvrage de droit de la vie scolaire (v. évent. l’introduction de ma thèse, fin 2017, en notes de bas de pages 30 et 50-51 – où je situe ma proposition de contribution à l’étude du droit de l’éducation ; si le droit des laïcités recouvre un ensemble de textes plus large, envisager celles scolaires se révèle plus spécifique).

[2] Les sources du droit, quant à elles, confirment largement la pertinence d’une démarche consistant à envisager les rapports entre laïcités et droits. Si l’annexe de l’arrêté du 30 avr. 1997 (« relatif au diplôme d’études universitaires générales [ex. DEUG] Droit et aux licences et aux maîtrises du secteur Droit et science politique ») ne vise toujours que le « droit des libertés fondamentales », celle de celui du 17 oct. 2016 (« fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats [CRFPA] ») se réfère aux « libertés et droits fondamentaux ». Dès lors, l’abréviation DLF pourrait se décliner autrement : Droits, Libertés, Fondamentalité. Ce dernier concept est lié à celui d’État de droit(s) ; il fonde un refus de se limiter aux seules libertés, qui sont d’ailleurs toutes des droits.

[3] À la réflexion, et s’il est permis un peu de légèreté sur les sujets les plus graves, les attentats terroristes sont d’une certaine manière un problème de hiérarchie des normes : à la loi (religieuse) imposant de respecter les lois du pays où l’on vit, il est quelques personnes qui préfèrent les « circulaires » d’un prétendu « État islamique » (a fortiori ni réglementaires ni impératives, pour poursuivre ce par halal avec la jurisprudence Duvignères) ; en ce sens et parce qu’il vient de commencer, « bon ramadan Patrick ! » (Haroun, youtube.com 8 juin 2017).

Cette touche d’humour me fournit un prétexte pour :

  • faire observer d’une part que la jurisprudence antérieure reposait sur un arrêt de 1954, qui concernait l’article 69 de la loi Falloux du 15 mars 1950 : en 1994, faute d’avoir eu le courage de recadrer ce ministre cherchant à dissimuler sa « catho-laïcité » – tout juste sanctionnée par le Conseil constitutionnel – sous une circulaire anti-voile, le CE n’a pu l’empêcher de pousser les établissements scolaires « à la faute » ; cela contribuera à une autre loi du 15 mars, cinquante ans après l’arrêt Institution Notre-Dame du Kreisker (v. évent. ma thèse, pp. 1097 et 421, en citant Jean Baubérot : ou quand l’évolution des laïcités françaises se lit rétrospectivement dans le droit administratif de l’éducation ; sur le fondement de la même jurisprudence, v. aussi CE, 29 juill. 1998, Confédération nationale des associations familiales catholiques et a., n° 180803, après avoir annulé « l’inscription de séquences obligatoires d’éducation à la sexualité » ; il faudra attendre une circulaire du 19 novembre pour qu’elles ne soient plus facultatives) ;
  • citer d’autre part Achille Mbembe qui, conduit « à relire un certain nombre de textes de théologiens, chrétiens mais aussi juifs », sans oublier les religions traditionnelles africaines et les « dispositifs animistes où le monde est un théâtre de résonances et de vibrations », a pu remarquer : « Nous avons vécu une partie du confinement durant la semaine pascale soit le moment, du moins pour les chrétiens, au cours duquel nous nous remémorons l’épreuve du calvaire, de la crucifixion et de la résurrection » (philomag.com 20 avr. 2020) ; à l’approche du ramadan, Mohamed Bajrafil s’est adressé à tout public soucieux de n’être pas complètement ignorant de ce rite qui concerne entre cinq et six millions des personnes vivant en France (franceculture.fr le 23).

[4] « Une étude chinoise publiée fin mars dans le New England Journal of Medicine et portant sur plus de 1 000 personnes infectées a montré que la proportion de fumeurs était de 12,6 %, bien inférieure à la proportion de fumeurs en Chine (28 %). D’autres études vont dans le même sens » ; « Aucun doute pour les médecins, le tabac reste un risque majeur pour la santé, le premier facteur de mortalité en France (75 000 morts par an) » (Pascale Santi, « Une faible proportion de fumeurs parmi les malades du Covid-19 », Le Monde 23 avr. 2020, p. 3 ; v. aussi, à la même page le lendemain, l’entretien avec Arnaud Fontanet – épidémiologiste à l’Institut Pasteur, par Paul Benkimoun et Chloé Hecketsweiler –, « L’immunité collective est un horizon lointain »).

[5] CAA Lyon, 28 nov. 2017, M. A., n° 15LY02801, cons. 5 ; AJFP 2018, p. 167, reproduit in Jean-Marc Pastor et Erwan Royer (dir.), Laïcité, Dalloz, 2019, pp. 139-140

[6] Près d’un an avant que les JO de Tokyo soient « décalés » – ils pourraient d’ailleurs ne pas « se tenir du 23 juillet au 8 août 2021 », en l’absence de vaccin contre le Covid-19 selon « Devi Sridhar, qui dirige le département sur la santé mondiale à l’université d’Édimbourg » (d’après lequipe.fr 18 avr. 2020) –, plusieurs réglementations ont été adoptées, cependant qu’une université japonaise annonçait « une stricte interdiction de fumer sur le campus » : « “Nous pensons que le fait de fumer ne va pas avec celui de travailler dans l’éducation”, a déclaré un porte-parole de l’Université de Nagasaki (sud-ouest), Yusuke Takakura » (« Les enseignants qui fument ne seront plus recrutés dans une université du Japon », SudOuest.fr avec AFP 23 avr. 2019).

Concernant les laïcités japonaises, Jean-Pierre Berthon, « Une sécularité ancienne, une laïcité récente : l’exemple du Japon », in Franck Laffaille (dir.), Laïcité(s), Mare & Martin, 2010, p. 13 ; Kiyonobu Daté, « De la laïcité de séparation à la laïcité de reconnaissance au Japon ? », in Jean Baubérot, Micheline Milot & Philippe Portier (dir.), Laïcité, laïcités. Reconfigurations et nouveaux défis (Afrique, Amériques, Europe, Japon, Pays arabes), éd. MSH, 2014, p. 169 ; François Nicoullaud, « La laïcité en France… et ailleurs », in « dossier : La laïcité », Après-demain 2018/4, n° 48, NF, p. 7, spéc. p. 9 : « si rites et croyances circulent comme ailleurs, elles le font sur un mode discret. La Constitution de 1946 a introduit une séparation radicale entre Églises et État, qui est toujours scrupuleusement respectée » (dans la même revue, v. Christian Vigouroux, « Le Conseil d’État et la laïcité », p. 22, spéc. p. 23 sur la notion de culte, citant « pour la nouvelle religion japonaise Sukyo Mahikari » l’arrêt du 26 juillet 2018, n° 403389, cons. 5-6) ; Philippe Pons, « L’empereur du Japon, « maître du Ciel » garant des institutions laïques », Le Monde 30 avr. 2019, p. 27 ; « L’impossible accession des femmes au trône, un anachronisme japonais », le 2 mai, p. 5

[7] C’est à cette École des hautes études en sciences sociales (EHESS), « en son antenne de Marseille, ville qui lui était chère », que Jean-Claude Chamboredon « fut directeur d’études » : il est mort fin mars et son « nom figurait, entre ceux de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron, sur la couverture d’un ouvrage culte pour plusieurs générations, Le Métier de sociologue » ; « il fut aussi un enseignant déterminant, à l’origine de la création d’une agrégation de sciences sociales », et il « militait en acte pour [leur] unité [et] cumulativité. (…) Si son œuvre s’est peu exprimée sous la forme de livre, elle n’en est pas moins considérable, et touche à des domaines très variés : la sociologie de l’éducation d’abord » (Jean-Louis Fabiani, « Jean-Claude Chamboredon, grand sociologue de métier », AOC 2 avr. 2020 ; en cette période de confinement, v. aussi les nécrologies de Stéphane Beaud, liberation.fr le 5 et Pierre-Paul Zalio, Le Monde le 7, p. 21 : « Son article publié en 1970 avec Madeleine Lemaire, « Proximité spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement », est parmi les plus cités des études urbaines »). Il ressort de cet hommage que c’est en 1977 qu’a été accueillie à l’École normale supérieure (ENS) la première promotion de l’agrégation sus-évoquée. « Qu’est-ce donc que l’agrégation ? », telle était l’une des questions abordées par Helbronner, dans ses conclusions sur l’arrêt Abbé Bouteyre (v. infra et Rec. CE 1912, p. 553, spéc. pp. 558-559 ; ces extraits sont reproduits dans mon cours).

[8] V. depuis Nicole Vulser, « Les libraires dans le sas de déconfinement », Le Monde 24 avr. 2020, p. 22

« Saint Jérôme », francois-bhavsar.com 21 sept. 2016

[9] Le philosophe Emanuele Coccia d’ajouter, immédiatement, qu’« [i]l y a un sujet iconographique qui a traversé la peinture européenne : celui de « saint Jérôme dans le désert », représenté avec un crâne et un livre, la Bible qu’il traduisait. Les mesures font de chacune et chacun de nous des « Jérôme » qui contemplent la mort et sa peur, mais auxquels on ne reconnaît même pas le droit d’avoir avec soi un livre ou un vinyle » (« La Terre peut se débarrasser de nous avec la plus petite de ses créatures », Le Monde 4 avr. 2020, p. 25 : « cette pandémie est la conséquence de nos péchés écologiques : ce n’est pas un fléau divin que la Terre nous envoie. Elle est juste la conséquence du fait que toute vie est exposée à la vie des autres »).

[10] Il y a près de deux ans, j’avais déjà publié sur ce site un billet à partir d’une citation de l’intéressé : « La laïcité, c’est d’abord la liberté de conscience » (Le Monde 15 mai 2018, page 19 : Patrick Weil se revendiquait déjà d’« une lecture précise et informée de la loi de 1905 »).

[11] Cité par Mathilde Philip-Gay, Droit de la laïcité. Une mise en œuvre pédagogique de la laïcité, Ellipses, 2016, p. 3, sans que l’auteur de la phrase ne soit alors précisé. « C’est d’abord du droit », l’affirmation est reprise par Patrick Weil au terme d’une présentation de l’ouvrage, le 17 mars 2016 (animant la rencontre, Magali Della Sudda le présente comme juriste, aussi) ; elle se retrouve dans un entretien publié le 5 décembre (nonfiction.fr, avec le même titre, « Le sens de la République ») ; recensant la première édition – dont des extraits du premier chapitre « Immigration : les faits sont têtus », peuvent être lus sur books.google.fr –, v. Alexandre El Bakir, le 28 août 2015 (Le sens des couleurs retenu surprend, pour qui suit une recommandation de Jean-Michel Blanquer : « Il faut avoir le sens de l’histoire » ; figurant parmi les ressources signalées par Canopé, v. la petite vidéo consacrée aux « symboles » par Les Clés de la République, avec Thomas Legrand, « narrateur d’un récit incarné et enthousiaste sur le fonctionnement de nos institutions ». « La laïcité » renvoie à la même vidéo : tant mieux, car celle que l’on peut trouver par ailleurs n’aborde l’école que pour relayer la contre-vérité selon laquelle elle serait « obligatoire » en France depuis Ferry ; celle relative à la Constitution comprend quant à elle a minima deux approximations : l’utilisation du terme « universelle » pour la DDHC de 1789, qui entraîne un risque de confusion avec la DUDH de 1948 ; l’affirmation de ce que le Préambule de 1946 affirmerait le « Droit à l’instruction », alors que le CC s’en tient à « l’égal accès » prévu par l’alinéa 13, comme je le souligne dans mon précédent billet).

[12] v. Léo Joubert, « Le parfait wikipédien. Réglementation de l’écriture et engagement des novices dans un commun de la connaissance (2000-2018) », Le Mouvement social 2019/3, n° 268, recensé par Adèle Cailleteau, scienceshumaines.com mai 2020

[13] Page actualisée au 6 août 2019 ; le secrétaire d’État était François Autain : mort le 21 décembre, il n’avait alors pas cessé d’être maire de Bouguenais (de 1971 à 1993) ; deux ans avec l’élection de François Mitterrand, il avait attaqué des décisions du préfet de la Loire-Atlantique devant le CE, en obtenant partiellement gain de cause le 19 juin 1985 (Commune de Bouguenais, n° 33120 et 33121, cité dans ma thèse, en note de bas de page 110).

[14] En une minute et vingt secondes, le 24 septembre 2018 ; récemment, le 19 mars 2020, Muy-Cheng Peich l’avait invité à une conférence en ligne sur le traité de Versailles, « inspiré » mais « non ratifié » par les États-Unis (pour citer Patrick Weil, qui indique à la fin travailler à un livre sur la question ; Claire Mermoud prépare à l’UGA une thèse d’histoire du droit actuellement intitulée La contribution de la Société des Nations à l’internationalisation des droits de l’homme).

[15] Patrick Weil, « Marceau Long, un réformateur républicain », in Le service public. Mélanges en l’honneur de Marceau Long, Dalloz, 2016, p. 491, spéc. pp. 493-494, revenant sur la tribune qu’ils ont cosignée début 2004, « aux fins de convaincre le maximum de parlementaires encore réticents » ; v. évent. ma thèse, p. 485

[16] Patrick Weil (entretien avec, par Stéphane Bou et Lucas Bretonnier), « Il y a un abîme de méconnaissance sur la laïcité », Marianne 2 mars 2018, n° 1094, p. 38 ; les propos tenus dans l’enregistrement publié le 6 février 2020 en reprennent certains alors retranscrits (dont cette affirmation : « Quand on parle de laïcité, il est intéressant de noter que l’on en vient toujours à rappeler ce fait qu’il faut apprendre à débattre, à s’affronter sur le terrain des idées… »).

« Le philosophe Edgar Morin dans sa maison de Montpellier, en novembre 2018. Ian HANNING/REA » (Photo reprise d’Edgar Morin (entretien avec, par Francis Lecompte), « Nous devons vivre avec l’incertitude », lejournal.cnrs.fr 6 avr. 2020)

[17] Via ce tweet ; v. aussi Edgar Morin (entretien avec, par Nicolas Truong), « Cette crise devrait ouvrir nos esprits depuis longtemps confinés sur l’immédiat », Le Monde 20 avr. 2020, p. 28 (ayant lu son livre Les souvenirs viennent à ma rencontre, Fayard, 2019, pp. 11-12, le journaliste l’interroge in fine sur sa mère, Luna, qui « a elle-même été atteinte de la grippe espagnole » ; sur l’origine de cette expression, v. infra) : « C’est [aussi] l’occasion de comprendre que la science n’est pas un répertoire de vérités absolues (à la différence de la religion) mais que ses théories sont biodégradables sous l’effet de découvertes nouvelles ».

[18] Mathilde Philip-Gay, ouvr. préc., 2016, p. 5

[19] Là où elle envisage « l’émergence d’une nouvelle branche du droit (…)[,] s’émancipant du droit des libertés fondamentales » (pp. 4 et 9 : ces dernières sont traditionnellement enseignées en L3 dans les facultés de droit, et encore parfois qualifiées de « publiques »).

[20] CE, 10 mai 1912, Abbé Bouteyre, Rec. 553, concl. J. Helbronner ; RDP 1912, p. 453, note G. Jèze ; S. 1912, III, 145, note M. Hauriou ; Les grands arrêts de la jurisprudence administrative (ci-après GAJA), Dalloz, 22ème éd., 2019, n° 22, p. 134 : « Fonction publique – Accès. Pouvoir d’appréciation ».

[21] Quand ils n’affirment pas, avec leurs co-auteurs universitaires, qu’« il est douteux que [cette] position (…) soit toujours représentative de l’état du droit » (GAJA 2019 préc., § 3).

[22] Dans le même sens, et également en cinq minutes, v. cette vidéo de l’Union des FAmilles Laïques (UFAL), 7 sept. 2017

[23] Dans ses conclusions sur l’arrêt Abbé Bouteyre, Helbronner rappelait que « les ministres sont responsables de leurs actes devant le Parlement, qui donne ou refuse son approbation à la politique qu’ils suivent » (v. parmi les extraits reproduits par Jèze dans sa note préc., p. 467, avant de se montrer critique sur ce point, deux pages plus loin). En 2018, Benoît Plessix écrit dans son ouvrage de Droit administratif général, après avoir cité l’article 15 de la DDHC : « dans une démocratie représentative, la formule (…) sert surtout de fondement au pouvoir du Parlement [qui] se confond avec la responsabilité ministérielle » (LexisNexis, 2ème éd., 2018, pp. 1291-1292, § 1038). En mobilisant cet article, le CC vient de consacrer « le droit d’accès aux documents administratifs » (3 avr. 2020, Union nationale des étudiants de France [Communicabilité et publicité des algorithmes mis en œuvre par les établissements d’enseignement supérieur pour l’examen des demandes d’inscription en premier cycle], n° 2020-834 QPC, cons. 8, avec une réserve d’interprétation au cons. 17 ; Camille Stromboni, « Vers une transparence sur les critères de Parcoursup », Le Monde 4 avr. 2020, p. 11, laquelle conclut en envisageant des recours « en direction des universités mais aussi des formations officiellement sélectives »). Claire Bazy-Malaurie n’a pas siégé, sans qu’il ne soit indiqué pourquoi.

À la note 6 de mon précédent billet, je notais que Rivero ne mentionnait pas l’arrêt de 1912 dans sa célèbre chronique de 1949 (v. infra) ; dix ans plus tard, lors de la sixième session du Centre de sciences politiques de Nice, ce qu’il écrit à ce propos (v. ma thèse page 328) est sans doute inspiré de la note d’Hauriou, qui reprochait au CE de n’avoir pas « statué sur toute la question qui lui était soumise » ; il aurait « eu tort de ne pas » affirmer que « l’incompatibilité entre l’état ecclésiastique et la fonction d’enseignement public secondaire doit, au préalable, être établie par décret règlementaire ». Selon Didier Jean-Pierre, un nouvel arrêt de rejet aurait été rendu concernant le même prêtre en 1920 (« Les religions du fonctionnaire et la République », AJFP 2001, p. 41, citant A. Guillois, « De l’arrêt Bouteyre à l’arrêt Barel. Contribution à l’étude du pouvoir discrétionnaire », Mélanges A. Mestre, Sirey, 1956, p. 297 ; en note également, l’auteur signale le prolongement de l’avis contentieux Marteaux : TA Châlons-en-Champagne, 20 juin 2000 ; LIJMEN 2000, n° 48, p. 34). Lors de cette même session de 1959 sur La laïcité, dont les actes ont été publiés aux PUF en 1960, Jean-René Dupuy l’envisageait « dans les déclarations internationales des droits de l’homme » (pp. 145 et s. ; v. infra le I. B.).

[24] Recueil Lebon 1917, p. 637, cité par Denis Baranger, « Comprendre le « bloc de constitutionnalité » », Jus Politicum. Revue de droit politique juill. 2018, n° 20-21, p. 103, spéc. pp. 111-112 (j’ajoute la majuscule à Constitutions).

[25] Le texte de 1905 peut être lu ici ; son « objet central est essentiellement patrimonial » (Pierre-Henri Prélot, « Les transformations coutumières de la loi de 1905 », Droit et religion en Europe. Études en l’honneur de Francis Messner, PU Strasbourg, 2014, p. 519, spéc. p. 521 : « il existe un droit de la laïcité qui se déploie bien au-delà de [s]a lettre immobile »). L’article 2 alinéa 2 fait référence aux « écoles », mais il ressort du rapport du sénateur Maxime Lecomte que « cette dernière expression doit s’appliquer aux grandes écoles, à de nombreux internats et non aux écoles primaires, pour lesquelles il existe une législation à laquelle il n’est pas dérogé » (Dalloz 1906, IV, 7 ; prévu par la loi Ferry de 1882, ce système de la « journée réservée » figure aujourd’hui à l’article L. 141-3 du Code de l’éducation).

Cet article confère une « légitimité laïque à ce qui pourrait sembler une atteinte à la séparation matérielle. C’est une liberté individuelle qui est soutenue, pas une croyance ou une église. L’État reste neutre et séparé ; il se contente de reconnaître la nécessité d’une organisation particulière de l’accès à l’exercice du culte là où le croyant est placé dans la dépendance de l’État, dans les hôpitaux, asiles, armées et prisons [cite ensuite CE Ass., 6 juin 1947, Union catholique des hommes du diocèse de Versailles, Rec. 250, en ligne]. On est donc dans la logique des droits de l’homme, pas dans celle d’un État confessionnel ; la séparation entre le spirituel et le temporel est respectée » (Vincent Valentin, « Le principe de laïcité et la prison », in Aurélien Rissel (dir.), « Les religions en prison. Entre exercice serein et exercice radicalisé. Regards croisés », Revue Juridique de l’Ouest (RJO), n° spécial 2018, p. 23, spéc. p. 25).

[26] Avec un autre du même jour, il fait partie de ces 114 premiers GAJA (CE Ass., 1er avr. 1949, Chaveneau et a. et Comité catholique des parents des élèves des lycées et collèges de Seine-et-Oise ; 1ère éd., 1956, rééd. 2006, p. 283, n° 84, intitulé « Laïcité de l’enseignement »). Abbé Bouteyre était le n° 29, p. 93 ; s’y trouvait déjà mentionné (page 95) le « principe de l’égale admission de tous aux emplois publics posé par la Déclaration des droits de l’homme (et repris aujourd’hui par le préambule de la Constitution de 1946) ». En 1912, Helbronner s’était manifestement emmêlé les pinceaux : il mentionnait en effet « l’art. 6 de cette même déclaration », alors qu’il venait de citer celle de 1793 ; l’article 5 qu’il reproduit est toutefois quasiment identique, l’un et l’autre affirmant un droit d’égal accès aux emplois publics.

[27] Le second de ces deux arrêts du 28 janvier 1955 s’intitule Aubrun et Villechenoux.

[28] Dans le même sens, Émile Poulat (1920-2014) écrivait, dans le Rapport public 2004. Un siècle de laïcité : « Notre expression « liberté de conscience » est fortement codée et susceptible de bien des sens » (p. 450).

[29] Laélia Véron, « [Leïla Slimani dans Le Monde, et Marie Darrieussecq dans Le Point] : romantisation du confinement », ASI 24 mars 2020 ; de la même autrice, avec Maria Candéa, « Qui a peur de la langue française ? », AOC 4 juin 2019 : « Quand Christophe Castaner parle (en mars 2019) des proviseurs des établissements scolaires comme de « patrons » qui doivent le convaincre en tant qu’« investisseur », il contribue lui aussi à banaliser une vision néolibérale du monde qui délaisse les notions de service public et d’intérêt général pour leur préférer celles d’entreprise et de rentabilité ». « Qui faisait provision de cartouches de LBD, de gaz lacrymogènes et de grenades de désencerclement au lieu de reconstituer les stocks de masques ? Réponse : l’État, ou plus exactement, ses représentants », rappellent Christian Laval et Pierre Dardot « à l’adresse [de ce]s amoureux amnésiques » ; « il faut prendre garde à la vision de l’État qu’on défend », en particulier celui « néolibéral et souverainiste, tel qu’il semble rejaillir aujourd’hui dans les discours. (…) Il suffit de prêter attention aux mots employés par Macron, mais qui pourraient se retrouver dans la bouche d’autres dirigeants » (« Souveraineté d’État ou solidarité commune », AOC 21 avr. 2020 ; italiques des auteurs ; v. aussi Bénédicte Chéron, « À trop mobiliser le registre militaire face à toute crise, les mots perdent leur sens », Le Monde le 23, p. 26).

Capture d’écran d’un tweet de Pierre Monégier, 19 mars 2020

Pour une initiative réconfortante, v. les petites chroniques de philosophie, dont celle du 6 avril relative à Gratitude (Bourgeois) d’Oliver Sacks, par Laure Adler (déjà citée dans mon billet du 24 avril 2018, (le droit à) « l’éducation à la sexualité », dont j’ai repris certaines formules pour ma leçon relative aux parents d’élèves).

Parmi mes découvertes fortuites sur la base de données Europresse, Alexandre Pauze, « À Riocreux, un confinement à la campagne pour les mineurs isolés », Le Progrès (Lyon) 3 avr. 2020, p. 15 (Firminy-région) : leur hébergement a lieu dans un foyer « en pleine nature dans le Pilat », à Saint-Genest-Malifaux (près du « 1er col à plus de 1000 mètres franchi par le Tour de France cycliste le 5 juillet 1903 », le col de La République ; v. l’une des photos de Gillou, le 26 avr. 2014) ; eux – et elles ? – aussi « sont empêchés de circuler librement : « C’est compliqué puisque ce sont déjà des jeunes qui n’ont pas accès à grand-chose, et notamment pas à la scolarité, car ils ne sont pas encore considérés comme mineurs non accompagnés, souligne Jean-Charles Guillet [directeur du pôle insertion, inclusion, justice à Sauvegarde 42, lequel nuance plus loin en saluant l’inventivité des éducateurs/trices ?] pour adapter les règles de promiscuité durant les temps de repas ou les parties de foot ». V. toutefois Olivier Epron, « Les mineurs isolés, encore plus isolés avec le confinement », solidarite-laique.org 16 avr. 2020, avec l’article lié.

[30] Dans son ouvrage précité (2019, p. 198), Bruno Garnier rappelle toutefois une formule de Jaurès : « il n’y a que le néant qui soit neutre » (« La valeur des maîtres », Revue de l’enseignement primaire et primaire supérieur 25 oct. 1908, reproduit in Jean Jaurès, De l’éducation. Anthologie, Nouveaux Regards, 2005, p. 184) ; pour en lire d’autres, v. la deuxième illustration légendée de mon billet du 9 décembre 2018, « Les laïcités-séparation ».

[31] Pour la référence à ce discours de Buisson – bien moins cité que la Lettre de Ferry –, v. ma thèse p. 311

[32] J. Tardieu, concl. sur TC, 2 juin 1908, Girodet c. Morizot, D. 1908, III, 83 (note M. Hauriou), spéc. p. 85 ; ces conclusions comprennent aussi cet extrait : « quand, au lieu d’un exposé de principes, fait de manière sérieuse et décente, nous rencontrons des propos grossiers et injurieux, des définitions irrévérencieuses ou grotesques, des railleries malséantes ou de basses plaisanteries sur Dieu, sur les religions, sur les ministres des cultes, et des propos blessants à l’adresse des croyants, nous voyons apparaître non plus le fonctionnaire accomplissant un service d’État, non plus l’instituteur, mais l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences. En un mot, nous n’avons plus en face de nous une faute administrative, mais une faute personnelle » (je souligne).

Édouard Laferrière (1841-1901), conseil-etat.fr

C’était reprendre une allitération aussi célèbre que son auteur (v. ci-contre), généralement citée en L2 DAG (droit administratif général) : concl. sur TC, 5 mai 1877, Laumonnier-Carriol, Rec. 437, citées in GAJA 2019 préc., n° 2 : « Responsabilité. Faute personnelle et faute de service. Distinction » (30 juill. 1873, Pelletier), p. 8, spéc. p. 11, § 2. Dans ses « Propos introductifs », in AFDA, La doctrine en droit administratif, Philippe Yolka remarquait que « bon nombre de rapporteurs publics devant la juridiction administrative conservent une discrétion pudique sur leurs sources d’inspiration. Mais leur reprocher serait faire un mauvais procès : leur propos (…) n’est pas d’ordre scientifique et les règles du jeu sont, de fait, différentes » (Litec, 2010, p. XVII, spéc. p. XXI, en note de bas de page).

Avocat à la cour, Éric Sagalovitsch fait observer à propos des conclusions qu’il n’est pas plus obligatoire qu’hier « de les publier » (« Pour une évolution du statut juridique des conclusions du rapporteur public », AJDA 2018, p. 607) ; plus loin, il rappelle aussi que Pascale Gonod, « qui a consacré sa thèse à Édouard Laferrière, souligne dans l’avant-propos de son travail qu’elle s’est heurtée à la principale difficulté tenant à ce que « sa recherche n’a pas pu être nourrie de ses nombreuses conclusions de commissaire de gouvernement qu’elle n’a pu retrouver dans des archives publiques ou privées » (Édouard Laferrière, un juriste au service de la République, LGDJ, mai 1997, page XVII). Elle relate même « qu’il ne reste aujourd’hui que de très rares traces d’activités de Laferrière comme commissaire du gouvernement […] Si son nom figure en qualité de commissaire du gouvernement dans 2 603 décisions reproduites au recueil des arrêts, les conclusions de Laferrière contrairement notamment à celles de son collègue David sont peu publiées tant au Lebon que dans les principales revues juridiques de l’époque : seules quatre d’entre elles ont été intégralement publiées » (préc., p. 35) ».

L’année suivante, Thomas Perroud ouvre Les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative [GAPJA] en renvoyant à un enregistrement audio de Jean-Jacques Bienvenu, mis en ligne le 26 mars 2015 (LGDJ/Lextenso, 2019, p. 16, spéc. p. 18 ; dans le même ouvrage, v. Stéphanie Hennette-Vauchez, obs. sous CE, 2 nov. 1992, Kherouaa, n° 130394, p. 460, spéc. p. 478, concluant pour sa part que « l’affirmation de la liberté d’expression des élèves paraît fournir un élément de recadrage intéressant » ; comparer ma thèse, p. 1211). « Catholique très fervent, David était le père de Mgr David, camérier [chargé du service personnel] du pape » (Vincent Wright, Revue d’histoire de l’Église de France 1972, n° 161, p. 259, spéc. p. 280 ; v. aussi son article « L’épuration du Conseil d’État en juillet 1879 », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine 1972, n° 19-4, p. 621, mentionnant déjà Edmond David, « mis à la retraite », pp. 635-636, avant de le citer).

[33] En 1916, Jèze critiquera sa mobilisation dans une autre affaire, ce qui ne la fera pas cesser pour autant (v. évent. ma thèse page 320).

[34] Il est question de « garanti[r] la liberté de conscience de chacun » ; v. infra pour la circulaire Peillon, cette « Charte » étant mobilisée au risque d’inverser la hiérarchie des normes. Lors du colloque précité – qui devait avoir lieu le 10 avril à Rennes (note n° 1) -, Éric Péchillon devait traiter du « recours incontournable au pouvoir réglementaire et para-réglementaire ».

[35] Cet article L. 141-5-2 du Code de l’éducation applique aux « abords immédiats [des établissements] et pendant toute activité liée à l’enseignement » une peine d’amende déjà prévue par l’article 31 de la loi de 1905.

[36] Dans le contexte français, ainsi que l’avait montré Aurore Le Mat à l’occasion du colloque annuel de l’Association française de science politique, en 2013, c’est souvent dans « le registre de la “liberté de conscience” » que des mouvements catholiques s’opposent à certains programmes d’éducation à la sexualité.

[37] Jeudi 16 avril, les autorités de ce pays ont envisagé de « profite[r] de la crise pour détruire [le]s droits » des femmes polonaises, selon une formule d’Anna Zaradny (citée dans cet article de liberation.fr les 15-16). D’après Justine Salvestroni, correspondante à Varsovie, le projet de loi, qui visait « l’interdiction totale de l’avortement en cas des graves malformations de l’embryon [plus de 95% des cas,] est finalement retourné en commission parlementaire, sans date de vote prévue » ; l’autre texte à l’ordre du jour était « la criminalisation de l’éducation sexuelle, un projet également porté par Ordo Iuris, et intitulé « Arrêtons la pédophilie » ». Pour le magazine LGBT suisse 360.ch, Antoine Bal indique qu’il aurait connu le même sort.

Il y a près d’un an, la presse française s’était déjà faite l’écho des réactions à la « signature, fin février, par le maire de Varsovie, Rafal