In memoriam Linda Brown, écolière particulière (20 févr. 1942-25 mars 2018)

« Linda Brown en mai 1964 devant la Sumner School de Topeka, qui l’avait refusée en 1951 » (nouvelobs.com, AP/SIPA)

« Linda Brown est morte à 76 ans, a rapporté lundi 26 mars le Topeka Capital-Journal », indique Le Monde.fr, le 27 ; elle est connue pour avoir donné son nom à un important arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis, le 17 mai 1954, ainsi que le rappelle aussi cette brève vidéo de Brut (v. plus largement cet article de Chloé Leprince, « Rosa Parks ou Linda Brown : des victoires et pourtant, la ségrégation raciale… », franceculture.fr).

Fréquemment cité par les juristes français (v. par exemple la thèse de Stéphane Caporal, L’affirmation du principe d’égalité dans le droit public de la Révolution française (1789-1799), Economica, 1995, p. 285, en conclusion), cet arrêt est qualifié de « célébrissime » par Stéphanie Hennette-Vauchez et Vincent Valentin (L’affaire Baby Loup et la nouvelle laïcité, LGDJ Lextenso, 2014, p. 63, avant de citer page suivante l’article d’Hourya Bentouhami, « « Le cas de Little Rock. Hannah Arendt et Ralph Ellison sur la question noire », Tumultes 2008/1, n° 30, p. 161) ; pour un billet décalé par rapport à l’« historiographie traditionnelle », v. Olivier Esteves, « Babylon By Bus ? Combattre la ségrégation scolaire aux États-Unis », 22 avr. 2014 (le 23, il rappelait que « contrairement aux États-Unis, le busing anglais était unidirectionnel »).

Le décès de Linda Brown intervient quelques jours seulement après la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, le 21 mars – en mémoire du massacre de Sharpeville –, depuis une proclamation de l’Assemblée générale des Nations Unies le 26 octobre 1966. Près d’un an plus tôt, elle avait adopté une Convention qui affirme le « droit à l’éducation et à la formation professionnelle » (v. ma thèse pp. 784-785 ; l’expression soulignée peut servir d’entrée pour d’autres développements) ; présentant la « Semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme », le site du ministère choisit d’indiquer « que la loi du 8 juillet 2013 a réaffirmé avec force la mission de l’école de faire acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité » (souligné dans le texte ; à propos de cette loi dite Peillon, v. pp. 1055 et s. La liberté évoquée constitue l’une des références alternatives au droit à l’éducation ; elle fait donc l’objet d’un des chapitres de la première partie, pp. 299 et s.).

L’écrivain James Baldwin, chez lui à New York, en 1972. JACK MANNING / THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA ; Virginie Despentes, « James Baldwin, le cœur grand ouvert », lemonde.fr25 déc. 2019 (Le Monde des Livres du 27, à la Une)

Ajout le 10 septembre 2018, pour signaler un dossier sur une « figure du combat pour les droits civiques (…) qui par ses essais, par ses romans, ses multiples interventions, conférences, interviews, témoigna avec une vibrante intensité de l’oppression vécue dans les corps et les esprits, dans les quartiers et les écoles » (« James Baldwin : le feu, le sexe, la race », Le Matricule des Anges. Le mensuel de la littérature contemporaine juill.-août 2018, n° 195, pp. 14 à 25) ; Valérie Nigdélian écrit aussi que c’est alors que « les premiers enfants noirs entraient dans l’école blanche – sous solide escorte policière » qu’il retourna aux Etats-Unis, « avant de retrouver définitivement le sol français en 1970, à Saint-Paul-de-Vence, où il vécut jusqu’à sa mort, le 1er décembre 1987 » (p. 18 ; v. aussi à son propos le dernier entretien avec Virginie Bloch-Lainé de Raoul Peck, dans l’émission A voix nue le 31 août 2018).

Ajout le 5 octobre 2018, avec cet article signalant que Mary McLeod Bethune (1875-1955), « connue pour son rôle d’éducatrice auprès des jeunes filles noires au temps de la ségrégation, aura bientôt sa sculpture au Capitole, à Washington » (Stéphanie Le Bars, « Statue sociale », Le Monde p. 14).

Ajouts au 5 novembre 2018 : dans un livre publié il y a un an sous sa co-direction, Hourya Bentouhami introduisait à la traduction d’un commentaire publié dans la Harvard Law Review 1980 par le « premier noir américain » doyen d’Université (« Le droit : une question de principes ? Vers une approche matérialiste des décisions juridiques », in H. Bentouhami et M. Möschel (dir.), Critical Race Theory. Une introduction aux grands textes fondateurs, Dalloz, 2017, p. 45). Derrick A. Bell jr. faisait observer que « la décision [rendue en 1954] aida à revêtir d’une crédibilité immédiate la lutte américaine contre les pays communistes pour gagner les cœurs et les esprits des peuples émergents des pays du Tiers-monde. Du moins cet argument fut-il avancé par les avocats à l’attention à la fois du NAACP et du gouvernement fédéral » (« Brown c/ Board of Education et le dilemme de la convergence d’intérêts », p. 56, spéc. p. ; v. aussi le texte préc., p. 47 ; évoquant l’amicus curiae de l’administration Eisenhower, v. plus récemment Guillaume Tusseau, RFDA 2013, p. 679).

Quelques années plus tôt, lors de l’élaboration de la DUDH, M. Pavlov remarquait « que, dans un très grand nombre de pays, le droit à l’éducation est, en fait, très limité. La population de couleur des Etats-Unis et la population autochtone des pays orientaux sont en majeure partie illettrées » ; cela contraignait Mme Roosevelt à réagir à la séance suivante, pour contredire le « représentant de l’URSS [qui] a soutenu que l’amendement proposé par la délégation des Etats-Unis tendait à refuser aux personnes de couleur l’égalité en matière de droit à l’éducation » (Assemblée générale, Troisième Commission, Comptes rendus analytiques de la 3ème session (du 30 sept. au 7 déc. 1948, Paris), 147e séance (vendredi 19 nov. 1948), A/C.3/SR.147, p. 586, spéc. p. 588 et 148e séance (vendredi 19 nov. 1948), A/C.3/SR.148, p. 600 ; Eleanor Roosevelt est cité dans ma thèse à plusieurs reprises – à partir de la page 727 – et M. Pavlov pp. 738 et 1033).

Kimberlé Crenshaw, « L’urgence de l’intersectionnalité », ted.com 14 nov. 2016

Le même ouvrage comprend un article plus récent, introduit par Stéphanie Hennette Vauchez (« La régulation juridique du fait religieux : comment lire l’interdiction du voile au prisme du Critical Race Feminism ? », p. 343, notant que « l’appellation (…) est revendiquée »), laquelle rappelle notamment la « forte opinion dissidente » de la juge Françoise Tulkens (p. 348 ; v. ma thèse pp. 385, 447, 481, 491, 837 et s., et 959-960). Sa conclusion est « que l’intérêt du texte ici traduit tient dans le renouvellement du regard qu’il permet sur des questions comme celles de la laïcité – renouvellement qui reste largement à faire, ou à venir, dans l’analyse juridique française », pour peu qu’elle se veuille « contextualisée » (pp. 355 et 352). En 2005-2006, Adrien Katherine Wing et Monica Nigh Smith réagissaient à l’adoption de la loi n° 2004-22 du 15 mars 2004 (« Le Critical Race Feminism lève le voile : femmes musulmanes, France et l’interdiction du port du voile », p. 356). En renvoyant à un « article célèbre » de Kimberlé Crenshaw, la professeure et l’avocate avançaient que l’interdiction qu’elle prévoit « illustre la nature intersectionnelle et multiplicative des discriminations qu’elle implique potentiellement » (p. 359 ; à ce propos, v. la première actualisation de ce billet). Leur propre « article concentre l’essentiel de son attention au regard que portent les femmes musulmanes sur le foulard » (p. 375).

Ajout au 23 décembre 2018 : au moment de la publication de son ouvrage The ‘desegregation’ of English schools. Bussing, race and urban space, 1960s–80s (Manchester University Press), Olivier Esteves recense celui de Matthew Delmont (v. sur le site de Laurent Mucchielli, « Genèse de la révolution conservatrice américaine : les mobilisations blanches contre le busing », 7 déc. 2018).

Ajout des illustrations au 29 décembre 2019.