Foulard et accompagnatrices de sorties scolaires

Capture d’écran de cette vidéo disponible sur YouTube depuis le 16 janvier 2018 (réalisée le 11 janvier 2025)

Le Cercle des enseignant·es laïques, en partenariat avec le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), a réalisé un bref support pédagogique intitulé « Laïcité et sorties scolaires » (v. ci-contre). Les étapes qui y sont rappelées sont analysées dans ma thèse pp. 404-405 et 516 à 520 ; la page suivante permet de situer le propos (conclusion du chapitre 2 du titre consacré aux libertés publiques comme alternatives au droit à l’éducation).

Interdire le foulard aux accompagnatrices de sorties scolaires ne sert pas la réalisation du droit à l’éducation, dont l’affirmation fait l’objet de ma seconde partie (pp. 627 et s.) ; comme d’autres restrictions, celles que s’autorisent encore certains établissements – publics comme privés (v. l’ordonnance signalée en note de bas de page 609) – pourraient être considérées comme portant atteinte à l’obligation internationale de faciliter l’exercice de ce droit (pp. 1180 et s.).

Photo issue du site newsestlyonnais.fr ; « Meyzieu a gagné plus de 5000 habitants en une dizaine d’années, Saint-Priest près de 7000 et Vaulx-en-Velin presque 10 000 » ; Annemasse et Montélimar complètent ce « top 5 des villes d’Auvergne-Rhône-Alpes où la population augmente le plus vite » (Julien Verchère, mesinfos.fr 8 janv. 2025) ; cette illustration me permet d’ajouter aussi cet article de Dolores Mazzola, france3-regions.francetvinfo.fr 26 juin 2019 (mis à jour près d’un an après, il rappelle la mobilisation des parents contre l’« amendement adopté le 15 mai par le Sénat (…) visant à interdire le port de signes religieux pour les accompagnants de sorties scolaires. Ainsi, début juin dernier, un collectif avait manifesté devant (…) l’école Brossolette [Valence]. En Isère, des parents s’étaient mobilisés devant l’école Auguste-Delaune, à Echirolles »)

Ajouts au 30 mai 2018, avec d’une part ces textes du président d’honneur de la LDH Michel Tubiana, le 20 avril et du chargé de mission à la LDE Charles Conte, le 28 ; d’autre part, le 17 mai, la revue de l’association lyonnaise de droit administratif rendait compte d’un jugement ambigu (TA Lyon, 19 oct. 2017, Mmes B. et C., n° 1505363 ; Rev.jurisp. ALYODA 2018, n° 2, concl. J. Arnould et note N. Charrol). Il l’a été aux conclusions timidement contraires du rapporteur public et se trouve frappé d’appel devant la CAA de Lyon (n° 17LY04351) ; était en cause l’école primaire Condorcet (et Marcel Pagnol) de Meyzieu : dans une lettre en date du 2 avril 2015, la rectrice d’académie interprétait l’étude du Conseil d’État de décembre 2013 dans le sens de l’interdiction (v. les pages préc., spéc. 519).

Ajout au 30 septembre 2018 : Dominique Schnapper, dans un entretien avec Joan Scott (propos recueillis par Anne Chemin, sous le titre « Laïcité, de la théorie à la pratique ») publié hier dans Le Monde Idées, réagit à son évocation de la circulaire Chatel : l’ancienne membre du Conseil constitutionnel ne prend aucune distance avec ce texte de… 2012 ; s’il « interdit aux femmes voilées d’accompagner les sorties scolaires, ce n’est pas parce que les signes religieux sont interdits dans la rue, mais parce que les accompagnatrices sont considérées comme des « auxiliaires » du service public ». La sociologue préside le « Conseil des sages de la laïcité » de l’Éducation nationale…

Ajout au 29 septembre 2019 (avec les dernières parenthèses le 9 octobre) : dans un arrêt du 23 juillet, la CAA de Lyon a rejeté l’appel susmentionné ; la situation litigieuse ne visant pas, à proprement parler, les sorties scolaires, la Cour s’autorise à ajouter une nouvelle implication au « principe de laïcité de l’enseignement public », remontée – par rapport au jugement précité – dans le considérant de principe (n° 17LY04351, cons. 3). Compte tenu de la position « personnelle » du ministre, il fait peu de doute que ses services défendront celle de la rectrice devant le Conseil d’État (sous réserve qu’il ait bien été saisi) : que des mères portant un foulard « participent à des activités qui se déroulent à l’intérieur des classes » (cons. 4), quel affreux « communautarisme » (Dominique Schnapper) !

Ajout au 7 janvier 2020 pour signaler ma note sous cet arrêt ; Rev.jurisp. ALYODA 2020, n° 1 : « Interdiction des mères voilées dans les locaux scolaires : quand la laïcité repose sur une croyance ».

Illustration reprise depuis l’un des épisodes des podcasts.lemonde.fr (publié le 21 novembre 2024)

Ajouts d’un lien actif (janv.-mai 2020) et des illustrations à l’occasion d’une… sortie de « Bruno Retailleau, l’idéologue du ministère de l’intérieur », début 2025 : « Pour Bruno Retailleau, les accompagnatrices de sorties scolaires “n’ont pas à être voilées” », lemonde.fr (avec AFP) 7 janv. 2025 : « Ce qui est en jeu, dit-il [dans une interview au Parisien mise en ligne lundi 6 au soir], ce sont les conquêtes de l’Occident, comme l’égalité hommes-femmes, la liberté de conscience ou notre laïcité française » ; outre le fait de les présenter comme telles, qu’il puisse oser se revendiquer de ces exemples témoigne surtout des conquêtes des droites françaises ces dernières décennies (en ce sens, Lauriane Clément, « L’offensive de Bruno Retailleau sur le port du voile, signe d’une “droitisation de la laïcité” », la-croix.com le 8, extrait ; v. déjà mon billet du 29 septembre 2024 – en ajoutant qu’elles n’ont pu avoir lieu que parce qu’une partie des mouvements de gauche les a accompagnées), le parcours de l’intéressé illustrant à lui-seul la porosité avec l’extrême-droite (écouter l’épisode ci-contre). Concernant les propos du ministre, v. encore Hanane Karimi (entretien avec, par Marie Turcan), « En France, le musulman est associé au danger », Mediapart 10 janv. 2025 : autrice du livre Les femmes musulmanes ne sont-elles pas des femmes ? (éd. Hors d’atteinte, 2023), la sociologue termine par cette remarque (notamment) : « On nous demande de répondre “en réaction”. Or, ce n’est pas comme ça qu’on fait connaissance et savoir »…

Le droit à l’éducation des personnes en situation de handicap

Peu après la rentrée 2017, une importante ordonnance de référé a été rendue à propos des personnes en situation de handicap : TA Melun Ord., 28 sept. 2017, D. ; avec un résumé intitulé « Pas de place en ULIS : l’Académie de Créteil condamnée », cette ordonnance a été mise en ligne le lendemain par l’association à l’origine du recours, « Toupi » (« Tous Pour l’Inclusion ! » ; v. aussi J. Olagnol, « Seine-et-Marne : l’État condamné à trouver une classe à un collégien autiste », Le Parisien.fr 8-9 oct., ainsi que ce tweet de l’Unapei).

Le mode « Rechercher » – bouton droit de la souris, dans le pdf de ma thèse – permet, en entrant le numéro de requête (n° 1707537), de repérer les développements où elle est citée, soit ceux relatifs à la procédure de référé-liberté, rangée parmi les nouveaux vecteurs de l’affirmation du droit à l’éducation dans le contexte français (pp. 1106 et s., spéc. p. 1117), et ceux consacrés à la considération recherchée des besoins particuliers en matière éducative (pp. 1200 et s., spéc. p. 1203). Comme je l’explique dans la rubrique travaux de recherche, j’ai commencé mon parcours par cette question, en commentant l’arrêt Laruelle rendu par le Conseil d’État le 8 avril 2009 : l’approche renouvelée qui s’y trouve évoquée figure pp. 1043 et s. ; s’inscrivant dans le prolongement d’une étude dirigée par Diane Roman, l’argument relatif au « corset doctrinal » des « droits-créances » est développé pp. 1168 et s.

Il y a là une question d’actualité, comme en témoigne la chronique sous un arrêt rendu exactement un mois avant la soutenance de cette thèse (publiée dans la semaine qui la suivait : v. AJDA 2017, p. 2408). Page 2412, Sophie Roussel et Charline Nicolas emploient l’expression « droits-créances » dont il est proposé l’abandon dans la thèse (pp. 1174 et s.). Dans cet arrêt du 8 novembre 2017, le Conseil d’État aurait pu affirmer le droit à l’éducation des personnes mineures non accompagnées.

Le droit à l’éducation des personnes privées de liberté

Dans mon précédent billet, je revenais sur un arrêt rendu le 8 novembre 2017. Un rapport de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté a été publié ce même jour aux éditions Dalloz. Il n’a cependant été mis en ligne que le 20 décembre (61 p.) ; intitulé Les droits fondamentaux des mineurs en établissement de santé mentale, il commence par rappeler que le (la) CGLPL veille au respect des droits « au travail et à la formation », lesquels n’étaient pas directement mentionnés dans un autre texte récent d’Adeline Hazan (« Rôle du contrôleur général des lieux de privation de liberté en France », L’information psychiatrique 2017, n° 2, Vol. 93, pp. 89-91, disponible en ligne).

Plus loin, il s’arrête sur une situation qui « illustre et condense des dysfonctionnements régulièrement rencontrées » ; elle concernait un enfant de quatorze ans s’étant notamment déclaré victime d’abus sexuels, puis coupable de viols. Déplorant le fait que « l’éducation nationale a exclu cet élève soumis à l’obligation scolaire » (à propos de cette référence, v. supra ; il est indiqué auparavant qu’il avait agressé sexuellement un adulte du collège), il est noté que « [p]roposer un enseignement à distance à un enfant de cet âge, en proie à de telles difficultés et dépourvu de soutien ne peut en effet être considéré comme une alternative sérieuse » (Rapport préc., pp. 32 et s., spéc. 35).

Le constat d’une atteinte au droit à étudié n’aurait pas été surprenant ici, compte tenu de la page 47, consacrée au « droit à l’instruction ». Il n’est toutefois mentionné qu’à partir de celui « à un suivi scolaire adapté au sein des établissements de santé » – prévu de façon restrictive par l’article L. 1110-6 du Code de la santé publique –, sans être d’ailleurs repris dans la « recommandation » correspondante (également reproduite dix pages plus loin et dans le dossier de presse de 4 p. et cité page 1134 de ma thèse ; à propos du « droit à l’éducation » des personnes détenues, v. la conclusion qui suit, pp. 1137 et s.).

Ajout au 17 février 2024, pour renvoyer à ce billet : Un avis important sur l’enseignement « dans les lieux d’enfermement ».lié le

Le droit à l’éducation des personnes mineures non accompagnées

Évoqué au terme de mon précédent billet, l’arrêt rendu le 8 novembre 2017 par le Conseil d’État se termine par l’indication d’une transmission au Défenseur des droits (DDD) ; il se trouve cité dans les développements de ma thèse qui concerne cette institution non juridictionnelle1En note de bas de page 1126, soit la n° 3084 du tome 2, in fine ; pour une prise de position récente, v. J. Toubon, « L’intérêt supérieur des enfants doit primer sur toute considération », in « Dossier : Migrants mineurs. Un tremblement majeur », Écarts d’identité janv. 2018, n° 129, p. 14, spéc. p. 17 : « les enfants isolés étrangers sont encore trop souvent écartés du droit à l’éducation ». Il est reconnu par la Convention internationale relative aux droits de l’enfant – qui « reste largement méconnue dans notre pays » –, comme le rappelle l’adjointe Défenseure de ces droits, Geneviève Avenard, dans l’entretien qui suit (page 42)..

Dans ses observations présentées le 17 octobre3Décision n° 2017-306, 13 p., en ligne., situées dans le prolongement de son intervention concernant le bidonville de la Lande de Calais, le DDD terminait en pointant à propos de plusieurs « mineurs non accompagnés » des « atteintes à leur droit à l’éducation »2Page 12, avec toutefois cette précision problématique : « y compris lorsque les adolescents étaient en âge d’obligation scolaire (moins de 16 ans) » ; v. les pp. 1028 et s..

L’affaire constitue une nouvelle illustration de ce que l’émergence de ce droit à reste difficile : alors qu’il était invoqué, l’arrêt ne le mentionne pas4Gisti et a., n° 406256 ; il faut avoir lu les responsables du centre de recherches et de diffusion juridiques du Conseil d’État5AJDA 2017, p. 2408, spéc. p. 2409, ou la version mise en ligne sur InfoMIE – le Centre (de) ressources sur les mineurs isolés étrangers, lui aussi actuellement menacé – pour apprendre que cette référence figurait bien dans la requête6V. la page 2 : contestant « les modalités d’organisation des centres d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés » (CAOMI), les associations y voyaient une méconnaissance de « l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales combiné à l’article 2 du protocole additionnel n° 1 à ladite convention »..

Au terme de mon introduction de soutenance, j’affirmais que ce droit à est encore dissimulé derrière des arbres imposants (les références au service public – ici mobilisée – et aux libertés publiques de l’enseignement et de conscience, lesquelles sont l’objet de ma première partie), et que sa croissance pourrait être menacée par d’autres références comme « l’intérêt supérieur de l’enfant »7V. spéc. les pp. 1155 à 1158 et, pour un autre exemple récent, CNCDH, « Alerte sur le traitement des personnes migrantes », déclaration adoptée lors de l’Assemblée plénière du 17 octobre 2017, 7 p. (25 voix pour – 3 voix contre – 3 abstentions), p. 5 (le présent billet a été retouché le 29 août 2023, essentiellement pour basculer du texte initialement entre parenthèses en notes de bas de page)..

Ajout au 9 juillet 2018, à propos de l’Avis sur la situation des migrants à la frontière franco-italienne, 19 juin 2018, 63 p. Page 33, la CNCDH renvoie à son « Avis sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national. État des lieux un an après la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers (dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation) », adopté le 26 juin 2014, avant de citer le droit à étudié ; ce « grand avis » est cité dans les pp. 1124-1125, consacrées à la Commission en introduction des développements intitulés « L’absence de réticence des institutions non juridictionnelles pour affirmer le droit à l’éducation ».

Ajouts au 7 septembre 2018 : « Les militants du Réseau éducation sans frontière (RESF), de l’organisation Timmy (pour « Team mineurs ») et de Paris d’Exil se réunissent aujourd’hui à partir de 10 heures [devant le lycée Voltaire, de Paris (XIe)] » ; il s’agit, explique Kim Hullot-Guiot, de revendiquer « le droit à la scolarisation pour tous les jeunes migrants » : « Si ceux qui sont déjà reconnus par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) comme mineurs sont bien inscrits en classe – personne ne le conteste –, ceux dont la minorité n’a pas encore été reconnue se verraient opposer par le rectorat un refus de passer les tests de niveau leur permettant d’être orientés vers telle ou telle classe (notamment en fonction de leur niveau de français) » (Libération.fr).

La journaliste cite l’article 28 de la CIDE (v. ma thèse pp. 758 et s.), la circulaire 2012-141 (p. 1063) et celle interministérielle du 25 janvier 2016, p. 4 (renvoyant à l’annexe 6, p. 15). Elle cite aussi la page 7 de l’avis n° 17-03 du Défenseur des droits, daté du 7 févr. 2017 (14 p.), qui porte sur l’« accompagnement éducatif et le droit à l’éducation » (sur ces « atteintes à des droits fondamentaux tels que le droit à la santé, à l’éducation », v. aussi p. 2). A la page 8 de cet avis, il est fait allusion à l’arrêt que devait rendre le Conseil d’État le 15 février (v. ma thèse pp. 1116-1117).

Notes

1 En note de bas de page 1126, soit la n° 3084 du tome 2, in fine ; pour une prise de position récente, v. J. Toubon, « L’intérêt supérieur des enfants doit primer sur toute considération », in « Dossier : Migrants mineurs. Un tremblement majeur », Écarts d’identité janv. 2018, n° 129, p. 14, spéc. p. 17 : « les enfants isolés étrangers sont encore trop souvent écartés du droit à l’éducation ». Il est reconnu par la Convention internationale relative aux droits de l’enfant – qui « reste largement méconnue dans notre pays » –, comme le rappelle l’adjointe Défenseure de ces droits, Geneviève Avenard, dans l’entretien qui suit (page 42).
2 Page 12, avec toutefois cette précision problématique : « y compris lorsque les adolescents étaient en âge d’obligation scolaire (moins de 16 ans) » ; v. les pp. 1028 et s.
3 Décision n° 2017-306, 13 p., en ligne.
4 Gisti et a., n° 406256
5 AJDA 2017, p. 2408, spéc. p. 2409
6 V. la page 2 : contestant « les modalités d’organisation des centres d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés » (CAOMI), les associations y voyaient une méconnaissance de « l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales combiné à l’article 2 du protocole additionnel n° 1 à ladite convention ».
7 V. spéc. les pp. 1155 à 1158 et, pour un autre exemple récent, CNCDH, « Alerte sur le traitement des personnes migrantes », déclaration adoptée lors de l’Assemblée plénière du 17 octobre 2017, 7 p. (25 voix pour – 3 voix contre – 3 abstentions), p. 5 (le présent billet a été retouché le 29 août 2023, essentiellement pour basculer du texte initialement entre parenthèses en notes de bas de page).