Un avis important sur l’enseignement « dans les lieux d’enfermement »

Le 31 janvier dernier, Dominique Simonnot était l’invitée de Mathilde Munos sur France Inter1« Les enfants enfermés ont cinq fois moins d’heures de cours que les autres », radiofrance.fr 31 janv. 2024 ; pour un entretien ultérieur et plus long (une vingtaine de minutes, à compter de 9’30), avec Virginie Guilhaume sur Sqool TV cette fois, v. l’illustration ci-dessus.. Ce mercredi-là était en effet rendu public5La publication de l’avis a donné lieu à une dépêche AFP, suscitant quelques reprises dans la presse, parmi lesquelles celle de Théo Bourrieau, « Scolarité : l’enseignement “loin d’être à la hauteur” pour les mineurs enfermés, selon la contrôleuse des prisons », humanite.fr 31 janv. 2024, renvoyant à l’article publié dans le même quotidien par Eugénie Barbezat le 11 mai 2023, suite au rapport d’activité 2022 de la Contrôleure (le titre de l’article reprend une citation de la Défenseure des droits : « Depuis 2012, 35 000 jeunes enfermés en France “au mépris des droits et de l’intérêt supérieur de l’enfant” »). un avis de la Contrôleure générale des lieux de privations de liberté (CGLPL), « relatif à l’accès des mineurs enfermés à l’enseignement »2CGLPL, « Avis relatif à l’accès des mineurs enfermés à l’enseignement », cglpl.fr 31 janv. 2024 (renvoyant à un extrait du JORF de ce jour, avec le texte de cet avis du 17 nov. 2023 – cité ci-dessus – suivi des observations du garde des sceaux, datées du 30 janv. 2024)..

Ce texte invite d’abord à les recenser : « Si on comptabilise environ 700 mineurs incarcérés, 600 jeunes placés en centrés éducatifs fermés (CEF), et 22 000 hospitalisés dans les services de psychiatrie, aucune statistique nationale n’existe sur le nombre des mineurs enfermés en âge d’être scolarisés, leurs caractéristiques, leur évolution, alors qu’elle permettrait de mieux connaitre ce public et d’identifier ses besoins ».

Capture d’écran du « Grand JT » de Sqool TV, « L’éducation selon Dominique Simonnot », 15 févr. 2024 (vidéo mise en ligne le lendemain sur YouTube).

Dominique Simonnot déplore ensuite que les durées hebdomadaires d’enseignement constatées soient « toujours inférieures à celles théoriquement prévues : moins de 5 heures de cours hebdomadaires effectifs en CEF [au lieu de 25], y compris pour les mineurs de moins de seize ans, pas plus de 15 heures en [établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM, au lieu de 20)], pas plus de 6 heures en quartier [de prison pour mineurs (au lieu de 12)]. En psychiatrie, [aucune durée théorique n’est prévue et elle est en pratique] plus variable mais toujours très faible ». Parce que « le droit à l’éducation de chaque enfant a vocation à s’exercer dans les lieux d’enfermement », il est notamment recommandé la détermination d’« un établissement de rattachement qui a[urait] la responsabilité de veiller à la continuité de son parcours scolaire »3 Souligné dans le texte. Si le Ministre de la justice Éric Dupond-Moretti assure que ses « services sont mobilisés afin que le droit commun s’applique en détention et au sein des CEF », il ne mentionne pas le droit à l’éducation mais les obligations « de scolarité » et « de formation » (cette (p)référence le conduit même, à la page 2 de ses observations, à viser « l’obligations de formation »… V. déjà, mutatis mutandis, mon billet du 30 mars 2018, avec aussi les actualisations ; « Dans le cadre des entretiens menés pendant les visites et vérifications sur place du CGLPL, [cinq ans plus tard,] nombre d’enseignants ont déploré la faible attractivité des postes en milieu fermé »)..

Dans l’un de mes trois premiers billets publiés sur ce site, en 2018, j’évoquais l’article L. 1110-6 du Code de la santé publique ; l’avis note à juste titre qu’il « se born[e] à indiquer que “les enfants en âge scolaire ont droit à un suivi scolaire adapté au sein des établissements de santé”4« Dans la mesure où leurs conditions d’hospitalisation le permettent », commence cet article issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars – une formule restrictive soulignée implicitement dans mon billet du 5 janvier 2018 ; Adeline Hazan était alors CGLPL, une fonction qu’elle a occupée de juillet 2014 à 2020 (en juin 2022, elle a succédé « à Jean-Marie Dru à la présidence de l’UNICEF France » ; ce comité national de l’agence onusienne a récemment tenté en vain, par le biais d’une contribution extérieure de la SCP Spinosi au Conseil Constitutionnel, de faire censurer les dispositions de la loi immigration « en ce qu’elles prévoient que l’interdiction de l’enfermement des enfants à Mayotte sera différée au 1er janvier 2027 »).. En l’absence de cadre national, l’organisation de l’accès à l’enseignement scolaire des jeunes patients en psychiatrie dépend des rectorats ».

D’une manière générale, si la scolarisation doit être adaptée « aux profils et besoins des élèves concernés », il devrait s’agir d’« une priorité absolue (…) expressément prévue par la loi, mise en œuvre dans les faits, sans que les contraintes et difficultés opérationnelles propres aux administrations responsables des lieux d’enfermement n’y fassent obstacle ».

Notes

1 « Les enfants enfermés ont cinq fois moins d’heures de cours que les autres », radiofrance.fr 31 janv. 2024 ; pour un entretien ultérieur et plus long (une vingtaine de minutes, à compter de 9’30), avec Virginie Guilhaume sur Sqool TV cette fois, v. l’illustration ci-dessus.
2 CGLPL, « Avis relatif à l’accès des mineurs enfermés à l’enseignement », cglpl.fr 31 janv. 2024 (renvoyant à un extrait du JORF de ce jour, avec le texte de cet avis du 17 nov. 2023 – cité ci-dessus – suivi des observations du garde des sceaux, datées du 30 janv. 2024).
3 Souligné dans le texte. Si le Ministre de la justice Éric Dupond-Moretti assure que ses « services sont mobilisés afin que le droit commun s’applique en détention et au sein des CEF », il ne mentionne pas le droit à l’éducation mais les obligations « de scolarité » et « de formation » (cette (p)référence le conduit même, à la page 2 de ses observations, à viser « l’obligations de formation »… V. déjà, mutatis mutandis, mon billet du 30 mars 2018, avec aussi les actualisations ; « Dans le cadre des entretiens menés pendant les visites et vérifications sur place du CGLPL, [cinq ans plus tard,] nombre d’enseignants ont déploré la faible attractivité des postes en milieu fermé »).
4 « Dans la mesure où leurs conditions d’hospitalisation le permettent », commence cet article issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars – une formule restrictive soulignée implicitement dans mon billet du 5 janvier 2018 ; Adeline Hazan était alors CGLPL, une fonction qu’elle a occupée de juillet 2014 à 2020 (en juin 2022, elle a succédé « à Jean-Marie Dru à la présidence de l’UNICEF France » ; ce comité national de l’agence onusienne a récemment tenté en vain, par le biais d’une contribution extérieure de la SCP Spinosi au Conseil Constitutionnel, de faire censurer les dispositions de la loi immigration « en ce qu’elles prévoient que l’interdiction de l’enfermement des enfants à Mayotte sera différée au 1er janvier 2027 »).
5 La publication de l’avis a donné lieu à une dépêche AFP, suscitant quelques reprises dans la presse, parmi lesquelles celle de Théo Bourrieau, « Scolarité : l’enseignement “loin d’être à la hauteur” pour les mineurs enfermés, selon la contrôleuse des prisons », humanite.fr 31 janv. 2024, renvoyant à l’article publié dans le même quotidien par Eugénie Barbezat le 11 mai 2023, suite au rapport d’activité 2022 de la Contrôleure (le titre de l’article reprend une citation de la Défenseure des droits : « Depuis 2012, 35 000 jeunes enfermés en France “au mépris des droits et de l’intérêt supérieur de l’enfant” »).