Injonctions de scolariser des enfants réfugiés syriens

Le Tribunal administratif de Versailles a publié en ligne un communiqué, le 19 mars, renvoyant à trois jugements rendus le 15 (Fardous, Rilas et Ayman Y., n° 1800315, 1800317 et 1800333) : « installées dans les pavillons abandonnés de la cité de l’air située près de l’aéroport d’Orly à Athis-Mons » (cons. 2 commun aux trois jugements), des familles d’origine syrienne avaient formulé, l’été dernier, des demandes pour scolariser leurs enfants ; le maire les ayant laissées sans réponse, des recours furent formés.

A lire les trois jugements, les requérants étaient représentés par le même avocat et il invoquait curieusement les droits « de bénéficier de la sécurité sociale » (art. 26 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, au lieu de 28 qui reconnaît celui « à l’éducation ») et « à la vie » (art. 2 de la Convention européenne, plutôt que celui de son premier protocole sur le « droit à l’instruction).

Dans la première affaire, citant les dispositions pertinentes du Code de l’éducation, dont celle affirmant le « droit à l’éducation » (art. L. 111-1), le tribunal en déduit au considérant 4 suivant « que le maire d’Athis-Mons était tenu d’inscrire à l’école primaire l’enfant du requérant, âgé de plus de six ans à la rentrée scolaire et dont la famille réside sur le territoire de la commune même de façon précaire, sans pouvoir légalement opposer l’insuffisance des infrastructures d’accueil ni les difficultés d’adaptation des enfants ne parlant pas français ». Le communiqué précise que « la majorité des cas que le tribunal avait à juger » concernait l’école primaire.

Les deux autres jugements sont fondés différemment, car les enfants n’avaient pas six ans et le tribunal estime que leur accueil « à l’âge de trois ans à l’école maternelle n’est pas un droit, comme l’a jugé la cour administrative de Versailles en formation plénière par arrêt n° 09VE01323 du 4 juin 2010 » (cons. 4) ; discutable en ce qu’elle prive d’autonomie le droit à l’éducation par rapport à l’obligation d’instruction (dite scolaire), cette affirmation mériterait quelques développements. Compte tenu de ce qui suit, je me limite ici à renvoyer à ceux de ma thèse à propos de cette requête (accessibles en entrant son numéro dans le pdf).

L’affirmation est en effet neutralisée, d’une part par une combinaison des dispositions législatives (là aussi citées au considérant 3) « et du principe d’égal accès au service public » (à propos de cette référence, v. la fin de mon premier titre, pp. 182 et s.) ; il en résulte l’illégalité du « motif tiré du mode d’habitat ou des difficultés d’adaptation des enfants ne parlant pas français ». D’autre part, et toujours au considérant 4, une « erreur de fait » du maire est identifiée : « alors que la commune d’Athis-Mons dispose de huit écoles maternelles et étant donné le faible nombre d’enfants concernés, il ne justifie pas, en l’espèce, de l’insuffisance de places disponibles alléguée ».

Dans chacun des trois jugements, il est ordonné au maire d’inscrire les enfants « dans un délai de 15 jours » (cons. 5). Un an avant la révolution syrienne et sa brutale répression, conduisant plusieurs millions de personnes à l’exil, le premier successeur de Katarina Tomaševski, Vernor Muñoz Villalobos, remettait un rapport intitulé Le droit à l’éducation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile (A/HRC/14/25, 16 avr. 2010).

Ajout au 6 juin 2018, pour signaler qu’à la page 906 où je cite le rapport précité, j’analyse une décision du Comité européen des droits sanctionnant le « manque d’accessibilité du système éducatif français », à propos d’« enfants roms migrants » (concernés par un autre jugement du TA de Versailles, daté du 16 mars 2017).

In memoriam Linda Brown, écolière particulière (20 févr. 1942-25 mars 2018)

« Linda Brown en mai 1964 devant la Sumner School de Topeka, qui l’avait refusée en 1951 » (nouvelobs.com, AP/SIPA)

« Linda Brown est morte à 76 ans, a rapporté lundi 26 mars le Topeka Capital-Journal », indique Le Monde.fr, le 27 ; elle est connue pour avoir donné son nom à un important arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis, le 17 mai 1954, ainsi que le rappelle aussi cette brève vidéo de Brut (v. plus largement cet article de Chloé Leprince, « Rosa Parks ou Linda Brown : des victoires et pourtant, la ségrégation raciale… », franceculture.fr).

Fréquemment cité par les juristes français (v. par exemple la thèse de Stéphane Caporal, L’affirmation du principe d’égalité dans le droit public de la Révolution française (1789-1799), Economica, 1995, p. 285, en conclusion), cet arrêt est qualifié de « célébrissime » par Stéphanie Hennette-Vauchez et Vincent Valentin (L’affaire Baby Loup et la nouvelle laïcité, LGDJ Lextenso, 2014, p. 63, avant de citer page suivante l’article d’Hourya Bentouhami, « « Le cas de Little Rock. Hannah Arendt et Ralph Ellison sur la question noire », Tumultes 2008/1, n° 30, p. 161) ; pour un billet décalé par rapport à l’« historiographie traditionnelle », v. Olivier Esteves, « Babylon By Bus ? Combattre la ségrégation scolaire aux États-Unis », 22 avr. 2014 (le 23, il rappelait que « contrairement aux États-Unis, le busing anglais était unidirectionnel »).

Le décès de Linda Brown intervient quelques jours seulement après la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, le 21 mars – en mémoire du massacre de Sharpeville –, depuis une proclamation de l’Assemblée générale des Nations Unies le 26 octobre 1966. Près d’un an plus tôt, elle avait adopté une Convention qui affirme le « droit à l’éducation et à la formation professionnelle » (v. ma thèse pp. 784-785 ; l’expression soulignée peut servir d’entrée pour d’autres développements) ; présentant la « Semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme », le site du ministère choisit d’indiquer « que la loi du 8 juillet 2013 a réaffirmé avec force la mission de l’école de faire acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité » (souligné dans le texte ; à propos de cette loi dite Peillon, v. pp. 1055 et s. La liberté évoquée constitue l’une des références alternatives au droit à l’éducation ; elle fait donc l’objet d’un des chapitres de la première partie, pp. 299 et s.).

L’écrivain James Baldwin, chez lui à New York, en 1972. JACK MANNING / THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA ; Virginie Despentes, « James Baldwin, le cœur grand ouvert », lemonde.fr25 déc. 2019 (Le Monde des Livres du 27, à la Une)

Ajout le 10 septembre 2018, pour signaler un dossier sur une « figure du combat pour les droits civiques (…) qui par ses essais, par ses romans, ses multiples interventions, conférences, interviews, témoigna avec une vibrante intensité de l’oppression vécue dans les corps et les esprits, dans les quartiers et les écoles » (« James Baldwin : le feu, le sexe, la race », Le Matricule des Anges. Le mensuel de la littérature contemporaine juill.-août 2018, n° 195, pp. 14 à 25) ; Valérie Nigdélian écrit aussi que c’est alors que « les premiers enfants noirs entraient dans l’école blanche – sous solide escorte policière » qu’il retourna aux Etats-Unis, « avant de retrouver définitivement le sol français en 1970, à Saint-Paul-de-Vence, où il vécut jusqu’à sa mort, le 1er décembre 1987 » (p. 18 ; v. aussi à son propos le dernier entretien avec Virginie Bloch-Lainé de Raoul Peck, dans l’émission A voix nue le 31 août 2018).

Ajout le 5 octobre 2018, avec cet article signalant que Mary McLeod Bethune (1875-1955), « connue pour son rôle d’éducatrice auprès des jeunes filles noires au temps de la ségrégation, aura bientôt sa sculpture au Capitole, à Washington » (Stéphanie Le Bars, « Statue sociale », Le Monde p. 14).

Ajouts au 5 novembre 2018 : dans un livre publié il y a un an sous sa co-direction, Hourya Bentouhami introduisait à la traduction d’un commentaire publié dans la Harvard Law Review 1980 par le « premier noir américain » doyen d’Université (« Le droit : une question de principes ? Vers une approche matérialiste des décisions juridiques », in H. Bentouhami et M. Möschel (dir.), Critical Race Theory. Une introduction aux grands textes fondateurs, Dalloz, 2017, p. 45). Derrick A. Bell jr. faisait observer que « la décision [rendue en 1954] aida à revêtir d’une crédibilité immédiate la lutte américaine contre les pays communistes pour gagner les cœurs et les esprits des peuples émergents des pays du Tiers-monde. Du moins cet argument fut-il avancé par les avocats à l’attention à la fois du NAACP et du gouvernement fédéral » (« Brown c/ Board of Education et le dilemme de la convergence d’intérêts », p. 56, spéc. p. ; v. aussi le texte préc., p. 47 ; évoquant l’amicus curiae de l’administration Eisenhower, v. plus récemment Guillaume Tusseau, RFDA 2013, p. 679).

Quelques années plus tôt, lors de l’élaboration de la DUDH, M. Pavlov remarquait « que, dans un très grand nombre de pays, le droit à l’éducation est, en fait, très limité. La population de couleur des Etats-Unis et la population autochtone des pays orientaux sont en majeure partie illettrées » ; cela contraignait Mme Roosevelt à réagir à la séance suivante, pour contredire le « représentant de l’URSS [qui] a soutenu que l’amendement proposé par la délégation des Etats-Unis tendait à refuser aux personnes de couleur l’égalité en matière de droit à l’éducation » (Assemblée générale, Troisième Commission, Comptes rendus analytiques de la 3ème session (du 30 sept. au 7 déc. 1948, Paris), 147e séance (vendredi 19 nov. 1948), A/C.3/SR.147, p. 586, spéc. p. 588 et 148e séance (vendredi 19 nov. 1948), A/C.3/SR.148, p. 600 ; Eleanor Roosevelt est cité dans ma thèse à plusieurs reprises – à partir de la page 727 – et M. Pavlov pp. 738 et 1033).

Kimberlé Crenshaw, « L’urgence de l’intersectionnalité », ted.com 14 nov. 2016

Le même ouvrage comprend un article plus récent, introduit par Stéphanie Hennette Vauchez (« La régulation juridique du fait religieux : comment lire l’interdiction du voile au prisme du Critical Race Feminism ? », p. 343, notant que « l’appellation (…) est revendiquée »), laquelle rappelle notamment la « forte opinion dissidente » de la juge Françoise Tulkens (p. 348 ; v. ma thèse pp. 385, 447, 481, 491, 837 et s., et 959-960). Sa conclusion est « que l’intérêt du texte ici traduit tient dans le renouvellement du regard qu’il permet sur des questions comme celles de la laïcité – renouvellement qui reste largement à faire, ou à venir, dans l’analyse juridique française », pour peu qu’elle se veuille « contextualisée » (pp. 355 et 352). En 2005-2006, Adrien Katherine Wing et Monica Nigh Smith réagissaient à l’adoption de la loi n° 2004-22 du 15 mars 2004 (« Le Critical Race Feminism lève le voile : femmes musulmanes, France et l’interdiction du port du voile », p. 356). En renvoyant à un « article célèbre » de Kimberlé Crenshaw, la professeure et l’avocate avançaient que l’interdiction qu’elle prévoit « illustre la nature intersectionnelle et multiplicative des discriminations qu’elle implique potentiellement » (p. 359 ; à ce propos, v. la première actualisation de ce billet). Leur propre « article concentre l’essentiel de son attention au regard que portent les femmes musulmanes sur le foulard » (p. 375).

Ajout au 23 décembre 2018 : au moment de la publication de son ouvrage The ‘desegregation’ of English schools. Bussing, race and urban space, 1960s–80s (Manchester University Press), Olivier Esteves recense celui de Matthew Delmont (v. sur le site de Laurent Mucchielli, « Genèse de la révolution conservatrice américaine : les mobilisations blanches contre le busing », 7 déc. 2018).

Ajout des illustrations au 29 décembre 2019.

« Parcoursup » : la position du Conseil constitutionnel

Dans sa décision Loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, n° 2018-763 DC, le Conseil constitutionnel a, sans surprise, rejeté le recours formé contre certaines dispositions de ce texte. Je me limite à quelques observations rapides : il est d’abord fait référence, dans les visas, à « l’arrêté du 19 janvier 2018 de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation autorisant la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Parcoursup » ». L’argumentation des requérants est cependant écartée rapidement ; pour le Conseil, « les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier rétroactivement ou de valider » cet arrêté (cons. 4 et 7).

Il est ensuite noté que le « paragraphe I de l’article 1er de la loi déférée réécrit l’article L. 612-3 du code de l’éducation, qui détermine les règles d’inscription dans les formations initiales du premier cycle de l’enseignement supérieur dispensées par les établissements publics » (cons. 2) ; cette loi n° 2018-166 mériterait une étude à part entière ; tout juste sera-t-il noté que la liberté « de s’inscrire dans l’établissement de son choix » – prévue depuis la loi Savary (en 1984 ; v. l’un de mes chapitres sur la « liberté de l’enseignement », pp. 207 et s., spéc. 217) –, a disparu.

Enfin, dans ses considérants 11 à 13, le Conseil constitutionnel se refuse à reformuler le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 pour lui faire affirmer le droit à dont l’émergence est étudiée dans ma thèse (v. spéc. pp. 1092 et s.).

Le hasard veut que deux textes publiés ce même jour procèdent à cette affirmation. Celui d’Elena Belova d’une part, dans sa « Chronique des constatations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, année 2017 : quelques précisions sur la compétence ratione temporis et sur le droit au logement », La Revue des Droits de l’Homme ADL 8 mars 2018). Au § 8, à propos de l’affaire Mohamed Ben Djazia et Naouel Bellili c. Espagne (communication n° 5/2015, 20 juin 2017), elle écrit que, rappelant que « les droits de l’[H]omme sont indivisibles et interdépendants » (§15.4), le CODESC a estimé qu’une interprétation large du droit au logement s’imposait et qu’il était indispensable de l’interpréter à la lumière d’autres droits de l’Homme, notamment le droit à une vie familiale (l’unité de la famille) et le droit à l’éducation des enfants ». Se reporter au texte de ce paragraphe 15.4 montre que le contraste n’est qu’apparent : « L’obligation faite à l’État partie d’agir au maximum de ses ressources disponibles pour reloger les personnes expulsées qui ont besoin de l’être suppose que l’on protège l’unité familiale, en particulier lorsque les personnes concernées ont des enfants à charge à l’éducation et aux besoins desquels elles doivent pourvoir ». Il n’empêche qu’il est auparavant bien fait référence à cette indivisibilité des droits, et l’affirmation de celui étudié est fréquente dans les textes produits par cette institution onusienne (pp. 748 et s.).

Celui du prêtre et jésuite Gaël Giraud, d’autre part, intitulé « L’éducation des jeunes filles est un défi planétaire pour le XXIe siècle », Le Monde 8 mars 2018, p. 24 : pour l’économiste en chef de l’Agence française de développement, par ailleurs directeur de ­recherche au CNRS, les « disparités sont particulièrement criantes en Afrique subsaharienne où, pour 100 garçons non scolarisés au primaire, 123 filles se voient refuser le droit à l’éducation. Dans le même temps, fait historique sans précédent, en Occident au sens large (Europe, Japon, Corée du Sud, anglosphère) le niveau ­éducatif des femmes est devenu supérieur à celui des hommes » (sur ce point, v. les pages 55 et 56 de mon introduction, précédant l’annonce de mon plan).

Ajout au 30 avril 2018, en renvoyant – dans la continuité des lignes qui précèdent – aux derniers mots d’Hubert Védrine, présentant ses « scénarios-monde » dans la seconde partie de La Grande table d’Olivia Gesbert, le 25

Ajout au 31 août 2018 : « A l’approche de la rentrée universitaire, la lenteur et l’engorgement de la nouvelle plate-forme inquiètent », note Camille Stromboni dans Le Monde du 23 (« Parcoursup : le gouvernement au pied du mur », p. 10) ; deux jours plus tard, elle cite « Jacques Toubon, dans un courrier en date du 8 août adressé à ­Stéphane Troussel, président du ­conseil départemental de Seine-Saint-Denis » : « J’entends traiter ces questions de manière prioritaire », écrit le Défenseur des droits, qui « instruit le dossier Parcoursup » (Le Monde 25 août 2018, p. 7).

Ajout au 15 septembre 2018, avec Jacques Toubon dans Politique ! Le DDD commence par évoquer Parcoursup, avant de revenir plus largement sur son action : des prises de positions « articulées et démontrées » en droit dans une perspective d’effectivité des droits. Il termine par une métaphore footballistique (reprise dans le titre de l’émission) : elle pourra susciter des objections sur ce terrain, mais son esprit ne pourra être qu’approuvé.

In memoriam Asma Jahangir, rapporteure onusienne (27 janv. 1952-11 févr. 2018)

Isabelle Mourgere, « Asma Jahangir : mort d’une défenseure acharnée des droits humains », tv5monde.com 13 févr. 2018

Julien Bouissou signale le décès d’Asma Jahangir, qui fût rapporteure « spéciale des Nations unies sur les exécutions sommaires de 1998 à 2004, et sur la liberté de religion de 2004 à 2010 » (Le Monde 17 févr. 2018, p. 19).

Dans ma thèse, en note de bas de page 961, je m’appuyais sur son Rapport présenté suite à sa mission en France (18-29 sept. 2005, Soixante-deuxième session de la Commission des droits de l’Homme, E/CN.4/2006/5/Add.4), 8 mars 2006, §§ 63 et 66 ; il est intéressant de remarquer que la notice nécrologique précitée ne revient pas sur cette mise en cause de l’application de la loi française du 15 mars 2004.

A l’approche des élections générales pakistanaises (fin juillet), Julien Bouissou rappelle ce qu’elle déclarait au magazine New Yorker en 2007 : « Je demande toujours aux islamistes : “Quelle justice voulez-vous ?” (…) Regardez comment la charia est appliquée de manière sélective. Quand Zia Ul-Haq a commencé sa politique d’islamisation, celle-ci ciblait d’abord les femmes, les non-musulmans et les pauvres. (…) Elle n’a jamais été utilisée contre les élites (…)” ».

Le journaliste d’ajouter plus loin : « ” Ce qui est tragique, c’est que Jahangir est morte au moment où le Pakistan a peut-être le plus besoin d’elle, regrette Omar Waraich, directeur adjoint d’Amnesty International en Asie du Sud. Les défenseurs des droits de l’homme ne sont plus battus en pleine rue, comme ce fut le cas au temps de Musharraf. Ils sont soumis à une surveillance accrue sur Internet, et si nécessaire, “enlevés”.” Mardi 13 février, une foule immense s’est réunie pour assister à ses funérailles. ” Qui parlera désormais en notre nom ? “, s’est inquiétée Mukhtar Mai, une militante pakistanaise des droits des femmes qui survécut à un viol collectif en 2002 ».

Ajout de l’illustration au 29 décembre 2019.

Le droit à l’éducation des personnes mineures non accompagnées

Évoqué au terme de mon précédent billet, l’arrêt rendu le 8 novembre 2017 par le Conseil d’État se termine par l’indication d’une transmission au Défenseur des droits (DDD) ; il se trouve cité dans les développements de ma thèse qui concerne cette institution non juridictionnelle1En note de bas de page 1126, soit la n° 3084 du tome 2, in fine ; pour une prise de position récente, v. J. Toubon, « L’intérêt supérieur des enfants doit primer sur toute considération », in « Dossier : Migrants mineurs. Un tremblement majeur », Écarts d’identité janv. 2018, n° 129, p. 14, spéc. p. 17 : « les enfants isolés étrangers sont encore trop souvent écartés du droit à l’éducation ». Il est reconnu par la Convention internationale relative aux droits de l’enfant – qui « reste largement méconnue dans notre pays » –, comme le rappelle l’adjointe Défenseure de ces droits, Geneviève Avenard, dans l’entretien qui suit (page 42)..

Dans ses observations présentées le 17 octobre3Décision n° 2017-306, 13 p., en ligne., situées dans le prolongement de son intervention concernant le bidonville de la Lande de Calais, le DDD terminait en pointant à propos de plusieurs « mineurs non accompagnés » des « atteintes à leur droit à l’éducation »2Page 12, avec toutefois cette précision problématique : « y compris lorsque les adolescents étaient en âge d’obligation scolaire (moins de 16 ans) » ; v. les pp. 1028 et s..

L’affaire constitue une nouvelle illustration de ce que l’émergence de ce droit à reste difficile : alors qu’il était invoqué, l’arrêt ne le mentionne pas4Gisti et a., n° 406256 ; il faut avoir lu les responsables du centre de recherches et de diffusion juridiques du Conseil d’État5AJDA 2017, p. 2408, spéc. p. 2409, ou la version mise en ligne sur InfoMIE – le Centre (de) ressources sur les mineurs isolés étrangers, lui aussi actuellement menacé – pour apprendre que cette référence figurait bien dans la requête6V. la page 2 : contestant « les modalités d’organisation des centres d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés » (CAOMI), les associations y voyaient une méconnaissance de « l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales combiné à l’article 2 du protocole additionnel n° 1 à ladite convention »..

Au terme de mon introduction de soutenance, j’affirmais que ce droit à est encore dissimulé derrière des arbres imposants (les références au service public – ici mobilisée – et aux libertés publiques de l’enseignement et de conscience, lesquelles sont l’objet de ma première partie), et que sa croissance pourrait être menacée par d’autres références comme « l’intérêt supérieur de l’enfant »7V. spéc. les pp. 1155 à 1158 et, pour un autre exemple récent, CNCDH, « Alerte sur le traitement des personnes migrantes », déclaration adoptée lors de l’Assemblée plénière du 17 octobre 2017, 7 p. (25 voix pour – 3 voix contre – 3 abstentions), p. 5 (le présent billet a été retouché le 29 août 2023, essentiellement pour basculer du texte initialement entre parenthèses en notes de bas de page)..

Ajout au 9 juillet 2018, à propos de l’Avis sur la situation des migrants à la frontière franco-italienne, 19 juin 2018, 63 p. Page 33, la CNCDH renvoie à son « Avis sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national. État des lieux un an après la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers (dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation) », adopté le 26 juin 2014, avant de citer le droit à étudié ; ce « grand avis » est cité dans les pp. 1124-1125, consacrées à la Commission en introduction des développements intitulés « L’absence de réticence des institutions non juridictionnelles pour affirmer le droit à l’éducation ».

Ajouts au 7 septembre 2018 : « Les militants du Réseau éducation sans frontière (RESF), de l’organisation Timmy (pour « Team mineurs ») et de Paris d’Exil se réunissent aujourd’hui à partir de 10 heures [devant le lycée Voltaire, de Paris (XIe)] » ; il s’agit, explique Kim Hullot-Guiot, de revendiquer « le droit à la scolarisation pour tous les jeunes migrants » : « Si ceux qui sont déjà reconnus par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) comme mineurs sont bien inscrits en classe – personne ne le conteste –, ceux dont la minorité n’a pas encore été reconnue se verraient opposer par le rectorat un refus de passer les tests de niveau leur permettant d’être orientés vers telle ou telle classe (notamment en fonction de leur niveau de français) » (Libération.fr).

La journaliste cite l’article 28 de la CIDE (v. ma thèse pp. 758 et s.), la circulaire 2012-141 (p. 1063) et celle interministérielle du 25 janvier 2016, p. 4 (renvoyant à l’annexe 6, p. 15). Elle cite aussi la page 7 de l’avis n° 17-03 du Défenseur des droits, daté du 7 févr. 2017 (14 p.), qui porte sur l’« accompagnement éducatif et le droit à l’éducation » (sur ces « atteintes à des droits fondamentaux tels que le droit à la santé, à l’éducation », v. aussi p. 2). A la page 8 de cet avis, il est fait allusion à l’arrêt que devait rendre le Conseil d’État le 15 février (v. ma thèse pp. 1116-1117).

Notes

1 En note de bas de page 1126, soit la n° 3084 du tome 2, in fine ; pour une prise de position récente, v. J. Toubon, « L’intérêt supérieur des enfants doit primer sur toute considération », in « Dossier : Migrants mineurs. Un tremblement majeur », Écarts d’identité janv. 2018, n° 129, p. 14, spéc. p. 17 : « les enfants isolés étrangers sont encore trop souvent écartés du droit à l’éducation ». Il est reconnu par la Convention internationale relative aux droits de l’enfant – qui « reste largement méconnue dans notre pays » –, comme le rappelle l’adjointe Défenseure de ces droits, Geneviève Avenard, dans l’entretien qui suit (page 42).
2 Page 12, avec toutefois cette précision problématique : « y compris lorsque les adolescents étaient en âge d’obligation scolaire (moins de 16 ans) » ; v. les pp. 1028 et s.
3 Décision n° 2017-306, 13 p., en ligne.
4 Gisti et a., n° 406256
5 AJDA 2017, p. 2408, spéc. p. 2409
6 V. la page 2 : contestant « les modalités d’organisation des centres d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés » (CAOMI), les associations y voyaient une méconnaissance de « l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales combiné à l’article 2 du protocole additionnel n° 1 à ladite convention ».
7 V. spéc. les pp. 1155 à 1158 et, pour un autre exemple récent, CNCDH, « Alerte sur le traitement des personnes migrantes », déclaration adoptée lors de l’Assemblée plénière du 17 octobre 2017, 7 p. (25 voix pour – 3 voix contre – 3 abstentions), p. 5 (le présent billet a été retouché le 29 août 2023, essentiellement pour basculer du texte initialement entre parenthèses en notes de bas de page).