Construire le « problème de l’abaya » peut bien préoccuper Genève, tant que cela conduit à Matignon…

Photo d’Alain Jocard/AFP, reprise depuis l’article d’Antoine Masset, « Amélie Oudéa-Castera ajoute le ministère de l’Éducation nationale à son périmètre », livreshebdo.fr 12 janv. 2024 ; pour un exemple de réaction syndicale immédiate à ce cumul, fsu50.fsu.fr

Au début de cette nouvelle année, une ancienne inspectrice de l’Éducation nationale pointait « l’analphabétisme [du] ministre en matière de sciences et d’histoire de l’éducation (…) [et] ses piètres talents en maths – hors du simple calcul politique »1Monique Picaud, « Le retour du redoublement à l’école, crime contre l’individu et hérésie budgétaire », lemonde.fr/blog 5 janv. 2024. Quelques jours plus tard, Gabriel Attal devenait Premier ministre, suite à « la démission forcée d’Élisabeth Borne »2Ariane Vidal-Naquet, « Les comportements des acteurs politiques sont en contradiction avec ce que prévoient les normes juridiques », lemonde.fr 10 janv. 2024. La fin de la semaine allait être consacrée à commenter ce remaniement3Pierre Jacquemain, « Gabriel Attal, l’homme qui “piquait” les idées du RN », politis.fr 9 janv. 2024 et, pour ce qui concerne le domaine scolaire, la première sortie de celle appelée à lui succéder rue de Grenelle (v. ci-dessus)4Thibaud Le Meneec, « Des révélations de Mediapart aux accusations de “mensonge”, on vous résume la polémique qui touche la ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra », francetvinfo.fr avec AFP 13-15 janv. 2024 (à propos des absences d’enseignant·es non remplacé·es, v. mon billet du 20 mai 2018 et, concernant l’établissement catholique Stanislas, ma thèse, 2017, pp. 612 et 1000)..

Caricature de Colm, reprise depuis le communiqué publié par le snudifo02.fr 10 sept. 2023 ; « Comment effacer vite fait les problèmes de la rentrée ? Le tour de magie d’Attal : “Abayacadabra !” », titrait Le Canard enchaîné du mercredi 30 août. Telle était aussi l’analyse, deux jours plus tard, de l’hebdomadaire allemand Die Zeit, ainsi que l’a relaté courrierinternational.com

Le jour de la nomination de Gabriel Attal, Mediapart revenait sur une lettre adressée au Gouvernement français le 27 octobre dernier ; six titulaires de mandats des procédures spéciales du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations Unies se saisissaient de la mesure agitée5V. le billet de Cécile Bourgneuf, « Abaya : la douteuse opération de com du cabinet d’Attal », liberation.fr 4 sept. 2023 lors de la rentrée : « la décision du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, exprimée notamment par une note de service relative au respect des valeurs de la République publiée le 31 août 2023 au bulletin officiel de l’éducation nationale, d’interdire le port de l’abaya dans l’enceinte des établissements scolaires »6CE Ord., 25 sept. 2023, Association la Voix Lycéenne et a., n° 487896, cons. 4 (en référé-suspension) ; v. déjà (en référé-liberté) CE Ord., 7 sept. 2023, Association Action Droits des Musulmans, n° 487891, cons. 2, en ajoutant le terme « notamment ». Dans ma thèse préc., j’évoquais déjà le cas des « jupes longues ou d’abayas », pp. 456 et s., spéc. 459-460.

Juridicisant une allusion remarquée du secrétaire général Antonio Guterres7« Le patron de l’ONU s’en prend implicitement à la France et à l’interdiction de l’abaya à l’école », nouvelobs.com 20 sept. 2023 : « À travers le monde, les droits des femmes, y compris les droits sexuels et reproductifs, sont réduits, voire supprimés, leurs libertés restreintes. Dans certains pays, les femmes et les filles sont punies parce qu’elles portent trop de vêtements. Dans d’autres, parce qu’elles n’en portent pas assez »., cette lettre conjointe réagissait aux témoignages rapportant « que des élèves présumées musulmanes ont été empêchées d’accéder aux cours parce qu’elles portaient d’autres types de vêtements jugés trop couvrants ou trop amples. Des étudiantes portant des kimonos se sont vu refuser l’accès à l’éducation sous prétexte que cette tenue était similaire à une abaya ». Avant de s’intéresser aussi aux décisions des « instances dirigeantes sportives », les six signataires – dont Farida Shaheed (v. ci-dessous) – s’affirmaient notamment « gravement préoccupés par les atteintes faites au droit des filles et des femmes portant le hijab à l’éducation et au travail, de même qu’à leur droit de participer à la vie culturelle »8AL FRA 13/2023, lettre de 13 p. du 27 oct. 2023 (jointe à l’article de David Perrotin, « “Profilage racial” : l’interdiction de l’abaya par Attal “préoccupe” des rapporteuses de l’ONU », Mediapart 10 janv. 2024), spéc. pp. 3 et 6, rappelant entretemps – page 5 – l’annonce de la ministre des Sports, le 24 septembre 2023, « que les athlètes françaises ne seraient pas autorisées à porter un hijab aux Jeux Olympiques d’été de Paris 2024 ». Comptant également treize pages et datée du 20 décembre, la réponse du Gouvernement français a été adressée deux jours plus tard par la Mission Permanente de la France auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales en Suisse (LF/cda/2023-0555181, 22 déc. 2023, 13 p. Ce document se retrouve lui aussi à l’aide du moteur de recherches des communications : https://spcommreports.ohchr.org/)..

Capture d’écran d’une vidéo de Farida Shaheed publiée sur X, twitter.com/UNGeneva 30 juin 2023 ; ayant succédé en août 2022 à Koumbou Boly Barry, elle est la troisième femme rapporteure spéciale sur le droit à l’éducation, la première ayant été Katarina Tomaševski (v. le dernier de mes cinq portraits).

Cette mise en cause onusienne9V. déjà les décisions et observations rappelées dans mon billet intitulé « Foulard et enfance : la position des institutions onusiennes », 26 août 2018 n’a pas fait les gros titres10D’autant que le courrier précité a dû être rendu public en décembre, même s’il est possible de comprendre qu’il soit relayé avec un certain délai ; mutatis mutandis, « Un élève peut-il recevoir un signe religieux d’un membre de l’établissement alors qu’il est dans une école publique ? », nicematin.com (avec AFP) 12 janv. 2024, signalant Crim., 5 déc. 2023, n° 22-87459, arrêt lui-même fondé sur la décision de non-renvoi de QPC de la même chambre de la Cour de cassation (20 juin 2023, n° 22-87459). ; il a pourtant été question des Nations Unies cette semaine, avec la tenue des audiences de la Cour Internationale de Justice (CIJ) relative à la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël11V. « l’édito médias » de Pauline Bock, « Israël-Gaza : plaidoirie sudafricaine et silence médiatique », arretsurimages.net 13 janv. 2024 (sur le même site, v. le billet de Daniel Schneidermann, « Gaza : Génocide, ou crime contre l’humanité ? », le 11, à partir du Retour à Lemberg de Philippe Sands – que j’évoquais in fine le 30 juillet 2018).. C’est l’occasion de rappeler que la CIJ a pu aussi affirmer le droit à l’éducation, précisément dans son Avis du 9 juillet 2004, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé12Disponible ici, cet Avis de la CIJ est brièvement mentionné dans ma thèse ; il fait l’objet de ma note de bas de page 954, n° 1998

Notes

1 Monique Picaud, « Le retour du redoublement à l’école, crime contre l’individu et hérésie budgétaire », lemonde.fr/blog 5 janv. 2024
2 Ariane Vidal-Naquet, « Les comportements des acteurs politiques sont en contradiction avec ce que prévoient les normes juridiques », lemonde.fr 10 janv. 2024
3 Pierre Jacquemain, « Gabriel Attal, l’homme qui “piquait” les idées du RN », politis.fr 9 janv. 2024
4 Thibaud Le Meneec, « Des révélations de Mediapart aux accusations de “mensonge”, on vous résume la polémique qui touche la ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra », francetvinfo.fr avec AFP 13-15 janv. 2024 (à propos des absences d’enseignant·es non remplacé·es, v. mon billet du 20 mai 2018 et, concernant l’établissement catholique Stanislas, ma thèse, 2017, pp. 612 et 1000).
5 V. le billet de Cécile Bourgneuf, « Abaya : la douteuse opération de com du cabinet d’Attal », liberation.fr 4 sept. 2023
6 CE Ord., 25 sept. 2023, Association la Voix Lycéenne et a., n° 487896, cons. 4 (en référé-suspension) ; v. déjà (en référé-liberté) CE Ord., 7 sept. 2023, Association Action Droits des Musulmans, n° 487891, cons. 2, en ajoutant le terme « notamment ». Dans ma thèse préc., j’évoquais déjà le cas des « jupes longues ou d’abayas », pp. 456 et s., spéc. 459-460
7 « Le patron de l’ONU s’en prend implicitement à la France et à l’interdiction de l’abaya à l’école », nouvelobs.com 20 sept. 2023 : « À travers le monde, les droits des femmes, y compris les droits sexuels et reproductifs, sont réduits, voire supprimés, leurs libertés restreintes. Dans certains pays, les femmes et les filles sont punies parce qu’elles portent trop de vêtements. Dans d’autres, parce qu’elles n’en portent pas assez ».
8 AL FRA 13/2023, lettre de 13 p. du 27 oct. 2023 (jointe à l’article de David Perrotin, « “Profilage racial” : l’interdiction de l’abaya par Attal “préoccupe” des rapporteuses de l’ONU », Mediapart 10 janv. 2024), spéc. pp. 3 et 6, rappelant entretemps – page 5 – l’annonce de la ministre des Sports, le 24 septembre 2023, « que les athlètes françaises ne seraient pas autorisées à porter un hijab aux Jeux Olympiques d’été de Paris 2024 ». Comptant également treize pages et datée du 20 décembre, la réponse du Gouvernement français a été adressée deux jours plus tard par la Mission Permanente de la France auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales en Suisse (LF/cda/2023-0555181, 22 déc. 2023, 13 p. Ce document se retrouve lui aussi à l’aide du moteur de recherches des communications : https://spcommreports.ohchr.org/).
9 V. déjà les décisions et observations rappelées dans mon billet intitulé « Foulard et enfance : la position des institutions onusiennes », 26 août 2018
10 D’autant que le courrier précité a dû être rendu public en décembre, même s’il est possible de comprendre qu’il soit relayé avec un certain délai ; mutatis mutandis, « Un élève peut-il recevoir un signe religieux d’un membre de l’établissement alors qu’il est dans une école publique ? », nicematin.com (avec AFP) 12 janv. 2024, signalant Crim., 5 déc. 2023, n° 22-87459, arrêt lui-même fondé sur la décision de non-renvoi de QPC de la même chambre de la Cour de cassation (20 juin 2023, n° 22-87459).
11 V. « l’édito médias » de Pauline Bock, « Israël-Gaza : plaidoirie sudafricaine et silence médiatique », arretsurimages.net 13 janv. 2024 (sur le même site, v. le billet de Daniel Schneidermann, « Gaza : Génocide, ou crime contre l’humanité ? », le 11, à partir du Retour à Lemberg de Philippe Sands – que j’évoquais in fine le 30 juillet 2018).
12 Disponible ici, cet Avis de la CIJ est brièvement mentionné dans ma thèse ; il fait l’objet de ma note de bas de page 954, n° 1998

Sécurité sociale et école inclusive (à partir de deux décisions du Conseil constitutionnel)

S’il est possible d’avoir conscience de l’importance du système de protection sociale en l’ayant abordé d’une manière largement théorique, avoir eu à en bénéficier directement rend encore plus sensible à la nécessité de le préserver. Au terme de cette année 2023, qui m’a conduit à m’intéresser professionnellement aux politiques publiques de logement et de santé – en m’éloignant donc du droit de l’éducation –, je réagis ici brièvement à deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel.

Campagne de pétitions intitulée « Pas de taxe sur ma santé », renouvelée cette année et à laquelle participe Mutami : v. Jocelyne Le Roux et Sophie Elorri (entretien avec, par Delphine Delarue), « Nous devons revenir aux fondamentaux d’une Sécurité sociale de haut niveau », vivamagazine.fr 4 déc. 2023 (la présidente déléguée concède « quelques mesures en faveur de la prévention, notamment dans le domaine de la lutte contre la précarité menstruelle », avant de déplorer : « En vingt ans, les taxes sur les contrats santé ont été multipliées par 8. Elles atteignent aujourd’hui 14,1 %. Et depuis plusieurs années, on assiste à un désengagement de la Sécurité sociale et à un transfert de ses charges vers les mutuelles ». V. aussi Astrid Cousin, « Mutuelle et réforme 100% Santé : changements en vue pour janvier 2024 », magnolia.fr 25 avr. 2023, notant que les organismes complémentaires « financent déjà 70% de [cette réforme] » – remontant à 2019 et supprimant les restes à charge, pour lutter contre le renoncement aux soins).

Dans la première, ses membres ont refusé que « le versement des indemnités journalières [(d’arrêt de travail) soit] désormais suspendu par l’organisme local d’assurance maladie sans l’intervention préalable du service du contrôle médical », autrement dit sur la seule base du « rapport du médecin diligenté par l’employeur »1CC, 21 déc. 2023, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, n° 2023-860 DC, cons. 44 ; v. « Une mesure polémique sur les arrêts de travail censurée par le Conseil constitutionnel », publicsenat.fr 22 déc. 2023, résumant ce qui a été par ailleurs validé, notamment « la limitation à trois jours – sauf exception – des arrêts de travail par téléconsultation. Une durée correspondant au délai de carence non indemnisé par la Sécu »..

Cette inconstitutionnalité se fonde sur les termes de l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946, dont la seconde phrase prévoit : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence »2À propos de cette affirmation explicite d’un droit, v. ma thèse, 2017, en note de bas de page 646, n° 112 ; concernant la formule reprise à la fin de ce considérant 41, v. Grégory Mollion, « Les garanties légales des exigences constitutionnelles », RFDC 2005, p. 257 ; Ariane Vidal-Naquet, Les  « garanties  légales  des  exigences constitutionnelles » dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, thèse Panthéon-Assas, 2007, 671 p..

Illustration reprise depuis le texte intitulé « École inclusive : un projet de réforme en trompe-l’œil », accens-avocats.com 13 oct. 2023

La seconde décision, rendue une semaine plus tard, sanctionne le recours à « une procédure contraire à la Constitution » dans l’insertion dans la loi de finances de plusieurs dispositions3V. aussi Elsa Conesa, « Budget 2024 : le « cadeau fiscal » à la FIFA censuré », Le Monde 30 déc. 2023, p. 10 ; c’est en particulier le cas de l’« article 233 [qui réécrivai]t l’article L. 351-3 du code de l’éducation afin de prévoir la création de pôles d’appui à la scolarité4Ces « pôles d’appui à la scolarité » (PAS) devaient se substituer aux « pôles inclusifs d’accompagnement localisés [PIAL] créés dans chaque département [pour assurer] la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires » (art. 25 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance – prévoyant par ailleurs « l’extension des obligations des communes en matière scolaire », pour reprendre le titre mon focus publié à l’AJCT 2020, p. 28 ; v. Éléa Pommiers, « Une réforme de l’école inclusive censurée par le Conseil constitutionnel », Le Monde 31 déc. 2023-2 janv. 2024, p. 10 (cet article prend place après celui d’Isaline Boiteux, « Un arrêt maladie sans carence pour les victimes de fausse couche », rappelant qu’une « femme sur dix est confrontée à une interruption spontanée de grossesse au cours de sa vie, soit près de 200 000 grossesses chaque année. (…) Cette mesure, adoptée à l’unanimité par le Parlement le 29 juin 2023 dans le cadre de la loi visant à favoriser [leur] accompagnement psychologique [et qui entre en vigueur le premier janvier], entend lever un frein qui pouvait jusqu’alors les empêcher de prendre le temps de récupérer »). chargés de définir, pour certains établissements scolaires, les mesures d’accessibilité destinées à favoriser la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers »5CC, 28 déc. 2023, Loi de finances pour 2024, n° 2023-862 DC, cons. 133 et 130 ; v. Dominique Momiron, « Sale temps pour l’école inclusive (II) », cafepedagogique.net 20 nov. 2023, lequel avait anticipé l’éventualité que cet article soit considéré comme un « cavalier législatif », et rappelle que les élèves en situation de handicap « sont minoritaires en nombre dans le contingent des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers » (avant de préciser ; v. aussi la fin de mon billet du 3 avr. 2018 et, cette année, le colloque intitulé Les « élèves à besoins éducatifs particuliers » (EBEP) : regards des sciences sociales (15-16 juin), actu.univ-fcomte.fr 22 mai 2023)..

Le Collectif Handicaps, regroupement d’une cinquantaine d’associations, s’était dressé contre cet article (53, selon le projet de loi) : « Alors que la France a été condamnée à plusieurs reprises par l’ONU et le Conseil de l’Europe pour violation du droit à l’éducation, il est urgent de se doter d’une véritable vision politique sur l’école inclusive. L’heure n’est plus au catalogue de mesures, mais à une politique publique cohérente portant à la fois sur la coopération entre les différents acteurs et la formation des équipes pédagogiques et médico-sociales pour répondre aux besoins de tous les enfants, sans exclusion d’aucune situation de handicap »6Communiqué intitulé « Création des Pôles d’Appui à la Scolarité : le Projet de Loi de Finances 2024 ne peut pas être adopté en l’état » (collectifhandicaps.fr 19 oct. 2023) ; pour les décisions auxquelles il est fait allusion, v. ma thèse pp. 795 et s., mon billet du 25 févr. 2019 et CEDS, 19 oct. 2022, Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe c. France, n° 168/2018, décision sur le bien-fondé (rendue publique le 17 avr. 2023), §§ 231 à 273 (signalant et résumant cette décision, v. lexisveille.fr le 19). Dans la jurisprudence administrative, annulant CAA Lyon, 8 nov. 2018, n° 16LY04217 (v. le premier point de mon billet du 8 avril 2019), CE, 19 juill. 2022, n° 428311.

Photo reprise depuis le recueil de témoignages d’Andrea Desideri, intitulé « On est oubliées, on n’existe pas », revolutionpermanente.fr 3 oct. 2023 ; à propos des accompagnant·es d’élèves en situation de handicap (AESH), v. mon billet du 30 sept. 2018, la note 11 de celui du 29 déc. 2019, cette Rép. min. publiée au JO Sénat 17 oct. 2019, p. 5286 et, en application de l’article 25 de la loi Blanquer – venu modifier l’art. L. 917-1 du Code de l’éducation –, le décret n° 2020-1287 du 23 oct. « portant création de l’indemnité de fonctions particulières allouée aux [AESH référent·e·s], avec l’arrêté correspondant, fixant son montant à 600 euros, « à compter du mois de septembre 2020 ». Citée en note 6 du présent billet, une décision du CEDS comprend des développements spécifiques aux AESH (§§ 69-70, 234 à 238 et 264 à 272).

« “Rapprocher le médico-social et l’école, apporter des réponses plus rapides à des familles et des élèves qui aujourd’hui attendent de long mois sont autant d’impératifs sur lesquels le ministère avancera dans les prochains mois, quel qu’en soit le vecteur”, a réagi la Rue de Grenelle auprès du Monde après la censure du Conseil constitutionnel »7Éléa Pommiers, art. préc., laquelle commente : « Si l’essentiel des réformes de l’éducation nationale passe par la voie réglementaire, ces transformations de l’école inclusive ne pourront vraisemblablement pas faire l’économie d’une loi – et donc de débats parlementaires alors même que le gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue »..

Ce dernier a enregistré, durant cette même semaine, quatre saisines relatives à la constitutionnalité de la loi « immigration »8Yves-Marie Robien, « Loi immigration : le Conseil constitutionnel saisi quatre fois », ouest-france.fr 27 déc. 2023, dans un contexte où la « dénonciation d’un “gouvernement des juges” français et européens a été largement relayée par les têtes d’affiche des médias du groupe Bolloré9V. la cartographie « Médias français, qui possède quoi ? », Le Monde diplomatique et Acrimed, déc. 2023, notamment les animateurs Cyril Hanouna et Pascal Praud, ou le chroniqueur Mathieu Bock-Côté »10Clément Guillou, « L’État de droit, nouvelle frontière du RN contre l’immigration », Le Monde 29 déc. 2023, p. 8, présentant ce front comme la seconde de ses « guerres idéologiques sur l’immigration » – avec « la préférence nationale, dont le principe a été inscrit par le parti Les Républicains (LR) dans cette loi avec l’aval de la majorité ». Ajout le 4 janvier de la tribune signée ce jour dans le même quotidien par Elvire Guillaud et Michaël Zemmour, « Le critère de nationalité n’est pas, depuis les origines, dans le répertoire de la Sécurité sociale », p. 20, notant qu’« à [leur] connaissance, personne, à l’université ou dans les administrations, n’a songé jusqu’ici à évaluer l’impact d’un tel tournant xénophobe de la politique sociale »..

« Dès le 9 décembre, la Défenseure des droits Claire Hédon a alerté dans une tribune au Monde et souligné combien ce texte de loi était d’une “gravité majeure pour les droits fondamentaux” des personnes étrangères en France »11Nejma Brahim, « Immigration : une loi qui bafoue les droits les plus fondamentaux », Mediapart 19 déc. 2023 ; d’une manière plus générale, la défenseure des droits a antérieurement déclaré à basta! que, si la dématérialisation peut faciliter les démarches, elle « ne doit pas signifier la disparition du téléphone et de l’accueil dans les services publics. Le problème est là : les réclamants ne peuvent plus aller voir quelqu’un » (Claire Hédon – entretien avec, par Ivan du Roy et Pierre Jequier-Zalc –, « L’intersectionnalité n’est pas un gros mot », basta.media 9 févr. 2022, citation reprise par Emma Bougerol, « Payer pour percevoir ses aides : le désengagement de l’État laisse place au privé », basta.media 28 août 2023 ; à propos des titres de séjour, Nathan Chaize, « À Lyon, la préfecture du Rhône “fabrique elle-même ses sans-papiers” », lyoncapitale.fr 3 mai 2023). ; le Conseil constitutionnel saura-t-il les protéger, en saisissant notamment l’occasion d’affirmer enfin clairement le droit à l’éducation (en l’occurrence de celles poursuivant des études supérieures)12V. mes billets des 25 juill. 2019 et 26 mars 2020 ; comparer avec les saisines des parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat, les 26 et 27 déc. 2023, contre cette Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (2023-863 DC ; disponibles ici) : concernant les étudiant·es, l’argumentation repose sur la « liberté d’enseignement » et/ou le « principe d’égalité » (v. respectivement les pp. 11-12 et 19-21 ; s’agissant de ces alternatives au droit à l’éducation, pour reprendre le titre de la première partie de ma thèse, pp. 59 et s., v. spéc. mes pp. 183 à 279 – et, à propos de la jurisprudence constitutionnelle, 1097 à 1099). ?

Notes

1 CC, 21 déc. 2023, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, n° 2023-860 DC, cons. 44 ; v. « Une mesure polémique sur les arrêts de travail censurée par le Conseil constitutionnel », publicsenat.fr 22 déc. 2023, résumant ce qui a été par ailleurs validé, notamment « la limitation à trois jours – sauf exception – des arrêts de travail par téléconsultation. Une durée correspondant au délai de carence non indemnisé par la Sécu ».
2 À propos de cette affirmation explicite d’un droit, v. ma thèse, 2017, en note de bas de page 646, n° 112 ; concernant la formule reprise à la fin de ce considérant 41, v. Grégory Mollion, « Les garanties légales des exigences constitutionnelles », RFDC 2005, p. 257 ; Ariane Vidal-Naquet, Les  « garanties  légales  des  exigences constitutionnelles » dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, thèse Panthéon-Assas, 2007, 671 p.
3 V. aussi Elsa Conesa, « Budget 2024 : le « cadeau fiscal » à la FIFA censuré », Le Monde 30 déc. 2023, p. 10
4 Ces « pôles d’appui à la scolarité » (PAS) devaient se substituer aux « pôles inclusifs d’accompagnement localisés [PIAL] créés dans chaque département [pour assurer] la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires » (art. 25 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance – prévoyant par ailleurs « l’extension des obligations des communes en matière scolaire », pour reprendre le titre mon focus publié à l’AJCT 2020, p. 28 ; v. Éléa Pommiers, « Une réforme de l’école inclusive censurée par le Conseil constitutionnel », Le Monde 31 déc. 2023-2 janv. 2024, p. 10 (cet article prend place après celui d’Isaline Boiteux, « Un arrêt maladie sans carence pour les victimes de fausse couche », rappelant qu’une « femme sur dix est confrontée à une interruption spontanée de grossesse au cours de sa vie, soit près de 200 000 grossesses chaque année. (…) Cette mesure, adoptée à l’unanimité par le Parlement le 29 juin 2023 dans le cadre de la loi visant à favoriser [leur] accompagnement psychologique [et qui entre en vigueur le premier janvier], entend lever un frein qui pouvait jusqu’alors les empêcher de prendre le temps de récupérer »).
5 CC, 28 déc. 2023, Loi de finances pour 2024, n° 2023-862 DC, cons. 133 et 130 ; v. Dominique Momiron, « Sale temps pour l’école inclusive (II) », cafepedagogique.net 20 nov. 2023, lequel avait anticipé l’éventualité que cet article soit considéré comme un « cavalier législatif », et rappelle que les élèves en situation de handicap « sont minoritaires en nombre dans le contingent des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers » (avant de préciser ; v. aussi la fin de mon billet du 3 avr. 2018 et, cette année, le colloque intitulé Les « élèves à besoins éducatifs particuliers » (EBEP) : regards des sciences sociales (15-16 juin), actu.univ-fcomte.fr 22 mai 2023).
6 Communiqué intitulé « Création des Pôles d’Appui à la Scolarité : le Projet de Loi de Finances 2024 ne peut pas être adopté en l’état » (collectifhandicaps.fr 19 oct. 2023) ; pour les décisions auxquelles il est fait allusion, v. ma thèse pp. 795 et s., mon billet du 25 févr. 2019 et CEDS, 19 oct. 2022, Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe c. France, n° 168/2018, décision sur le bien-fondé (rendue publique le 17 avr. 2023), §§ 231 à 273 (signalant et résumant cette décision, v. lexisveille.fr le 19). Dans la jurisprudence administrative, annulant CAA Lyon, 8 nov. 2018, n° 16LY04217 (v. le premier point de mon billet du 8 avril 2019), CE, 19 juill. 2022, n° 428311
7 Éléa Pommiers, art. préc., laquelle commente : « Si l’essentiel des réformes de l’éducation nationale passe par la voie réglementaire, ces transformations de l’école inclusive ne pourront vraisemblablement pas faire l’économie d’une loi – et donc de débats parlementaires alors même que le gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue ».
8 Yves-Marie Robien, « Loi immigration : le Conseil constitutionnel saisi quatre fois », ouest-france.fr 27 déc. 2023
9 V. la cartographie « Médias français, qui possède quoi ? », Le Monde diplomatique et Acrimed, déc. 2023
10 Clément Guillou, « L’État de droit, nouvelle frontière du RN contre l’immigration », Le Monde 29 déc. 2023, p. 8, présentant ce front comme la seconde de ses « guerres idéologiques sur l’immigration » – avec « la préférence nationale, dont le principe a été inscrit par le parti Les Républicains (LR) dans cette loi avec l’aval de la majorité ». Ajout le 4 janvier de la tribune signée ce jour dans le même quotidien par Elvire Guillaud et Michaël Zemmour, « Le critère de nationalité n’est pas, depuis les origines, dans le répertoire de la Sécurité sociale », p. 20, notant qu’« à [leur] connaissance, personne, à l’université ou dans les administrations, n’a songé jusqu’ici à évaluer l’impact d’un tel tournant xénophobe de la politique sociale ».
11 Nejma Brahim, « Immigration : une loi qui bafoue les droits les plus fondamentaux », Mediapart 19 déc. 2023 ; d’une manière plus générale, la défenseure des droits a antérieurement déclaré à basta! que, si la dématérialisation peut faciliter les démarches, elle « ne doit pas signifier la disparition du téléphone et de l’accueil dans les services publics. Le problème est là : les réclamants ne peuvent plus aller voir quelqu’un » (Claire Hédon – entretien avec, par Ivan du Roy et Pierre Jequier-Zalc –, « L’intersectionnalité n’est pas un gros mot », basta.media 9 févr. 2022, citation reprise par Emma Bougerol, « Payer pour percevoir ses aides : le désengagement de l’État laisse place au privé », basta.media 28 août 2023 ; à propos des titres de séjour, Nathan Chaize, « À Lyon, la préfecture du Rhône “fabrique elle-même ses sans-papiers” », lyoncapitale.fr 3 mai 2023).
12 V. mes billets des 25 juill. 2019 et 26 mars 2020 ; comparer avec les saisines des parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat, les 26 et 27 déc. 2023, contre cette Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (2023-863 DC ; disponibles ici) : concernant les étudiant·es, l’argumentation repose sur la « liberté d’enseignement » et/ou le « principe d’égalité » (v. respectivement les pp. 11-12 et 19-21 ; s’agissant de ces alternatives au droit à l’éducation, pour reprendre le titre de la première partie de ma thèse, pp. 59 et s., v. spéc. mes pp. 183 à 279 – et, à propos de la jurisprudence constitutionnelle, 1097 à 1099).

En attendant l’avis du Conseil d’État : recourir à l’IEF ou l’empêcher, de quel droit ?

« Dès la rentrée 2021, l’instruction (…) à domicile [ci-après en famille, l’IEF] sera strictement limitée, notamment aux impératifs de santé » ; ainsi l’a décidé Emmanuel Macron, le vendredi 2 octobre dernier, après en avoir « beaucoup débattu avec les ministres »1« Discours du Président de la République sur le thème de la lutte contre les séparatismes », elysee.fr 2 oct. 2020.

Capture d’écran de cette vidéo du 12 nov. : le geste d’Alana (10 ans, au premier plan) semble assez spontané ; et son sourire, juste après, m’a désarmé… (avertissement : c’est pas parce que je l’ai « capturée », que le chercheur que je suis écrit « pour l’IEF » ; peut-être seulement contre l’idée d’« [i]nterdire, limiter, forcer, obliger » ? En l’état, je ne sais pas !)

Cette annonce a surpris, alors que des écoles étaient fermées2« Covid19 – Point de situation du vendredi 2 octobre 2020 » (« Données arrêtées au jeudi à 13h »), education.gouv.fr ; surtout, qu’un tel moment soit choisi – un mois après la rentrée – pour annoncer une telle restriction pouvait difficilement être anticipé : quelques mois auparavant seulement, un rappeur havrais avait ainsi pu dédicacer un morceau « aux parents, qui ont fait l’école à la maison pendant le confinement » (ça rime)3Jules Pecnard, « Quand Édouard Philippe découvrait l’existence du rappeur Médine », lefigaro.fr 11 juin 2018 ; Arte. Les concerts à la maison, 29 avr. 2020, à 3’30.

Certaines pratiques allaient « vraiment au cœur de la « coéducation » », notait dès la mi-avril Benoît Urgelli – un chercheur en sciences de l’éducation4Benoît Urgelli (v. la note suivante et, plus généralement, univ-lyon2.fr) ; au passage, v. la Lettre d’information du laboratoire Éducation, Cultures, Politiques (ECP), nov. 2020, n° 4 (signalant l’ouvrage de Claire Polo, Le débat fertile. Explorer une controverse dans l’émotion, UGA éd.), avec ce propos introductif de Stéphane Simonian : « Par ces temps difficiles, la recherche est peut-être une ressource, un souffle. Mais elle ne saurait masquer un contexte chahuté par la crise sanitaire qui désorganise nos modes de fonctionnement et d’organisation » ; à cet égard, je tiens à remercier encore les personnes que j’ai sollicitées récemment – notamment celle qui m’a permis d’emprunter l’ouvrage ci-dessus, dans la foulée de ma « descente » ce mercredi 25 (ce bref passage à Grenoble m’a aussi permis de continuer à parcourir le livre de Françoise Waquet, Une histoire émotionnelle du savoir (XVIIe-XXIe siècle), CNRS éd., 2019, en particulier les développements titrés « La bibliothèque : lieux désertés, lieux aimés », pp. 73 et s.)., par ailleurs administrateur de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) du Rhône et de la métropole de Lyon5Benoît Urgelli (entretien avec, par Violaine Morin), « Les enfants vont perdre deux mois d’école, est-ce un drame ? », Le Monde 16 avr. 2020, p. 14 ; le 24 juin, Philippe Bongrand revenait pour les Savanturiers à « ce qu’on appelle aujourd’hui, mais pas hier, la coéducation » : v. les premières minutes du webinaire « Se repérer dans la galaxie de l’école à la maison », organisé dans le cadre de l’Université numérique de l’éducation ; ces regards croisés avec Pauline Proboeuf, animés par Ange Ansour, ont été mis en ligne le 2 juill.. Dans le même esprit enthousiaste, Julie Gameiro, professeure des écoles stagiaire à Nîmes, a « saisi l’occasion, « trop belle », du confinement, pour consacrer son mémoire à l’évolution de [la] relation parents/enseignants »6Lorraine Rossignol, « La coéducation, une révolution », Télérama le 1er, n° 3677, p. 36, spéc. p. 38, concernant l’école du Mas de Mingue ; s’agissant de celle dite Jean-Moulin, également à Nîmes, v. le 4 (au passage, à propos du résistant qui fût son secrétaire, v. Jean Chichizola, lefigaro.fr 26 nov., rappelant sa prise de position publique du 30 avr. 2017 : « Marine Le Pen (…), c’est la France de Maurras qui continue » ; Jean Lebrun, qui connaissait bien Daniel Cordier, revient en des termes touchants sur ce « mort à cent ans ». Critiquant l’hommage national aux Invalides, Olivier Charneux, tetu.com le 27 ; v. enfin Hugo Ruaud, publicsenat.fr le 29 : « Hubert Germain, centenaire, est le dernier représentant vivant des Compagnons de la Libération. Inévitablement, la question de la postérité se pose. Bien sûr, les communes concernées sont garantes de cette mémoire » ; parmi elles, Grenoble, ainsi que je le rappelais dans mon billet du 30 mai (en note 2)..

Alors qu’il était affirmé que l’« école redevient obligatoire »7Le Monde 23 juin, p. 15 ; v. depuis la toute première phase prononcée par « Karim Benmiloud, le recteur de l’académie de Clermont-Ferrand, [qui prévoyait] « une rentrée particulière mais sereine et apaisée », lamontagne.fr 27 août 2020. « On attribue à Joseph Goebbels la phrase « un mensonge répété mille fois se transforme en vérité ». Il n’a pas été prouvé que cette citation vient bien de lui » (nospensees.fr 19 oct. 2017) ; en tout état de cause, l’idée selon laquelle l’école serait « obligatoire », depuis Jules Ferry, a peut-être fini par être une vérité au sein de l’Éducation nationale, facilitant ainsi l’annonce de l’officialiser (juridiquement)., le Conseil d’État ordonnait de ne pas statuer « sur la requête d’appel de la commune de Marseille » : un juge des référés du tribunal administratif (TA) de cette ville lui avait enjoint, le 5 juin, « de mettre en œuvre, dans un délai de trois jours à compter de son ordonnance [n° 2004097], les modalités d’accueil des élèves âgés de trois et plus dans les classes des toutes petites sections et des petites sections » ; « compte tenu de ce qu’au plan national, toutes les écoles maternelles, tous niveaux de classe confondus, accueillent à nouveau l’ensemble de leurs élèves depuis le 22 », la ou le juge estimait le lendemain que les conclusions de « la commune de Marseille ont perdu leur objet » (n° 441106, cons. 5).

Dans les derniers jours de septembre, j’intégrais cette ordonnance à des observations qui viennent d’être publiées : j’insiste ici sur le contraste avec les prises de positions des juges de TA, acceptant avec beaucoup de facilité l’invocation du droit à l’éducation8« Les maires et le déconfinement, ou le déploiement du droit à l’éducation en référé », AJCT 2020, p. 542 (n° 11 du 19 nov., sommaire), obs. sous TA Montreuil Ord., 20 mai 2020, Mme Aline C., n° 2004683 ; Toulon le 28, Préfet du Var, n° 201320 ; La Réunion le 29, Mmes X. et Y., n° 2000415 ; Marseille le 5 juin, Mme Abderrahman Ben Allel et a., n° 2004097 ; Guadeloupe le même jour, M. B. A., n° 2000422 ; Nîmes les 9 et 10, Préfet du Gard, n° 2001571 (2001572, 2001573, 2001576 et 2001577) et n° 2001594) ; CE Ord., le 23, Commune de Marseille, préc. ; c’est qu’il s’agissait, dans cette configuration contentieuse, non pas de l’opposer à l’État, mais de lui donner raison.

Durant le premier confinement, Patricia Rrapi remarquait que « la protection de la santé devient un droit du gouvernement »9Patricia Rrapi, « Le Préambule de la Constitution de 1946, fondement constitutionnel de l’état d’urgence », La Revue des Droits de l’Homme ADL 8 juin, § 13, avant montrer en quoi ce cons. 17 « favorise aussi un éclatement plus général encore ». ; à l’occasion du second (ou deuxième ?), s’agirait-il que ce « droit » recouvre aussi celui à l’éducation (ou à l’instruction)) ?

Les deux mois qui viennent de s’écouler m’incitent à formuler cette hypothèse de travail : sollicité à plusieurs reprises, j’ai en effet profité du report d’un colloque pour réfléchir un peu à la question. En cette fin d’année où il aura mieux fallu rester chez soi10Mona Chollet, Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique, La Découverte, 2015 ; lire Ousama Bouiss, « Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? Les enseignements de Pierre Bayard », theconversation.com 14 mars 2019 : « se libérer de la volonté de paraître cultivé », un beau projet ! Aux éditions de Minuit, en 2007, il proposait « le concept de « bibliothèque collective » » ; et d’inviter à « se pencher davantage sur [chaque livre et] sa situation »., je l’ai fait notamment en échangeant, après avoir monté au séchoir une remorque de noix (dioises)11Non loin de ma maman – ça rime aussi avec confinement -, et avec mon papa, dans un endroit « parfois appelée la pampa » (Pierre Lasterra, « Une 3e circonscription vaste, disparate et indécise… », ledauphine.com 30 mai 2012 – soit un mois avant la dernière réélection d’Hervé Mariton (UMP) – avant de préciser qu’elle « est une des plus vastes de France »..

Plus récemment, il y a neuf jours exactement, l’une des trois députées LaREM du département12« Dans la Drôme, quatre femmes élues députées », ledauphine.com 18 juin 2017 alertait Jean Castex : des « familles drômoises se sont senties profondément touchées par le discours prononcé par le Président » ; récusant tout « parallèle entre l’IEF et [la] rupture avec les valeurs de notre République »13Comparer Philippe Bongrand (entretien avec, par Cécile Bourgneuf, « L’existence de cas de radicalisation est incontestable, mais c’est marginal », Libération (site web) 4 oct. 2020 ; v. surtout sa tribune avec l’équipe ANR SociogrIEF, « La décision de supprimer l’instruction en famille, sauf raison de santé, justifierait un débat public », Le Monde le 15, p. 29 : leurs « recherches montrent la très grande diversité des motivations des familles », irréductibles « aux dimensions religieuses ou « séparatistes » » ; entretemps, Valentin Bertrand, « Les écoles par correspondance défendent leur raison d’être », francebleu.fr le 11 : « « Bienvenue dans la cellule de radicalisation », ironise Cyril Metreau »., et s’affirmant « particulièrement attentive à ce que [la] majorité soit à la hauteur du débat parlementaire sur un sujet de société majeur », l’élue voudrait « pouvoir disposer de données, de raisons voire d’un argumentaire précis et étayé justifiant de l’obligation de l’instruction à l’école dès 3 ans »14Communiqué de presse, à partir du texte « La députée de la Drôme Célia de Lavergne interpelle le Premier Ministre au sujet de l’Instruction en famille… », mediascitoyens-diois.info 20 nov. 2020 (avec les coordonnées de Kim O’Dowd, son attachée parlementaire)..

Auparavant, Célia de Lavergne ajoute toutefois : « L’Instruction en famille est un droit (…), et ce depuis 1882 » ; est-ce vrai ? Et est-elle, selon cette loi dite Ferry, « un droit au même titre que l’instruction dans les écoles ou les établissements scolaires publics ou privés » (comme affirmé dans le passage d’abord tronqué) ? Il est permis d’en douter15V. le texte d’André D. Robert et Jean-Yves Seguy, « L’instruction dans les familles et la loi du 28 mars 1882 : paradoxe, controverses, mise en œuvre (1880-1914) », Histoire de l’éducation 2015/2, n° 144, pp. 29 et s., lesquels commencent par rappeler les termes de son article 4, qui ne fait que réserver la possibilité de donner l’enseignement primaire obligatoire « dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu’il aura choisie »., surtout si l’on veut bien prêter attention aux affirmations onusiennes et européennes du droit à l’éducation depuis 194816Pour un aperçu du droit international par l’initiative collaborative RTE, « Existe-t-il un droit à l’instruction à domicile ? », right-to-education.org, 2018 ; et de conclure : « la réponse est non »., préalables à la reformulation du droit français (en 1975, 1989 et 1998 – qu’elle reconnaît en faisant allusion à la bien mal-nommée loi n° 98-1165 du 18 décembre17Une loi qui n’a « pas été déférée au Conseil constitutionnel », comme le note Pierre-Henri Prélot, « L’enseignement privé confessionnel primaire et secondaire », in Francis Messner, Pierre-Henri Prélot et Jean-Marie Woehrling (dir.), Traité de droit français des religions, LexisNexis, 2ème éd., 2013, p. 1826, en note de bas de page, après avoir affirmé : « La liberté de l’enseignement domestique comme composante essentielle de la liberté de l’enseignement n’est guère soulignée en doctrine. Elle est pourtant essentielle » ; et de la reformuler en « droit », avant d’aller jusqu’à le qualifier – trois pages plus loin – de « fondamental (…), étant entendu que l’instruction constitue un droit pour les enfants et une obligation pour les parents ». À la RDLF 2018, thèse n° 10, je reviens sur les confusions suscitées par la référence à « l’obligation scolaire », en écrivant que le Conseil constitutionnel pourrait aider à les dissiper en rehaussant la référence au droit à l’éducation ; une occasion de le consacrer enfin pourrait être donnée par le projet de loi annoncé., plus précisément à son article premier in fine).

Dans ma thèse (2017), la démonstration de ma première partie aboutit à la conclusion selon laquelle le service public et les libertés publiques sont des références non seulement alternatives au droit à l’éducation, mais aussi porteuses des droits de l’État [et] des parents (notamment)18Je reprends ici à nouveau, en la raccourcissant un peu, une phrase de mon résumé préc. ; si je m’étais employé à tenter de contrer la tendance qui m’apparaissait dominer dans ma « communauté » de formation – celle des juristes (pas franchement étatiste sur les questions scolaires) –, je me demande aujourd’hui si j’ai assez critiqué sa symétrique (pour aller vite), consistant à rabattre ce droit sur celui parfois reconnu à l’État.

« Jérôme est venu de Grenoble pour exprimer son inquiétude. © Radio France » ; photo prise devant la préfecture par Claire Guédon (« “On nous prive de liberté” : des parents manifestent pour défendre l’école à la maison à Valence », francebleu.fr 20 nov. 2020)

Cette autre tendance se manifestait dans l’avis « rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi relatif à une école de la confiance », il y a tout juste deux ans19Avis rendu public par le Gouvernement le 5 déc. 2018 (v. infra la note 22). : après avoir partiellement repris à son compte un arrêt20CE, 19 juill. 2017, Assoc. Les Enfants d’Abord et a., n° 406150, cons. 3 – arrêt assez habilement écarté par Jean-Éric Schoettl, membre honoraire de l’institution (Le Figaro 9 oct. 2020, n° 23684, p. 18) puis mobilisé par Me Bernard Fau (v. la vidéo de Droit Instruction 17 nov. 2020, « diffusée par les associations Led’a, Laia, Cise, Unie et les collectifs Félicia et L’école est la maison »)., le Conseil d’État prêtait à la Cour européenne une décision de la Commission21Comm.EDH, 6 mars 1984 (v. infra)., cette erreur22Avis préc. du 29 nov. 2018 (public le 5 déc.), n° 396047, §12 ; « Depuis que la Cour européenne des droits de l’homme a été rendue permanente, le 1er novembre 1998, la commission a été supprimée », rappelle wikipedia.org (page actualisée le 25 nov. 2019). Ajout au 23 février 2021 – alors que je me suis remis « à l’IEF » (v. la toute dernière note) –, en me bornant pour l’heure à faire observer que cette erreur a été réitérée (v. supra ma note 7) au § 60 de « l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi « confortant le respect, par tous, des principes de la République » (dit « séparatisme » ou laïcité) », mis en ligne par l’avocat Éric Landot le 7 déc. 2020, rendu public par le Gouvernement à la date symbolique du 9 décembre (conseil-etat.fr) ; v. supra ma deuxième illustration, avec les « critiques de l’historien » Jean Baubérot (entretien avec, par Claire Legros), « Le gouvernement affirme renforcer la laïcité, alors qu’il porte atteinte à la séparation des religions et de l’État », Le Monde 15 déc. 2020, p. 30 (annoncé à la Une, ce mardi-là) : « Dans ses discours de Mulhouse [le 18 février] et des Mureaux [le 2 octobre], Emmanuel Macron cherchait un équilibre entre le séparatisme produit par la République et le radicalisme religieux. Il n’en reste rien dans le projet de loi (…) ». pouvant s’expliquer par la reprise de la même formule depuis23CEDH, 11 sept. 2006, Konrad c. Allemagne, n° 35504/03 ; il aurait toutefois été mieux inspiré en en citant une autre, selon laquelle la seconde phrase de l’article 2 du premier protocole additionnel à la Convention « consacre le rôle de l’État dans le domaine de l’éducation »24Je reprends ici l’essentiel de ma thèse, 2017, pp. 832-833, 1030 et 1197-1198.

En effet, son prétendu « droit d’instaurer une scolarisation obligatoire » est certes affirmé, mais moyennant une importante réserve à laquelle il n’a pas été assez prêté attention : « qu’elle ait lieu dans les écoles publiques ou grâce à des leçons particulières de qualité » ; or, dans la décision citée, « instruire leurs enfants à domicile » n’avait pas été interdit aux « parents requérants »25Comm.EDH, 6 mars 1984, Famille H. c. Royaume-Uni, n° 10233/83 ; DR 37, p. 109, spéc. p. 112 ; il n’est d’ailleurs pas du tout certain que la Cour accepterait aussi facilement la condamnation pénale d’une carence parentale « sans aucun doute étroitement liée au problème de la dyslexie des enfants » (pour citer la page 111 de cette décision disponible en ligne)..

Ce n’était pas le cas non plus avec la loi alors projetée, dite Blanquer ; dans un article rédigé l’année dernière, actualisé avant son adoption, je commentais comme suit la référence au « droit à l’instruction dans la famille reconnu par le législateur » (§17 de l’avis préc.) : Si elle est permise par la loi française, ce n’est pas en tant que droit à, expression qu’il est préférable de réserver aux bénéficiaires de l’éducation pour éviter de perpétuer des confusions qui peuvent être délibérément entretenues26Extrait de ma contribution intitulée « Le droit à l’éducation », in Sara Brimo et Christine Pauti (dir.), L’effectivité des droits. Regards en droit administratif, éd. mare & martin, 2019, p. 39, spéc. pp. 47-48, avec en note n° 59 cette précision : L’éducation est le mot le plus souvent utilisé au plan international, depuis 1948 ; l’art. 2 [du premier protocole additionnel à la Conv.EDH] (« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction (…) ») est, pour ainsi dire, l’exception européenne qui confirme la règle » (reprise mot pour mot ici, pour permettre à qui le souhaite de citer – c’est mieux que de plagier)..

L’avant-projet de loi « confortant les principes républicains », dans sa version transmise au Conseil d’État, peut d’ores et déjà être consulté27V. à partir de dalloz-actualite.fr 18 nov., obs. de Pierre Januel (dans ce billet, les passages soulignés sont tous de mon fait). ; reste à savoir si et quand il sera possible de faire de même avec son nouvel avis. Ayant beaucoup appris des écrits de politistes, de socio-historien·e·s et, même parfois, de philosophes, je ne saurais trop recommander aux juristes – que la question de l’IEF intéresse – de lire en sciences de l’éducation et de la formation28Philippe Bongrand et Dominique Glasman, « Instruction(s) en famille. Explorations sociologiques d’un phénomène émergent », Revue française de pédagogie oct.-nov.-déc. 2018/4, n° 205, p. 5 (introduction au dossier, paru en février 2020) ; Jean-Marie Pottier, « Contrôler l’éducation à la maison », scienceshumaines.com août-sept. 2020, n° 328, recensant en outre les articles de Pauline Proboeuf (« S’affranchir de l’institution scolaire pour émanciper l’enfant ? », Émulations 2019, n° 29), Géraldine Farges et Élise Tenret (« Évaluer l’instruction en dehors de l’école. Une enquête sur la fabrication du jugement des inspecteurs dans les contrôles de l’instruction dans la famille », Sociologie 2020/2)..

Ouvrage cité ci-contre – à propos duquel v. infra la note 4 –, en signalant le « Chapitre 12. La question des Misérables », pp. 313 et s. Pour une lecture de cet « immense classique (…) du grand Victor Hugo », @GrandeLibrairie 26 août 2020 ; le mois suivant, « Mohamed-Iyad Smaïne, un Caladois de 15 ans, émeut [à nouveau] avec sa lecture sur RTL », leprogres.fr le 30 sept.

J’ai plaisir à terminer ce trop long billet en laissant la place à l’éloquence d’un adolescent. Pour ma part, je me retrancherai derrière un livre, écrit par deux auteurs avec lesquels j’ai d’importants désaccords ; à la réflexion, et je pèse mes mots, ils sont plus souvent théoriques et, surtout, méthodologiques, que politiques (et encore moins poétiques ; v. la légende ci-contre).

Après avoir affirmé « l’invention par Hugo de la notion de « droit de l’enfant », dont on sait la fortune juridique dans les Conventions internationales du vingtième siècle », ils en viennent à sa critique « des outrances du « droit du père » », lors de son opposition à ce qui allait devenir la loi Falloux (1850) ; « elle fait de l’enfant non un être qui s’appartient à soi, mais un être possédé par la famille, dont se trouve légitimée l’éventuelle volonté de le façonner à son gré, voire à son image. Hugo, on l’a vu, oppose « le droit de l’État » à un tel « droit » ». Dans les pages consacrées à ce discours, on peut lire que « la contrainte multiforme exercée par le « parti clérical » est vivement dénoncée » (« une loi qui a un masque. (Bravo !) ») ; et de placer en exergue, plus loin, cet extrait : « L’instruction primaire obligatoire, c’est le droit de l’enfant qui est plus sacré encore que le droit du père et qui se confond avec le droit de l’État » (v. Henri Peña-Ruiz et Jean-Paul Scot, Un poète en politique. Les combats de Victor Hugo, Flammarion, 2003, pp. 360-361, 109 et 122).

Soucieux d’éviter des relectures anachroniques29Invité récemment de la Radio chrétienne francophone (RCF) – Alsace, pour une émission intitulée « Le droit en débat », Grégor Puppinck se livre à nouveau à une lecture plus qu’orientée des textes pertinents, en particulier les travaux préparatoires du protocole additionnel à la Convention (il procède d’ailleurs à un simple copier-coller de ses Observations écrites soumises à la Cour le 9 décembre 2016, 11 p., spéc. pp. 10-11 ; Officiel ECLJ 22 oct. 2020) ; la CEDH s’est prononcée depuis et, pour le dire en une phrase, sur le modèle de mon précédent billet : Scolarisation obligatoire, la Cour européenne ne condamne pas l’Allemagne (v. mes ajouts dans celui-ci, le 20). Ajout, le 23 février 2021, de cette précision : « Les militants de l’éducation à la maison mettent régulièrement en avant que c’est une loi adoptée sous le IIIe Reich, pour des raisons d’endoctrinement. Leur débat est complexe, car une des raisons avancées pour le maintien de la loi est que l’école construit des démocrates » (Philippe Bongrand (entretien avec, par Jean-Christophe Henriet), « Ceux qui délèguent et ceux qui assument », Journal du Centre 10 avr. 2019, p. 5, à l’occasion d’une « journée d’échanges sur les modes d’instruction en Morvan »)., je me bornerai à cette piste de réflexion pour conclure : peut-être fallait-il en passer par-là, pour assurer la séparation – laïque – de l’Église (catholique) et de l’État (français) ; en pensant avec Hugo, mais aussi contre lui, l’enjeu n’est-il pas aujourd’hui d’autonomiser – voire émanciper, pour reprendre un mot qui plaît aux auteurs précités – la référence au droit à l’éducation ?

Au fait, le 25 novembre, c’était la Journée nationale contre le harcèlement (à l’école)30À partir de l’article 5 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet pour une école de la confiance, v. Valérie Piau (entretien avec, par Sophie de Tarlé), etudiant.lefigaro.fr 5 nov. ; dans l’émission Ça commence aujourd’hui, Bilal Hassani livrait ce jour-là un témoignage (avant de lancer quelques jours plus tard un appel au gouvernement, sur le plateau de Quotidien le 10). Paragraphe modifié après réflexion et révisions du présent texte (en essayant de le rendre plus lisible ; pour mes billets à venir, je me fixe ici l’objectif de diviser le nombre de notes par deux – soit 15, comme max.) ; n’hésitez pas à m’écrire si vous avez des réactions ou informations à partager, les discours du – et sur le – droit de l’IEF font partie de mes projets d’étude pour 2021 (ajout au 23 février, en renvoyant aussi à Antonello Lambertucci, « Interdiction de l’instruction à domicile : enjeux et problématiques », La Revue du SIA nov. 2020, n° 37, p. 7, ainsi qu’à mon billet suivant in fine)., lequel était présenté par la députée précitée comme l’une des causes du recours à l’IEF – il y a neuf jours, le 20, cependant qu’on célébrait les droits de l’enfant.

Ajout au 15 décembre, pour dédier ce billet à la mémoire de la tante d’un ami d’enfance, la  sœur d’une personne d’une grande hospitalité (je l’ai éprouvée plus d’une fois…) ; alors que je lui présentais mes condoléances (hier), elle m’a rappelé, d’une part, qu’elle était croyante – ce qui n’était pas vraiment un secret, pas plus qu’elle ne devrait s’offusquer que je la qualifie de « catho de gauche ». D’autre part, ou par voie de conséquence, elle m’a indiqué avoir choisi comme lecture (la semaine dernière) ce poème de Victor Hugo : « Aux arbres » (ce qui m’a conduit, évidemment, à lui parler de la deuxième illustration supra ; lire Les Contemplations, Nelson éd., 1856, poetica.fr).

Notes

1 « Discours du Président de la République sur le thème de la lutte contre les séparatismes », elysee.fr 2 oct. 2020
2 « Covid19 – Point de situation du vendredi 2 octobre 2020 » (« Données arrêtées au jeudi à 13h »), education.gouv.fr
3 Jules Pecnard, « Quand Édouard Philippe découvrait l’existence du rappeur Médine », lefigaro.fr 11 juin 2018 ; Arte. Les concerts à la maison, 29 avr. 2020, à 3’30
4 Benoît Urgelli (v. la note suivante et, plus généralement, univ-lyon2.fr) ; au passage, v. la Lettre d’information du laboratoire Éducation, Cultures, Politiques (ECP), nov. 2020, n° 4 (signalant l’ouvrage de Claire Polo, Le débat fertile. Explorer une controverse dans l’émotion, UGA éd.), avec ce propos introductif de Stéphane Simonian : « Par ces temps difficiles, la recherche est peut-être une ressource, un souffle. Mais elle ne saurait masquer un contexte chahuté par la crise sanitaire qui désorganise nos modes de fonctionnement et d’organisation » ; à cet égard, je tiens à remercier encore les personnes que j’ai sollicitées récemment – notamment celle qui m’a permis d’emprunter l’ouvrage ci-dessus, dans la foulée de ma « descente » ce mercredi 25 (ce bref passage à Grenoble m’a aussi permis de continuer à parcourir le livre de Françoise Waquet, Une histoire émotionnelle du savoir (XVIIe-XXIe siècle), CNRS éd., 2019, en particulier les développements titrés « La bibliothèque : lieux désertés, lieux aimés », pp. 73 et s.).
5 Benoît Urgelli (entretien avec, par Violaine Morin), « Les enfants vont perdre deux mois d’école, est-ce un drame ? », Le Monde 16 avr. 2020, p. 14 ; le 24 juin, Philippe Bongrand revenait pour les Savanturiers à « ce qu’on appelle aujourd’hui, mais pas hier, la coéducation » : v. les premières minutes du webinaire « Se repérer dans la galaxie de l’école à la maison », organisé dans le cadre de l’Université numérique de l’éducation ; ces regards croisés avec Pauline Proboeuf, animés par Ange Ansour, ont été mis en ligne le 2 juill.
6 Lorraine Rossignol, « La coéducation, une révolution », Télérama le 1er, n° 3677, p. 36, spéc. p. 38, concernant l’école du Mas de Mingue ; s’agissant de celle dite Jean-Moulin, également à Nîmes, v. le 4 (au passage, à propos du résistant qui fût son secrétaire, v. Jean Chichizola, lefigaro.fr 26 nov., rappelant sa prise de position publique du 30 avr. 2017 : « Marine Le Pen (…), c’est la France de Maurras qui continue » ; Jean Lebrun, qui connaissait bien Daniel Cordier, revient en des termes touchants sur ce « mort à cent ans ». Critiquant l’hommage national aux Invalides, Olivier Charneux, tetu.com le 27 ; v. enfin Hugo Ruaud, publicsenat.fr le 29 : « Hubert Germain, centenaire, est le dernier représentant vivant des Compagnons de la Libération. Inévitablement, la question de la postérité se pose. Bien sûr, les communes concernées sont garantes de cette mémoire » ; parmi elles, Grenoble, ainsi que je le rappelais dans mon billet du 30 mai (en note 2).
7 Le Monde 23 juin, p. 15 ; v. depuis la toute première phase prononcée par « Karim Benmiloud, le recteur de l’académie de Clermont-Ferrand, [qui prévoyait] « une rentrée particulière mais sereine et apaisée », lamontagne.fr 27 août 2020. « On attribue à Joseph Goebbels la phrase « un mensonge répété mille fois se transforme en vérité ». Il n’a pas été prouvé que cette citation vient bien de lui » (nospensees.fr 19 oct. 2017) ; en tout état de cause, l’idée selon laquelle l’école serait « obligatoire », depuis Jules Ferry, a peut-être fini par être une vérité au sein de l’Éducation nationale, facilitant ainsi l’annonce de l’officialiser (juridiquement).
8 « Les maires et le déconfinement, ou le déploiement du droit à l’éducation en référé », AJCT 2020, p. 542 (n° 11 du 19 nov., sommaire), obs. sous TA Montreuil Ord., 20 mai 2020, Mme Aline C., n° 2004683 ; Toulon le 28, Préfet du Var, n° 201320 ; La Réunion le 29, Mmes X. et Y., n° 2000415 ; Marseille le 5 juin, Mme Abderrahman Ben Allel et a., n° 2004097 ; Guadeloupe le même jour, M. B. A., n° 2000422 ; Nîmes les 9 et 10, Préfet du Gard, n° 2001571 (2001572, 2001573, 2001576 et 2001577) et n° 2001594) ; CE Ord., le 23, Commune de Marseille, préc.
9 Patricia Rrapi, « Le Préambule de la Constitution de 1946, fondement constitutionnel de l’état d’urgence », La Revue des Droits de l’Homme ADL 8 juin, § 13, avant montrer en quoi ce cons. 17 « favorise aussi un éclatement plus général encore ».
10 Mona Chollet, Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique, La Découverte, 2015 ; lire Ousama Bouiss, « Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? Les enseignements de Pierre Bayard », theconversation.com 14 mars 2019 : « se libérer de la volonté de paraître cultivé », un beau projet ! Aux éditions de Minuit, en 2007, il proposait « le concept de « bibliothèque collective » » ; et d’inviter à « se pencher davantage sur [chaque livre et] sa situation ».
11 Non loin de ma maman – ça rime aussi avec confinement -, et avec mon papa, dans un endroit « parfois appelée la pampa » (Pierre Lasterra, « Une 3e circonscription vaste, disparate et indécise… », ledauphine.com 30 mai 2012 – soit un mois avant la dernière réélection d’Hervé Mariton (UMP) – avant de préciser qu’elle « est une des plus vastes de France ».
12 « Dans la Drôme, quatre femmes élues députées », ledauphine.com 18 juin 2017
13 Comparer Philippe Bongrand (entretien avec, par Cécile Bourgneuf, « L’existence de cas de radicalisation est incontestable, mais c’est marginal », Libération (site web) 4 oct. 2020 ; v. surtout sa tribune avec l’équipe ANR SociogrIEF, « La décision de supprimer l’instruction en famille, sauf raison de santé, justifierait un débat public », Le Monde le 15, p. 29 : leurs « recherches montrent la très grande diversité des motivations des familles », irréductibles « aux dimensions religieuses ou « séparatistes » » ; entretemps, Valentin Bertrand, « Les écoles par correspondance défendent leur raison d’être », francebleu.fr le 11 : « « Bienvenue dans la cellule de radicalisation », ironise Cyril Metreau ».
14 Communiqué de presse, à partir du texte « La députée de la Drôme Célia de Lavergne interpelle le Premier Ministre au sujet de l’Instruction en famille… », mediascitoyens-diois.info 20 nov. 2020 (avec les coordonnées de Kim O’Dowd, son attachée parlementaire).
15 V. le texte d’André D. Robert et Jean-Yves Seguy, « L’instruction dans les familles et la loi du 28 mars 1882 : paradoxe, controverses, mise en œuvre (1880-1914) », Histoire de l’éducation 2015/2, n° 144, pp. 29 et s., lesquels commencent par rappeler les termes de son article 4, qui ne fait que réserver la possibilité de donner l’enseignement primaire obligatoire « dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu’il aura choisie ».
16 Pour un aperçu du droit international par l’initiative collaborative RTE, « Existe-t-il un droit à l’instruction à domicile ? », right-to-education.org, 2018 ; et de conclure : « la réponse est non ».
17 Une loi qui n’a « pas été déférée au Conseil constitutionnel », comme le note Pierre-Henri Prélot, « L’enseignement privé confessionnel primaire et secondaire », in Francis Messner, Pierre-Henri Prélot et Jean-Marie Woehrling (dir.), Traité de droit français des religions, LexisNexis, 2ème éd., 2013, p. 1826, en note de bas de page, après avoir affirmé : « La liberté de l’enseignement domestique comme composante essentielle de la liberté de l’enseignement n’est guère soulignée en doctrine. Elle est pourtant essentielle » ; et de la reformuler en « droit », avant d’aller jusqu’à le qualifier – trois pages plus loin – de « fondamental (…), étant entendu que l’instruction constitue un droit pour les enfants et une obligation pour les parents ». À la RDLF 2018, thèse n° 10, je reviens sur les confusions suscitées par la référence à « l’obligation scolaire », en écrivant que le Conseil constitutionnel pourrait aider à les dissiper en rehaussant la référence au droit à l’éducation ; une occasion de le consacrer enfin pourrait être donnée par le projet de loi annoncé.
18 Je reprends ici à nouveau, en la raccourcissant un peu, une phrase de mon résumé préc.
19 Avis rendu public par le Gouvernement le 5 déc. 2018 (v. infra la note 22).
20 CE, 19 juill. 2017, Assoc. Les Enfants d’Abord et a., n° 406150, cons. 3 – arrêt assez habilement écarté par Jean-Éric Schoettl, membre honoraire de l’institution (Le Figaro 9 oct. 2020, n° 23684, p. 18) puis mobilisé par Me Bernard Fau (v. la vidéo de Droit Instruction 17 nov. 2020, « diffusée par les associations Led’a, Laia, Cise, Unie et les collectifs Félicia et L’école est la maison »).
21 Comm.EDH, 6 mars 1984 (v. infra).
22 Avis préc. du 29 nov. 2018 (public le 5 déc.), n° 396047, §12 ; « Depuis que la Cour européenne des droits de l’homme a été rendue permanente, le 1er novembre 1998, la commission a été supprimée », rappelle wikipedia.org (page actualisée le 25 nov. 2019). Ajout au 23 février 2021 – alors que je me suis remis « à l’IEF » (v. la toute dernière note) –, en me bornant pour l’heure à faire observer que cette erreur a été réitérée (v. supra ma note 7) au § 60 de « l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi « confortant le respect, par tous, des principes de la République » (dit « séparatisme » ou laïcité) », mis en ligne par l’avocat Éric Landot le 7 déc. 2020, rendu public par le Gouvernement à la date symbolique du 9 décembre (conseil-etat.fr) ; v. supra ma deuxième illustration, avec les « critiques de l’historien » Jean Baubérot (entretien avec, par Claire Legros), « Le gouvernement affirme renforcer la laïcité, alors qu’il porte atteinte à la séparation des religions et de l’État », Le Monde 15 déc. 2020, p. 30 (annoncé à la Une, ce mardi-là) : « Dans ses discours de Mulhouse [le 18 février] et des Mureaux [le 2 octobre], Emmanuel Macron cherchait un équilibre entre le séparatisme produit par la République et le radicalisme religieux. Il n’en reste rien dans le projet de loi (…) ».
23 CEDH, 11 sept. 2006, Konrad c. Allemagne, n° 35504/03
24 Je reprends ici l’essentiel de ma thèse, 2017, pp. 832-833, 1030 et 1197-1198
25 Comm.EDH, 6 mars 1984, Famille H. c. Royaume-Uni, n° 10233/83 ; DR 37, p. 109, spéc. p. 112 ; il n’est d’ailleurs pas du tout certain que la Cour accepterait aussi facilement la condamnation pénale d’une carence parentale « sans aucun doute étroitement liée au problème de la dyslexie des enfants » (pour citer la page 111 de cette décision disponible en ligne).
26 Extrait de ma contribution intitulée « Le droit à l’éducation », in Sara Brimo et Christine Pauti (dir.), L’effectivité des droits. Regards en droit administratif, éd. mare & martin, 2019, p. 39, spéc. pp. 47-48, avec en note n° 59 cette précision : L’éducation est le mot le plus souvent utilisé au plan international, depuis 1948 ; l’art. 2 [du premier protocole additionnel à la Conv.EDH] (« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction (…) ») est, pour ainsi dire, l’exception européenne qui confirme la règle » (reprise mot pour mot ici, pour permettre à qui le souhaite de citer – c’est mieux que de plagier).
27 V. à partir de dalloz-actualite.fr 18 nov., obs. de Pierre Januel (dans ce billet, les passages soulignés sont tous de mon fait).
28 Philippe Bongrand et Dominique Glasman, « Instruction(s) en famille. Explorations sociologiques d’un phénomène émergent », Revue française de pédagogie oct.-nov.-déc. 2018/4, n° 205, p. 5 (introduction au dossier, paru en février 2020) ; Jean-Marie Pottier, « Contrôler l’éducation à la maison », scienceshumaines.com août-sept. 2020, n° 328, recensant en outre les articles de Pauline Proboeuf (« S’affranchir de l’institution scolaire pour émanciper l’enfant ? », Émulations 2019, n° 29), Géraldine Farges et Élise Tenret (« Évaluer l’instruction en dehors de l’école. Une enquête sur la fabrication du jugement des inspecteurs dans les contrôles de l’instruction dans la famille », Sociologie 2020/2).
29 Invité récemment de la Radio chrétienne francophone (RCF) – Alsace, pour une émission intitulée « Le droit en débat », Grégor Puppinck se livre à nouveau à une lecture plus qu’orientée des textes pertinents, en particulier les travaux préparatoires du protocole additionnel à la Convention (il procède d’ailleurs à un simple copier-coller de ses Observations écrites soumises à la Cour le 9 décembre 2016, 11 p., spéc. pp. 10-11 ; Officiel ECLJ 22 oct. 2020) ; la CEDH s’est prononcée depuis et, pour le dire en une phrase, sur le modèle de mon précédent billet : Scolarisation obligatoire, la Cour européenne ne condamne pas l’Allemagne (v. mes ajouts dans celui-ci, le 20). Ajout, le 23 février 2021, de cette précision : « Les militants de l’éducation à la maison mettent régulièrement en avant que c’est une loi adoptée sous le IIIe Reich, pour des raisons d’endoctrinement. Leur débat est complexe, car une des raisons avancées pour le maintien de la loi est que l’école construit des démocrates » (Philippe Bongrand (entretien avec, par Jean-Christophe Henriet), « Ceux qui délèguent et ceux qui assument », Journal du Centre 10 avr. 2019, p. 5, à l’occasion d’une « journée d’échanges sur les modes d’instruction en Morvan »).
30 À partir de l’article 5 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet pour une école de la confiance, v. Valérie Piau (entretien avec, par Sophie de Tarlé), etudiant.lefigaro.fr 5 nov. ; dans l’émission Ça commence aujourd’hui, Bilal Hassani livrait ce jour-là un témoignage (avant de lancer quelques jours plus tard un appel au gouvernement, sur le plateau de Quotidien le 10). Paragraphe modifié après réflexion et révisions du présent texte (en essayant de le rendre plus lisible ; pour mes billets à venir, je me fixe ici l’objectif de diviser le nombre de notes par deux – soit 15, comme max.) ; n’hésitez pas à m’écrire si vous avez des réactions ou informations à partager, les discours du – et sur le – droit de l’IEF font partie de mes projets d’étude pour 2021 (ajout au 23 février, en renvoyant aussi à Antonello Lambertucci, « Interdiction de l’instruction à domicile : enjeux et problématiques », La Revue du SIA nov. 2020, n° 37, p. 7, ainsi qu’à mon billet suivant in fine).

Le Conseil constitutionnel et les « principes » en droit de l’éducation (M1 Droit public)

« Les membres du Conseil constitutionnel en mars 2019. En haut, de gauche à droite : M. François Pillet, M. Alain Juppé, M. Jacques Mézard, M. Michel Pinault. En bas, de gauche à droite : Mme Dominique Lottin, Mme Claire Bazy Malaurie, M. Laurent Fabius (Président), Mme Nicole Maestracci, Mme Corinne Luquiens » (site de l’institution).

Ce titre reprend celui d’un sujet de dissertation en Master 1 (M1) de droit public, à l’Université Grenoble Alpes (UGA) en travaux-dirigés ; les circonstances ayant conduit à interrompre nos séances de contentieux constitutionnel juste avant celle pour laquelle le droit de l’éducation sert d’illustration, je publie ces éléments de correction sur ce site. Ce texte pourra peut-être intéresser plus largement ; il comprend des références aux bases constitutionnelles du droit des laïcités scolaires et les notes proposent quelques pistes d’approfondissement.

Il se veut aussi un document de révision et une application des conseils résumés à la page 25 du Livret de méthodologie, raison pour laquelle certains choix effectués se trouvent explicités, d’abord directement ou entre parenthèses, puis en italiques et entre crochets. Les étudiant·e·s qui ont réfléchi à ce sujet disposaient de textes choisis qu’il s’agissait de mobiliser. Outre le rappel de la nécessité d’éviter les phrases trop longues, répétitions et/ou fautes récurrentes (v. la page 22 du Livret préc.), il convenait avant toute chose de bien analyser les termes du sujet.

Parmi ceux qu’il fallait tenir pour essentiels, deux ne sautent pas aux yeux au premier abord, puisqu’ils ne comptent que deux lettres : le plus souvent, lorsqu’un sujet comprend le mot « et », il s’agit d’une invitation à caractériser une relation, si bien qu’il faudra s’assurer que le plan retenu fait bien référence aux expressions qui précèdent et suivent (faute de quoi elles ne sont plus mises en relation) ; le mot « de » avait été employé pour ne pas se limiter au droit à l’éducation, mais le fait que la fiche contienne des extraits de ma thèse a pu conduire à penser que je souhaitais qu’il soit placé au premier plan (il devenait alors difficile de distinguer les deux expressions, et il importe de veiller à ne pas déformer le sujet).

En réalité et conformément aux titre de cette fiche, il fallait voir le « droit de l’éducation » comme un laboratoire pour réfléchir aux normes de références du Conseil constitutionnel (CC). Cette première expression pouvait être définie simplement en référence à la fonction principale de l’institution de la rue de Montpensier (1er arrondissement de Paris), à savoir le contrôle de la constitutionnalité des lois. Votre attention était ensuite attirée par des guillemets, et la délimitation du sujet pouvait se faire en énumérant plusieurs séries de « principes » en droit de l’éducation, sans se limiter à ceux « fondamentaux reconnus par les lois de la République » (PFRLR ; je souligne, comme dans les lignes qui suivent).

« Le pouvoir législatif en France », Blog de l’Association de Professeurs de Français de Valencia (APFV), 5 juin 2017

[Le réflexe du recours aux textes permettait ici plusieurs remarques introductives] L’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit ainsi que la « loi détermine les principes fondamentaux (…) de l’enseignement », notamment. Cette réserve de compétence du Parlement pose déjà des questions d’interprétation, mais il peut être retenu ici que ces PF-là permettent d’asseoir son action plutôt que de la limiter. Ensuite, le préambule de cette Constitution renvoie à celui de celle du 27 octobre « 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 », constitutionnalisée l’année d’après.

Selon l’article 8 de ce dernier texte, leur exercice doit être encouragé par l’« éducation et la formation à l’environnement », sans qu’il soit toutefois alors fait référence à un principe. Il en va différemment du préambule de 1946 : d’une part, il « réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 » (DDHC) et les PFRLR sus-évoqués ; d’autre part, il vise plusieurs « principes politiques, économiques et sociaux », simultanément qualifiés de « particulièrement nécessaires à notre temps » (l’un de ces PPESPNT, énumérés aux alinéas 3 à 18, concerne l’éducation ; v. infra).

Institué en 1958 (titre VII, art. 56 à 63), le Conseil constitutionnel n’avait initialement pas vocation à intervenir en droit de l’éducation. Il en va différemment de ses homologues qui n’ont pas la même histoire, tel le Tribunal constitutionnel espagnol (v. F. J. Matía Portilla, « Droits sociaux et fondamentaux », in P. Bon (dir.), Trente ans d’application de la Constitution espagnole, Dalloz, 2009, p. 43 [cité par moi – qui vais éviter de citer ma thèse dans le corps de ce texte –, à moins que vous ayez pris quelques minutes pour remonter à cet article via les bases Dalloz]. En France, la construction du « bloc de constitutionnalité » a précisément eu lieu en référence à des « principes », et il n’est donc pas surprenant qu’une partie d’entre eux concerne l’éducation ; durant sa vie antérieure de professeur de droit public, l’actuel occupant de ce ministère a d’ailleurs écrit sur ce bloc « fort utile », bien que « n’exist[ant] pas » (Jean-Michel Blanquer[1], « Bloc de constitutionnalité ou ordre constitutionnel ? », in Mélanges Jacques Robert. Libertés, Montchrestien, 1998, p. 227, cité par Denis Baranger, « Comprendre le « bloc de constitutionnalité » », Jus Politicum. Revue de droit politique juill. 2018, n° 20-21, p. 103 ; l’auteur conclut dans le même sens page 128 [en plus de permettre de citer la page, télécharger la version pdf de cette Revue permet d’avoir les notes sous les yeux ; vous n’aviez pas à rédiger l’introduction, mais il s’agit ici de montrer qu’on trouve dans les fiches de quoi remplir le point 5 du Livret préc., il faut simplement y songer]).

Au-delà de l’anecdote, cette mise en doute peut amener à envisager la jurisprudence du Conseil constitutionnel de façon stratégique. Il convient ainsi de chercher à caractériser son utilisation des « principes » en droit de l’éducation [problématique formulée de façon plus ouverte qu’à l’accoutumée – presque trop –, en précisant au passage que l’expression « dans quelle mesure » que je suggère de reprendre en première intention ne prend pas de « s » – ou du moins qu’un seul]. Il s’agira de montrer qu’ils constituent en premier lieu une référence pour exprimer le droit constitutionnel de l’éducation (I.) et, en second lieu, une préférence pour le maîtriser (II.) [Comme l’élément matériel – point 16 du Livret, ici le droit constitutionnel de l’éducation – est le même, il n’est pas impératif de reprendre le titre in extenso (utilisez une typographie différente pour les locutions latines) ; vous remarquerez que les éléments dynamiques se répondent. Dans vos plans, vous avez parfois opté pour un balancement portée/limites – la démarche est bonne – mais il était ici difficile à manier ; j’en profite pour vous déconseiller l’opposition théorie/pratique qui fonctionne en général assez mal, et tout particulièrement en droit du contentieux].

I. Une référence pour exprimer le droit constitutionnel de l’éducation

[J’avais envisagé un élément appréciatif pour le I. – opportune – mais je l’ai finalement déplacé dans l’une des sous-parties de mon II., par lesquelles j’essaye de contrebalancer les faiblesses des titres précédents. Ne pas oublier un chapeau, en annonçant les (A.) et] (B.).

A. La consécration d’un principe fondamental, acte de volonté du Conseil constitutionnel

Au passage, n’« oubliez pas, les virgules sauvent des vies » (@Bescherelle, twitter.com 8 juill. 2014 ; trop souvent, les phrases sont mal ponctuées, ce qui heurte la lecture voire la tue)

[Repris de la page 24 qui précède, le point 13 du récapitulatif du Livret ignore la nuance formulée à la page 12 : bien placée – comme ici –, la virgule est tolérée ; il en va différemment des deux points et des abréviations, les développements permettant de préciser qu’il s’agira bien dans ce premier temps des PFRLR susmentionnées. Il importe de ne pas reprendre ceux de votre cours – comme de la fiche – sans les adapter ; les mobiliser en I. A. présente l’avantage d’articuler propos général et particulier]

En 1977, le Conseil constitutionnel a consacré comme des PFRLR les libertés « de l’enseignement » et « de conscience » : la première est reconnue aux établissements privés et la seconde aux « maîtres », qui doivent cependant observer « un devoir de réserve » (CC, 23 nov. 1977, Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l’enseignement, n° 77-87 DC, cons. 3, 5 et 6) ; permise par la décision du 16 juillet 1971 (Liberté d’association, n° 71-44 DC), celle dite Liberté de l’enseignement s’est retrouvée parmi les grandes décisions du Conseil constitutionnel (Dalloz) jusqu’en 2007.

Exprimé par deux PFRLR, ce nouveau droit constitutionnel de l’éducation pouvait dès lors contribuer à la présentation doctrinale du CC comme un « gardien des libertés publiques » (v. D. Rousseau, « De quoi le Conseil constitutionnel est-il le nom ? », Jus Politicum. Revue de droit politique n° 7, 2012, p. 1, spéc. p. 6[2]). L’acte de volonté qui conduit à l’affirmation de tels principes ressort a contrario des refus de consécration, « malgré les demandes des requérants » ou les propositions du Conseil d’État (D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, LGDJ/Lextenso, 11ème éd. (entièrement refondue), 2016, p. 240, § 266), voire de certains de ses membres (v. infra le II.).

Dans son article précité, Denis Baranger s’intéresse aux « standards jurisprudentiels ne pouvant pas être rattachés à un texte du « bloc » [de constitutionnalité] » (2018, p. 116) ; il mentionne la décision relative à « la continuité du service public [l’éducation en est un] qui, tout comme le droit de grève [quant à lui reconnu à l’alinéa 7 du préambule de 1946], a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle » (CC, 25 juill. 1979, Loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail, cons. 1).

« La plaque dévoilée par la famille de Louis Favoreu. © Crédit photo : Photo D. B. » (Daniel Bourrouilh, sudouest.fr 1er juin 2015 : « La veille, un colloque intitulé « Hommage à Louis Favoreu » avait réuni au Palais Beaumont, à Pau, les plus grands spécialistes du droit constitutionnel français » ; v. univ-droit.fr/actualites-de-la-recherche/manifestations/pau-lucq-de-bearn-22-23-mai-2015 et youtube.com)

L’auteur explique page suivante qu’il était écarté des « quatre composantes » du « bloc » selon Louis Favoreu ; les PFRLR constituaient la dernière d’entre elles, et la base constitutionnelle se limite alors à la mention de cette expression dans le Préambule. Il arrive toutefois au Conseil de se montrer plus précis pour exprimer le droit constitutionnel de l’éducation [phrase de transition, avec reprise volontaire de l’intitulé du I, confirmant la bonne imbrication des A. et B.]

B. Le rattachement à une base textuelle spécifique, acte de légitimation constitutionnelle

En 1946, le pouvoir constituant avait décidé de ne pas protéger constitutionnellement la liberté de l’enseignement[3], laquelle ne figure pas non plus dans la DDHC de 1789[4] ; dès 1977, le Conseil pouvait en revanche lier le PF de la liberté de conscience à son article 10 (« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ») et au Préambule de 1946[5].

Les juges constitutionnels le faisaient après avoir cité aussi, au considérant 4, la seconde phrase de l’alinéa 13. Elle affirme qu’il est du « devoir de l’État » d’organiser « l’enseignement public », en précisant que ce dernier est « gratuit et laïque à tous les degrés ». Il s’agissait alors de déterminer si le principe de laïcité[6] condamnait l’attribution de financements publics aux établissements privés, et le CC n’a pas eu cette audace. Sans le reprendre pour insister cette fois sur ce qu’il qualifie d’« exigence constitutionnelle de gratuité », il a par contre récemment refusé de considérer que cette dernière ne « s’applique[rait pas] à l’enseignement supérieur public » [il faut en général éviter les doubles négations, mais elle me paraît ici appropriée[7]] (CC, 11 oct. 2019, Union nationale des étudiants en droit, gestion, AES, sciences économiques, politiques et sociales et autres [Droits d’inscription pour l’accès aux établissements publics d’enseignement supérieur], n° 2019-809 QPC, cons. 6).

Quatre jours plus tard, un ancien « secrétaire général du Conseil » (de 1997 à 2007) signait en cette qualité (notamment) une tribune dans Le Figaro ; critiquant cette décision – pourtant très nuancée (v. là aussi infra le II.) –, Jean-Éric Schoettl estime qu’il serait « imprudent de faire une application littérale de [telles] dispositions constitutionnelles » ; enchaînant les questions rhétoriques, il manifeste une inquiétude sur la « portée [à] donner au cinquième paragraphe » (sic) du Préambule, avant de vanter la sage[8] « décision du Conseil constitutionnel du 11 juillet 2001 relative à l’IEP de Paris ».

Le conseil de direction de cet Institut d’Études Politiques était alors invité à recourir à « des critères objectifs de nature à garantir le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction » (Loi portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel, n° 2001-450 DC, cons. 33). Autrement dit, s’en tenant à une « application littérale » de… la première phrase (seulement) de l’alinéa 13, le CC se contentait d’une réserve d’interprétation.

Un an auparavant, au détour d’un plaidoyer qu’il co-signait, l’auteur soutenait déjà que l’université ne serait « pas un « degré » d’instruction », cependant que celle scolaire était envisagée comme une obligation « répond[ant] aux caractéristiques d’un PFRLR[9] » (J.-P. Camby, T. Larzul et J.-É. Schoettl, « Instruction obligatoire : pour un principe fondamental reconnu par les lois de la République », AJDA 2018, p. 2486, spéc. pp. 2489 et 2490). En termes de légitimation constitutionnelle, il est toutefois possible de trouver plus convaincant de se référer à des dispositions précises… qui ne soient pas seulement de valeur législative (autrement dit aux PPESPNT, plutôt qu’aux PFRLR).

Quoiqu’il en soit, si le CC a pu déclarer – par la voix d’un de ses présidents – qu’il « ne s’estime pas maître des sources » (Georges Vedel, cité par Denis Baranger, art. préc., 2018, pp. 123-124, ce dernier critiquant « l’amalgame entre sources et normes »), recourir à des « principes » lui confère ce rôle s’agissant du droit constitutionnel de l’éducation [référence doctrinale et phrase de transition, sans la formuler là non plus comme un chapeau].

II. Une préférence pour maîtriser le droit constitutionnel de l’éducation

Les « principes » ne sont pas seulement une référence pour le CC : il sera d’abord défendu l’idée qu’elle lui permet une maîtrise opportune des exigences à opposer aux lois (A.), avant d’analyser cette préférence comme un critiquable maintien à distance des droits (B.).

A. La maîtrise opportune des exigences à opposer aux lois

Des personnes devant le squat du Patio solidaire – campus de l’UGA (photo empruntée à l’association Accueil Demandeurs d’Asile ; v. le « Communiqué ADA covid-19 : N’oublions pas les plus précaires : comment inventer de nouvelles solidarités ? », 16 mars 2020)

Immédiatement après avoir dégagé « de la combinaison » des phrases de l’alinéa 13 « l’exigence constitutionnelle de gratuité », le CC contrebalance cette affirmation par un autre principe alternatif, celui de « l’absence ou la « modicité » des droits d’inscription » dans l’enseignement supérieur (pour reprendre à nouveau les termes de Jean-Éric Schoettl). La loi qui les prévoit autorise donc le Gouvernement à tenir « compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants » (n° 2019-809 QPC, cons. 6 préc.). Là encore se trouve renvoyé à son voisin du Palais-Royal le soin d’assurer le respect d’une « exigence constitutionnelle » ; le Conseil estime en effet avoir exercé son office en l’opposant ainsi au législateur, sans avoir à prononcer une décision d’inconstitutionnalité.

Certes, les juges n’en font pas pour autant un simple objectif à valeur constitutionnelle, comme une autre décision récente rendue sur question prioritaire de constitutionnalité (en droit de l’environnement[10]) ; celle dite Droits… n’en mentionne cependant aucun, et pas plus d’éventuelles « libertés » (elles aussi visées à l’art. 61-1). En 2013 puis 2017, ne reprenant pas le PF « substantiellement vide » dégagé pour admettre le maintien du droit local alsacien-mosellan, le CC a affirmé « que le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés[11] que la Constitution garantit » (v. respectivement J. Arlettaz, note sous CC, 5 août 2011, Société SOMODIA [Interdiction du travail le dimanche en Alsace-Moselle], n° 2011-157 QPC, cons. 4 ; RDLF 2011, chron. n° 1 ; CC, 21 févr. 2013, Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité [Traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle], n° 2012-297 QPC, cons. 5 ; CC, 2 juin 2017, Collectivité territoriale de la Guyane [Rémunération des ministres du culte en Guyane], n° 2017-633 QPC, cons. 8).

D’application générale, ce principe a été repris en matière d’éducation par le Conseil d’État, pour justifier une décision de non-renvoi (CE, 27 juin 2018, n° 419595, cons. 3-4) [V. évent. mon billet du 9 juillet]. Selon Bernard Stirn, « les raisons pour lesquelles aucun problème sérieux de constitutionnalité n’est retenu » sont explicitées (intervention lors du colloque sur Le non renvoi des questions prioritaires de constitutionnalité, unité ou diversité des pratiques de la Cour de cassation et du Conseil d’État à l’université de Clermont-Ferrand les 26 et 27 oct. 2017) ; ce travail peut cependant être facilité par la préférence manifestée par le CC pour les « principes », même en QPC.

Le plaidoyer précité pour un nouveau PFRLR privilégie, en soi [LR renvoie aux « lois de la République »], les normes traditionnelles du droit de l’éducation. En remarquant que deux des trois co-auteurs sont conseillers d’État (honoraire pour Jean-Éric Schoettl), leur texte paraît contenir une contradiction interne par sa conclusion selon laquelle « le droit à l’instruction », parce qu’il serait « garanti par la Constitution », justifierait la « fermeté » de l’État ; en réalité, pour eux, « aucune disposition du bloc de constitutionnalité n’affirme pourtant de droit à l’éducation », mais il « se déduit logiquement du principe même de l’égal accès et du devoir de l’État d’organiser l’enseignement public (…) ». À ce « principe », il faudrait en ajouter un autre, mais qu’ils envisagent comme une obligation, « dans le respect de la liberté de conscience et de la liberté religieuse » (art. préc., 2018, pp. 2492 et 2488-2489[12], en reliant ces dernières à celle de l’enseignement, y compris à domicile [c’est d’actualité : « Faire l’école à la maison sous coronavirus ? », Le CRAP-Cahiers pédagogiques 14 mars 2020 ; Carole Coupez, déléguée générale adjointe de l’association Solidarité Laïque, « Coronavirus : vers un creusement des inégalités en France » cafepedagogique.net le 25]).

B. Le critiquable maintien à distance des droits

Constitution, justice, démocratie. Mélanges en l’honneur du Professeur Dominique Rousseau, LGDJ, 2020 (à paraître)

[J’ai hésité à enlever l’élément appréciatif, avant d’opter pour le placer entre les éléments formel et dynamique, ce dernier comprenant trois mots] Facilitée par la préférence manifestée pour les « principes », la maîtrise du droit constitutionnel de l’éducation par le Conseil serait moins forte s’il consentait à affirmer des « droits » ; il pourrait toutefois y gagner en légitimité. Au-delà du rapport aux normes internationales [il y avait dans la fiche de quoi développer à propos de la jurisprudence IVG[13] (v. aussi D. Baranger, art. préc., 2018, p. 120), sans forcément appeler à une remise en cause frontale[14]], la QPC devrait permettre d’invoquer « l’égal accès des femmes et des hommes » envisagé par le second alinéa de l’article 1er de la Constitution (contra CC, 24 avr. 2015, Conférence des présidents d’université [Composition de la formation restreinte du conseil académique], n° 2015-465 QPC, cons. 13-14) ; l’instruction ou – pour reprendre le terme aujourd’hui le plus employé – l’éducation, mériterait aussi d’être transformée par le CC en droit à, au-delà même de ses décisions QPC.

Suivant l’idée de « démocratie continue », que Dominique Rousseau disait en 2012 « explor[er] depuis plusieurs années », le CC « peut se comprendre comme l’institution de la mesure démocratique » ; des « trois dérangements-réaménagements » recherchés, le premier consiste à produire « un espace de droits fondamentaux distinct et opposable à l’espace de la loi » (art. préc., 2012, pp. 11-12).

Dans son livre Démocratie (Anamosa, 2020), le chercheur en science politique Samuel Hayat distingue quant à lui ses versions « politique » et « sociale » (v. Jean-Vincent Holeindre, scienceshumaines.com mars). Deux semaines après la suspension du projet de privatisation du groupe ADP (ex-Aéroports de Paris), trois remarques peuvent être faites pour conclure [la conclusion peut n’être qu’une ouverture ; elle est ici trop longue, car j’en profite pour rapatrier des éléments liés à notre fiche précédente] : premièrement, le 5 décembre 2013, le CC avait rappelé qu’il « contrôle la conformité à la Constitution de la proposition de loi » pouvant aboutir à un référendum d’initiative partagée (RIP ; Loi organique portant application de l’article 11 de la Constitution, n° 2013-681 DC, cons. 4) ; dans son avis rendu le 20 juin 2019, le Conseil d’État a visé plus précisément « l’ensemble des droits et libertés garantis par la Constitution » (n° 397908, § 16).

Deuxièmement, réfléchissant à l’argument tiré des « dangers liés aux initiatives populaires », Marthe Fatin-Rouge Stefanini citait en 2003 l’« amendement à la Constitution appelé « Grand-father clause »[,] liant l’exercice du droit de vote à un certain niveau d’éducation » ; il visait en fait à exclure les populations noires et cette proposition avait été « adoptée par l’Oklahoma en 1910, censurée par la Cour suprême des États-Unis en 1915, (…) reprise par les législateurs démocrates » et enfin « rejetée par les électeurs eux-mêmes. Cet exemple indique que le peuple peut être parfois plus sage que ses représentants en se pliant aux exigences de la Constitution » (« Le référendum et la protection des droits fondamentaux », RFDC 2003, n° 53, p. 73, spéc. pp. 78 et 85).

Troisièmement enfin, l’éducation à laquelle les enfants et adultes ont droit devrait pleinement s’étendre, au XXIème siècle, « aux médias et à l’information » (en ce sens, v. mon billet du 5 août 2018) : le 15 octobre 2019, répondant à une invocation du « principe de pluralisme des courants d’idées et d’opinions », le CC l’a rejetée ; s’il avait pu le faire rapidement par le passé – au nom de l’économie des moyens – contre certaines dispositions (18 oct. 2013, M. Franck M. et autres [Célébration du mariage – Absence de « clause de conscience » de l’officier de l’état civil], n° 2013-353 QPC, cons. 6 et 10-11, après avoir écarté l’« atteinte à la liberté de conscience », qui n’est plus reconnue comme un PFRLR), il est jugé cette fois « n’impliqu[ant] pas, par lui-même, que des mesures soient nécessairement prises, notamment par le Gouvernement, pour assurer l’information des électeurs sur l’existence, les modalités et les enjeux d’une opération de recueil des soutiens à une proposition de loi au titre du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution ou pour organiser la communication audiovisuelle des opinions en faveur ou en défaveur de ce soutien ». Pourtant, dégagé à partir du « troisième alinéa de l’article 4 de la Constitution », ce principe est présenté auparavant comme « un fondement de la démocratie » (CC, 15 oct. 2019, M. Christian SAUTTER et autres, n° 2019-1-2 RIP, cons. 5 et 3). En lien ou non avec le droit constitutionnel de l’éducation, la référence à des droits aurait sans doute rendu plus difficile ce renvoi « à une sorte d’autorégulation de l’audiovisuel » (Michel Verpeaux, AJDA 2020, pp. 234 et s.), laquelle a contribué à l’« échec » de ce premier RIP[15].


Mélanges Jacques Robert. Libertés, Montchrestien, 1998 (lgdj.fr)

[1] Je pensais lire cet article à la BU d’ici notre séance, mais il faudra attendre un peu pour ça… J’ai pourtant mobilisé ces Mélanges (v. ci-contre, avec la recension d’André Tunc, RIDC 1998, Vol. 50, n° 3, pp. 969 à 971) dans ma thèse. Si je n’avais pas prêté attention à la contribution de Jean-Michel Blanquer, c’est parce que je les ai consultés avant qu’il ne devienne ministre. Il se trouve cité à plusieurs reprises dans mes précédents billets, et je compte revenir sur son lien avec Jacques Robert dans le dernier de la série commencée cette année, emporté par le report des élections municipales.

[2] Dominique Rousseau mentionne alors un troisième PFRLR qui pouvait être évoqué, le « principe d’indépendance des professeurs d’Université « découvert » avec une gourmandise certaine par le doyen Vedel dans la non-interdiction du cumul du mandat parlementaire et des fonctions de professeur posée dans des lois de la IIème et IIIème République » ; v. CC, 20 janv.1984, Loi relative à l’enseignement supérieur, n° 83-165 DC, cons. 20 ; en note de bas de page 21 du Livret préc., nous citons le considérant précédent, puis les conclusions d’Helbronner sur CE 10 mai 1912, Abbé Bouteyre (RDP 1912, p. 453, spéc. 463 ; extraits insérés dans la note de Gaston Jèze).

[3] Lors de notre dernière séance, j’expliquais que l’ouvrage des GDCC a été construit en reprenant souvent mot pour mot des commentaires publiés à chaud par Louis Favoreu à la RDP ; je m’en suis rendu compte en réalisant ma thèse, en remarquant qu’il faisait dire dans ses écrits à André Philip, à qui je consacre un portrait sur ce site, le contraire de ce qu’il pensait concernant la liberté de l’enseignement. Cela m’avait d’autant plus interpellé que ce dernier est le père du co-auteur initial de l’ouvrage, Loïc.

[4] À propos de la DDHC, je renvoie aussi à ma thèse (2017), pp. 207-208 et 632-633

[5] Contra Dominique Rousseau, Pierre-Yves Gahdoun et Julien Bonnet, ouvr. préc., 2016, p. 240, § 266, affirmant que la liberté de conscience ne ferait partie « des principes « classiques » avec un fondement écrit » que depuis la décision du 27 juin 2001, Loi relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, n° 2001-446 DC, alors que les deux seules différences, par rapport à la décision de 1977, tiennent dans un ajout (mention expresse du « cinquième alinéa ») et une suppression (du terme « donc » au cons. 13 [et non 23 comme indiqué à tort par moi dans la fiche]).

[6] Le mot « laïque » a également été repris de l’article premier de la Constitution du 27 octobre 1946 par celle de 1958 (d’abord à l’art. 2 al. 1, puis à l’article premier depuis la loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995) ; il prend place dans une phrase complétée par une formule inspirée du préambule de 1946 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Selon Clément Benelbaz, « le projet de Constitution élaboré par Michel Debré, ne faisait lui-même pas référence au caractère laïque de l’État » (v. sa thèse sur ce principe, citée dans la mienne page 583).

Ajouts au 29 mars 2020 : en 1949, Jean Rivero rédigeait pour la revue Dalloz une chronique intitulée « La notion juridique de laïcité » (p. 137 ; il convient de remarquer qu’elle ne comprend pas un mot de l’arrêt Abbé Bouteyre préc., qui sera retenu parmi les 114 GAJA de la première édition – en 1956 –, sous le n° 29 [p. 93 ; n° 22 de la 22ème éd., 2019, p. 134]). Elle « est entrée dans le droit contre la religion d’État », écrivait-il après avoir renvoyé en notes aux « débats relatifs à la loi de 1882 sur l’enseignement primaire [et à] la lettre de Jules Ferry aux instituteurs du 17 nov. 1883 », notamment, puis pour « son expression la plus récente dans le remarquable Manuel de droit constitutionnel de M. Vedel, p. 318 : « la laïcité correspond à l’affirmation que l’État considère la croyance ou l’incroyance comme affaire privée » ». Et de rappeler que le mot « laïque » fût inséré à l’unanimité sur une proposition communiste et « l’observation de M. Coste-Floret, qui acceptait l’amendement » (« la laïcité « étant entendue au sens de neutralité » [religieuse de l’État] ») ; devenu membre du CC, l’ancien député MRP sera rapporteur de la décision de 1977, Liberté de l’enseignement ; v. évent ma thèse, pp. 264-265 – en citant les GDCC –, 249-250 et 552, à propos de Rivero.

Quarante ans plus tard, le Conseil d’État rend son « grand avis » Laïcité de l’enseignement (foulard islamique), n° 17 de l’ouvrage éponyme (Dalloz, 3e éd., 2008, p. 197 ; v. évent. mes pp. 412 et s.). Immédiatement après avoir cité la loi du 9 décembre 1905 qui, « tout en procédant à la séparation des Églises et de l’État, a confirmé que « la République assure la liberté de conscience » », le CE ajoute : « Cette liberté, qui doit être regardée comme l’un des [PFRLR], s’exerce dans le domaine de l’éducation, dans le cadre des textes législatifs qui définissent la mission du service public et les droits et obligations des élèves et de leurs familles ». Dans sa note, Rivero se demande « si, pour affirmer la valeur constitutionnelle de la liberté de conscience, il n’eût pas été plus simple de la rattacher [seulement au Préambule de 1946], et à la Déclaration de 1789 » (RFDA 1990, p. 1, spéc. p. 3).

Ajout au 7 oct., en renvoyant à l’une des notes de ce billet (avec la même illustration, mais dans mon document joint, titré Actualité du contentieux constitutionnel)

À défaut d’avoir pu échanger en séance à propos de la Cour constitutionnelle du Bénin, je vous fais observer qu’elle a déjà connu deux présidentes, elle, et qu’il ressort du premier document de la fiche que « la laïcité de l’État » fait partie des normes insusceptibles de révision constitutionnelle (Constitution du 11 déc. 1990, art. 156). J’ai appris récemment qu’à Madagascar, il en va de même pour « le principe d’autonomie des collectivités territoriales décentralisées, la durée et le nombre du mandat du Président de la République » (Constitution de la IVe République, 11 déc. 2010, art. 163).

Légère modification au 31, en signalant trois textes : Demba Sy, « De quelques dispositions atypiques dans les Constitutions africaines », in La constitution béninoise du 11 décembre 1990 : un modèle pour l’Afrique ? Mélanges en l’honneur de Maurice Ahanhanzo-Glélé, L’Harmattan, 2014, p. 273, spéc. pp. 276 et 279, où l’auteur en cite d’autres concernant Madagascar ; pour un « Hommage » plus récent au professeur Maurice Ahanhanzo-Glèlè, en ajoutant qu’il a été par ailleurs vice-président du Comité des droits de l’Homme de l’ONU (en 2004), v. Anselme Pascal Aguehounde, lanationbenin.info 24 févr. 2020 ; Stéphanie Hennette-Vauchez, « Impartialité et indépendance du juge : une question de genre ? », in Bastien François et Antoine Vauchez (dir.), Politique de l’indépendance. Formes et usages contemporains d’une technologie de gouvernement, Septentrion, 2020, pp. 297 et s.

[7] Selon Paul Cassia, il ressort des « écritures produites le 19 août 2019 par le Premier ministre devant le Conseil constitutionnel, au nom de la République française, sous le visa de la devise de la République et à la signature d’un membre du Conseil d’État (la directrice des affaires juridiques du ministère de l’Enseignement supérieur est elle aussi membre du Conseil d’État, tout comme le président et le secrétaire général du Conseil constitutionnel ; dans le contentieux de la légalité des frais d’inscription des étrangers extracommunautaires, il n’y a donc guère que les requérants qui n’ont aucun lien avec le Conseil d’État), que la règle constitutionnelle de gratuité « renvoie nécessairement au seul enseignement scolaire, qui ne se compose que d’un premier et d’un second degrés » » (« Frais d’inscription des étudiants : une gratuité coûteuse », 14 oct. 2019) ; je n’avais pas vu son billet quand j’ai rédigé le mien, publié le 23 : je me sépare de sa référence à « une liberté fondamentale constitutionnelle » (je préfère parler d’un droit), et remarque que l’argumentation défendue devant le Conseil s’est trouvée reprise par Fabrice Melleray (le hasard, sans doute ; il est vrai que le préciser aurait quelque peu affaibli l’autorité du propos du « Professeur des universités à l’École de droit de Sciences Po, Membre du Club des juristes »).

Jean-Éric Schoettl, Portrait repris du site sansapriori.net (2018), « Que peut encore un gouvernement aussi surveillé par le Conseil constitutionnel ? », Le Figaro 15 oct. 2019, n° 23379, p. 20 (pour la source mobilisée dans ce billet)

[8] Petite allusion à ma note 14 le 29 septembre 2019 (dans Une sociologue au Conseil constitutionnel, publié chez Gallimard en 2010, Dominique Schnapper revient sur les conditions de sa nomination neuf ans plus tôt ; page 215, elle écrit que « la suggestion du secrétaire général fut chaleureusement adoptée par Simone Veil qui, voisinant sur la Côte d’Azur avec le président du Sénat [Christian Poncelet] au cours des vacances de Noël, entreprit avec succès de le convaincre que [s]a présence serait une bonne idée »… Page 259, des développements sont intitulés « Un Conseil républicain », avec des intertitres sur la « République une et indivisible » et le « principe d’égalité » ; son caractère « laïque » n’apparaît pas non plus dans l’index « [é]tabli par l’auteur », p. 443) ; concernant le cinquième alinéa, v. les notes 12 de mon billet du 29 décembre et 5 supra, en remarquant que n’était cité que la seconde phrase. Celle de l’alinéa 13 a disparu lors de l’apparition de la première avec la décision n° 2001-450 DC du 11 juillet : v. mes développements en 2017 – en citant Jean-Éric Schoettl –, pp. 1097-1098 ; il n’est dans son entier pas cité le 17 janvier 2002, Loi relative à la Corse, n° 2001-454 DC, cons. 24 : le Conseil juge que « l’enseignement de la langue corse » n’est pas contraire au « principe d’égalité » dès lors qu’il ne revêt pas « un caractère obligatoire ni pour les élèves, ni pour les enseignants ; qu’il ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les élèves aux droits et obligations applicables à l’ensemble des usagers » (v. déjà, concernant aussi l’enseignement de cette « culture » : CC, 9 mai 1991, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse, n° 91-290 DC, cons. 37 ; s’agissant de celui de la langue tahitienne ; 9 avr. 1996, Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, n° 96-373 DC, cons. 92).

[9] Je vous renvoie sur ce point au cours, en citant ici Alexandre Viala, « Les interprétations constitutionnelles du Conseil d’État et de la Cour de cassation », in Dominique Rousseau et Pasquale Pasquino (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité. Une mutation réelle de la démocratie constitutionnelle française ?, mare & martin, 2018, p. 49, spéc. p. 56 : « [A]u regard des théories volontaristes de l’interprétation, la consécration d’un PFRLR se définit comme le résultat d’une interprétation de la Constitution, c’est-à-dire de son préambule à la lumière de la législation républicaine, et non pas comme la simple découverte d’un principe déjà-là (…) ».

[10] Parmi les références bibliographiques de la fiche, v. V. Champeil-Desplats, « La protection de l’environnement, objectif de valeur constitutionnelle : vers une invocabilité asymétrique de certaines normes constitutionnelles ? Remarques sur la décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes », La Revue des Droits de l’Homme ADL, mis en ligne le 24 février ; l’annotatrice commence par rappeler que « le Conseil constitutionnel avait estimé quelques années plus tôt qu’«aucun » des sept alinéas du préambule de la Charte de l’environnement – auxquels il reconnait pourtant par ailleurs une valeur constitutionnelle (décision n° 2008-564 DC, 19 juin 2008) – «n’institue un droit ou une liberté que la Constitution garantit » pouvant être invoqué « à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC)» (décision n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014, Société Casuca) ». Au paragraphe 9, elle écrit : « Pour le moment, rien n’indique l’abandon de [cette] solution ». Comparer « la décision judiciaire la plus importante au monde en matière de changements climatiques à ce jour » (David R. Boy, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’environnement, à propos de l’arrêt rendu par la Cour suprême des Pays-Bas le 20 décembre, cité par Laurent Radisson, actu-environnement.com 23 déc. 2019) et, le même jour et à partir de V. Goesel-Le Bihan, « Le droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé, une exigence de valeur constitutionnelle », AJDA 2020, p. 137 (tribune dont le titre résume l’un des apports de la décision du 20 décembre 2019, Loi d’orientation des mobilités, n° 2019-794 DC, cons. 36).

[11] À la note de bas de page 1122 de ma thèse, n° 3046, je cite Frédérique de la Morena, critiquant la décision au motif que la « laïcité, en droit, est l’expression juridique d’une conception politique qui implique la séparation des églises et de l’État, afin de garantir la liberté de conscience et la liberté religieuse» (DA 2013, étude 14, § 10 ; à cette restriction à ces libertés [publiques], je préfère la référence de l’article 16 de la DDHC à la « garantie des droits » des personnes – qui englobe leurs libertés, alors que l’inverse n’est pas vrai –, sans condition religieuse – selon l’article 10). À lire ce qu’a pu déclarer Michel Charasse au moment de quitter le CC, l’une des fonctions de l’affirmation du « principe de laïcité » parmi les « droits et libertés » aura été d’affichage (v. à cet égard mes deux précédents billets, le dernier complétant le premier en réagissant à sa mort).

[12] Sans doute pour faire passer cette prétendue déduction logique, Jean-Pierre Camby, Tanneguy Larzul et Jean-Éric Schoettl ajoutent immédiatement une question rhétorique : « Qui peut penser un instant que le Conseil constitutionnel ne censurerait pas une loi ayant pour objet ou pour effet de priver des catégories de citoyens de leur droit d’accéder à l’instruction ? ». Faut-il rappeler le peu d’intérêt qu’il a manifesté pour les élèves qui allaient être exclues du fait de la loi du 15 mars 2004 ? (v. ma thèse, 2017, p. 439, en citant le premier des trois auteurs, professeur associé ; v. aussi pp. 444-445 et 1212).

Bâtiment Simone Veil (Photo ledauphine.com 9 avr. 2018 ; il porte ce nom depuis l’année de sa mort – le 30 juin 2017 –, à la suite de quoi elle est entrée au Panthéon, avec Antoine Veil, le 1er juillet 2018). L’article 27 de la loi n° [19]84-52 du 26 janvier sur l’enseignement supérieur, dite Savary, a donné une base législative au pouvoir de police de toute présidence d’Université. Transféré en 2000 à l’art. L. 712-2 du Code de l’éducation, au point 6 à partir de la loi n° 2007-1199 du 10 août relative aux libertés et responsabilités des universités, dite LRU ou Pécresse, cet article prévoit que cette présidence-là « est responsable du maintien de l’ordre et peut faire appel à la force publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État »)

[13] Nous n’avons ensemble abordé la question de l’interruption volontaire de grossesse que du point de vue des droits des femmes, à partir des écrits de Lisa Carayon (« Penser les droits reproductifs comme un tout : avortement, contraception et accouchement sous X en droit français », in L. Brunet et A. Guyard-Nedelec (dir.), « Mon corps, mes droits ! » L’avortement menacé ? Panorama socio-juridique : France, Europe, États-Unis, éd. mare & martin, 2019, p. 29) ; selon Jean Baubérot, les dispositions adoptées à partir des années 1960, « qui donnent plus d’autonomie aux femmes (du droit de disposer de leurs carnets de chèques à la légalisation du contrôle des naissances et de l’IVG) », sont « typiquement laïques » (« L’égalité femme-homme, le « commun », la laïcité : les leçons de « Metoo » », 31 janv. 2020).

[14] Au passage, pour terminer par deux notes relatives à la précédente fiche : CEDH, 28 mai 2019, Forcadell i Lluis et autres c. Espagne, n° 75147/17 ; revue-jade.eu le 6 sept., obs. Florian Savonitto, « La Cour européenne des droits de l’homme, une tortue qui ne dit pas son nom ? », lequel écrit : « la requête est unanimement déclarée irrecevable », mais « la Cour n’en n’exerce pas moins un contrôle du Tribunal constitutionnel lorsqu’elle vérifie la conformité de la décision de suspendre la convocation du Parlement catalan à la liberté de réunion et au droit à des élections libres ». À propos de ce dernier, v. la fiche thématique publiée par la Cour en mai 2013 (7 p.).

Fin 2017, j’évoquais ce droit dans ma thèse (2017, p. 808), avant de présenter celui « à l’instruction » comme emporté vers le protocole additionnel n° 1 par le droit des parents (pp. 810 à 812). Autrement dit et contrairement à ce qui est encore souvent écrit, dit ou pensé, ce n’est pas son appartenance à la prétendue catégorie des « droits-créances » qui permet d’expliquer pourquoi il a été ainsi relégué en dehors du texte de la Convention du 4 novembre 1950 (v. ma note de bas de page 1158, n° 3273).

Elle est entrée en vigueur le 2 septembre 1953, soit après l’adoption de ce premier Protocole (20 mars 1952), l’ensemble n’ayant été ratifié par la France qu’en 1974 – en n’acceptant le droit de recours individuel qu’en 1981, après l’arrivée de la gauche au pouvoir.

[15] Deux jours après notre séance y relative, Daniel Schneidermann, « Le virus et l’aéroport », ASI 12 mars 2020 ; « Privatisation du Groupe ADP : surmonter l’échec du référendum d’initiative partagée », lemonde.fr éditorial ; auparavant, v. l’enquête de Marc Endeweld, « Une caisse noire et un parfum de corruption remettent en cause la privatisation d’ADP », lemediatv.fr 4 févr. 2020

[Ajout au lendemain de la publication de ce billet, « Déclaration du 26 mars 2020 relative au nombre de soutiens obtenus par la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris », n° 2019-1-8 RIP, cons. 5-6 : « la proposition de loi a recueilli le soutien de 1 093 030 électeurs inscrits sur les listes électorales [il en fallait 4 717 396]. Elle n’a donc pas obtenu le soutien d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales »].

En lien avec des extraits reproduits dans la fiche 4 de Francis Hamon, « La nouvelle procédure de l’article 11 : un « vrai faux référendum d’initiative populaire » », in J.-P. Camby, P. Fraisseix et J. Gicquel (dir.), La révision de 2008 : une nouvelle Constitution ?, LGDJ, 2011, p. 43, spéc. pp. 47 et 49 : Marthe Fatin-Rouge Stefanini vise quant à elle « de nouveaux droits pour les minorités parlementaires et pour les citoyens » (« Le RIP pourrait devenir une nouvelle forme de veto suspensif », Le Monde.fr 17 mai 2019, réagissant à la décision n° 2019-1 RIP du 9, Proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris) ; dans le plan alors proposé en séance, je n’entendais pas ainsi les « minorités », mais plutôt dans le sens de l’auteur précité (sans avoir toutefois eu le temps de vous inciter à manier le terme avec précautions dans le contexte français : v. évent. ma thèse, pp. 723-724). Surtout, le Comité des droits de l’Homme a recommandé à la Suisse de réviser la disposition constitutionnelle interdisant la construction de nouveaux minarets, adoptée par approbation populaire et cantonale le 29 novembre 2009 (CCPR/C/CHE/CO/4, 22 août 2017, § 42, en mobilisant les articles 2, 18 et 27 du Pacte international sur les droits civils et politiques : non-discrimination et droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion comme à leur « propre vie culturelle » pour les minorités reconnues – ici religieuses).

Les laïcités-séparation

Illustration empruntée à la députée Isabelle Rauch, le 9 déc. 2020 (v. la citation sous le portrait également ajouté à la fin du présent billet, le 23 févr. 2021)

« Avant la loi de séparation des églises et de l’État, le culte était un service public qui fut considéré autrefois comme le plus important ». Trois ans après cette affirmation de Gaston Jèze1Gaston Jèze, note sous CE, 21 mars 1930, Société agricole et industrielle du Sud-Algérien ; RDP 1931, p. 763, spéc. p. 767, Marcel Waline annotait un arrêt de la Cour de Paris : l’incompétence de l’autorité judiciaire était confirmée, au motif qu’« il est sans intérêt que depuis la loi du 9 déc. 1905 le culte ait perdu le caractère de service public, (…) l’affectation à l’usage direct du public suffisant à justifier la domanialité publique »2Paris, 13 mai 1933, Ville d’Avallon ; D. 1934, II, 101.

L’annotateur soulignait le caractère catholique de « la catégorie de beaucoup la plus nombreuse [des] édifices affectés, avant 1905, aux cultes ». L’affaire lui servait de prétexte pour défendre une « idée traditionnelle, mais sage (une idée traditionnelle n’est pas forcément fausse) », à propos des biens relevant du domaine public3Marcel Waline, note préc., p. 103.

(LGDJ/Lextenso éd., 2015)

Il relevait d’ailleurs la reprise de l’argumentation du commissaire du Gouvernement Corneille, dans ses conclusions sur un arrêt célèbre, Commune de Monségur4CE, 10 juin 1921, Commune de Monségur ; D. 1922, III, 26, reproduites dans l’ouvrage ci-contre, n° 66, pp. 663 et s. Un « exercice de gymnastique » atypique avait entraîné des conséquences dramatiques pour un enfant ; le recours formé en son nom allait être rejeté par le Conseil d’État.

En ce 9 décembre où il sera question de la séparation, il est intéressant de (re)lire Corneille évoquer « les lois de séparation, notamment l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907, qui, après avoir remis aux communes la propriété des églises, déclare qu’à défaut d’associations cultuelles, elles restent à la disposition de la communauté des fidèles, sauf désaffectation prononcée dans les formes et dans les conditions expressément prévues par la loi »5Concl. préc., p. 664. Jean Baubérot complète : ces « lois de séparation au pluriel » (dont celle du 13 avril 1908) « avantagent le catholicisme par rapport aux autres cultes qui se sont conformés à la loi de 1905 »6Jean Baubérot, « La laïcité », in V. Duclert et C. Prochasson (dir.), Dictionnaire critique de la République, Flammarion, 2ème éd., 2007, p. 202, spéc. pp. 206-207.

Revenant sur le « conflit des laïcités séparatistes lors de l’ajout à l’article 4 », en 1905 (je les évoquais dans ce portrait), l’auteur reproche à un autre historien d’« évacuer l’enjeu du dissensus »7Jean Baubérot, Les 7 laïcités françaises. Le modèle français de laïcité n’existe pas, éd. MSH, 2015, pp. 61 et s., spéc. 64, en citant Jean-Paul Scot, « L’État chez lui, l’Église chez elle ». Comprendre la loi de 1905, Seuil, 2005, p. 240.

En titrant « L’État chez lui, l’Église chez elle », Jean-Paul Scot reprend – en l’inversant – une formule de Victor Hugo ; il y a là une entrée possible dans ma thèse, conduisant notamment à ce discours de 1850, et j’ai découvert récemment un arrêt qui m’a fait penser à la formule qu’il a choisie pour titrer son ouvrage : saisi par des pasteurs, le Conseil d’État a pu juger, à propos d’une « salle constitu[ant] un édifice servant à l’exercice du culte [protestant] », qu’une délibération du conseil municipal décidant de « diviser cette salle en deux parties » portait atteinte à « l’art. 13 de la loi » de 1905 ; il parvenait à cette conclusion après avoir noté qu’« en vertu d’un usage constant [depuis 1845], le service ordinaire du culte y est célébré le dimanche et les services extraordinaires n’y ont lieu qu’après quatre heures du soir [sic], sans, d’ailleurs, que cette affectation ait causé une gêne pour le service public de l’enseignement »8CE, 15 juill. 1938, Association cultuelle d’Allondans-Dung et Consistoire de Montbéliard, Rec. 673, spéc. p. 674. Plus anecdoctique, cette illustration de 1938 laisse aussi percevoir qu’il n’y a pas une, mais des laïcités-séparation : non seulement la plupart des « édifices des cultes » restent des propriétés publiques après la loi de « séparation » (v. son titre III, art. 12 et s.), mais elle peut s’opérer en fonction du temps sans exiger celle des espaces affectés.

Merci à Marc et Marie-Christine pour l’envoi de cette photographie, il y a deux mois, après leur passage sur la place des Républicains espagnols de Cahors ; je ne connaissais pas cette citation de Jaurès (il faudrait en retrouver l’origine), qui peut être rapprochée de celle qui figure en note de bas de page n° 37 du Livret de méthodologie (v. aussi ma thèse pp. 324-325)

Dans la période récente, Vincent Valentin a développé l’idée d’un « évidement progressif du principe », notamment marqué par « une sorte de validation jurisprudentielle » cinq ans plus tôt (avec cinq décisions du même jour, le 19 juillet 20119Vincent Valentin, « Remarques sur les mutations de la laïcité. Mythes et dérives de la « séparation » », RDLF 2016, chron. n° 14. Cette année-là, Pierre-Henri Prélot s’attachait « à démontrer qu’en dépit des idées communément reçues, [la loi n° 2010-1192 (relative au « voile intégral »)] s’inscrit en contradiction profonde avec la loi de 1905 »10Pierre-Henri Prélot, Société, Droit & Religion n° 2, Dossier thématique : L’étude des signes religieux dans l’espace public, CNRS, 2011, p. 25. C’est notamment en renvoyant à cette analyse que je qualifie de « néo-gallicane » (ma thèse, p. 367) une proposition manifestation encore d’actualité : celle d’une formation républicaine des imams.

Plus largement, à la veille des 70 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, une modification de la loi de 1905 est envisagée11V. ce communiqué commun de plusieurs organisations de défense de la laïcité, le 30 nov. ; il n’est pas possible d’exclure qu’elle vise spécialement une religion : il y aurait celle du lien à « réparer » (Emmanuel Macron le 9 avr.) et celle qu’il faudrait contrôler12V. cette tribune de Sabine Choquet, « Est-ce le rôle de l’Etat de distinguer le bon du mauvais islam ? », Le Monde le 29, p. 28 ; à propos de la jurisprudence qu’elle rappelle, v. mon (long) billet du 15 mai ; une version de la tribune de Patrick Weil a été mise en ligne le lendemain : pour les références à l’Algérie, comparer celles de ma thèse, signalées à partir de celui du 15 oct., au besoin en allant s’inspirer « de la cacherout – ensemble des règles alimentaires du judaïsme – contrôlée par le Consistoire israélite », alors que « ce modèle a été mis en place en d’autres temps, sous le règne de Napoléon Bonaparte, avant les lois de séparation »13Rachid Benzine, Le Monde le 7 mars, p. 20 et 12 sept., p. 21 ; v. aussi le 15 août, p. 23, Raberh Achi évoquant un « projet de Napoléon III de créer en 1865 un « consistoire musulman » en Algérie »..

L’année dernière, une revendication de laïcité-séparation avait été faite à Strasbourg, pendant que des crèches de Noël étaient installées au siège de la Région Auvergne-Rhône-Alpes (v. mes billets des 9 juill. et 25 févr., tous deux actualisés ce 9 déc.).

Si les affaires citées au seuil de ce billet témoignent de ce qu’elle rencontrait des limites dès sa consécration, l’idée de séparation n’était pas, dans l’entre-deux-guerres, remise en cause comme elle le sera plus tard en matière d’enseignement. Je renvoie sur ce point à mon introduction (pp. 19 à 22) et, surtout, à mes développements sur la consécration, par la loi Debré en 1959, de l’affaiblissement de la laïcité-séparation (pp. 572 et s.). J’ai notamment mobilisé les écrits de François Méjan (évoqué avec son père Louis14Et un autre juriste ayant contribué à la rédaction de la loi de 1905, Paul Grünebaum-Ballin ; v. mon billet du 28 juill. sur Jean Zay. ; Lucie-Violette Méjan, sa sœur, a réalisé à la même période sa thèse sur l’œuvre de leur père, dernier Directeur de l’Administration autonome des Cultes 15Préfacée par Gabriel Le Bras et publiée aux PUF, en 1959, elle est recensée ici, et ..

Un élément d’actualité est fourni par Elsa Forey16Elsa Forey, « Relations entre les cultes et les pouvoirs publics : le législateur prêche la confiance. Réflexions sur la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance », AJDA 2018, p. 2141 ; publiée le mois dernier, son étude mobilise les travaux préparatoires de la loi n° 2018-727 par laquelle le législateur est « revenu sur la loi n° 2016-1691 » d’il y a exactement deux ans (dite « loi Sapin 2 »), plus précisément son article 25. L’une des interrogations finales de l’autrice est formulée ainsi : « Quid des démarches engagées par les associations chargées de l’enseignement privé confessionnel (très majoritairement catholique) auprès des pouvoirs publics ? Seront-elles considérées (…) comme des associations « à objet cultuel », dispensées de déclarer leurs activités auprès des pouvoirs publics ? Une députée le suggère sans être contredite par le ministre ou le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale (AN, séance du 26 juin 2018) » 17Art. préc., pp. 2146-2147.

(publié aux éd. du Seuil, 2011)

Pour conclure, il est intéressant d’envisager les Laïcités sans frontières – qu’elles soient spatiales, ou temporelles –, pour reprendre le titre de l’ouvrage ci-contre. En 2011, Jean Baubérot et Micheline Milot rappelaient, page 9, qu’Aristide Briand citait en son temps « les États-Unis, avec le Canada, le Mexique ou le Brésil, comme des pays où « l’État est réellement neutre et laïque » (Chapitre IV de son rapport à la Chambre des députés) » (4 mars 1905, p. 14918V. aussi pp. 179 et s., à partir d’une « récente étude de M. Louis Gullaine », publiée le 10 janvier 1905 à la Revue politique et parlementaire.. Fin 2018, deux dynamiques plus ou moins enthousiasmantes peuvent être évoquées : à rebours de celle signalée par cet extrait du Courrier des Balkans19« Grèce : vers la séparation de l’Église et de l’État ? », 26 nov. 2018, celle du Brésil20V. le troisième temps de mon billet du 5.

Ajout au 30 septembre 2019, pour signaler ce billet de Jean Baubérot (le 25), annonçant la parution du premier tome d’une …Histoire politique des Séparations des Églises et de l’État (1902-1908), éd. MSH ; le pluriel est justifié par une citation de Georges Clemenceau, dans L’Aurore du 18 septembre 1904 : « La séparation selon M. Ribot n’est pas du tout la séparation selon M. Combes, laquelle diffère absolument de la séparation selon M. Briand, pour ne pas parler d’un certain nombre d’autres »…

Portrait réalisé par Pierre Mornet, pour illustrer la tribune de Jean Baubérot, « Monsieur le président, ne passez pas de Ricœur à Sarkozy ! », nouvelobs.com 28 nov. 2020 ; la première illustration renvoie à un texte faisant référence aux « territoires les plus relégués de notre République » ; cinq jours auparavant, v. aussi la réaction de Ludovic Mendes, également député LREM de la Moselle (retweeté par @EnMarche57, ce 4 déc. ; v. encore Antoine Balandra, « Loi séparatismes : pourquoi le concordat d’Alsace-Moselle ne sera pas remis en cause », francebleu.fr 15 févr. 2021, en comparant avec mes observations – publiées le lendemain – sous TA Guyane Ord., 30 oct. 2020 ; AJCT 2021, pp. 104-105, in fine).

Plus d’un an plus tard, j’avais basculé certaines parenthèses en notes, dans la foulée de la publication de mon billet du 29 novembre 2020 ; le 23 février 2021, j’ai ajouté les première et dernière illustrations en le complétant21Note ajoutée le 9 mars 2021, en décalant les précédentes pour intercaler la numéro 18, à l’occasion de ce billet : v. Augustine Passilly, « Renforcement de la laïcité : un projet de loi controversé », 16-17 déc. 2020, avec le précédent, pour citer – ici aussi – Jean Baubérot (entretien avec, par Claire Legros), « Le gouvernement affirme renforcer la laïcité, alors qu’il porte atteinte à la séparation des religions et de l’État », Le Monde 15 déc. 2020, p. 30 (annoncé à la Une, ce mardi-là).

S’agissant des « 250 aumôniers de prison musulmans », l’historien invite « à s’inspirer du travail de l’armée, où les aumôniers militaires musulmans comme leurs homologues catholiques, protestants et juifs sont intégrés à l’institution en tant qu’officiers et doivent connaître l’histoire et les règles républicaines, notamment celles concernant la laïcité. Un tel dispositif n’est pas une atteinte à la laïcité » (comparer mon billet du 30 avril 2020, en note n° 51 ; v. aussi celui du 30 mars 2018, déplorant – dans le prolongement de la page 1135 de ma thèse – le peu d’activités éducatives proposées en détention – lesquelles sont d’ailleurs actuellement suspendues, ici et là) ; « En régime de séparation, les rapports entre la République et les religions sont surtout juridiques. Il serait plus logique que ce soit le ministère de la justice [et non plus celui de l’intérieur] qui gère les cultes ».

Notes

1 Gaston Jèze, note sous CE, 21 mars 1930, Société agricole et industrielle du Sud-Algérien ; RDP 1931, p. 763, spéc. p. 767
2 Paris, 13 mai 1933, Ville d’Avallon ; D. 1934, II, 101
3 Marcel Waline, note préc., p. 103
4 CE, 10 juin 1921, Commune de Monségur ; D. 1922, III, 26
5 Concl. préc., p. 664
6 Jean Baubérot, « La laïcité », in V. Duclert et C. Prochasson (dir.), Dictionnaire critique de la République, Flammarion, 2ème éd., 2007, p. 202, spéc. pp. 206-207
7 Jean Baubérot, Les 7 laïcités françaises. Le modèle français de laïcité n’existe pas, éd. MSH, 2015, pp. 61 et s., spéc. 64, en citant Jean-Paul Scot, « L’État chez lui, l’Église chez elle ». Comprendre la loi de 1905, Seuil, 2005, p. 240
8 CE, 15 juill. 1938, Association cultuelle d’Allondans-Dung et Consistoire de Montbéliard, Rec. 673, spéc. p. 674
9 Vincent Valentin, « Remarques sur les mutations de la laïcité. Mythes et dérives de la « séparation » », RDLF 2016, chron. n° 14
10 Pierre-Henri Prélot, Société, Droit & Religion n° 2, Dossier thématique : L’étude des signes religieux dans l’espace public, CNRS, 2011, p. 25
11 V. ce communiqué commun de plusieurs organisations de défense de la laïcité, le 30 nov.
12 V. cette tribune de Sabine Choquet, « Est-ce le rôle de l’Etat de distinguer le bon du mauvais islam ? », Le Monde le 29, p. 28 ; à propos de la jurisprudence qu’elle rappelle, v. mon (long) billet du 15 mai ; une version de la tribune de Patrick Weil a été mise en ligne le lendemain : pour les références à l’Algérie, comparer celles de ma thèse, signalées à partir de celui du 15 oct.
13 Rachid Benzine, Le Monde le 7 mars, p. 20 et 12 sept., p. 21 ; v. aussi le 15 août, p. 23, Raberh Achi évoquant un « projet de Napoléon III de créer en 1865 un « consistoire musulman » en Algérie ».
14 Et un autre juriste ayant contribué à la rédaction de la loi de 1905, Paul Grünebaum-Ballin ; v. mon billet du 28 juill. sur Jean Zay.
15 Préfacée par Gabriel Le Bras et publiée aux PUF, en 1959, elle est recensée ici, et .
16 Elsa Forey, « Relations entre les cultes et les pouvoirs publics : le législateur prêche la confiance. Réflexions sur la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance », AJDA 2018, p. 2141
17 Art. préc., pp. 2146-2147
18 V. aussi pp. 179 et s., à partir d’une « récente étude de M. Louis Gullaine », publiée le 10 janvier 1905 à la Revue politique et parlementaire.
19 « Grèce : vers la séparation de l’Église et de l’État ? », 26 nov. 2018
20 V. le troisième temps de mon billet du 5
21 Note ajoutée le 9 mars 2021, en décalant les précédentes pour intercaler la numéro 18, à l’occasion de ce billet : v. Augustine Passilly, « Renforcement de la laïcité : un projet de loi controversé », 16-17 déc. 2020

Vers une remise en cause du numerus clausus ?

Dans la dernière édition de leur Que sais-je ? sur La santé publique, publiée en novembre dernier, Aquilino Morelle et Didier Tabuteau notaient que « les pouvoirs publics ont régulé l’offre en diminuant drastiquement le numerus clausus pour l’accès aux études médicales, au point de faire craindre une « pénurie » médicale dans les années 2020 » (PUF, 3ème éd., 2017, p. 86).

Le 13 février, à l’hôpital Simone-Veil d’Eaubonne, Edouard Philippe et Agnès Buzyn avaient promis « une réflexion sans tabou sur le numerus clausus » (selon Marie-Christine de Montecler, « La stratégie de transformation du système de santé du Gouvernement », AJDA 2018, p. 304 ; v. aussi Camille Stromboni, « Une concertation va être lancée pour réformer les études de médecine », Le Monde.fr 26 févr. 2018, mis à jour le 28, avec l’annonce par la ministre d’une « loi en 2019 »). Entretemps, Olivier Véran proposait « de remplacer le numerus clausus parce qu’on pourrait appeler un numerus apertus » (Francetvinfo.fr 11 janv. 2018).

« Le gouvernement souhaite mettre fin au numerus clausus ainsi qu’au concours en fin de première année, tel qu’il existe actuellement, révèle franceinfo mercredi 5 septembre » (Solenne Le Hen).

L’expression numerus clausus conduit à la page 953 de ma thèse, où je cite une phrase de Nicolas Hervieu, en 2013, qui demeure d’actualité ; trois ans plus tôt, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rendait, en Grande Chambre, son arrêt Bressol et Chaverot (contre Gouvernement de la Communauté française [de Belgique]) ; l’auteur commentait quant à lui l’arrêt Tarantino et autres contre Italie, rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH ; pour l’analyse de ces prises de position des juridictions européennes, pertinentes pour aborder d’un point de vue juridique la question du numerus clausus, v. respectivement pp. 946 et s. et 972 et s.).

Pour finir sur un regard de droit étranger, Philippe Mesmer informait cet été que l’« université de médecine de Tokyo limite l’accès des femmes » (titre dans Le Monde p. 4) : TMU « a discrètement fixé un numerus clausus à leur admission dans ses amphithéâtres. Depuis 2011, l’établissement privé fait tout pour éviter d’avoir plus de 30 % d’étudiantes reçues à son examen d’entrée. En 2018, le taux de réussite fut de 8,8 % pour les garçons et de 2,9 % pour les filles. Révélée jeudi 2 août par le quotidien Yomiuri, l’affaire a incité une centaine de femmes à se rassembler, vendredi, devant la TMU pour appeler à la fin des discriminations » ; « la propension des femmes à se marier et à avoir des enfants », pour reprendre la formule du correspondant du quotidien, serait la cause de cette décision « [qualifiée] de « tout simplement inacceptable » » par le ministre de l’éducation, Yoshimasa Hayashi, sans qu’il remette pour autant en cause le « droit » des établissements d’en restreindre l’accès, en l’occurrence aux femmes aspirant à y étudier (v. ma conclusion générale, pp. 1225-1226).

Ajouts au 19 septembre 2018, modifiés le 22

Au lendemain de la présentation du plan Santé, précédée la veille par un entretien de la ministre Agnès Buzyn (Le Parisien.fr 17 sept. 2018), Le Monde titre page 9 : « Le numerus clausus remplacé par de nouvelles procédures sélectives ». L’article de Camille Stromboni est accompagné d’un entretien avec Marc-Olivier Déplaude, pour qui le « système a volé en éclats avec la forte augmentation du nombre de médecins venant d’autres pays de l’Union européenne, et qui ont les mêmes droits que les médecins formés en France en matière d’installation et de conventionnement. Par conséquent, le numerus clausus comme instrument de maîtrise des dépenses de santé ne fonctionne plus ». Il est l’auteur de La Hantise du nombre. Une histoire des numerus clausus de médecine (Les Belles Lettres, 2015, 408 p. ; cette enquête socio-historique est issue d’une thèse en science politique, soutenue à Paris I en 2007). Dans son dernier chapitre (« L’autre numerus clausus », pp. 311 et s.), des développements sont consacrés à cette « irruption des « médecins étrangers » sur la scène publique » (pp. 332 et s.).

Page 946 de ma thèse, je rappelle que la (Communauté française de) Belgique avait, en 2006, réformé son système en réaction à « l’afflux des étudiants français », dont l’une des principales causes résidait précisément dans le numerus clausus ; l’Etat belge mettait en avant le droit à l’éducation, ignoré dans les débats en France sur la question.

Page 69 du livre précité se trouve évoqué le refus exprimé par un fonctionnaire de l’Education nationale, devant un groupe de travail du Commissariat général du Plan au début des années 1960 (pp. 46-47) ; il serait intéressant de pouvoir consulter l’archive signalée, ce refus initial du numerus clausus étant présenté par Marc-Olivier Déplaude comme fondé sur le « droit, pour tout bachelier, de s’inscrire à l’université » (p. 69 ; la loi, en France, ne reconnaissait pas ce droit, ou cette liberté ; elle a d’ailleurs disparu comme telle le 8 mars 2018). Page 78, il note que « ce n’est pas le moindre des paradoxes que les évènements de mai-juin 1968 et les réformes qu’ils ont suscitées aient favorisé, trois années plus tard, l’adoption d’une telle mesure » (par une loi considérée comme nécessaire par le Conseil d’Etat, consulté par le Gouvernement : v. pp. 129-130). La remarque suscite l’intérêt, plus de cinquante ans après.

Ajout au 8 octobre 2018 : selon Manon Francois, Bérénice Gaudin, Camille Jaegle et Églantine Roland, la Cour Constitutionnelle fédérale allemande a déclaré, le 19 décembre 2017, l’inconstitutionnalité de « la sélection effectuée pour le cursus de médecine (…), au nom de la liberté professionnelle et du principe d’égalité » (La Revue des Droits de l’Homme ADL 2 oct. 2018, §§ 37 et s.). Les étudiantes du Master Bilingue droit de l’Europe rendent compte auparavant d’une décision du 12 juin 2018 (§§ 6 à 9), admettant l’« interdiction du droit de grève des professeurs allemands » : « Elle poursuit, selon la Cour, un but légitime, à savoir le droit à l’éducation » ; il permettrait donc de fonder une restriction, mais ne serait pas directement convoqué pour justifier la remise en cause du numerus clausus, dans la continuité de sa position du 18 juillet 1972 (v. ma note de bas de page 1148, n° 3206).

Aout au 5 janvier 2019 (en signalant le deuxième paragraphe de ce billet) : le 27 décembre dernier, le deuxième alinéa du IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 prévoyait toujours que certains praticiens diplômés hors Union européenne ne « peuvent continuer à exercer leurs fonctions [que] jusqu’au 31 décembre 2018 » ; la loi n° 2018-1245 est venue, au dernier moment, prolonger ce délai jusqu’en 2020.

Hayek, Friedman et le « chèque éducation »

Friedrich Hayek devant des étudiants de la London School of Economics en 1948, Crédits : Getty, repris de franceculture.fr 7 janv. 2020 ; dialoguant avec Tiphaine de Rocquigny, Serge Audier rappelle à la fin qu’Hayek « a dédicacé son livre [The Constitution of Liberty] à Salazar »…

Au début de mes recherches, mon directeur de thèse m’avait encouragé à suivre la piste du « chèque éducation », pour développer ce qu’il désigne – dans son dernier ouvrage – l’« [h]ypothèse d’une réalisation libérale des droits de solidarité » (Xavier Dupré de Boulois, Droit des libertés fondamentales, PUF, 2018, p. 532, § 818). Il aurait probablement apprécié que je l’approfondisse davantage, mais la méthode que j’ai adoptée (pp. 32 et s.) ne le permettait que difficilement : mes trouvailles – mises de côté en vue d’une éventuelle publication spécifique – m’ont semblé insuffisamment liées à l’émergence du droit à l’éducation. Il convient cependant de rester prudent ; selon François Lacasse, des « forêts entières ont été abattues pour imprimer les écrits sur le sujet » des « vouchers » (« Réformer ou recentrer le secteur public : dynamiques et prévisions », RFAP 2003, n° 105-106, p. 25, spéc. p. 36).

Tout juste l’une des questions de Vincent Valentin durant ma soutenance m’a-t-elle conduit à compléter le propos – initialement limité – consacré à la pensée d’Hayek (cette entrée mène aux notes de bas de page 234, 559 et 1178, renvoyant notamment à cette page 125  : ce dernier critiquait les formulations de la DUDH, mais pas de son article 26 relatif au droit étudié). Le « chèque éducation » est encore évoqué en note n° 3337, à la page 1167 où se trouve mentionnée l’hypothèse sus-évoquée (celle d’une réalisation alternative, moins « sociale », du droit à l’éducation).

Dans sa chronique de la thèse de Caroline Boyer-Capelle (Le service public et la garantie des droits et libertés, thèse Limoges, 2009, 732 p.), Xavier Dupré de Boulois notait « qu’elle aurait pu aller plus loin », notamment en s’intéressant au lien qu’entretient « le phénomène d’individualisation de la situation des usagers (…) avec le courant néo-libéral. Le débat actuel sur le chèque éducation (school vouchers) dont le principe a notamment été défendu par la Commission pour la libération de la croissance française présidée par J. Attali (Rapport, janv. 2008, décision n° 6, p. 28), donne ainsi à voir une autre perception de cette individualisation, bien moins conforme aux canons de la fraternité » (RFDA 2011, pp. 181 et s.).

Si ce rapport visait en effet, à la page 28 indiquée, des « droits à l’école », la proposition n’a pas été réitérée par l’intéressé à l’approche de la précédente élection présidentielle (comparer, par ex., « Les douze réformes du futur président, selon Attali », Le Monde 6 févr. 2017, p. 21 : « 1. Augmenter massivement les taux d’encadrement dans les écoles maternelles et primaires des quartiers, pour réussir l’intégration [sic] dans la République laïque et fraternelle [re-sic] » ; avançant que « la laïcité n’est plus garantie », il prescrivait plus loin : « 8. Réaffirmer les termes stricts de la laïcité, et l’appliquer à toutes les cultures qui font la France »). Récemment, Virginie Calmels s’est référée au « bon scolaire » ou « chèque éducation » (« La droite ne doit pas s’éloigner du libéralisme économique », Ibid. 20 juill. 2018, p. 27) ; comme c’est le cas le plus souvent dans le contexte français, l’expression droit à ne figure pas dans cette revendication (ici délibérément présentée, quoique dans une question rhétorique, comme destinée à « protéger le service au public » plutôt que « le service public »).

« Bernie Sanders reads “Capitalism and Freedom” by Milton Friedman (Speech Synthesis) », youtube.com 4 nov. 2019

Dans l’ouvrage précité, publié le 6 juin, Xavier Dupré de Boulois renvoie dans un premier temps à l’ouvrage de Milton Friedman (traduit de l’anglais (Etats-Unis) par A.-M. Charno), Capitalisme et liberté, Flammarion, 2016 (1962), 316 p. Les passages pertinents du chapitre 6 (« Le rôle du pouvoir politique dans l’éducation », p. 151) figurent pp. 156-157, avec cette comparaison : « Le rôle des pouvoirs publics se limiterait à s’assurer que les écoles répondent à certaines normes minimales – telles que l’inclusion dans les programmes d’un minimum de contenu commun –, d’une façon qui rappellerait beaucoup l’inspection à laquelle on soumet les restaurants pour être sûr qu’ils satisfont à certaines normes sanitaires minimales ». De façon remarquable, l’économiste livrait comme exemple le droit français, soit le « système qui fait que l’Etat couvre une partie des frais des élèves de l’enseignement libre » (v. aussi p. 168 ; ce n’est substantiellement le cas que depuis la loi Debré, adoptée moins de trois ans avant la première édition de Capitalism and Freedom). Il n’ignorait pas les « différends politiques, en particulier en France », sur la question d’un éventuel renforcement des « écoles confessionnelles », mais il balayait l’objection comme « contraire à la préservation de la liberté même » (p. 158). Page 160, il réfutait aussi l’argument selon lequel « les écoles privées tendraient à exacerber les distinctions de classe ». Le chapitre 7 s’intitule « Capitalisme et discrimination raciale ou religieuse » (p. 183) et se conclut par une affirmation favorable à « un grand élargissement des possibilités offertes aux plus capables et aux plus ambitieux des jeunes Noirs [sic] » (p. 196). L’arrêt Brown v. Board of Education, rendu en 1954, n’est pas commenté. Surtout, les développements sur la « ségrégation à l’école » (p. 194) ne contiennent pas, là non plus, de référence au droit étudié, mais cette fois encore plus significativement car ils font suite à ceux sur les « lois sur le droit au travail » (pp. 191 et s.). Le seul point d’appui précis de ce livre, de mon point de vue, tient dans la mention de « normes minimales » (cette entrée renvoie dans ma thèse à plusieurs occurrences, essentiellement des textes internationaux – ceux-là mêmes à qui les détracteurs des « droits sociaux » dénient l’effet direct, au motif qu’ils seraient imprécis…).

Dans un second temps se trouve cité un article d’Arnaud Lacheret (« L’évaluation comme instrument d’effacement du sens politique : la controverse autour de l’évaluation des schools vouchers américains », RFAP 2013/4, n° 148, p. 923 ; texte de 21 p. mis en ligne le 8 avr. 2014) ; l’auteur présente certains résultats de sa thèse de science politique, centrée sur les collectivités territoriales françaises et intitulée L’aide sociale par le chèque (Grenoble, 2014). Après avoir rappelé que Friedman a conseillé Pinochet (pp. 1, 5 et 11), il conclut plus largement que ladite évaluation est « quasiment impossible à mener à bien », avant de signaler que « le système suédois pour ne citer que cet exemple est très proche du chèque éducation imaginé par plusieurs Etats américains » (pp. 17 et 18).

L’« une des meilleures [“écoles libres”] du pays » a récemment suscité l’indignation, selon l’envoyée spéciale Anne-Françoise Hivert (« À Stockholm, l’école de l’élite accueille des réfugiés… suédois », M Le Magazine du Monde 7 juill. 2018, p. 26) : « Il s’agit d’une friskola (…) qui, comme tous les établissements de ce type en Suède, est financée par la commune, en fonction du nombre d’élèves inscrits » ; il lui a été reproché d’avoir permis à trois familles fortunées de « court-circuiter la queue », non sans « empocher le bonus de 10 000 couronnes (environ 1 000 euros) versés par la municipalité aux écoles accueillant de “nouveaux arrivants” » (dont l’enfant « d’un multimillionnaire revenant vivre en Suède après des années à l’étranger »).

Suède sur la carte du monde – actualitix.com Crédit

Ajouts au lendemain des élections en Suède (législatives, mais aussi locales) du dimanche 9 septembre 2018 : dans un autre article, Anne-Françoise Hivert attirait l’attention sur Stefan Borg, l’un des « candidats des SD [pour Sverigedemokraterna (Démocrates de Suède), la formation d’extrême droite ; elle notait que dans son programme figure notamment] la création de classes séparées pour les réfugiés afin de ” rétablir l’ordre et le calme à l’école et ne pas nuire aux résultats des autres élèves “ » (« En Suède, l’extrême droite se fond dans le paysage », Le Monde 29 août 2018, p. 4). Selon Marie Regnier et Alice Froussard ce jour, il a été élu à Hörby, « commune rurale au Nord-Est de Malmö » (rmc.bfmtv.com) ; à propos de son projet, rappelé dans ce lien in fine, v. mon billet daté du 6 juin dernier.

Dans Le Monde diplomatique de ce mois de septembre, pp. 18-19, Violette Goarant signe deux articles dans lesquels elle traite des « chèques éducation » : « Au nom de la « liberté de choix » » et « Privatisation de l’école, le fiasco suédois » (la journaliste note dans le premier que, « dès les années 1980, le débat sur la « liberté de choix » s’impose dans les médias » ; dans le second, elle remarque que, depuis la mise en place de ce système dans les années 1990, « il n’y a plus de carte scolaire »). Mettant « en perspective » son enquête, le mensuel commente ce lundi : « Un fiasco qui explique aussi l’échec des partis de gouvernement lors des élections du 9 septembre ».

Page 20, Laura Raim s’intéresse à la diffusion de la « logique de marché » en France (« À qui profite la paix scolaire ? Des établissements confessionnels aux fonds de pension ») ; avant d’évoquer les « mesures d’assouplissement de la carte scolaire », elle écrit : « Même des fervents libéraux, comme l’économiste Milton Friedman, considèrent l’éducation primaire et secondaire comme un bien à « externalité positive », c’est-à-dire bénéfique à l’ensemble de la société, contrairement à l’enseignement supérieur, perçu comme un placement individuel, et donc légitimement payant. S’ils acceptent par conséquent le principe du financement public du secondaire, ils militent pour accroître l’« autonomie » des établissements, la « diversité » de l’offre ainsi que la « liberté de choix » des familles » (je renvoie sur les deux points soulignés à mon précédent billet).

Ajouts au 30 septembre et 9 octobre, repris pour composer pour mon billet du 5 novembre 2018

Ajout des illustrations au 31 janvier 2020, lors de la publication de ce billet.

Carte scolaire et droit à l’éducation

Il y a quelques mois, cette note de Lorenzo Barrault-Stella a fait l’objet d’une diffusion en ligne : « La carte scolaire, une politique entretenant les inégalités », Les notes du conseil scientifique de la FCPE avr. 2018, n° 10, 4 p. Des extraits peuvent être reliés à plusieurs développements de ma thèse (l’entrée « Barrault » permet de voir comment j’ai mobilisé ses travaux, en particulier la version publiée de sa thèse de science politique soutenue à Paris I, le 2 décembre 2011).

Il rappelle que « la carte scolaire est d’abord un dispositif d’action publique, (…) [initialement institué] dans une perspective gestionnaire de planification et d’aménagement du territoire ». Toujours en première page, il relève la concomitance avec « l’abandon de la séparation filles/garçons au profit de ce que l’on nomme à l’époque la « mixité » sexuelle dans les classes ». Ensuite, il affirme que le dispositif « est présenté comme la concrétisation d’un droit à une scolarisation de proximité », ce tout en étant « peu débattu publiquement au début des années 1960 » (p. 2 ; je souligne). Ce faisant, il semble procéder à une relecture anachronique, très fréquente, anticipant – ici seulement de quelques années – la « reformulation du droit interne à partir de 1975 », objet du troisième chapitre de ma seconde partie (pp. 985 et s.).

Page 1204, la piste d’un prolongement de la réflexion sur les politiques publiques prétendant faire plus de place au « libre choix » de l’école n’est qu’évoquée, compte tenu du « cadrage dominant » familialiste souligné dans la suite du propos de Lorenzo Barrault-Stella (v. aussi Jean-Paul Delahaye, Grande pauvreté et réussite scolaire. Le choix de la solidarité pour la réussite de tous, Rapport IGEN, mai 2015, 224 p., spéc. pp. 94 et s., avec les références citées) ; elle peut être explorée à partir du « chèque éducation ».

Actualité contentieuse, dans le contexte français : mi-avril, il ressortait d’un article de presse que « le tribunal administratif de Rouen a rejeté le référé déposé par la Ville de Val-de-Reuil et des parents d’élèves du collège Pierre-Mendès-France » ; était en cause « le choix du Département [sic] de fermer le collège rolivalois – dans le cadre de la nouvelle carte scolaire –, dès la fin de l’année scolaire, en juin ». Le maire PS de la ville, Marc-Antoine Jamet, indiquait que « la cassation du référé » avait été sollicitée (Paris-Normandie.fr 17-18). Ce 16 avril, le président du tribunal avait plus précisément rendu deux ordonnances et le Conseil d’Etat s’est prononcé le 18 juillet (AJDA du 30, p. 1516, obs. Jean-Marc Pastor : « Fermeture d’un collège : litige autour d’une compétence partagée Etat-département » ; reprises sur Dalloz-actualite.fr).

Il annule la première pour « erreur de droit », sans pour autant donner raison aux requérants : s’ils pouvaient contester la délibération du conseil départemental de l’Eure du 11 décembre 2017, en ce qu’il était légalement compétent pour définir les « secteurs de recrutement de l’ensemble des collèges sur le territoire de la communauté d’agglomération Seine-Eure », les moyens développés ne sont pas, « en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la délibération attaquée » (CE Ord., 18 juill. 2018, Cne de Val-de-Reuil et a., n° 420043, cons. 3-4 et 7-8).

A propos de la seconde ordonnance, les pourvois sont directement rejetés. Par un arrêté du 12 puis du 14 décembre, le préfet a prononcé « la fermeture de l’établissement public d’enseignement Pierre Mendès France de Val-de-Reuil » (sollicitée par courrier du conseil départemental en conséquence de sa délibération précitée). La condition relative au doute sérieux n’est là non plus pas satisfaite, notamment à propos du « moyen tiré de ce que la décision du préfet de l’Eure [serait] entachée d’erreur manifeste d’appréciation » ; « le juge des référés a porté sur les faits une appréciation souveraine qui, eu égard à la couverture des besoins éducatifs dans le département, n’est pas entachée de dénaturation » (Ibid., n° 420047, cons. 3 et 8).

Signalé au bas de la décision, l’apport essentiel vient de la transposition par le Conseil d’Etat d’une position arrêtée le 2 décembre 1994 (v. ma thèse page 110, spéc. les notes 628 et 629) ; elle consiste à affirmer que « la fermeture d’un collège ne peut intervenir que dans le cadre d’une procédure [distincte de celle de sectorisation] permettant de recueillir l’accord du département », après avoir rappelé que « le législateur a entendu partager la compétence pour l’organisation du service public de l’enseignement du second degré entre l’Etat, d’une part, et, s’agissant des collèges, le département, d’autre part » (cons. 5 et 2). Alors que la décision en cause aura nécessairement des effets sur la réalisation du droit à l’éducation des ex-élèves de cet ancien collège, il convient de remarquer qu’il n’en est pas fait mention ; la référence alternative mobilisée – le service public – reste largement déterminée par les collectivités publiques (v. mon dernier chapitre, pp. 1187 et s.).

Nicole Fontaine (16 janv. 1942-17 mai 2018), l’enseignement catholique et la Charte des droits fondamentaux

Photo ajoutée le 9 nov. 2019 (fondationscelles.org 24 mai 2018)

Jean-Pierre Stroobants signale le décès de « Nicole Fontaine. Ancienne présidente du Parlement européen » (Le Monde 22 mai 2018, p. 15) ; il note qu’elle « connut trois vies. Une de responsable de l’enseignement catholique, une autre de ministre et une troisième, la plus importante sans doute à ses yeux, d’élue européenne. (…) Licenciée à 20 ans, diplômée ensuite de Sciences Po Paris, elle décroche en 1969 un doctorat d’Etat en droit public pour une thèse sur l’application de la loi Debré, qui avait institué le régime de ­contrats entre l’Etat et les établissements privés d’enseignement. Pendant vingt ans, elle sera la responsable des relations entre ces derniers et les pouvoirs publics. Son combat pour l’école catholique allait se poursuivre après l’élection de M. Mitterrand et la mobilisation contre le projet de loi Savary sur l’école privée, finalement retiré et jamais réintroduit. (…) Emmanuel Macron a salué, vendredi 18 mai, une femme « qui, pendant trente-cinq ans de sa vie, aura mené le combat de la construction européenne », dans la « grande tradition de la démocratie chrétienne » ».

Entrer son nom conduit à un certain nombre de résultats dans ma thèse ; en l’indiquant avec son prénom, à une dizaine : ils sont répartis entre les première et seconde partie, à propos de la liberté de l’enseignement et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (qui affirme le droit à l’éducation).

Handicap, service public et (in)compétence du juge administratif

Situation de Montbrison sur Google Map (issue du site cheznous-immobilier.fr)

La revue de l’association lyonnaise de droit administratif signale un référé-liberté exercé par les parents de trois élèves en situation de handicap (TA Lyon Ord., 10 janv. 2018, M. et Mme V, n° 1800051, 1800052 et 1800053 ; Rev.jurisp. ALYODA 2018, n° 2, obs. A.-L. Sagon).

Les trois requêtes visaient à ce que la directrice de l’école privée Saint-Charles de Montbrison se voit ordonner la mise en œuvre intégrale de leur projet personnalisé de scolarisation (PPS), conformément à ce qu’avait décidé la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la Loire le 25 octobre 2016 (concernant Manon) et le 17 janvier 2017 (s’agissant d’Elise et Guillaume).

Le premier vice-président du tribunal administratif de Lyon rejette le recours. Si l’établissement « participe » au service public de l’enseignement, ces requêtes « relatives à l’organisation de la scolarité, qui ne procèdent pas de l’exercice d’une prérogative de puissance publique, ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative » (cons. 6 ; ordonnance de tri sur le fondement de l’article L. 522-3 du CJA).

La question de la situation des établissements privés sous contrat par rapport au service public est abordée dans la conclusion du titre 1, pp. 189 et s. Au seuil de ce titre, page 61, il est remarqué une tendance doctrinale consistant à aborder le ou les service(s) public(s) à partir de ceux industriels et commerciaux ; elle conduit ici à présenter l’ordonnance comme illustrant l’extension d’un « mouvement de restriction » les concernant. Anne-Laure Sagon la critique « en ce qu’elle fragilise l’exercice du droit fondamental à l’éducation ». Assurément, cette décision en tant que telle ne le renforce pas.

La position du juge judiciaire reste toutefois peu connue. Quant à celle du Conseil d’Etat, bien plus étudiée, elle est moins favorable que ne le donnent à voir les présentations les plus fréquentes des affaires Laruelle et Peyrilhe (pp. 1108 et s.), citées au terme des observations sous cette ordonnance. Il convient à cet égard de remarquer que ce « droit » était invoqué comme un « principe » fondamental. A minima, le juge des référés aurait pu préciser son visa – s’y trouve mentionnée la Convention, à propos d’un droit mentionné dans son premier protocole – et reformuler en termes de droit à, conformément aux discours du droit (pp. 1169 et s.).

Ajout de l’illustration au 29 décembre 2019.

« La laïcité, c’est d’abord la liberté de conscience » ; et ensuite ?

Planche reprise du site ac-martinique.fr (2016)

En février, le rapport Clavreul était rendu public et faisait « polémique »[1]. Le 28, Valentine Zuber lui reprochait de mettre « en péril le droit à la liberté de croyance », au nombre des « libertés publiques les plus chèrement acquises » ; Roseline Letteron saluait quant à elle cette « pierre dans le jardin de l’Observatoire de la laïcité ».

L’ironie de cette dernière – concernant la piscine – rappelle celle dont faisait preuve Rémy Schwartz il y a près de vingt ans (pp. 432 à 434 de ma thèse, dans le titre consacré aux libertés publiques pour saisir le bienfait éducation). Selim Degirmenci a pour sa part proposé un commentaire critique[2]. En note n° 25, il est écrit : « Une recherche rapide des occurrences permet de voir que l’expression « principe de laïcité » apparait 3 fois dans le rapport, tandis que l’expression « la laïcité » apparaît elle près de 200 fois » ; le terme « liberté » bien moins et la formulation « droit à » jamais, est-il possible d’ajouter.

Commentant un autre texte remarqué, Jean Baubérot relève que le « « radicalisme irreligieux » ou « athée » » fait rarement l’objet d’investigations[3], avant de préciser en note n° 10 que tout se passe « comme si, en matière de laïcité, une démarche de connaissance n’existait pas et tout un chacun avait la science infuse ! »[4].

Il arrive aussi que des erreurs soient beaucoup trop répétées, y compris dans des textes qu’il appartient au vice-président du Conseil d’État d’assumer[5]. Cité à de nombreuses reprises par Jean-Marc Sauvé le 11 octobre 2017, Jean Baubérot l’est encore plus dans ma thèse, par exemple page 344 avec un rappel proche de celui employé pour titrer ce billet (à propos des cantines, abordées pp. 11-12 par Gilles Clavreul et dans son § 25 par Selim Degirmenci) ; cet intitulé est en réalité inspiré par une tribune d’un autre ancien membre de la Commission Stasi, Patrick Weil, publiée dans Le Monde de ce jour, page 19 : « La laïcité, c’est d’abord la liberté de conscience ».

Dessin conduisant à la première vidéo de la web-série sur « la laïcité » de l’ONG Bibliothèques Sans Frontières, créée par Patrick Weil (mise en ligne le 1er déc. 2017)

En 2006, la Commission Machelon affirmait que c’était « d’abord (…) la liberté religieuse » (citée p. 369). Commençant par une référence à la « laïcité dite « ouverte » » et se terminant par une autre – moins attendue –, à « un droit naturel », le texte de l’historien et politologue se présente comme une réaction – dans un style assez nerveux – fondée sur « une lecture précise et informée de la loi de 1905 » ; destiné à « faire prévaloir partout cette liberté de conscience, l’article 31 » est mis en avant[6].

Cette liberté au sens de la loi de 1905, d’une part, prévaut-elle vraiment « partout » ? Outre ma page 476 où je présente cet article, je renvoie surtout à mes développements pp. 483 et s. Il est montré comment cette liberté a été redéfinie[7]en 2004. Des acteurs ont permis ce retournement (parmi eux, un certain… Patrick Weil ; v. not. pp. 485, 490 et 564), accepté avec beaucoup de facilité par le Conseil d’État (pp. 442 à 444, avec une citation de Pierre-Henri Prélot, « Définir juridiquement la laïcité », in Gérard Gonzalez (dir.), Laïcité, liberté de religion et Convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, 2006, p. 121, spéc. p. 124).

D’autre part, puisque le principe de laïcité est depuis lors, en droit et « d’abord », un motif de restriction de la liberté de conscience, qu’en est-il ensuite ? Certes, il reste possible de s’en tenir à la justification admise par les juridictions, françaises et européennes, selon laquelle ces restrictions sont commandées par la liberté (de conscience) d’autrui. Mais s’y intéresser à partir d’autres droits et libertés amène à renverser la perspective : exclure un·e élève de l’école, c’est d’abord porter atteinte à son droit à l’éducation[8].

De la même manière, empêcher une femme de travailler avec un foulard mériterait d’être analysé comme une ingérence dans son « droit d’obtenir un emploi » (alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946 ; à propos de l’alinéa 13, v. mon portrait d’André Philip in fine) ou « de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée », avant d’être considérée comme une atteinte à sa liberté « de pensée, de conscience et de religion » (articles 15 et 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne[9]).

Couverture de la revue Constitutions ; publié le 24 mai 2017, soit l’été dernier, un entretien avec Jean-Éric Schoettl, « La laïcité en questions », n° 1, pp. 19 et s., avec in fine la critique de son « invocation brouillonne, parfois même dans des enceintes réputées sérieuses ».

Publié cette fois dans une revue spécialisée, un autre texte se rapproche de la tribune précitée par leur prétention commune affichée : clarifier les choses, sans y parvenir dès qu’il est question de l’école (publique, celle privée – essentiellement catholique – faisant le plus souvent l’objet d’un silence pudique ; v. mes conclusions de chapitres précitées, pp. 521 à 523 et 609-610). Dans cet entretien (v. ci-contre), Jean-Éric Schoettl y évoque les « tenants d’une laïcité dite « ouverte » [procédant à un] retournement de sens de la loi [qui] contredit l’esprit d’un texte dont l’objet est de régler les rapports entre la République et les cultes non en instituant des « droits créances » dans le chef des croyants ».

Sur ce point, je ne suis pas en désaccord fondamental mais je n’emploie pas et plus, pour ma part, ces expressions qui relèvent du discours sur le droit et m’apparaissent piégées. L’auteur évoque « le tracé d’une « ligne rouge » aisée à comprendre, simple à contrôler et effectivement sanctionnée (prohibition de la dissimulation du visage dans l’espace public, interdiction des signes religieux à l’école) » ; comme si les bandanas et les jupes longues étaient incontestablement des « signes religieux »… (v. pp. 452 et s.).

S’il se réfère à deux reprises à la « barrière des droits », la jurisprudence de la Cour n’est envisagée que par rapport à « l’article 9 de la Convention ». Au-delà du « noyau juridique, si dense soit-il », existerait un « pacte de non ostentation » (ou « de discrétion »). Il précise qu’il a en tête, si l’on peut dire, le « niqab » (donc pas « le seul port du voile (s’il demeure discret) », pour reprendre une formule qu’il emploie plus loin, pour envisager une solution à propos des sorties scolaires). Et d’évoquer la jurisprudence relative au « burkini », la plus récente étant européenne et scolaire (CEDH, 10 janv. 2017, Osmanoğlu et Kocabaş c. Suisse, n° 29086/12 ; v. mes pp. 1209-1210).

À propos des crèches de Noël, il décèle « une casuistique subtile, comme dans la jurisprudence sur le voile à l’école à la fin du siècle dernier » ; également évoquée au terme de l’entretien, elle l’était à mon avis bien moins (même si elle avait aussi ses défauts ; l’un d’entre eux est précisément de n’avoir été fondée que sur la liberté de conscience, et non sur le droit à l’éducation : v. supra). Avec l’auteur et plus encore au regard de décisions plus récentes (v. ce billet), il convient aussi de « se demander si le Conseil d’État n’aurait pas mieux fait d’appliquer strictement les termes clairs de l’article 28 de la loi de 1905 ».


[1] v. Cécile Chambraud, Le Monde 24 févr. 2018, p. 14, le titre le présentant comme « plaid[ant] pour une laïcité renforcée »

[2] Selim Degirmenci, « Le rapport Clavreul ou les errements d’un certain discours sur la laïcité », La Revue des Droits de l’Homme ADL 27 mars 2018

[3] Jean Baubérot, « L’ouvrage « La tentation radicale » d’O. Galland et d’A. Muxel : une enquête défectueuse », 10 avr. 2018, précisant publier ce billet avant d’avoir pris connaissance du discours du président au collège des Bernardins.

[4] Ibid. « Employer le même terme de « radicalisation » pour la laïcité et le fanatisme religieux est blessant pour les défenseurs de la laïcité », estime pour sa part le philosophe Henri Peña-Ruiz, « Si M. Macron privilégie une religion, il bafoue la laïcité », Le Monde 12 avr. 2018, p. 22

[5] V. ainsi les textes de Jean-Marc Sauvé, écrits « en collaboration avec » Sarah Houllier : « Liberté de conscience et liberté religieuse en droit public français », 11 oct. 2017, et « Audition par l’Observatoire de la laïcité », 10 avr. 2018, avant les appels de notes n° 74 et 52 ; l’erreur du Conseil d’État – relevée page 447 de ma thèse – se trouve aggravée puisqu’il est cette fois affirmé que la CEDH aurait, dès cet arrêt Dogru de 2008, déclaré la loi de 2004 « conforme à l’article 9 de la Convention » européenne (v. aussi pp. 448, 425, 434, 843 et – à propos de la décision Karaduman également citée, une fois encore prêtée à tort à la Cour –, 441-442).

[6] V. déjà, implicitement l’entretien accordé par Patrick Weil à Stéphane Bou et Lucas Bretonnier, « Il y a un abîme de méconnaissance sur la laïcité », Marianne 2 mars 2018, n° 1094, pp. 38, 39 et 40 : « M. Clavreul ne connaît pas cette disposition de la loi de 1905, pas plus que les ministres qu’il a servis. Ils n’ont donc jamais songé à la faire appliquer ».

[7] Terme qui conduit aussi à mes pp. 618 et 1211, respectivement dans la conclusion de ma première partie et non loin de celle de la seconde, en évoquant un rendez-vous manqué du droit à l’éducation et du principe de laïcité, dès 1992.

[8] V. mon introduction p. 26 ; ce droit de l’enfant peut justifier la restriction de la liberté religieuse de ses parents : v. ainsi ma page 1208, à partir de la jurisprudence de la CEDH, étudiée pp. 821 et s.

[9] V. ma note de bas de page 975, n° 2137, concernant les arrêts rendus par la Cour de justice le 14 mars 2017.

Laïcité à l’école – Dessin d’Azam, repris du blog argoul.com (2016)

Ajout au 30 mai 2018 : dans un entretien publié hier par L’Express.fr, Jean-Michel Blanquer « parle cash » : « La laïcité est la laïcité »… Interrogé sur la « multiplication des écoles confessionnelles catholiques, juives, musulmanes », il répond que… « la France a plusieurs principes constitutionnels à considérer, dont la liberté d’enseignement » (v. mon chapitre 3, pp. 525 et s., spéc. 562 à 570 et 575 à 588 ; pour contextualiser et revenir sur la constitutionnalisation de cette liberté, pp. 201 et s., spéc. 258 à 273).

Ajout au 28 juillet 2018, avec ce billet, en réaction (délibérément retardée) à François Cormier-Bouligeon, « Faire vivre la liberté de conscience », L’express.fr 16 mai 2018, le député du Cher ayant précisé sa place dans l’hémicycle : « le siège n° 300 qui est celui que Jean Zay a occupé ».

Ajouts au 15 octobre 2018, d’abord avec une chronique sous un arrêt récent (v. ce billet, avec in fine une première réaction à ce texte publié lundi dernier à l’AJDA), Charline Nicolas et Yannick Faure tiennent à « rappeler que l’histoire de la laïcité n’est pas seulement une histoire de l’État et des religions, mais une histoire de la liberté de conscience » (p. 1884, spéc. 1887) ; les responsables du centre de recherches et de diffusion juridiques du Conseil d’État croient alors pouvoir s’appuyer sur l’une des contributions à son Rapport public 2004, intitulée « Pour une véritable culture laïque », p. 336.

Émile Poulat, « Il y a la laïcité dans les têtes et la laïcité dans les textes », meltingbook.com 9 déc. 2017 ; portant la contradiction à Laurent Bouvet, Jean Baubérot a pu relever le contresens du rapport Clavreul (févr. 2018, page 6, précisant emprunter la référence à Denis Maillard), franceculture.fr 6 mars 2018

Au-delà de l’erreur de pagination, Émile Poulat n’est plus là pour réagir ; s’il affirmait effectivement que « la question laïque ne se réduit pas à la question religieuse », c’était après avoir déploré « une inculture laïque généralisée qui va de pair avec une inculture religieuse souvent dénoncée » (p. 445, spéc. pp. 447 et 446). Plus loin, surtout, il ajoutait : « Notre expression « liberté de conscience » est fortement codée et susceptible de bien des sens » ; « ce qui fait la substance de notre laïcité : un espace public ouvert à tous, sans exclusion » (p. 450 ; italiques de ce « pionnier dans l’étude de la laïcité » (v. ci-contre), selon la formule de Jean Baubérot. V. les pages précitées, en particulier mes conclusions de chapitres). Page suivante, il terminait en renvoyant à son ouvrage Notre laïcité publique (v. mon introduction, p. 45 ; v. aussi la note de bas de page 21, n° 29).

Ensuite, dans le prolongement de son entretien du 29 mai (v. supra), Jean-Michel Blanquer a indiqué jeudi dernier qu’en matière de laïcité, « 402 cas ont été traités, entre avril et juin, par les équipes dédiées des rectorats » (cité par Mattea Battaglia, « Quand l’éducation nationale se confronte aux atteintes à la laïcité », Le Monde 13 oct., p. 10) ; « des tenues vestimentaires qui posent question », ainsi commence l’énumération des « atteintes » mentionnées par le ministre, selon la journaliste (pour s’en tenir à commenter ce seul point, qui suffit à attester des bégaiements de l’institution, v. mes pp. 458-459).

Enfin, je signale le dossier intitulé « Situations de la laïcité », publié dans numéro 4 de la Revue française de droit administratif (RFDA), pp. 613 et s. Mathilde Philip-Gay écrit : « Entre 1989 et 2004, en dépit de la cohérence de l’avis du Conseil d’État, les chefs d’établissement ont rencontré des difficultés d’interprétation de l’ostentatoire » ; si « le législateur a préféré le critère de l’ostensible » qui, selon elle, « facilitait le respect de l’article 9 de la Convention », elle propose l’« abandon explicite de toute référence à l’ostentatoire dans le contentieux administratif », en particulier « pour évaluer les signes placés par des personnes morales de droit public » (« L’ostentatoire dans l’application du principe de laïcité », p. 613 ; je souligne). Ils sont l’objet de l’étude qui suit (Mathilde Heitzmann-Patin, « Entre crèches et croix : à la recherche d’une cohérence dans l’application de la loi de 1905 », p. 624) ; la contribution de Victor Guset (« Les aumôniers entre les Églises et l’État », p. 639), si elle s’intéresse surtout à l’actualité de la question en milieux pénitentiaire, hospitalier et militaire, me donne l’occasion de renvoyer à mes développements sur les aumôneries dans l’enseignement du second degré, à partir de l’article 2 alinéa 2 de la loi du 9 décembre 1905 (pp. 334 et s.).

Ajout au 29 septembre 2019 : d’une part pour signaler cet article de Cécile Chambraud, « La mémoire retrouvée du diocèse de Pontoise » (en version papier dans Le Monde de demain, p. 11), montrant « que l’autorité ecclésiastique avait été alertée à plusieurs reprises, à la fin des années 1960, sur les « comportements inquiétants » de l’aumônier catholique du lycée public d’Enghien-les-Bains (Val-d’Oise) envers des collégiennes et lycéennes » ; d’autre part pour renvoyer à mon billet de ce jour, à l’occasion duquel j’ai :

  • inséré les illustrations et notes de bas de page qui précèdent,
  • légèrement modifié le texte, pour l’alléger et,
  • repris surtout les références au prétendu « communautarisme ».