Sécurité sociale et école inclusive (à partir de deux décisions du Conseil constitutionnel)

S’il est possible d’avoir conscience de l’importance du système de protection sociale en l’ayant abordé d’une manière largement théorique, avoir eu à en bénéficier directement rend encore plus sensible à la nécessité de le préserver. Au terme de cette année 2023, qui m’a conduit à m’intéresser professionnellement aux politiques publiques de logement et de santé – en m’éloignant donc du droit de l’éducation –, je réagis ici brièvement à deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel.

Campagne de pétitions intitulée « Pas de taxe sur ma santé », renouvelée cette année et à laquelle participe Mutami : v. Jocelyne Le Roux et Sophie Elorri (entretien avec, par Delphine Delarue), « Nous devons revenir aux fondamentaux d’une Sécurité sociale de haut niveau », vivamagazine.fr 4 déc. 2023 (la présidente déléguée concède « quelques mesures en faveur de la prévention, notamment dans le domaine de la lutte contre la précarité menstruelle », avant de déplorer : « En vingt ans, les taxes sur les contrats santé ont été multipliées par 8. Elles atteignent aujourd’hui 14,1 %. Et depuis plusieurs années, on assiste à un désengagement de la Sécurité sociale et à un transfert de ses charges vers les mutuelles ». V. aussi Astrid Cousin, « Mutuelle et réforme 100% Santé : changements en vue pour janvier 2024 », magnolia.fr 25 avr. 2023, notant que les organismes complémentaires « financent déjà 70% de [cette réforme] » – remontant à 2019 et supprimant les restes à charge, pour lutter contre le renoncement aux soins).

Dans la première, ses membres ont refusé que « le versement des indemnités journalières [(d’arrêt de travail) soit] désormais suspendu par l’organisme local d’assurance maladie sans l’intervention préalable du service du contrôle médical », autrement dit sur la seule base du « rapport du médecin diligenté par l’employeur »1CC, 21 déc. 2023, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, n° 2023-860 DC, cons. 44 ; v. « Une mesure polémique sur les arrêts de travail censurée par le Conseil constitutionnel », publicsenat.fr 22 déc. 2023, résumant ce qui a été par ailleurs validé, notamment « la limitation à trois jours – sauf exception – des arrêts de travail par téléconsultation. Une durée correspondant au délai de carence non indemnisé par la Sécu »..

Cette inconstitutionnalité se fonde sur les termes de l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946, dont la seconde phrase prévoit : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence »2À propos de cette affirmation explicite d’un droit, v. ma thèse, 2017, en note de bas de page 646, n° 112 ; concernant la formule reprise à la fin de ce considérant 41, v. Grégory Mollion, « Les garanties légales des exigences constitutionnelles », RFDC 2005, p. 257 ; Ariane Vidal-Naquet, Les  « garanties  légales  des  exigences constitutionnelles » dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, thèse Panthéon-Assas, 2007, 671 p..

Illustration reprise depuis le texte intitulé « École inclusive : un projet de réforme en trompe-l’œil », accens-avocats.com 13 oct. 2023

La seconde décision, rendue une semaine plus tard, sanctionne le recours à « une procédure contraire à la Constitution » dans l’insertion dans la loi de finances de plusieurs dispositions3V. aussi Elsa Conesa, « Budget 2024 : le « cadeau fiscal » à la FIFA censuré », Le Monde 30 déc. 2023, p. 10 ; c’est en particulier le cas de l’« article 233 [qui réécrivai]t l’article L. 351-3 du code de l’éducation afin de prévoir la création de pôles d’appui à la scolarité4Ces « pôles d’appui à la scolarité » (PAS) devaient se substituer aux « pôles inclusifs d’accompagnement localisés [PIAL] créés dans chaque département [pour assurer] la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires » (art. 25 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance – prévoyant par ailleurs « l’extension des obligations des communes en matière scolaire », pour reprendre le titre mon focus publié à l’AJCT 2020, p. 28 ; v. Éléa Pommiers, « Une réforme de l’école inclusive censurée par le Conseil constitutionnel », Le Monde 31 déc. 2023-2 janv. 2024, p. 10 (cet article prend place après celui d’Isaline Boiteux, « Un arrêt maladie sans carence pour les victimes de fausse couche », rappelant qu’une « femme sur dix est confrontée à une interruption spontanée de grossesse au cours de sa vie, soit près de 200 000 grossesses chaque année. (…) Cette mesure, adoptée à l’unanimité par le Parlement le 29 juin 2023 dans le cadre de la loi visant à favoriser [leur] accompagnement psychologique [et qui entre en vigueur le premier janvier], entend lever un frein qui pouvait jusqu’alors les empêcher de prendre le temps de récupérer »). chargés de définir, pour certains établissements scolaires, les mesures d’accessibilité destinées à favoriser la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers »5CC, 28 déc. 2023, Loi de finances pour 2024, n° 2023-862 DC, cons. 133 et 130 ; v. Dominique Momiron, « Sale temps pour l’école inclusive (II) », cafepedagogique.net 20 nov. 2023, lequel avait anticipé l’éventualité que cet article soit considéré comme un « cavalier législatif », et rappelle que les élèves en situation de handicap « sont minoritaires en nombre dans le contingent des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers » (avant de préciser ; v. aussi la fin de mon billet du 3 avr. 2018 et, cette année, le colloque intitulé Les « élèves à besoins éducatifs particuliers » (EBEP) : regards des sciences sociales (15-16 juin), actu.univ-fcomte.fr 22 mai 2023)..

Le Collectif Handicaps, regroupement d’une cinquantaine d’associations, s’était dressé contre cet article (53, selon le projet de loi) : « Alors que la France a été condamnée à plusieurs reprises par l’ONU et le Conseil de l’Europe pour violation du droit à l’éducation, il est urgent de se doter d’une véritable vision politique sur l’école inclusive. L’heure n’est plus au catalogue de mesures, mais à une politique publique cohérente portant à la fois sur la coopération entre les différents acteurs et la formation des équipes pédagogiques et médico-sociales pour répondre aux besoins de tous les enfants, sans exclusion d’aucune situation de handicap »6Communiqué intitulé « Création des Pôles d’Appui à la Scolarité : le Projet de Loi de Finances 2024 ne peut pas être adopté en l’état » (collectifhandicaps.fr 19 oct. 2023) ; pour les décisions auxquelles il est fait allusion, v. ma thèse pp. 795 et s., mon billet du 25 févr. 2019 et CEDS, 19 oct. 2022, Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe c. France, n° 168/2018, décision sur le bien-fondé (rendue publique le 17 avr. 2023), §§ 231 à 273 (signalant et résumant cette décision, v. lexisveille.fr le 19). Dans la jurisprudence administrative, annulant CAA Lyon, 8 nov. 2018, n° 16LY04217 (v. le premier point de mon billet du 8 avril 2019), CE, 19 juill. 2022, n° 428311.

Photo reprise depuis le recueil de témoignages d’Andrea Desideri, intitulé « On est oubliées, on n’existe pas », revolutionpermanente.fr 3 oct. 2023 ; à propos des accompagnant·es d’élèves en situation de handicap (AESH), v. mon billet du 30 sept. 2018, la note 11 de celui du 29 déc. 2019, cette Rép. min. publiée au JO Sénat 17 oct. 2019, p. 5286 et, en application de l’article 25 de la loi Blanquer – venu modifier l’art. L. 917-1 du Code de l’éducation –, le décret n° 2020-1287 du 23 oct. « portant création de l’indemnité de fonctions particulières allouée aux [AESH référent·e·s], avec l’arrêté correspondant, fixant son montant à 600 euros, « à compter du mois de septembre 2020 ». Citée en note 6 du présent billet, une décision du CEDS comprend des développements spécifiques aux AESH (§§ 69-70, 234 à 238 et 264 à 272).

« “Rapprocher le médico-social et l’école, apporter des réponses plus rapides à des familles et des élèves qui aujourd’hui attendent de long mois sont autant d’impératifs sur lesquels le ministère avancera dans les prochains mois, quel qu’en soit le vecteur”, a réagi la Rue de Grenelle auprès du Monde après la censure du Conseil constitutionnel »7Éléa Pommiers, art. préc., laquelle commente : « Si l’essentiel des réformes de l’éducation nationale passe par la voie réglementaire, ces transformations de l’école inclusive ne pourront vraisemblablement pas faire l’économie d’une loi – et donc de débats parlementaires alors même que le gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue »..

Ce dernier a enregistré, durant cette même semaine, quatre saisines relatives à la constitutionnalité de la loi « immigration »8Yves-Marie Robien, « Loi immigration : le Conseil constitutionnel saisi quatre fois », ouest-france.fr 27 déc. 2023, dans un contexte où la « dénonciation d’un “gouvernement des juges” français et européens a été largement relayée par les têtes d’affiche des médias du groupe Bolloré9V. la cartographie « Médias français, qui possède quoi ? », Le Monde diplomatique et Acrimed, déc. 2023, notamment les animateurs Cyril Hanouna et Pascal Praud, ou le chroniqueur Mathieu Bock-Côté »10Clément Guillou, « L’État de droit, nouvelle frontière du RN contre l’immigration », Le Monde 29 déc. 2023, p. 8, présentant ce front comme la seconde de ses « guerres idéologiques sur l’immigration » – avec « la préférence nationale, dont le principe a été inscrit par le parti Les Républicains (LR) dans cette loi avec l’aval de la majorité ». Ajout le 4 janvier de la tribune signée ce jour dans le même quotidien par Elvire Guillaud et Michaël Zemmour, « Le critère de nationalité n’est pas, depuis les origines, dans le répertoire de la Sécurité sociale », p. 20, notant qu’« à [leur] connaissance, personne, à l’université ou dans les administrations, n’a songé jusqu’ici à évaluer l’impact d’un tel tournant xénophobe de la politique sociale »..

« Dès le 9 décembre, la Défenseure des droits Claire Hédon a alerté dans une tribune au Monde et souligné combien ce texte de loi était d’une “gravité majeure pour les droits fondamentaux” des personnes étrangères en France »11Nejma Brahim, « Immigration : une loi qui bafoue les droits les plus fondamentaux », Mediapart 19 déc. 2023 ; d’une manière plus générale, la défenseure des droits a antérieurement déclaré à basta! que, si la dématérialisation peut faciliter les démarches, elle « ne doit pas signifier la disparition du téléphone et de l’accueil dans les services publics. Le problème est là : les réclamants ne peuvent plus aller voir quelqu’un » (Claire Hédon – entretien avec, par Ivan du Roy et Pierre Jequier-Zalc –, « L’intersectionnalité n’est pas un gros mot », basta.media 9 févr. 2022, citation reprise par Emma Bougerol, « Payer pour percevoir ses aides : le désengagement de l’État laisse place au privé », basta.media 28 août 2023 ; à propos des titres de séjour, Nathan Chaize, « À Lyon, la préfecture du Rhône “fabrique elle-même ses sans-papiers” », lyoncapitale.fr 3 mai 2023). ; le Conseil constitutionnel saura-t-il les protéger, en saisissant notamment l’occasion d’affirmer enfin clairement le droit à l’éducation (en l’occurrence de celles poursuivant des études supérieures)12V. mes billets des 25 juill. 2019 et 26 mars 2020 ; comparer avec les saisines des parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat, les 26 et 27 déc. 2023, contre cette Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (2023-863 DC ; disponibles ici) : concernant les étudiant·es, l’argumentation repose sur la « liberté d’enseignement » et/ou le « principe d’égalité » (v. respectivement les pp. 11-12 et 19-21 ; s’agissant de ces alternatives au droit à l’éducation, pour reprendre le titre de la première partie de ma thèse, pp. 59 et s., v. spéc. mes pp. 183 à 279 – et, à propos de la jurisprudence constitutionnelle, 1097 à 1099). ?

Notes

1 CC, 21 déc. 2023, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, n° 2023-860 DC, cons. 44 ; v. « Une mesure polémique sur les arrêts de travail censurée par le Conseil constitutionnel », publicsenat.fr 22 déc. 2023, résumant ce qui a été par ailleurs validé, notamment « la limitation à trois jours – sauf exception – des arrêts de travail par téléconsultation. Une durée correspondant au délai de carence non indemnisé par la Sécu ».
2 À propos de cette affirmation explicite d’un droit, v. ma thèse, 2017, en note de bas de page 646, n° 112 ; concernant la formule reprise à la fin de ce considérant 41, v. Grégory Mollion, « Les garanties légales des exigences constitutionnelles », RFDC 2005, p. 257 ; Ariane Vidal-Naquet, Les  « garanties  légales  des  exigences constitutionnelles » dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, thèse Panthéon-Assas, 2007, 671 p.
3 V. aussi Elsa Conesa, « Budget 2024 : le « cadeau fiscal » à la FIFA censuré », Le Monde 30 déc. 2023, p. 10
4 Ces « pôles d’appui à la scolarité » (PAS) devaient se substituer aux « pôles inclusifs d’accompagnement localisés [PIAL] créés dans chaque département [pour assurer] la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires » (art. 25 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance – prévoyant par ailleurs « l’extension des obligations des communes en matière scolaire », pour reprendre le titre mon focus publié à l’AJCT 2020, p. 28 ; v. Éléa Pommiers, « Une réforme de l’école inclusive censurée par le Conseil constitutionnel », Le Monde 31 déc. 2023-2 janv. 2024, p. 10 (cet article prend place après celui d’Isaline Boiteux, « Un arrêt maladie sans carence pour les victimes de fausse couche », rappelant qu’une « femme sur dix est confrontée à une interruption spontanée de grossesse au cours de sa vie, soit près de 200 000 grossesses chaque année. (…) Cette mesure, adoptée à l’unanimité par le Parlement le 29 juin 2023 dans le cadre de la loi visant à favoriser [leur] accompagnement psychologique [et qui entre en vigueur le premier janvier], entend lever un frein qui pouvait jusqu’alors les empêcher de prendre le temps de récupérer »).
5 CC, 28 déc. 2023, Loi de finances pour 2024, n° 2023-862 DC, cons. 133 et 130 ; v. Dominique Momiron, « Sale temps pour l’école inclusive (II) », cafepedagogique.net 20 nov. 2023, lequel avait anticipé l’éventualité que cet article soit considéré comme un « cavalier législatif », et rappelle que les élèves en situation de handicap « sont minoritaires en nombre dans le contingent des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers » (avant de préciser ; v. aussi la fin de mon billet du 3 avr. 2018 et, cette année, le colloque intitulé Les « élèves à besoins éducatifs particuliers » (EBEP) : regards des sciences sociales (15-16 juin), actu.univ-fcomte.fr 22 mai 2023).
6 Communiqué intitulé « Création des Pôles d’Appui à la Scolarité : le Projet de Loi de Finances 2024 ne peut pas être adopté en l’état » (collectifhandicaps.fr 19 oct. 2023) ; pour les décisions auxquelles il est fait allusion, v. ma thèse pp. 795 et s., mon billet du 25 févr. 2019 et CEDS, 19 oct. 2022, Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe c. France, n° 168/2018, décision sur le bien-fondé (rendue publique le 17 avr. 2023), §§ 231 à 273 (signalant et résumant cette décision, v. lexisveille.fr le 19). Dans la jurisprudence administrative, annulant CAA Lyon, 8 nov. 2018, n° 16LY04217 (v. le premier point de mon billet du 8 avril 2019), CE, 19 juill. 2022, n° 428311
7 Éléa Pommiers, art. préc., laquelle commente : « Si l’essentiel des réformes de l’éducation nationale passe par la voie réglementaire, ces transformations de l’école inclusive ne pourront vraisemblablement pas faire l’économie d’une loi – et donc de débats parlementaires alors même que le gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue ».
8 Yves-Marie Robien, « Loi immigration : le Conseil constitutionnel saisi quatre fois », ouest-france.fr 27 déc. 2023
9 V. la cartographie « Médias français, qui possède quoi ? », Le Monde diplomatique et Acrimed, déc. 2023
10 Clément Guillou, « L’État de droit, nouvelle frontière du RN contre l’immigration », Le Monde 29 déc. 2023, p. 8, présentant ce front comme la seconde de ses « guerres idéologiques sur l’immigration » – avec « la préférence nationale, dont le principe a été inscrit par le parti Les Républicains (LR) dans cette loi avec l’aval de la majorité ». Ajout le 4 janvier de la tribune signée ce jour dans le même quotidien par Elvire Guillaud et Michaël Zemmour, « Le critère de nationalité n’est pas, depuis les origines, dans le répertoire de la Sécurité sociale », p. 20, notant qu’« à [leur] connaissance, personne, à l’université ou dans les administrations, n’a songé jusqu’ici à évaluer l’impact d’un tel tournant xénophobe de la politique sociale ».
11 Nejma Brahim, « Immigration : une loi qui bafoue les droits les plus fondamentaux », Mediapart 19 déc. 2023 ; d’une manière plus générale, la défenseure des droits a antérieurement déclaré à basta! que, si la dématérialisation peut faciliter les démarches, elle « ne doit pas signifier la disparition du téléphone et de l’accueil dans les services publics. Le problème est là : les réclamants ne peuvent plus aller voir quelqu’un » (Claire Hédon – entretien avec, par Ivan du Roy et Pierre Jequier-Zalc –, « L’intersectionnalité n’est pas un gros mot », basta.media 9 févr. 2022, citation reprise par Emma Bougerol, « Payer pour percevoir ses aides : le désengagement de l’État laisse place au privé », basta.media 28 août 2023 ; à propos des titres de séjour, Nathan Chaize, « À Lyon, la préfecture du Rhône “fabrique elle-même ses sans-papiers” », lyoncapitale.fr 3 mai 2023).
12 V. mes billets des 25 juill. 2019 et 26 mars 2020 ; comparer avec les saisines des parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat, les 26 et 27 déc. 2023, contre cette Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (2023-863 DC ; disponibles ici) : concernant les étudiant·es, l’argumentation repose sur la « liberté d’enseignement » et/ou le « principe d’égalité » (v. respectivement les pp. 11-12 et 19-21 ; s’agissant de ces alternatives au droit à l’éducation, pour reprendre le titre de la première partie de ma thèse, pp. 59 et s., v. spéc. mes pp. 183 à 279 – et, à propos de la jurisprudence constitutionnelle, 1097 à 1099).

Éducation inclusive : la Cour européenne condamne l’Italie

Il y a trois semaines, saisie par une élève – par l’intermédiaire de son père –, la première section de la CEDH a condamné l’Italie.

Née en 2004, cette « jeune fille autiste non verbale » n’avait pu « bénéficier d’un soutien scolaire spécialisé pendant ses deux premières années d’école primaire (2010/2011 et 2011/2012) ». La mairie d’Eboli (v. le point ci-contre) étant restée silencieuse, ses parents avaient formé un recours devant le tribunal administratif de la région de Campanie, en invoquant la loi n° 104 promulguée vingt ans plus tôt, en 1992 ; le Conseil d’État italien ayant lui aussi rejeté leur requête, en 2015, son père la dirigea – avec un avocat milanais – vers la Cour de Strasbourg. Elle « conclut qu’en l’espèce, le Gouvernement n’a pas démontré que les autorités nationales aient réagi avec la diligence requise pour garantir à la requérante la jouissance de son droit à l’éducation sur un pied d’égalité avec les autres élèves, de manière à ménager un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu »1CEDH, 10 sept. 2020, G.L. c. Italie, n° 59751/15, §§ 1-2, 14, 16 et 72 : « Partant, il y a eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 2 du Protocole n° 1 ». Merci à Denis de m’avoir signalé cet arrêt..

Alors pendante, l’affaire était évoquée2Avec une autre affaire pendante, qui s’est soldée par arrêt – évoqué au § 70 – de non-violation le 25 juin 2019 (Stoian v. Romania, n° 289/14, § 111 ; également rendu à l’unanimité). par Johan Lievens et Marie Spinoy, au terme d’une note intitulée « Éducation inclusive : la Cour est-elle à bonne école ? », RTDH 2019, n° 119, p. 707, spéc. p. 718 ; l’arrêt s’inscrit dans le prolongement d’une jurisprudence dessinée trois ans plus tôt, que je rappelais – juste avant de consacrer quelques lignes à l’expérience italienne – dans un billet du 3 avril 20183Comparer l’Opinion concordante du juge Wojtyczek, in fine (p. 27, spéc. p. 29) – où il cite, « en particulier, Dupin c. France, no 2282/17 » ; à propos de cet arrêt du 24 janvier 2019, v. le 8 avril, au point 4..

Notes

1 CEDH, 10 sept. 2020, G.L. c. Italie, n° 59751/15, §§ 1-2, 14, 16 et 72 : « Partant, il y a eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 2 du Protocole n° 1 ». Merci à Denis de m’avoir signalé cet arrêt.
2 Avec une autre affaire pendante, qui s’est soldée par arrêt – évoqué au § 70 – de non-violation le 25 juin 2019 (Stoian v. Romania, n° 289/14, § 111 ; également rendu à l’unanimité).
3 Comparer l’Opinion concordante du juge Wojtyczek, in fine (p. 27, spéc. p. 29) – où il cite, « en particulier, Dupin c. France, no 2282/17 » ; à propos de cet arrêt du 24 janvier 2019, v. le 8 avril, au point 4.

ARS et MDPH, actrices de l’effectivité ?

Couverture de la brochure citée (collectifhopitaldie.org 30 oct. 2017 ; v. en note la référence précise)

Fondateur et ancien président du collectif de défense de l’hôpital de Die, Jean-Pierre Rambaud est mort le 6 avril dernier. Dix ans plus tôt, Le Dauphiné Libéré le citait envisageant « le cas où il serait nécessaire d’aller au tribunal administratif » ; quelques mois plus tard, le 28 novembre 2009 lors de sa 13ème rencontre, la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité s’intéressait à l’utilité « notamment des actions juridiques (…)[,] sans toutefois perdre de vue leurs limites »[1].

Concernant celle de Die, jusqu’à la fin de l’année 2017, aucune action contentieuse n’avait été intentée. La première – un référé-suspension – s’est soldée par une irrecevabilité, accompagnée d’une condamnation à verser 1 000 euros à l’Agence Régionale de Santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes ; près de deux ans après la fermeture de la maternité, le collectif a reçu une « mise en demeure du ministère de la Santé de régler [c]es frais de procès » (collectifhopitaldie.org 13 nov. 2019).

Dans mon commentaire de l’ordonnance rendue le 28 décembre 2017 (v. mes travaux), je pointais une restriction du droit à la santé génésique[2] ; dans l’ouvrage auquel je renvoie dans mon précédent billet, Virginie Donier traite de « [l]’effectivité du droit d’accès au juge »[3] (lequel « doit être entendu stricto sensu comme la possibilité de saisir une juridiction »[4]) : parce qu’il a été mis en cause à Grenoble[5] – le tribunal administratif (TA) devrait bientôt se prononcer au fond –, cela aurait pu conduire l’État à ne pas réclamer cette somme, tout comme pourrait être désormais justifiée – en droit(s) – une participation financière des collectivités publiques du diois.

Photo du TA de Nîmes (empruntée à @MalouChou)

Rédigée pour l’essentiel en janvier, relue et amendée fin mai, ma contribution ne pouvait intégrer deux décisions relatives à l’(in)effectivité du droit à l’éducation des personnes en situation de handicap[6]. La première a été rendue par le TA de Nîmes le 21 juin ; il est possible de la consulter à partir de la version numérique de L’Actualité Juridique. Droit Administratif, revue dans laquelle ont été publiées à la fin de l’année les conclusions du rapporteur public (AJDA 2019, pp. 2258 et s., concl. Vincent L’Hôte sur ce jugement Mme B., n° 1701563).

Le considérant 6 apparaît novateur : s’il est estimé que « les conclusions de Mme B. tendant à rechercher la responsabilité de l’État à raison de l’absence de scolarisation effective et de prise en charge adaptée d’Ilyan doivent être analysées au regard des seules dispositions de l’article L. 246-1 du code de l’action sociale et des familles » (CASF), c’est après avoir reproduit à la suite de celles-ci l’article L. 111-1 du code de l’éducation (cons. 4) et avant d’envisager l’obligation de « prise en charge pluridisciplinaire de toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés [un « droit à », selon le cons. 5], ce y compris au regard de [son] droit à l’éducation[7] » ; quant à lui directement prévu par la loi française, ce droit à l’est aussi par des conventions internationales qui auraient pu être mentionnées dans les visas.

Il est précisé auparavant : « Par lettres du 7 février 2017 reçues les 13 et 14, Mme B. a demandé l’indemnisation des préjudices résultant de l’absence de scolarisation effective et de prise en charge adaptée d’Ilyan au ministre de l’éducation nationale et au ministre des affaires sociales et de la santé qui a transmis sa demande à l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France » (cons. 1, vers la fin).

Photo de l’ARS d’Île-de-France (issue du site france-handicap-info.com)

Dans les conclusions, il est noté que ces compétences de l’État « sont exercées par le directeur général [de cette agence régionale]. C’est donc en principe à ce dernier que la demande aurait dû être présentée. Cependant, l’article L. 114-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) impose à l’autorité administrative saisie à tort de transmettre la demande à l’autorité administrative compétente ». Après un rappel de la jurisprudence pertinente, le rapporteur public proposait de considérer que « les demandes adressées par la requérante aux ministres sont réputées avoir été transmises au directeur général de l’ARS » (en l’occurrence, ce n’était effectivement pas une femme).

Toutefois, et je reprends ici des extraits du jugement, « en application du b) du 2° de l’article L. 1431-2 du code de la santé publique, les compétences de l’agence régionale de santé se limitent à autoriser la création des instituts médico-éducatifs, à contrôler leur fonctionnement et à leur allouer des ressources, sans être habilitée à imposer la prise en charge d’une personne. [S]i l’absence de prise en charge spécifiquement adaptée aux troubles d’un enfant atteint d’un syndrome autistique, conformément à l’orientation préconisée par la [commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH)], est de nature à révéler une carence de l’État dans la mise en œuvre dispositions de l’article L. 246-1 [du CASF, il n’en va pas ainsi lorsque cette absence ne résulte pas d’un manque de places ; il convient alors de rechercher la responsabilité non de l’État mais] de l’établissement ayant refusé d’accueillir l’enfant » (cons. 8).

Devant être présentée devant les juridictions compétentes, cette action ne permettra pas plus que la première de rendre le droit à l’éducation des personnes concernées immédiatement effectif ; comme le remarquait Vincent L’Hôte dans ses conclusions, « il convient de garder à l’esprit que l’action indemnitaire reste pour elles ou leur famille un pis-aller »[8]. À cette fin – l’effectivité de leurs droits –, il importe non seulement que les « obligations de l’État » soient satisfaites, mais aussi que d’autres personnes, publiques et/ou privées, respectent les leurs : « département, MDPH, structures d’accueil… ».

MDPH de la Vienne (image issue du site handi-cv.com)

Également signalée par l’AJDA, la seconde décision confirme que les décisions prises par la CDAPH – auxquelles il est renvoyé à l’article L. 241-9 du CASF – « sont susceptibles de recours devant l’autorité judiciaire, laquelle est également compétente pour connaître d’éventuelles actions en responsabilité engagées à l’encontre de la maison départementale des personnes handicapées, groupement d’intérêt public, à raison de telles décisions » (cons. 5 ; je souligne)[9].

Après une substitution de motif (cons. 6), le Conseil d’État a décidé le 8 novembre qu’« en jugeant qu’aucune carence ne pouvait, en l’espèce, être reprochée aux services de l’État, lesquels, ne tenaient d’aucun texte compétence pour prendre une décision d’orientation vers un établissement ou service donné à la place de la commission [de la Vienne] ou remettre en cause l’orientation décidée par celle-ci, ni pour imposer à l’Institut régional de jeunes sourds de Poitiers, après l’échec de la médiation entre les parents et la direction de l’établissement, d’accueillir Camille A., la cour administrative d’appel de Bordeaux n’a pas commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l’espèce » (cons. 7).

Cet arrêt avait été rendu le 16 mai 2017 et je le cite dans ma thèse – en note de bas de page 1090, à l’occasion de développements relatifs à la jurisprudence judiciaire (ayant peut-être fait l’objet d’un nouveau pourvoi devant la Cour de cassation, l’arrêt de renvoi alors évoqué a été rendu ; v. « Poitiers : il fallait réintégrer Camille », lanouvellerepublique.fr 27 août 2018). En attendant d’avoir l’opportunité d’y revenir, ainsi que de consacrer un billet à la situation des personnes sourdes et/ou aveugles[10], je renvoie pour un autre cas d’incompétence de la juridiction administrative à celui que j’ai publié le 17 mai 2018.

Selon une réponse du Secrétariat d’État auprès du Premier ministre, « chargé des personnes handicapées », publiée au JO Sénat le 19 septembre 2019, des propositions pour améliorer le fonctionnement des MDPH « ont fait l’objet d’une première restitution » peu de temps avant l’adoption de la loi Blanquer. Dans son commentaire de ce texte n° 2019-791 du 26 juillet, un ancien recteur évoque le chapitre IV : Le renforcement de l’école inclusive, « peut-être abusivement [présentée] comme un service public »[11] (ici, ou ). Comme le ministre, un autre ancien professeur de droit public est venu récemment illustrer le refus de renouveler l’approche de cette notion à partir du droit à l’éducation.

(boutique-dalloz.fr juin 2018, cité infra).

Désormais recteur, Benoit Delaunay a rédigé ce texte avant de rejoindre l’académie de Toulouse (v. gazette-ariegeoise.fr 24 juill. 2019) : « en se remémorant un échange doctrinal qui s’était tenu lors de [sa] soutenance de thèse », il prétend revenir sur les « rapports qu’entretiennent, en droit administratif, les droits et les obligations »[12]. Au conditionnel, il écrit notamment : « À traits sans doute trop appuyés, les « droits à » pourraient désigner les obligations de moyens cependant que les « droits de » pourraient renvoyer aux obligations de résultat »[13]. Remontant en généralité, il introduit la notion d’effectivité, en affirmant qu’elle n’est « pas des plus limpides mais celle d’obligation n’est pas, ici, des plus utiles » ; celle extracontractuelle lui apparaît « peu opératoire en droit public pour conclure ce qu’on pouvait découvrir plus directement en recourant à des notions classiques du droit administratif comme la légalité ou les lois du service »[14].

Dans l’ouvrage auquel j’ai contribué[15], Gilles Pellissier s’intéresse à l’égalité, qui se décline en l’une de ces « lois » (de Rolland) ; « elle influe sur la répartition des droits sans être, par elle-même, porteuse d’aucun droit »[16]. Christine Pauti traite de la « participation partielle et indirecte du juge administratif à l’effectivité du droit à la culture par le biais du service public »[17]. Christophe Pierucci adopte quant à lui une autre démarche : évoquant des solutions « concern[a]nt le droit à l’éducation »[18], il cite un jugement Kepeklian rendu en 2003.

Fin 2017, je notais que ce dernier ouvre une série de réitérations d’un arrêt Giraud – en 1988, soit l’année précédant l’affirmation par la loi Jospin de ce droit à – et, surtout, que les juges administratifs ne se réfèrent alors qu’à une « obligation légale », bien que cette jurisprudence soit souvent citée comme illustrant les principes de continuité et d’égalité du/devant le service public de l’enseignement (v. ma thèse, pp. 176 à 183, spéc. 179 et 181 – en note de bas de page n° 1062 – pour le jugement cité). Au moins dans sa formulation, elle a depuis évolué (pp. 1196, 1199 et s., spéc. 1200), sans que le « droit à l’éducation » soit toujours affirmé là où il pourrait l’être.

Si « le droit administratif ne saurait se réduire (…) au seul contentieux administratif », c’est à partir de lui que Jean-Claude Ricci et Frédéric Lombard ont proposé en 2018 une « reconstruction d’une partie » de ce droit « sur la base » d’une « notion unique de l’obligation », commune avec le droit civil[19]. Incontestablement stimulant[20], l’ouvrage reste frustrant pour qui voudrait envisager les choses – au-delà du champ délimité par le sous-titre – du point de vue des droits des personnes (physiques) par rapport à l’administration. Celles morales – publiques ou privées – apparaissent privilégiées par la volonté des auteurs de s’en tenir à « l’obligation au sens technique du mot, c’est-à-dire [à] la capacité à s’engager ». Cela revient nécessairement à entendre strictement les droits (publics) subjectifs (v. mes pp. 49 et 1143), y compris s’agissant de ce qu’ils appellent la « responsabilité civile de l’administration » – en donnant l’impression de n’envisager que celui à réparation[21].

Il est tentant de suggérer pour conclure « une définition de l’obligation commune à l’ensemble des juristes » (je souligne), en prenant le risque de perdre en précision[22], avec deux dernières citations : « la Convention européenne [sic ; v. mon précédent billet] de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, dont on sait le rôle capital qu’elle joue, dans son texte même comme dans celui de ses divers protocoles, ne distingue jamais, s’agissant d’obligations, selon que le débiteur ou le créancier de celles-ci est une personne publique ou une personne privée » ; « cette conception (…) se retrouve peu ou prou aussi bien dans l’ordre normatif de l’Union européenne que dans l’ordre international (cf. les deux pactes des Nations unies) »[23].


Infographie accompagnant l’article de Sylvie Ducatteau, « “On laisse les femmes au bord de la route et on nous parle de sécurité” », l’Humanité 29 mars 2019, p. 4

[1] Pour l’hôpital de Die (Drôme). 1987-2017. Trente ans de luttes fructueuses, brochure de 71 pages rédigée du 20 février au 20 avril 2017 par Jean-Pierre Rambaud, pp. 31 (reproduisant Le Dauphiné Libéré 6 avr. 2009, p. 15) et 37 ; le 27 décembre 2019, Vanessa Hirson signalait qu’une « femme, habitant à Saint-Claude (Jura) », a accouché le 16 « dans le camion des pompiers, entre le domicile de ses parents et la maternité de Lons-le-Saunier située à 1h de distance » (v. à partir de ce tweet d’un autre journaliste, Yann Levy, rappelant quelques chiffres). Au début du mois, Frédéric Potet citait « Jean-Michel Mols, le président du comité de défense des usagers du site hospitalier du Blanc » : « On croise les doigts chaque jour pour qu’un accident ne survienne pas » ; le journaliste rappelait auparavant « le nombre de naissances « inopinées » ayant eu lieu aux urgences, à la maison ou en voiture, au cours des quatorze derniers mois [depuis « la décision de mettre fin aux accouchements dans la sous-préfecture de l’Indre » : « sept » (« Au Blanc, les habitants toujours en deuil de leur maternité », Le Monde 5 déc. 2019, p. 11).

[2] Comme déclinaison du « droit à la protection de la santé », à partir de textes internationaux que l’État français s’est engagé à respecter ; reformulant ainsi l’alinéa 11 du Préambule de 1946, qui se borne à affirmer que la Nation garantit cette « protection », v. l’article récent de Pierre Esplugas-Labatut, « Retour sur les services publics constitutionnels : une catégorie mort-née ? », in Culture, Société, Territoires. Mélanges en l’honneur de Serge Regourd, Institut Universitaire Varenne, 2019, p. 831, spéc. p. 834 : « des cliniques ou des écoles privées peuvent en parallèle appuyer l’action des établissements publics d’enseignement ou de santé pour satisfaire le droit à la protection de la santé et le devoir de l’État d’organiser un enseignement public » (comparer la fidélité à l’alinéa 13, contrairement à la page précédente mobilisant la catégorie doctrinale des « droits-créances » ; v. ma thèse pp. 1162-1163 et 1168 et s.).

[3] Titre de sa contribution in Sara Brimo et Christine Pauti (dir.), L’effectivité des droits. Regards en droit administratif, éd. mare & martin, 2019, p. 237 ; dans la sienne, Olga Mamoudy « met de côté le remboursement des frais irrépétibles », not. (« L’organisation par le juge administratif de l’ineffectivité de ses décisions », p. 255, spéc. p. 267).

[4] Page 238, Virginie Donier renvoie sur ce point à une publication antérieure (co-dirigée avec Béatrice Lapérou-Scheneider, L’accès au juge. Recherche sur l’effectivité d’un droit, Bruylant, 2013, pp. 32 et s.), avant d’indiquer mettre « l’accent sur cet aspect en délaissant quelque peu la question de l’office du juge et celle de l’effectivité des décisions de justice » ; à cet égard, outre une journée d’étude au Conseil d’État, le 25 mars 2019 (v. La LJA d’avr., n° 57, p. 6), v. CE Ord., 19 janv. 2016, Association musulmane El Fath, n° 396003, cons. 7, sanctionnant – en référé-liberté – « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit à un recours effectif ainsi que, par voie de conséquence, aux libertés fondamentales que cette mesure a pour objet de sauvegarder ».

[5] Lui aussi implicitement, compte tenu de l’effet dissuasif d’une telle condamnation pour une petite association. Comparer par ex. la note n° 33 de mon billet du 23 oct. 2019, avec l’arrêt et les ordonnances des notes n° 29, 31 et 32 (mon commentaire permettant de revenir sur les circonstances locales particulières de la fermeture de la maternité de Die, commune de moins de 5 000 habitant·e·s).

[6] « Le droit des personnes handicapées reste en France un droit largement théorique, tant son exercice par les intéressés se heurte souvent à des obstacles matériels qui le prive, de fait, de l’essentiel de sa substance » (première phrase des conclusions de Vincent L’Hôte sur TA Nîmes, 21 juin 2019, n° 1701563 ; AJDA 2019, pp. 2258 et s.).

Exposition « Tes yeux sur mes oreilles » (v. fondationpourlaudition.org)

[7] « Cette exigence d’un accueil pluridisciplinaire inclut et dépasse le droit à l’éducation », était-il proposé dans les concl. préc.. Dans les développements qui suivent, je délaisse la question de l’application en l’espèce des principes dégagés par le TA (cons. 9 à 19 du jugement) ; le rapporteur public a là aussi été suivi : il invitait à retenir – et indemniser – la « carence fautive de l’État dans l’organisation du service » à partir du moment où Mme B. a quitté la région Île-de-France ; dès lors, « l’ensemble des refus opposés à la requérante ont été motivés par une absence de place et ce, jusqu’au 6 septembre 2016, date à laquelle une place s’est libérée ». Peut-être en raison de la fusion à l’origine de l’ARS Occitanie (v. Bryan Faham, latribune.fr 26 oct. 2018), cette dernière n’est pas mentionnée, pas plus que la délégation départementale du Gard (v. jorfsearch.steinertriples.fr janv.-févr. 2019). V. récemment la tribune de familles et de professionnel·le·s de l’Hérault, Le Monde Science & Médecine 26 déc. 2019, p. 7 : l’été, « la plupart des établissements pour enfants et adolescents polyhandicapés (EEAP) et instituts médico-éducatifs (IME) ferment plusieurs semaines. Les familles se retrouvent alors seules », privées d’accès à ces « lieux de soins (…). Il n’est pas juste que les associations et les initiatives personnelles de certains parents pallient seules le manque de structures et de places d’accueil » ; ce collectif « et l’association « La petite fille qui s’attarde » se mobilisent pour qu’il ne soit plus légalement permis de fermer les établissements accueillant des enfants et adolescents polyhandicapés sans que des solutions alternatives soient proposées aux familles ». V. également l’article de Pascale Santi en page 6, signalant « l’exposition de photographies « Tes yeux sur mes oreilles », présentée sur les grilles du square de la Tour-Saint-Jacques, rue de Rivoli, à Paris (4e arrondissement) », jusqu’au 13 janvier (v. ci-contre).

[8] Je signale sur ce point la note n° 39 de ma contribution, renvoyant elle-même à celle de Sara Brimo dans le même ouvrage (préc. ; v. « Sanction de la carence administrative et garantie de l’effectivité des droits », p. 193, spéc. pp. 207 à 210).

[9] CE, 8 nov. 2019, M. A. et Mme C., n° 412440 ; il est notamment renvoyé à TC, 11 déc. 2017, M. B., n° C4105 (après avoir cité d’autres décisions antérieures – dont l’arrêt ici attaqué, à propos duquel v. infra –, Vincent L’Hôte ajoutait dans ses conclusions sur le jugement précité que « les MDPH sont des groupements d’intérêt public dont le département assure la tutelle administrative et financière, selon l’article L. 146-4 du CASF. Les fautes qui leur sont imputables ne sauraient dès lors engager au surplus la responsabilité de l’État »).

[10] À propos du devoir des juridictions vis-à-vis des « personnes présentes à l’instance » en ce qui concerne « l’assistance qu’impose leur surdité », v. CE, 15 mars 2019, M. M., n°414751, cons. 1 ; s’affirmant « entièrement engagé pour permettre à l’École de la République d’être pleinement inclusive », le Ministère a par ailleurs réitéré, le 11 avril (p. 1965), l’affirmation du « droit fondamental à l’éducation » (v. déjà le 30 oct. 2018, p. 9712, et encore le 2 mai 2019, p. 2391 ; comparer le 5 mars 2009, p. 565). Relayant les inquiétudes liées à la dotation des instituts nationaux de jeunes sourds (INJS) et de l’institut national des jeunes aveugles (INJA), v. la question écrite n° 03306 de M. Michel Dagbert (Pas-de-Calais – SOCR), JO Sénat du 15 févr. 2018, p. 623, avec une Réponse du Secrétariat d’État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées le 19 avr. 2019, p. 1946 ; v. aussi le reportage pour la rédaction de France Culture d’Hakim Kasmi, diffusé le 16, ainsi que ce décret n° 2019-420 du 7 mai et la Question écrite n° 03125 de la sénatrice Brigitte Micouleau (Haute-Garonne – Les Républicains), le 8 févr. 2018, p. 504, attirant « l’attention de Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sur l’accessibilité des étudiants sourds aux études supérieures » (Réponse le 9 août 2019, p. 4168). V. plus récemment ce texte du Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, JO Sénat 24 oct. 2019, p. 5397, ne répondant pas vraiment à la question et enfin l’exposition actuelle signalée supra.

© Photo reprise de la page Facebook du député communiste Sébastien Jumel, venu rencontrer le 7 octobre les AESH du secteur de Dieppe et les représentant·e·s de la CGT Educ’Action et du SNUipp.

[11] Marc Debene, « L’École sous le pavillon de la confiance », AJDA 2019, pp. 2300 et s. Concernant les Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés, v. Thomas Baligand, « Les PIAL : une nouvelle organisation du travail des AESH », ecole-et-handicap.fr 12 juin-19 nov. 2019, Rouguyata Sall, « Les accompagnants des élèves en situation de handicap inquiets pour la rentrée » et Khedidja Zerouali, « La rentrée chaotique des accompagnants d’élèves en situation de handicap », Mediapart les 15 juill. et 10 oct. (respectivement, en empruntant à cette dernière l’illustration ci-contre). Publié au JORF n° 0276 du 28 nov., v. l’arrêté du 23 oct. fixant le cahier des charges des contenus de la formation continue spécifique des AESH ; à celui n° 0294 du 19 déc., le décret n° 2019-1389 du 18 prévoyant un recrutement « par contrat d’une durée de trois ans, renouvelable une fois ».

Ajout au 7 janvier 2020 : dans la newsletter n° 6 du site École et Handicap, il est renvoyé à un texte intitulé « La gestion départementale et les absences des AVS et des AESH », complété par TA Nice Ord., 15 nov. 2019, Mme et M. X., n° 1905359 (mise en ligne par l’association Toupi), cons. 5-6 : concernant une fille de 4 ans, le juge des référés conclut à « une atteinte grave et illégale à son droit à l’éducation » (je souligne cette reformulation bienvenue – mais pas nouvelle – de la jurisprudence initiée par CE Ord., 15 déc. 2010, Ministre de l’Éducation nationale c. Époux Peyrilhe, n° 344729, en renvoyant aux pp. 46-47 de ma contribution en 2019 ; l’oubli du terme « manifestement », avant « illégale », est par contre regrettable) ; de manière discutable, il refuse d’assortir d’une astreinte son injonction d’affecter – sous quinze jours – « un » AESH « à titre pérenne, dans les conditions fixées en août par la CDAPH », en affirmant qu’« une solution de remplacement a été mise en place par l’administration » (c’est en réalité au lendemain de la saisine du juge que le recteur s’est engagé, le 14, à l’affectation d’une « remplaçante » le lundi 18 ; en définitive, cette ordonnance illustre davantage l’hypothèse exclue dans mon introduction, p. 42).

« Saint Joseph – La Salle Toulouse est un établissement catholique d’enseignement, fondé en 1840 par les Frères des Écoles Chrétiennes » ; il « regroupe, sur un même site, une école, un collège, un lycée général et technologique, une unité professionnelle, un campus » (saintjosephtoulouse.org).

Ajout au 7 février, pour signaler TA Toulouse Ord., 5 févr. 2020, M. et Mme D., n° 2000568 : « Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2020, le recteur de l’académie de Toulouse conclu[ai]t au rejet de la requête », au motif d’une affectation à compter « à compter du 1er février », de ce que « l’élève est régulièrement scolarisé » et, surtout, que « les services académiques ne s[eraien]t pas à l’origine de cette situation, cette dernière résulte[rait] d’une absence d’information sur les besoins en personnels AESH du groupe scolaire privé Saint Joseph-Lasalle » ; statuant en référé-liberté, le vice-président du tribunal commence par rappeler que l’enfant, « atteint d’un trouble du spectre autistique, est scolarisé en « 3° prépa pro » [et] bénéficiait d’une aide Individuelle par une auxiliaire de vie (AVS) qui a été renouvelée du 1er juin 2019 au 31 août 2024 pour une durée de 20 heures par semaine », avant de refuser de considérer que « l’objet du litige » aurait « disparu » (cons. 1 et 2).

Lors de l’audience de la veille, le requérant avait « fait remarquer que les pièces produites par le recteur supposées démontrer le recrutement d’une AVS ne mentionnent pas le groupe scolaire dans lequel son fils est scolarisé ». Compte tenu « de la dizaine d’appels téléphoniques ou de la lettre recommandée avec avis de réception du 13 janvier 2020, alertant les services du rectorat » de son absence d’AVS, « M. et Mme D. sont fondés à soutenir qu’il a été porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de leur enfant handicapé de suivre une scolarité adaptée ». Il leur est également donné entièrement raison concernant l’exécution de cette ordonnance : « il y a lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte de 250 euros par jour de retard passé (…) un délai de quinze jours à compter de [s]a notification » (cons. 6 et 7).

Un seul bémol à cette ordonnance – à lire en lien avec l’écrit du recteur cité dans ce billet : « Les requérants, qui ne justifient pas avoir exposé de frais pour les besoins de l’instance en cause, ne sont pas fondés à demander une somme au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative » (cons. 8) ; sans aller peut-être jusqu’à accorder les « 1 000 euros » demandés, le juge des référés aurait pu considérer le temps perdu pour faire valoir un droit reconnu avant l’été (la décision de la MDPH remonte au 16 avril 2019 !). Le jour de l’ordonnance était publiée une recension de L’Effet Louise – à propos d’un autre handicap (la trisomie 21) –, présenté comme « le récit puissant et plein d’humour d’une tranche de vie » d’une enfant de « trois ans, deux bras, deux jambes et toujours ce foutu chromosome en plus ». Caroline Boudet y distingue la « face A », et la « face B » (le vrai handicap) : « C’est comme une vie parallèle dont tu apprends les bases, aux côtés de ton enfant, une vie en noir et blanc, faite de photocopies, de dossiers de plusieurs kilos, de certificats médicaux, de relances par courrier, par mail, par téléphone, d’attente, d’absences de réponse, de demandes de pièces supplémentaires » (citée par S. Ca., « Une place à l’école pour le handicap », Le Monde Science & Médecine 5 févr. 2020, p. 6)…

P.S. Je précise avoir partagé des informations avec le père de l’enfant – que je ne connais(sais) pas –, le 28 janvier ; c’est lui qui a rédigé la requête, « enregistrée le 31 ».

[12] Benoit Delaunay, « Le rapport entre effectivité des droits et obligations de moyen et de résultat », in La scène juridique : harmonies en mouvement. Mélanges en l’honneur de Bernard Stirn, Dalloz, 2019, p. 155 (l’ouvrage semble avoir été publié près d’un an après que la contribution a été rédigée ; elle est datée du 20 nov. 2018).

[13] Art. préc., p. 160 (je souligne ; deux pages auparavant, il emploie en effet cette dernière expression – « obligation de résultat » – à propos de ce qu’il appelle le « droit à la scolarisation [sic] d’enfants handicapés » : il me fait alors l’honneur d’un renvoi à ma note sous l’arrêt Laruelle, publiée il y a presque dix années à la RDP ; ayant un peu évolué depuis, je renvoie à mon tout premier billet, daté du 5 janvier 2018, ainsi qu’à celui du 8 avril dernier).

Alain-Serge Mescheriakoff, Droit des services publics, PUF, 2ème éd., 1997, pp. 189 et 242 : « le service public de l’éducation nationale n’a pas l’obligation juridique [terme oublié par le recteur Benoit Delaunay (v. ci-contre)] de faire réussir les élèves, le service public hospitalier de guérir ses malades » ; « Les droits subjectifs des administrés (…) n’existent que quand les personnes gestionnaires du service ont une obligation juridique envers eux, qui peut être contractuelle ou quasi délictuelle » (v. infra la note n° 21). Dans ma thèse (2017), l’entrée « Mescheriakoff » conduit à plusieurs autres citations de cet ouvrage (la plupart en première partie) ; il ne mentionne jamais directement, sauf erreur, L’affirmation du droit à l’éducation (titre de ma seconde partie).

[14] Art. préc., pp. 161 et 162, en revenant ensuite à son refus d’« imposer à l’administration des obligations de résultat » ; mon hypothèse est que l’utilité de cette distinction, pour une partie de la doctrine, vient du fait qu’elle permet de dévaloriser certains droits, par une réaction inquiète devant leur affirmation par les textes de droit. Avant de conclure en citant une thèse soutenue en 1972, l’auteur pointe page 163 un « rapport d’incomplétude entre obligations et effectivité », p. 163 ; et de citer Jagerschmidt (concl. sur CE, 10 mars 1899, Hospices du Havre, Rec. 183, récusant l’existence d’un « droit à l’assistance médicale »), puis A.-S. Mescheriakoff (v. la première citation ci-contre). L’entrée « Jagerschmidt » conduit à plusieurs résultats in Shoji Harada, La contribution des commissaires du gouvernement près le Conseil d’État à la construction de la théorie du service public (1873-1956), thèse soutenue à Dijon le 4 déc. 2018, mise en ligne le 5 juin 2019 ; concernant les conclusions citées par Benoit Delaunay, v. celle de Johanna Benredouane, soutenue le 22 mai 2018 à Besançon – et déjà citée dans mon précédent billet –, pp. 73 à 75, § 57

[15] À partir de sa thèse (Limoges, 2012), Julien Bétaille propose dans sa contribution de distinguer « la notion d’effectivité-état et le concept d’effectivité-action » (« Introduction : le concept d’effectivité, proposition de définition », in Sara Brimo et Christine Pauti (dir.), ouvr. préc., 2019, p. 21, spéc. p. 22).

[16] Gilles Pellissier, « Assurer l’effectivité de l’égalité, mission impossible ? », p. 211. Professeur associé à l’Université de Tours, l’auteur est membre du Conseil d’État ; j’avais parcouru sa thèse pour réaliser la mienne, et j’ai oublié de la citer, ce que j’aurais pu faire autour de ma page 1095 à laquelle je renvoie – en lien avec la sienne, Le principe d’égalité en droit public, LGDJ, 1996, pp. 32-33, à propos de la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 13 janvier 1994.

[17] Christine Pauti, « Existe-t-il des droits ineffectifs ? Le cas du droit à la culture », p. 93, spéc. pp. 100 et s.

[18] Christophe Pierucci, « Le coût financier de l’effectivité des droits », p. 223, spéc. p. 234

[19] Jean-Claude Ricci et Frédéric Lombard, Droit administratif des obligations – contrats, quasi-contrats, responsabilité, Sirey, 2018, pp. 583, 6 et 17-18 (§§ 1153, 6 et 18).

[20] v. Philippe Yolka, « Penser le droit administratif autrement ? », AJDA 2019, p. 1622 : « une question intéresse la relation des obligations aux droits subjectifs, rapidement évoquée dans l’ouvrage (et qui ne saurait évacuer en tout état de cause l’exercice des compétences, car le jeu se rapproche en droit administratif du billard à trois bandes). Si l’on considère qu’il y a là simplement les différentes faces d’une même monnaie, la brièveté est bien sûr de mise (Janus bifrons : le droit subjectif est l’envers de l’obligation, et réciproquement). Un autre point de vue serait d’achever le tableau en utilisant le prisme des droits subjectifs pour restituer l’importante part du droit administratif qui n’est pas justiciable d’une analyse à l’aune de l’obligation (partie d’autant plus vaste d’ailleurs que cette dernière est entendue au sens strict du droit civil par Jean-Claude Ricci et Frédéric Lombard, l’unilatéral étant laissé hors du cadre). (…) Une autre interrogation porte sur le point de savoir si, dès lors que l’on s’inscrit dans une logique dérivée de la théorie civiliste des obligations, il convient de s’arrêter en si bon chemin. (…) Une conséquence radicale mais logique serait de réorganiser l’exposé du droit administratif dans son ensemble. Ainsi aurait-on, à côté de ce qui concerne les obligations, ce qui intéresse le droit – administratif – des personnes (soit le droit administratif institutionnel et le droit de la fonction publique, voire une partie de ce qui relève pour les privatistes du droit de la famille, spécialement le droit successoral. V., S. Carpi-Petit, Les successions en droit administratif, PU Rennes, 2006), et ce qui regarde le droit – administratif – des biens ».

[21] Jean-Claude Ricci et Frédéric Lombard, ouvr. préc., 2018, pp. 39 et 283-284 (§§ 45 et 491-492) : « c’est le rattachement de la responsabilité de la puissance publique au droit administratif des obligations qui a fait poser en jurisprudence administrative le principe universel que tout préjudice est réparable » (italiques des auteurs). Après avoir mentionné les « droits subjectifs dont peuvent être titulaires les usagers », Alain-Serge Mescheriakoff évoquait déjà « le droit à la réparation des dommages causés par le service » (entre parenthèses, et en précisant « notamment », mais v. les pages citées supra), objet de développements précédents (ouvr. préc., 1997, pp. 281, 246 et s.).

[22] À cet égard, v. récemment CE, 27 nov. 2019, Assoc. Droits d’urgence, n° 433520 ; AJDA 2019, p. 2464, obs. Marie-Christine de Montecler, « C’est à l’administration de décider comment respecter ses obligations » (« légales », ici aussi ; v. les cons. 5 à 7, puis ceux 11 à 13 à propos du refus d’identifier au centre pénitentiaire de Fresnes « une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile caractérisant une situation d’urgence »).

[23] Introduction de l’ouvr. préc., 2018, pp. 37 et 21 (§§ 44 et 23 ; idem), lequel contient une référence à « l’obligation scolaire » (p. 10, § 10 ; v. la fin de mon précédent billet, et/ou le sixième paragraphe de de celui du 25 mars 2019). 

Dix ans après l’arrêt Laruelle (« enfants handicapés »)

Les parents de Guillemette Laruelle (photo Voris/Agoravox)

Il y a dix ans, le Conseil d’État consacrait le « droit à l’éducation » des enfants en situation de handicap. Ce billet propose de revenir sur ce droit, en dix points, à partir de cet arrêt qui ne doit pas être confondu avec celui rendu le 28 juillet 1951[1].

1. Depuis le 8 avril 2009, le principe est acquis : la méconnaissance par l’État de ses obligations de service public engage sa responsabilité (n° 311434). Il était alors question d’une enfant qui n’avait pu être accueillie, de juin 2003 à septembre 2004, faute de place dans l’établissement désigné par ce qui s’appelait encore la Commission départementale de l’éducation spéciale[2] ; refusant d’étendre l’indemnisation pour la période antérieure – accueil à temps partiel, conformément aux précédentes décisions de cette CDES –, la juridiction de renvoi a « condamn[é] l’État à verser à M. et Mme [Laruelle] une somme totale de 24 000 euros » (CAA Versailles, 1er déc. 2009, Ministre de la Santé…, n° 09VE01650). Reprenant récemment le considérant de principe de l’arrêt du 8 avril, la Cour administrative d’appel de Lyon a cependant explicitement écarté l’existence « d’un régime de responsabilité pour faute présumée » : « il appartenait [aux parents de D.] de prendre contact » avec l’ensemble des établissements désignés par la CDAPH – selon la nouvelle appellation de la Commission, depuis 2005 (8 nov. 2018, M. B. et Mme C., n° 16LY04217, cons. 3, 6 et 4).

2. Le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser « que la seule circonstance que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées n’a pas prononcé de décision d’orientation de l’enfant handicapé ne saurait décharger l’État de sa responsabilité (…), dès lors que cette absence de décision résulte (…) de l’insuffisance des structures d’accueil existantes » (CE, 29 déc. 2014, M. A. et Mme C., n° 371707, cons. 2, repris par CAA Versailles, 15 oct. 2015, Ministre des solidarités et de la cohésion sociale, n° 15VE00364, cons. 3). Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré dans le même sens, le 12 octobre 2017, qu’une « carence de l’État » était révélée par la décision « de désigner des établissements à l’étranger » (Mme E., n° 1511031, cons. 5).

3. En application de la jurisprudence Beaufils, formalisée le 16 mai 2011 (n° 318501) et relative aux personnes « autistes »[3] (y compris adultes), ce jugement ne reprend toutefois pas les formules de l’arrêt Laruelle. Il se fonde sur le seul Code de l’action sociale et des familles et n’affirme pas le « droit à l’éducation ». Deux ans plus tôt, le 15 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris avait pourtant su le réinsérer dans le raisonnement (cons. 2 dans six des huit jugements, 3 dans deux d’entre eux ; v. ma rubrique travaux de recherche et, pour l’approche renouvelée alors évoquée, ma thèse pp. 1047 à 1053).

4. Dans une décision du 11 septembre 2013, rendue publique le 5 février suivant, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a réitéré contre la France le constat de violation auquel il était parvenu dix ans plus tôt, dans l’affaire Autisme-Europe (procédure de réclamations collectives). L’approche sociologique de Céline Borelle comprend un résumé, qui peut être précisé avec l’un des motifs, déjà souligné dans un précédent billet ; la position du CEDS devrait conduire les juridictions françaises à se montrer plus regardantes quant à la réalité de la « scolarisation » pour les personnes orientées vers les établissements spécialisés. Encore faut-il que cela leur soit demandé, ce qui n’apparaît pas évident à la lecture de l’arrêt Dupin contre France, également signalé sur ce site en février dernier : rendu par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) le 24 janvier (n° 2282/17), il faisait suite à une contestation infructueuse d’une décision de la CDAPH, une situation qui semble assez rare. Depuis le début de l’année, il est d’ailleurs obligatoire d’exercer un recours devant la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), préalablement à toute saisine de la juridiction judiciaire (pour des conseils de l’association TouPI à propos de ce nouveau RAPO, v. ce post du 30 oct.).

5. En contentieux de l’excès de pouvoir, la Cour administrative d’appel de Nantes a suivi, les 15 mai et 25 juin 2018, la voie tracée il y a plusieurs années par Rémi Keller (v. mon billet du 30 septembre, à propos des activités périscolaires ; ultérieurement, sans référence à un droit à, v. n° 17NT01107, résumé ici par l’avocat Éric Landot) ; déjà rapporteur public dans l’affaire Laruelle, ses conclusions prolongeaient les précédentes : pour conférer au « droit à l’éducation (…) un caractère effectif », le Conseil d’État précisait le 20 avril 2011 que la prise en charge financière par l’État des accompagnant·e·s « des enfants handicapés en milieu ordinaire n’est pas limitée aux interventions pendant le temps scolaire » (Ministre de l’Éducation nationale, n° 345434 et n° 345442). Les pourvois en cassation pouvaient être rejetés, le mérite de ces solutions revenant en priorité au tribunal administratif de Rennes, avec ses deux ordonnances en référé-suspension du 16 décembre 2010.


Ouvrage publié aux PUG en 2017 (avec une enseignante et deux mères d’enfants en situation de handicap, Serge Ebersold était invité Du Grain à moudre à l’occasion de l’anniversaire de la loi du 11 février)

6. La veille, le juge des référés du Conseil d’État avait remis en cause une injonction prononcée par celui de Marseille ; si les époux Peyrilhe perdaient en appel, cette ordonnance n° 344729 n’a pas fermé la porte du référé-liberté. Ici comme ailleurs, une « sorte d’exception de référé parallèle » (Philippe Yolka, en 2004) a certes permis de laisser du temps à l’administration, en renvoyant de l’article L. 521-2 à celui 521-1 du CJA en dépit d’un besoin d’adaptation reconnu (v. les décisions citées dans ma thèse pp. 1112 et 1203). Toutefois, il peut y avoir une voie de recours effective, pour protéger un droit à l’éducation inclusive, ainsi que l’illustrent d’autres ordonnances (v. par ex. celle citée dans mon tout premier billet, s’agissant d’un enfant affecté à tort en « sixième ordinaire » ; concernant Erwan Latreille, en grande section d’une école préélémentaire, v. Franck Seuret, « 5 000 € d’indemnisation du préjudice moral pour un élève handicapé sans AVS », Faire-face.fr 20 nov. 2017 : il ressort de ce prolongement en responsabilité du 9 qu’« une auxiliaire de vie scolaire a[vait, le 9 février 2015,] finalement été mise à disposition », mettant ainsi fin à « l’absence d’accompagnement » soulignée à Versailles, le 21 janvier – avec injonction d’y remédier).

7. Une étudiante en aurait obtenu une autre, le 24 octobre 2018, en référé-provision et référence aux « obligations légales » de l’Université Rennes 1 ; suivant un prisme non-discriminatoire, le Défenseur des droits lui avait en tout cas donné raison (Ibid. le 14 juin 2018, actualisé le 13 nov.). Le 26 février, dans une autre affaire et après avoir cité l’arrêt Laruelle, il avait affirmé que « la circonstance que la CDAPH n’a pas décidé d’aménagement spécifique de la scolarité de la jeune X ne saurait libérer l’État, en la personne du proviseur [d’un lycée professionnel], de son obligation d’aménagement raisonnable » (n° 2018-035, §§ 30 et 36). Le même jour, avant de raisonner par « analogie » à partir de cet arrêt, le DDD participe de la reformulation du droit de l’éducation, en affirmant celui à l’éducation par-delà les références alternatives que sont le « service public » et les libertés publiques de l’enseignement et de conscience (n° 2018-046, §§ 62-63, 16 et 19 ; v. ma thèse, spéc. pp. 192-193 et 647, ainsi que ce billet du 17 mai) ; il rappelle à l’État qu’il a, en vertu de la jurisprudence de la CEDH, une obligation « positive » – de protéger le droit à l’éducation – par rapport aux « personnes tierces, y compris les établissements privés ». Or, il a « constaté une pratique récurrente des services départementaux de l’éducation nationale consistant (…) à se libérer de toute responsabilité au visa de l’article R. 442-39 du code de l’éducation, c’est-à-dire en arguant d’un pouvoir discrétionnaire dont disposerait le chef d’établissement » (Ibid., §§ 50 et 58). Reprenant certaines formules le 10 décembre (n° 2018-228, §§ 13 et 15), il a aussi adressé des recommandations à celui d’un collège, ainsi qu’à un directeur diocésain de l’enseignement catholique (Ibid., pp. 2 et 10).

8. La saisine du juge des référés peut être combinée avec celle du DDD : il ressort d’une ordonnance du 28 mars 2018 (M. et Mme C., n° 418702), que la mise en mouvement des services académiques a commencé à se concrétiser après ses Observations devant le Conseil d’État, le 2 (n° 2018-086) ; l’appel des parents est rejeté, mais parce que l’administration s’est engagée entretemps à financer le recrutement d’un·e accompagnant·e, en assistant la direction du collège – là aussi privé sous contrat – pour qu’il ait lieu « dans les meilleurs délais » (cons. 6). Le rapport avec les établissements spécialisés est plus complexe : le juge administratif refuse de les contraindre à accueillir une personne (CE Ord., 1er août 2018, Mme C. et M. E., n° 422614, cons. 5). Dans une note de bas de page (1037, n° 2519), je citais en 2017 Isabelle Resplendino – sans connaître sa propre histoire, franco-belge –, en m’arrêtant par ailleurs sur l’analyse controversée, au sein du CEDS en 2013, des « flux transfrontaliers de personnes autistes » ; il devrait se prononcer bientôt à propos de la Communauté française de Belgique (pp. 913-914 et 920-921).

9. Suivant le droit européen, comme onusien, les États parties doivent se rapprocher de « l’exemple (souvent cité en modèle) de l’Italie »[4]. Dans mes développements relatifs à l’article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), je rejoins Claire de La Hougue, qui a pu souligner que la perspective du texte est tournée contre leur considération en tant qu’« objets de charité » (pp. 794 et s., spéc. 796) ; rechercher ce dernier mot dans ma thèse permet d’avoir un aperçu de l’évolution qui s’y trouve plus largement retracée. Le 1er juin dernier, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une Recommandation 2132 (2018), renvoyant à un texte intitulé « Les détenus handicapés en Europe ». Se référant à cette Résolution 2223, le CGLPL a aussi pointé, dans un Avis du 17 septembre, « l’inadaptation des activités proposées » (p. 2 ; v. ce billet du 30 mars 2018).

10. Le 8 octobre, le Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes (CFHE) a rendu public un état des lieux : Albert Prévos, son ancien président, soulignait en introduction le retard de la France pour remettre son rapport au Comité des droits (en 2016, au lieu de 2012) ; « fin 2017, [ce CoDPH avait] examiné 17 rapports de pays européens (…) et celui, non des moindres, de l’Union européenne », qui a en tant que telle ratifié la Convention. À propos de l’article 24, le CFHE appelle notamment à « un débat de fond sur les liens entre handicap et situations d’exclusion sociale » (pp. 4 et 77). Il y a trois mois a été publié le Rapport spécial sur les droits des personnes handicapées de Catalina Devandas-Aguilar (A/HRC/40/54/Add.1, 8 janv. 2019) : il est noté que la loi de 2005 « n’est pas pleinement conforme à la Convention », et pointé une absence encore fréquente d’instruction ; la rapporteure la qualifie d’« inacceptable compte tenu d[e son] niveau de richesse » et va jusqu’à « demande[r] instamment à la France de fermer les établissements médico-sociaux existants », en affirmant « la seule responsabilité du Ministère de l’éducation nationale » (§§ 18 et 37 ; v. aussi les recommandations, § 81, et la version « facile à lire », en ligne sur le site du CFHE, pp. 16 et 37-38). Alors que la vulnérabilité des « enfants handicapés » (selon l’arrêt Laruelle) reste présupposée[5], son rapport fait écho à l’Observation générale n° 4 du CoDPH (2016),consacrée au droit à l’éducation inclusive.

Ajout au 31 déc. 2023, avec mon billet signalant CE, 19 juill. 2022, n° 428311, annulant l’arrêt de la CAA de Lyon évoqué au premier point supra in fine.


M. Long, P. Weil, G. Braibant, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 1956 (n° 98 : Laruelle et Delville), pp. 338 et s. (rééd. 2006)

[1] Relatif à la responsabilité des « fonctionnaires et agents des collectivités publiques ». Figurant dans la première édition des GAJA, les arrêts Laruelle et Delville de 1951 n’en sont pas sortis au fil des rééditions : ils sont présentés dans la dernière au n° 62 (auteurs ci-contre, avec P. Delvolvé et B. Genevois, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 21ème éd., 2017, pp. 397 et s.). L’arrêt Laruelle de 2009 est quant à lui cité à deux reprises dans Les grands arrêts du droit des libertés fondamentales – dont la première édition a été publiée en 2017 (pp. 255 et 492 : par X. Bioy à celui n° 36, § 11 ; par X. Dupré de Boulois au n° 59, § 14). Mon impression est qu’il reste largement méconnu ; elle a été confortée grâce à un petit sondage le jeudi 28 mars dernier, à l’occasion d’une rencontre organisée par l’association Etujuris (liée à la faculté de droit de Grenoble ; des étudiant·e·s de l’IFTS étaient aussi présent·e·s) : le présent texte reprend des éléments exposés lors de ces « regards croisés » avec Sandrine Amaré ; docteure en sciences de l’éducation (v. la note immédiatement infra), elle est actuellement directrice pédagogique au Collège Coopératif Auvergne Rhône-Alpes (CCAURA).

Séminaire international organisé par le CCAURA au Maroc les 7 et 8 janvier 2019 ; au moment de la publication de ce billet, Koumbou Boly Barry est quant à elle de l’autre côté de l’Algérie, « pour recueillir des informations de première main sur la mise en œuvre du droit à l’éducation » en Tunisie.

[2] J’ajoute sur ce point un renvoi à un texte de Pierre Baligand, publié trois jours après le présent billet (« Vers un nouveau Projet Personnalisé de Scolarisation », 11-12 avr. 2019). En 2009, alors que la loi en vigueur – avant 2005 – prévoyait que les « enfants ou adolescents handicapés sont soumis à l’obligation éducative », le Conseil d’État la qualifie de « scolaire » ; j’ai procédé en janvier à une synthèse des critiques développées dans ma thèse (pp. 1043 et s.), pour une contribution dans un ouvrage collectif à paraître. L’arrêt du 8 avril 2009 a été rendu six jours après le décret n° 2009-378, qui traite de « la coopération entre les établissements » des différents secteurs ; celle entre les enseignants et les éducateurs spécialisés a retenu l’attention de Philippe Martin-Noureux et Sandrine Amaré (thèse soutenue en 2014 à Lyon 2, publiée en 2017 aux éd. érès ; table des matières en ligne). Et de conclure cette étude de leurs cultures professionnelles, page 253, en rappelant « un même objectif, le respect du droit à l’éducation (…) ».

[3] La « méconnaissance, en France, des manifestations des troubles du spectre autistique (TSA) », tel est l’objet du documentaire Rachel, l’autisme à l’épreuve de la justice ; tourné dans le département de l’Isère, il a été diffusé quatre jours après la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, le 2 avril (Le Monde le 1er, pp. 1 et 9, avec deux articles signés Solène Cordier : « Autisme : des familles ciblées par les services sociaux » ; « La prise en charge dans les centres médico-psychologiques critiquée », rendant compte des résultats d’un questionnaire conçu par un collectif de parents, avec l’aide de l’Association francophone des femmes autistes, l’AFFA). V. aussi le supplément Le Monde Science & Médecine du 3, coordonné par Florence Rosier (« Autisme : intervenir tôt et autrement », avec page 4 un entretien avec Claire Compagnon. La déléguée interministérielle était sur le plateau de Public Sénat, le 6 avril, tout comme la réalisatrice Marion Angelosanto ; cette dernière explique que cela fait quatre ans qu’elle suit l’avocate Sophie Janois, qui a déjà eu huit audiences depuis le début de l’année devant des juges des enfants). V. enfin la parution du livre Les Enfants d’Asperger. Le dossier noir des origines de l’autisme (traduit de l’anglais par Tilman Chazal, Flammarion) : Édith Sheffer rappelle dans un entretien avec Doan Bui le travail pionnier du médecin Leo Kanner (1894-1981) et de la pédopsychiatre Lorna Wing (1928-2014) – « elle-même mère d’une fille autiste » –, qui s’est trouvée invisibilisée ; faisant une analogie entre l’hystérie et l’autisme, elle y voit « un mot parapluie qui ne [lui] semble pas très utile » (« La vision d’Asperger, c’était que certains autistes étaient assimilables, d’autres non », L’Obs (site web) 28 mars 2019 ; je souligne. L’ouvrage a fait l’objet d’une recension d’Élisabeth Roudinesco, « Dr Asperger, nazi, assassin d’enfants », Le Monde des Livres le 29, p. 9 : « Professeure d’histoire à l’université de Berkeley (Californie), Édith Sheffer offre (…) une somme incontournable, autant sur la question de l’autisme que sur Hans ­Asperger (1906-1980) » ; elle « montre comment [il reprit] à son compte le terme d’« autisme », inventé en 1907 par le psychiatre suisse Eugen Bleuler (1857-1939) »).

[4] Catherine Reverdy, « Apprendre (dans) l’école inclusive », Dossier de veille de l’IFÉ janv. 2019, n° 129, 36 p. (« D’où vient l’école inclusive », Édubref févr. 2019, 4 p.), spéc. pp. 12 et 2, en soulignant cependant la prégnance du rôle de l’Église catholique « dans le rapport italien au handicap », avec encore plus loin une référence aux « 4A » de Tomaševski (pp. 4 et 14 ; entretemps, page 9, l’INSHEA est présenté comme un « miroir des évolutions de l’adaptation scolaire et du regard sur le handicap en France »). Avant même l’aménagement législatif des années 1970, la Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947 prévoyait déjà, à son article 38, que « les handicapés ont droit à l’éducation et à la formation professionnelle ».

[5] Plutôt que de postuler la fragilité des personnes en situation de handicap, Romuald Bodin propose d’envisager celle des institutions – en premier lieu l’école – confrontées à certaines « manières d’être » : pour l’écouter, présentant son livre L’institution du handicap. Esquisse pour une théorie sociologique du handicap (La Dispute, 2018), dans l’émission La Suite dans les idées : « Y a t-il des handicapés ? », 19 janv. 2019 ; il était rejoint en seconde partie par l’héroïne du film et du livre de Mathieu Simonet, la juriste Anne-Sarah Kertudo.

La Charte sociale et le Comité européen des droits…

Photo issue de lyonpremiere.com 5 mai 2018

Ces dernières semaines, l’un des droits ajoutés dans la version révisée de Charte sociale européenne (CSERev)[1] fait l’objet d’une protection par des conseils de prud’hommes. Souvent promptes à s’indigner des atteintes aux droits pointées ailleurs – par exemple en Europe centrale –, certaines élites[2] ont estimé bienvenu de jeter le discrédit sur les personnes qui ont rendu ces jugements[3].

En France, l’universalisme a souvent ses frontières, celles qui avaient déjà conduit le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères à mettre en doute les « compétences en droit » des membres du Comité des droits de l’Homme des Nations unies[4]. Pour qui s’intéresse (vraiment) à la garantie des droits, les raisonnements tenus par ces quasi-juridictions retiennent l’attention.

Concernant le Comité européen des droits sociaux (CEDS), après sa décision sur la recevabilité du 11 septembre 2018[5], celle sur le bien-fondé est particulièrement attendue[6] ; les jugements sus-évoqués[7] rejoignent sa position du 8 septembre 2016, Finnish Society of Social Rights c. Finlande[8], tout comme l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle italienne le 26 septembre 2018[9].

CSERev – Site du Conseil de l’Europe

Le texte interprété par le CEDS ne concerne pas que les « travailleurs »[10], et ce dernier a su dans certaines de ses décisions se montrer sensible aux questions de genre ; il y a bientôt dix ans, le 30 mars 2009, il rendait ainsi sa décision Interights c. Croatie, consacrant le « droit à l’éducation sexuelle et génésique » (v. mon billet du 24 avril 2018).

Cinq années plus tôt, sa décision Autisme-Europe contre France devenait publique. L’affirmation du « droit à l’éducation » était faite à partir du cadre juridique français[11], en contribuant à son évolution avec l’adoption de la loi du 11 février 2005 (dite « pour l’égalité des droits (…) des personnes handicapées »). Dans l’un des jugements évoqués précédemment, les conseillers prud’homaux « de Lyon avaient à juger du cas de l’employée d’une association de familles de personnes handicapées, salariée à plusieurs reprises en contrat à durée déterminée (CDD) entre 2015 à 2017 »[12]. Participant de la réalisation des droits de ces dernières, une telle association ne saurait méconnaître ceux de ses salarié-e-s.

De la même manière, si « le service public de l’éducation garantit le droit » à l’éducation des enfants[13], « l’attractivité de la rémunération proposée [aux personnels] » fait partie des éléments « déterminants » à prendre en considération ; elle semble pourtant échapper à « l’attention du Gouvernement »[14].

Sans approfondir ici « la problématique de la rencontre des droits »[15], ce billet vise à prolonger les développements de ma thèse, pp. 875 et s., d’abord à partir d’une actualité : présentée comme « vieille comme l’école obligatoire [sic[16]] », une solution employée « par le passé (…) pour lutter contre l’absentéisme[17] » pourrait resurgir « pour lutter ­contre les violences en milieu scolaire »[18]. Cette « piste des allocs » avait déjà été évoquée fin octobre en Conseil des ministres[19].

EUROCEF – site de l’association

Critiqué par les députés LRM Hugues Renson, Aurélien Taché et Guillaume Chiche, ce « projet s’est trouvé un défenseur actif : le député LR des Alpes-Maritimes »[20]. Avec le ministre consentant à recycler cette mesure, Éric Ciotti ignore la décision rendue par le CEDS le 19 mars 2013 (rendue publique le 10 juill., § 42 sur le bien-fondé de cette réclamation d’EUROCEF n° 82/2012) : dans ma thèse, page 902, je cite son paragraphe 37 ; je précise ici que l’absence de « violation de l’article 16 de la Charte [sociale européenne révisée[21]] du fait de l’abrogation de la mesure litigieuse[22] par la loi du 31 janvier 2013 » avait été discutée par deux membres du Comité[23].

Celui-ci, avant d’affirmer cette mesure non « proportionnée à l’objectif poursuivi », concédait qu’elle « poursuit un but légitime celui de réduire l’absentéisme et de faire retourner les élèves à l’école, ce qui vise à garantir le respect des droits et des libertés d’autrui, en l’occurrence des enfants soumis à l’obligation de scolarité »[24]. Il était ainsi fait référence à leurs droits (et libertés), bien qu’en mentionnant aussi cette prétendue obligation.

Cette dernière a pu être étendue de 16 à 18 ans au bénéfice des enfants « étrangers non accompagnés », selon une interprétation discutable du Défenseur des droits en novembre 2016, à partir d’une simple circulaire de la même année (v. p. 61) ; cela est rappelé en 2018 par Petros Stangos sous une autre décision provoquée par EUROCEF (n° 114/2015)[25]. Il est préférable de s’en tenir, ainsi que l’a fait le Comité, à leur « droit à l’éducation »[26].

Fin 2017, j’exprimais l’espoir que le Comité vienne transposer son raisonnement inclusif à la situation des personnes contraintes de vivre en bidonvilles (v. ma page 917) ; dans la décision du 5 décembre (Forum européen des Roms et des Gens du Voyage (FERV) c. France, n° 119/2015, rendue publique le 16 avr. 2018), les nombreux constats de violation sont en soi éloquents, mais l’affirmation du droit à l’éducation (inclusive) manque de mon point de vue de netteté.

« Validity » – site de l’ex-MDAC

Il en va différemment dans la décision sur la recevabilité et le bien-fondé du 16 octobre 2017 (Centre de Défense des Droits des Personnes Handicapées Mentales (MDAC) c. Belgique, n° 109/2014, rendue publique le 29 mars 2018) : « Le droit des enfants atteints d’une déficience intellectuelle à l’éducation inclusive » ouvre l’appréciation du Comité (§§ 61 et s. ; je souligne). Après s’être référé à l’Observation générale n° 4 du Comité (onusien) des droits des personnes handicapées[27], celui européen des droits sociaux conclut à l’unanimité à plusieurs violations de l’article 15§1 de la CSERev[28]. S’agissant de l’article 17§2, s’il refuse là aussi sa combinaison avec l’article E relatif à la non-discrimination[29], il renoue de façon bienvenue avec sa précédente décision MDAC (c. Bulgarie)[30].

En effet, le 11 septembre 2013, dans sa décision Action Européenne des Handicapés (AEH) c. France[31], le CEDS ne s’était fondé que sur l’article 15 (v. mes pp. 910 et s.) ; cela ne l’avait pas empêché de rendre déjà une intéressante décision, en particulier « en ce qui concerne l’absence de prédominance d’un caractère éducatif au sein des institutions spécialisées prenant en charge les enfants et les adolescents autistes »[32].

À une requérante indiquant à la Cour européenne « que son fils était toujours placé en IME [Institut médico-éducatif] à Rennes sans, selon elle, « bénéficier d’instruction » », celle-ci n’a récemment pas vraiment répondu sur ce point : il faut dire qu’était surtout contesté « le refus d’admettre le fils de la requérante en milieu scolaire ordinaire », dans une requête « rejetée comme étant manifestement mal fondée » ; bien que limitées, les citations par la CEDH de la décision précitée du CEDS n’en sont pas moins remarquables[33].

Inclusion Europe – site de l’association

Parmi les décisions attendues, il convient de mentionner celle sur le bien-fondé relative à la réclamation n° 141/2017 de la Fédération internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et Inclusion Europe c. Belgique[34] ; concernant la Communauté non plus flamande mais française – Fédération Wallonie-Bruxelles –, elle se trouvait déjà évoquée en conclusion de mes développements sur la Charte sociale et le Comité européen des droits (pp. 920-921)[35].

[1] Il s’agit du droit « à une » (ou « à la ») « protection en cas de licenciement » (art. 24 nouveau, inspiré de la Convention n° 158 de l’OIT, datée de 1982 ; v. le Rapport explicatif de la Charte sociale européenne (révisée), 3 mai 1996, 17 p., spéc. pp. 9-10, § 86).

[2] Contra la tribune du magistrat Denis Salas, saluant pour sa part ces décisions (« La justice doit garder sa dimension démocratique », Le Monde 15 janv. 2019, p. 23).

[3] v. B. Bissuel, Le Monde.fr 14-15 déc. 2018, in fine : « La décision prononcée à Troyes (…) pose à nouveau « la question de la formation juridique des conseillers prud’homaux », affirme-t-on au ministère du travail ». Outre un communiqué de presse de Patrice Huart (du collège salarié du CPH) et Alain Colbois (pour la partie patronale), cette phrase a provoqué une tribune de « représentantes syndicales de la magistrature et des avocats » (SM et SAF), « Les juges ne sont pas des ignorants qu’il faudrait remettre dans le droit chemin », Le Monde.fr le 19 (« ni les parties au procès, qui défendent leurs droits », précisaient Laurence Roques, Judith Krivine et Katia Dubreuil ; je souligne).

[4] Réponse à la Question écrite n° 07493, JO Sénat 13 déc. 2018, p. 6446, après avoir « noté » la décision rendue publique le 23 octobre 2018 par le CoDH (v. le commentaire rédigé par six étudiantes du M2 DH de Nanterre, ADL 28 janv.), puis tenu à « préciser que les constatations du Comité des droits de l’Homme, et des autres comités en matière de protection des droits de l’Homme, ne sont pas contraignantes. Cette position a été notamment exprimée lors de l’élaboration de l’Observation générale n° 33 » (reprenant ces dernières affirmations, v. la Réponse publiée le 31 janv., p. 571) ; comparer les §§ 11 et s. de cette OG, relative aux « obligations des États parties » (CCPR/C/GC/33, 25 juin 2009), ainsi que l’une des positions antérieures du Ministère, relative à une autre institution onusienne, le Conseil des droits de l’Homme (CDH), citée au terme de mon billet du 26 août 2018. Il est enfin intéressant de rapprocher cette séquence de celle ouverte par l’annonce des noms proposés pour devenir membres du Conseil constitutionnel (Jacques Mézard, Alain Juppé et Gérard Larcher) : v. par ex. la tribune de Thomas Hochmann, Le Monde 22 févr. 2019, p. 20

[5] Confédération Générale du Travail Force Ouvrière (CGT-FO) c. France, n° 160/2018 ; v. aussi les réclamations enregistrées les 30 et 31 janvier 2019.

[6] Pour le commentaire d’une autre décision sur le bien-fondé provoquée par le même syndicat, datée du 3 juillet 2018 et rendue publique le 26 novembre (réclamation n° 118/2015), v. Benoît Petit, RDLF 2019, chron. n° 5

[7] Plus récemment, v. celui rendu à Grenoble le 18 janvier (placegrenet.fr le 25) et à Agen le 5 février (collectif d’avocat-e-s et de juristes spécialisé-e-s en droit social Les Travaillistes le 8).

[8] Réclamation n° 106/2014, décision rendue publique le 31 janvier 2017 ; 16 p.

[9] Arrêt n° 194 annoté à la Revue de droit du travail par Cristina Alessi et Tatiana Sachs (RDT 2018, p. 802).

[10] À propos des « jeunes travailleurs (de moins de 25 ans et de moins de 18 ans) », v. le billet de Michel Miné le 13 juin 2018, commentant la décision sur le bien-fondé du 23 mars 2017 (rendue publique le 5 juill.), en « réponse à la Réclamation n° 111/2014, Confédération générale grecque du travail (GSEE) c/ Grèce ».

[11] Dans cette décision du 4 novembre 2003 (rendue publique le 8 mars 2004), le Comité reformulait les articles 15§1 et 17§1 de la CSERev pour consacrer ce droit ; le premier article vise les droits (du groupe) des personnes handicapées, tandis que le second garantit à celles enfants et adolescentes un droit (individuel) « à la protection » (v. aussi l’art. 7, en rapport avec les relations de travail).

[12] D. Israel, « Indemnités de licenciement : un troisième jugement s’oppose au barème Macron », Mediapart 7 janv. 2019

[13] Ce « en vertu des dispositions des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de l’éducation », selon les arrêts CE, 29 déc. 2014, M. A. et Mme C., n° 371707, cons. 1 ; CAA Versailles, 15 oct. 2015, Ministre des solidarités et de la cohésion sociale, n° 15VE00364, cons. 2 (je souligne). Antérieurement, Caroline Boyer-Capelle a étudié le rapport entre le service public et la garantie des droits et libertés (thèse Limoges, 2009, 732 p. ; RFDA 2011, pp. 181 et s., chr. X. Dupré de Boulois).

[14] Avis « rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi relatif à une école de la confiance » (29 nov. 2018, n° 396047), que le « Gouvernement a décidé de rendre public » le 5 décembre, § 27 (pour reprendre un élément du titre retenu par la Cour des comptes en mars, le projet illustre à nouveau le recours croissant aux personnels contractuels). Après les annonces par Jean-Michel Blanquer d’un « observatoire du pouvoir d’achat » des professeur-e-s (en septembre), puis de leur « rémunération » (en janvier), il a pu lui être suggéré de « créer un « observatoire des bonnes excuses » pour éviter de tirer les conclusions qui s’imposent » des comparaisons européennes de la peu révolutionnaire Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE ; v. C. B., « Les profs victimes de mauvais traitements », Le Canard enchaîné 16 janv. 2019, p. 3). Avant tout pour « compenser les 2 600 postes supprimés à la rentrée prochaine au collège et au lycée », une « deuxième heure supplémentaire obligatoire » a été décidée ; cela a suscité des critiques d’enseignant-e-s : « « Le profil type du prof qui fait des heures supplémentaires, c’est l’homme agrégé », résume Alexis Torchet, secrétaire national du SGEN-CFDT » (Violaine Morin dans Le Monde le 18, p. 13, commençant par une citation de Nicolas et Delphine, professeur-e-s des écoles en Seine-Saint-Denis). La même semaine, l’AJDA signale page 23 un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 26 juillet 2018 : un « enseignant contractuel dans la matière des sciences de la vie et de la terre au collège-lycée de l’Immaculée Conception » était parvenu en appel « à ce que l’État soit condamné au paiement » d’heures supplémentaires que l’autorité académique n’avait pas autorisées ; il est finalement jugé qu’« il n’appartient pas à l’État de prendre en charge la rémunération des heures supplémentaires effectuées, au-delà des obligations de service, à la demande du directeur d’un établissement [sous contrat] d’enseignement privé dès lors qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une [telle] autorisation » (n° 411870, cons. 1 et 4).

[15] C. Fortier, « Le défi de la continuité du service public de l’éducation nationale : assurer les remplacements », AJDA 2006, p. 1822, spéc. p. 1823 à propos de ces « conflits de droits » ; je mobilise cette étude pp. 172 et s.

[16] Claude Lelièvre évoque quant à lui « la loi d’obligation de scolarisation de Jules Ferry » (« Blanquer ira-t-il jusqu’à « mettre la pauvreté en prison » ? », 11 janv. 2019) ; depuis cette loi du 28 mars 1882, ce n’est que l’« instruction » qui « est obligatoire » (v. ma thèse, pp. 306 à 309 – à partir des travaux parlementaires – et 1023-1024, avec les références citées en note n° 2432) ; dans son livre intitulé Jules Ferry, La République éducatrice, Hachette, 1999, p. 59, l’historien reproduisait la citation par laquelle il introduit son billet – sans doute rédigé à partir de celui publié le 30 déc. 2009 – en la datant du 20 décembre 1880 ; dans le même sens, A. Prost, Histoire de l’enseignement en France : 1800-1967, A. Colin, 1979, p. 109, en renvoyant au Journal officiel de la Chambre des députés, p. 12620).

[17] v. D. Meuret, « L’absentéisme des élèves dans les collèges et les lycées », Les notes du conseil scientifique de la FCPE févr. 2019, n° 13, 3 p.

[18] M. Battaglia et V. Morin, « Plan violence : des sanctions financières à l’étude », Le Monde 12 janv. 2019, p. 11 (je souligne), avant de citer Benjamin Moignard (« Les quelques évaluations qui existent ont montré son inefficacité »), puis de rappeler que « l’école française sanctionne plus qu’on ne le croit » ; v. ma note de bas de page 1190, n° 3466 et, rappelant que le chercheur précité « a montré que chaque jour le nombre d’élèves exclus de leur établissement en France équivaut à un collège », P. Watrelot (entretien avec, par R. Bourgois), « L’expression « stylos rouges » est malheureuse mais la mobilisation utile », AOC 19 janv. 2019

[19] Le Canard enchaîné 7 nov. 2018, p. 2 : après une assimilation très subtile du nouveau ministre de l’Agriculture (Didier Guillaume se serait demandé « pourquoi la police n’entrerait pas dans les écoles alors qu’on y laisse entrer « n’importe qui, notamment les associations »…), Jean-Michel Blanquer aurait « proposé de simplifier les conseils de discipline » scolaire, après une tentative de réinstauration d’une mesure qui, a-t-il assuré, a « conduit à responsabiliser les parents » (comparer la note précédente) ; il aurait été réfréné, notamment, par Christophe Castaner, son homologue de l’intérieur… Sur le point souligné, objet de la CIDE, art. 28, § 2, v. mes pp. 155, 159, 764, 772-773 – en note n° 873 – 835, 918-919, 956 et, surtout, 1170-1171

[20] M. Battaglia et V. Morin, « Vives réactions au sein de la majorité contre une « vieille lubie » », Le Monde 12 janv. 2019, p. 11 ; interrogé par Alexandre Lemarié sur le pourquoi du recours à cette mesure (« suppression des allocations pour les familles d’enfants violents »), notamment, Jérôme Sainte-Marie – président de l’institut de conseils et d’études Pollingvox et politologue – estime qu’Emmanuel Macron « essaie de retrouver par tous les moyens le soutien d’une partie de l’électorat de droite, (…) de plus en plus en attente de mesures pour rétablir l’ordre [et qui constitue sa « principale réserve de voix » selon les enquêtes d’opinion. Il] l’a bien compris et a donc décidé d’incarner cette demande de fermeté. Chez lui, il y a moins une volonté de rassembler que de mettre en scène le conflit à son profit : c’est le lot de tout leader porteur d’un projet fondamentalement minoritaire ». Premier ajout au 31 déc. 2023, pour renvoyer à Lucie Tourette, « Sanctionner les parents “défaillants” : une mesure dangereuse », newsletter de La Déferlante (le 22).

[21] Article 16 – Droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique, reproduit au § 24

[22] Qui était « prévue par la loi [Ciotti] (la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010, complétée par la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 portant modification au contrat de responsabilité parentale) », rappelle le § 33

[23] Comparer ce § 46 avec les Opinions dissidentes de Petros Stangos et Guiseppe Palmisano, pp. 21 et s.

[24] Ibid., §§ 42 et 34 (je souligne).

[25] Opinion séparée dissidente sous la décision sur le bien-fondé du 24 janv. 2018, rendue publique le 15 juin, pp. 42-43

[26] V. les §§ 124-125 : son « importance fondamentale » pour ces enfants a conduit le Comité à conclure, à une courte majorité (par 8 voix contre 7), « qu’il y a violation de l’article 17§2 » (mais pas de l’article E, ce qui a motivé la rédaction de l’Opinion précitée ; pour le membre grec du Comité, ce dernier aurait pu constater aussi une « violation de l’article 30 », en se référant d’ailleurs à son « appréciation sous l’angle de l’article 17§2 », l’éducation constituant « une condition essentielle pour éviter la pauvreté et l’exclusion sociale »). A propos de ces enfants, v. mon billet du 5 janvier, avec deux actualisations en 2018 ; v. aussi Luc Leroux, « A Marseille, le squat qui embarrasse le diocèse et le conseil départemental », Le Monde.fr 19 janv. 2019

[27] CEDS, 16 oct. 2017, § 72 (v. déjà le § 24) ; CoDPH, OG n° 4 sur le droit à l’éducation inclusive (article 24), CRPD/C/GC/4, 25 nov. 2016 ; v. mes pp. 794 et s., spéc. 799-800 (elle figurait dans la réclamation enregistrée début 2017 : v. mes pp. 920-921).

[28] Ibid., §§ 80 et 87

[29] Ibid., §§ 92-93 et 113-114 ; le MDAC alléguait l’existence d’une « discrimination croisée », qui expliquerait un recours plus important des familles pauvres à l’enseignement spécial.

[30] Ibid., §§ 103 et s. À propos de cette décision sur le bien-fondé du 3 juin 2008, v. mes pp. 892-893. Au § 105, « le Comité rappelle que toute éducation dispensée par les Etats doit satisfaire aux critères de dotation, d’accessibilité, d’acceptabilité et d’adaptabilité » ; c’est d’ailleurs l’organisation réclamante qui lui avait suggéré à nouveau cette référence aux « 4A » (v. évent. ma page 920 et mon portrait de Katarina Tomaševski). Parce que les « établissements d’enseignement et les programmes éducatifs ordinaires ne sont, en pratique, pas accessibles », les « enfants présentant une déficience intellectuelle ne jouissent pas d’un droit effectif à l’enseignement inclusif » (§§ 106 et 107).

[31] Réclamation n° 81/2012 (décision sur le bien-fondé rendue publique le 5 février 2014).

[32] CEDS, 11 sept. 2013, § 121, à l’unanimité (je souligne).

[33] CEDH, 24 janv. 2019, Dupin c. France, n° 2282/17, §§ 16, 33 et 21, en s’arrêtant toutefois au § 100 ; comparer l’arrêt Enver Şahin c. Turquie, rendu près d’un an auparavant (le 30 janvier 2018 ; v. mon billet du 3 avril, l’arrêt étant devenu définitif le 2 juillet) : la Cour européenne interprétait la Convention à la lumière de la Charte sociale européenne révisée, notamment, mais sans citer le CEDS.

[34] Elle a été déclarée recevable le 4 juillet 2017 (fin 2017, l’information m’avait échappé ; il y est fait référence au § 9 d’une autre décision sur la recevabilité, du 16 octobre 2018, concernant une réclamation plus générale c. France n° 168/2018, Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe). Second ajout au 31 déc. 2023, avec mon billet renvoyant en note 5 à l’une des deux décisions sur le bien-fondé, celle relative à la Belgique étant du 9 sept. 2020 (n° 141/2017, rendue publique le 3 févr. 2021).

[35] Comme indiqué dans celui du 20 novembre 2018, le présent billet reprend trois paragraphes qui s’y trouvaient inclus.

Journée des droits de l’enfant

Support de communication de l’UNESCO

« Le droit à l’éducation, c’est aussi le droit à un personnel enseignant qualifié ». Tel était le thème d’un rappel conjoint adressé « à la communauté internationale », le 5 octobre ; ce jour-là, « depuis 1994, la Journée mondiale des enseignant(e)s commémore la signature de la Recommandation OIT/UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de 1966 ».

Le message est-il bien reçu partout, en France ? En Seine-Saint-Denis, par exemple, il est permis d’en douter (plus largement, v. l’« appel au secours » lancé depuis le tribunal de Bobigny, « La grande misère de la protection de l’enfance en Seine-Saint-Denis », Le Monde 6 nov. 2018, p. 22 : « des enfants mal protégés, ce seront davantage d’adultes vulnérables » ; en ligne sur le site de Laurent Mucchielli). Le 15 novembre, il a été répété que la question de l’absentéisme enseignant « constitue une priorité majeure du ministère de l’éducation nationale puisqu’elle touche à la continuité et à la qualité du service public » ; dans cette réaffirmation volontariste (« notamment de pallier les absences prévisibles, comme celles liées aux stages de formation continue »), l’absence de référence au droit à l’éducation peut être relevée.

Ce droit, c’est d’abord celui des enfants. Il voit sa réalisation contrariée quand de « violentes intempéries » frappent des territoires, en ce compris leurs établissements scolaires, comme ce fût le cas dans « 126 communes du département de l’Aude » à la mi-octobre (v. les témoignages des partenaires de l’association Solidarité Laïque, le 23) ; si elles « ont, pour une fois, épargné la vallée de la Corneilla », la continuité des services périscolaires s’y trouve quant à elle menacée par « la baisse drastique du nombre de contrats aidés », « ces emplois dont on ne peut [en l’état] pas se passer » (Elise Barthet, Le Monde Économie & Entreprise le 29). « En un an », leur nombre « est passé de 474 000 à 280 000 », une mesure brutale décidée peu de temps avant que l’île de Saint-Martin ne soit dévastée par l’ouragan Irma (v. ma thèse, pp. 115-116, les actualités de ce billet et, plus largement et récemment, cette autre réponse du ministère, le 15 nov., à propos des aides administratives à la direction d’école).

Dix jours avant une « nouvelle campagne de l’UNESCO » à propos du droit à l’éducation, Audrey Azoulay et alii rappelaient déjà qu’il figure dans un texte fêtant ses 70 ans, la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH ; pp. 727 et s.). Dans l’« enfer sur terre » qu’est devenu le Yémen – selon une formule du Fonds de l’ONU pour l’enfance (Unicef ; v. Le Monde.fr avec AFP 6-7 nov.) –, où nul.le n’est à l’abri des armes prétendument « fournies [par la France à l’Arabie Saoudite] pour se défendre » – mais qui, à la « connaissance » de la ministre des Armées, « ne sont pas utilisées au Yémen contre les populations civiles » (Florence Parly, citée par Le Canard enchaîné 31 oct., pp. 3 et 8) –, la réalisation du droit à l’éducation est moins facile à imaginer que son absence ; c’est sans doute un « malentendu », là aussi, qui conduit à avoir de plus en plus de raisons de penser que le Gouvernement consacre davantage d’efforts à l’exportation d’armements.

PUR, 2015, 210 p. (actes d’un colloque pluridisciplinaire à Angers, les 10 et 11 oct. 2014)

Dans mon précédent billet, j’évoquais le Comité des droits de l’enfant à partir d’un ouvrage encourageant, il y a trois ans, leur histoire transnationale (v. ci-contre) ; une autre contribution est citée en note de bas de page 1116 (n° 3010), et deux autres encore dans ceux consacrés à la Convention qui a institué cet autre organe onusien, la CIDE (pp. 758 et s., 770 et s. pour le Comité).

Autrice de l’une d’elles, Vanessa Guillemot-Treffainguy a soutenu à Bordeaux – il y a pratiquement un an, le 1er décembre – une thèse intitulée La protection de l’enfant contre ses parents…. Il y a trente-quatre ans, celle de Claire Neirinck était publiée (v. la mienne en note de bas de page 1027, n° 2457) ; dans la conclusion de ma première partie, j’ai illustré par d’autres références la mention du « droit d’éducation » des parents (pp. 621 à 624 ; v. sa thèse, La protection de la personne de l’enfant contre ses parents, LGDJ, 1984, pp. 123, 230 à 233 et 372-373). Les versions pdf permettent un test rapide par mots-clés : la comparaison des résultats fait apparaître un rééquilibrage quasi-parfait avec le « droit à l’éducation » (des enfants), mais qui s’effondre à la lecture des formulations qui l’accompagnent ; rien de surprenant à cela compte tenu de la délimitation temporelle de cette thèse (…(1804-1958), 2017, 680 p. ; v. les pages de la mienne précitées, ou mon résumé à la RDLF 2018, thèse n° 10).

Préinscrit à l’article 26 de la DUDH, le « droit de l’enfant à l’éducation » a été consacré par l’article 28 de la CIDE, il y a maintenant vingt-neuf ans ; quelques mois plus tôt, en cette année 1989, ce droit était enfin inscrit comme tel dans une loi française (pp. 1001 et s. ; il l’avait été auparavant comme « droit à une formation scolaire », en 1975 : ce droit à figure toujours à l’art. L. 111-2, récemment cité en ouverture d’une tribune publiée sur Libération.fr le 5 nov., plaidant pour un « programme de sciences économiques et sociales éduquant à la démocratie et à la citoyenneté », au contraire de celui qui vient d’être arrêté pour les classes de première).

Pourtant, l’éducation n’est encore souvent pas pensée comme un droit, même par qui la défend le plus largement (v. ainsi Ibid. 7 nov. : Sandra Laugier, philosophe, et Albert Ogien, sociologue, reviennent sur l’« arrivée au pouvoir d’adversaires résolus de la démocratie comme forme de vie, (…) qui brûlent de mettre fin au pluralisme, au droit à l’avortement, à l’éducation pour tou.te.s, aux droits des homosexuels et trans, à l’égalité politique des femmes » ; je souligne. Concernant les « discriminations spécifiques » que subissent les élèves filles, v. l’« enquête publiée jeudi 8 » par Unicef France, Le Monde.fr avec AFP le 8 ; s’agissant de la « tenue correcte » exigée d’elles en particulier – ce que souligne l’étude d’Edith Maruéjouls et Serge Paugam –, v. mon billet du 24 avr., juste avant l’actualisation du 12 mai, en ajoutant ici que, depuis 2015, le premier jeudi du mois de novembre a lieu la « journée nationale de lutte contre toutes les formes de harcèlement »… entre élèves).

« Le 20 novembre, jour anniversaire de l’adoption par l’Organisation des Nations unies de la Convention internationale des droits de l’enfant, est reconnu Journée nationale des droits de l’enfant » depuis la loi n° 96-296 du 9 avril 1996 ; le 23 octobre dernier, la Cour administrative d’appel de Lyon a refusé la référence qui avait été faite à ce texte onusien en première instance (le maire avait reçu en 2015 le soutien de Nicolas Sarkozy : à partir de la réaction de Jean Baubérot, v. mes pp. 343-344 et, plus largement, mon billet sur le nécessaire dépassement de la référence à la « liberté de conscience ») ; l’irrégularité sanctionnée au considérant 6 sera peut-être discutée, mais devrait en tout état de cause encourager les avocat·e·s à citer la CIDE dans leurs requêtes [1]. A la suite de cette affaire, je consacre quelques développements aux jours fériés religieux ; dans un État laïque de droits, leur remplacement par des journées internationales comme celle de ceux de tous les enfants pourrait être envisagé.

Le risque serait toutefois d’alimenter les critiques des détracteurs d’une prétendue religion de ces droits ; pour un exemple de 2017 qui aurait pu être intégré à ma conclusion générale (pp. 1227-1228), v. l’un des articles cités au (billet du) renvoi précédent : Jean-Éric Schoettl va jusqu’à mentionner la « véritable nouvelle religion officielle que sont devenus les droits fondamentaux » ; à réagir en jouant avec les mots, elle m’apparaît bien moins consacrée en France – en particulier dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel (v. pp. 1118 et s., spéc. 1122, ou mon résumé de thèse préc., juste avant la présentation de son dernier titre) – que La Religion de la laïcité, pour s’en tenir au titre du dernier livre de Joan Wallach Scott (traduit de l’anglais (États-Unis) par Joëlle Marelli, publié chez Flammarion et présenté par ex. par Cécile Daumas, Libération.fr 19 sept. 2018).

Parmi « ces enfants pour qui la promesse [de leurs droits] n’est pas tenue », en France, des catégories se distinguent : outre celui du 6 juin, v. mes deux premiers billets relatifs aux personnes mineures non accompagnées et à celles en situation de handicap (datés du 5 janvier ; pour alléger le présent billet, j’ai repris le 25 février 2019 les trois paragraphes initialement placés ici, pour contribuer à faire connaître le Comité européen des droits sociaux et la Charte sociale révisée, promue par lui comme « le traité le plus important en Europe pour les droits fondamentaux des enfants » : v. mes pp. 902 et s.).

S’agissant de ces dernières, Béatrice Kammerer a rédigé un article publié cette année sous le titre : « Handicap, la scolarisation à tout prix ? ». Outre Christine Philip, de l’INSHEA (v. ma thèse pp. 1048 à 1050, ainsi qu’en note de bas de page 1059 et 1064), se trouve citée Anne Gombert ; pour cette chercheuse en psychologie cognitive au centre Psyclé de l’université d’Aix-Marseille, « si l’enseignant n’est pas a minima formé, c’est une forme de maltraitance institutionnelle » (Sciences Humaines avr. 2018, n° 302, p. 18, spéc. pp. 19 et 22 ; je souligne).

Depuis le 25 octobre, « le collectif Justice pour les jeunes isolés étrangers (Jujie) [a publié sur son blog de nombreux témoignages] sur la maltraitance institutionnelle dont ces enfants sont victimes ainsi que chaque lundi un dessin et un texte destinés à lutter contre les idées reçues au sujet des [Mineurs Isolés Etrangers (Mineurs Non Accompagnés selon la terminologie officielle)] » (concernant leurs parcours, v. aussi Alizée Vincent, « Le destin des jeunes migrants », Sciences humaines.com nov. 2018 ; s’agissant des difficultés rencontrées après le dix-huitième anniversaire, v. le II. A. de Delphine Burriez, « Mineurs isolés situés sur le territoire : une atteinte au droit de solliciter l’asile en France », RDLF 2018, chron. n° 21, et mon billet du 25 mars 2019[2]).

Le 5 octobre, une décision intéressante a été rendue par le TA de Nancy (n° 1802680), à propos d’un enfant de treize ans venu d’Albanie ; s’il n’est pas le plus important d’un point de vue concret, je me limiterai ici à l’un de ses apports : reprenant des formulations antérieures – v. ma thèse, pp. 1116-1117 –, cette ordonnance procède dans son considérant 5 à une simplification du discours du droit défendue page 1118, au terme de ces développements consacrés au référé-liberté.

Posté le 14 nov. 2017 par Lala

La veille de cette journée (inter)nationale, trois annonces étaient faites : la publication d’un rapport du Défenseur des droits sur ceux « des enfants de la naissance à six ans », la création d’un poste de délégué interministériel à l’enfance et… une augmentation des frais d’inscription dans l’enseignement supérieur, le Premier ministre ayant confirmé que les étudiant.e.s dit.e.s « hors Union européenne » vont « dès la rentrée prochaine payer beaucoup plus cher » (Camille Stromboni, Le Monde 20 nov., p. 10 ; deux pages plus loin, Jean-Baptiste Jacquin cite le courrier adressé à Edouard Philippe par « l’organe de gouvernance de la CNCDH » : au-delà du rappel des « qualités requises pour présider cette institution », le journaliste note qu’il est insisté sur sa mission « auprès de l’ONU ») ; à défaut d’être au rendez-vous, l’ouverture peut servir à conclure : le droit à l’éducation, c’est aussi celui des adultes.

[1] Ajouts au 28 février 2019, complétés le 23 octobre, après avoir déplacé dans le billet de ce jour la présentation plus générale de cet arrêt rendu il y a tout juste un an.

Le 25 octobre 2002, faisant semblant de ne pas voir ce qui avait animé la commune d’Orange – pour établir un régime différencié (chrétien) –, le Conseil d’État préférait sanctionner une requête « abusive », après n’avoir répondu qu’implicitement – et négativement – à l’invocation du droit à l’éducation ; c’était rater l’occasion de relayer l’obligation internationale de faciliter l’exercice de ce droit (v. ma page 1180), qui n’avait cependant – semble-t-il – été invoqué qu’à partir de l’article 3 § 1 de la CIDE (Mme X., n° 251161). En 2014, redevenu député, le maire Jacques Bompard interpellait le ministère de l’Éducation, en assurant qu’il y aurait « exclusion de plus en plus fréquente de la viande de porc et de ses dérivés dans les menus des cantines scolaires françaises » ; le 18 mars, les services de Vincent Peillon tenaient à rassurer ce membre fondateur du Front national (FN).

Le 27 juillet 2017, le tribunal administratif d’Orléans avait rejeté la demande adressée par un couple à la directrice de « la halte-garderie collective « Trott’Lapins », proposée par la commune » de Saint-Cyr-en-Val (Loiret), « tendant à ce que leurs enfants puissent bénéficier de repas végétariens » ; le 19 octobre 2018, la Cour administrative d’appel de Nantes rejetait leur recours, en refusant notamment d’y voir une atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant protégé par l’article précité (M. et Mme E., n° 17NT03030, cons. 1 et 7) ; celle de Lyon se prononçait différemment, quatre jours plus tard, tout en supprimant le fondement onusien retenu par le TA de Dijon, le 28 août 2017 (CAA Lyon, 23 oct. 2018, Commune de Chalon-sur-Saône, n° 17LY03323, cons. 6 ; v. mon billet).

Pour Baptiste Bonnet, « sur ce point, la juridiction a manqué d’audace et aurait été bien inspirée de tenter de faire infléchir une jurisprudence datée (…) et de plus en plus incompréhensible au vu de l’état des rapports de systèmes. Cette affaire aurait été la bonne occasion pour soulever d’office un moyen tiré de la violation du droit international, le fondement d’un moyen d’ordre public comme celui-là étant aisé à trouver dans l’autorité du droit international telle qu’expressément consacrée par la Constitution du 4 octobre 1958 » (AJDA 2019, p. 117, spéc. p. 120). La jurisprudence à laquelle il est fait allusion remonte à un arrêt SA Morgane du Conseil d’État, rendu le 11 janvier 1991 en Section aux conclusions contraires de Marie-Dominique Hagelsteen : v. la thèse d’Émilie Akoun, soutenue à Grenoble le 2 décembre 2013 (mise à jour le 4 avril 2015), Les moyens d’ordre public en contentieux administratif, Mare & Martin, 2017, pp. 124-125, 176 à 182 et 329 (v. aussi pp. 155 et 241). Maryse Deguergue termine sa « Préface » en s’interrogeant, plus généralement : la « liberté du juge est-elle bien utilisée, c’est-à-dire mise au service des justiciables ? » (p. 13, spéc. p. 16).

[2] Légère modification au 25 mars 2019, pour intégrer au billet de ce jour des références initialement signalées ici.

L’accompagnement des enfants en situation de handicap

Il y a dix jours, Le Monde titrait : « L’école peine à s’adapter aux enfants handicapés » (20 sept. 2018, p. 12). Violaine Morin notait alors que « comme à chaque rentrée, les associations ont alerté sur les enfants qui n’ont pu rejoindre l’école, faute d’accompagnants. Impossible de connaître leur nombre exact, qui évolue chaque jour ».

Consécutivement à des annonces faites deux mois plus tôt (v. Audrey Paillasse, « Le gouvernement souhaite améliorer l’accueil des élèves handicapés », Ibid. 20 juill. 2018, p. 10), le décret n° 2018-666 était venu le 27 juillet modifier celui n° 2014-724 du 27 juin 2014 pour assouplir les conditions de recrutement (v. le billet de Pierre Baligand, en août) ; un mois plus tard, le ministre se félicitait de la création de « 3 584 emplois d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) » (lettre du 31 août 2018).

Sans aborder ici le problème plus général du recours croissant aux personnels contractuels (pour reprendre un élément du titre retenu par la Cour des comptes en mars ; v. aussi les observations de Gérard Longuet, le 30 mai), je voudrais revenir sur la question des activités périscolaires : elle faisait l’objet d’une réponse ministérielle le 8 février ; elle a surtout donné lieu à une prise de position de la Cour administrative d’appel de Nantes le 15 mai (Ministre de l’Education nationale, n° 16NT02951 ; AJDA 2018, p. 1546, chr. A. Durup de Baleine).

Dans son recours, enregistré le 25 août 2016, le ministre avançait – selon la Cour – que les « activités périscolaires ne sauraient donc être regardées comme une composante nécessaire à la scolarisation des enfants et au droit à l’éducation posé par les articles L. 111-1 et 112-1 du code de l’éducation ».

Au visa de ce Code, du CASF et du CJA, la Cour reprend le considérant de principe de l’arrêt Laruelle (v. mon premier billet) et le complète : l’effectivité du droit à l’éducation implique que « la prise en charge par l’Etat du financement des emplois des accompagnants des élèves en situation de handicap [ne soit] pas limitée aux interventions pendant le temps scolaire » ; « alors même que l’organisation et le financement [des activités périscolaires] ne seraient pas de sa compétence », l’Etat est tenu « d’assurer la continuité » de ce financement « dès lors que [leur accès] apparait comme une composante nécessaire à la scolarisation de l’enfant et que ces activités sont préconisées à ce titre par la [Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH)] » (cons. 4).

Ainsi s’était prononcée celle d’Ille-et-Vilaine, selon le tribunal administratif qui avait annulé la décision renvoyant à la mairie de Bruz (TA Rennes, 30 juin 2016, M. Fabrice Brahime, n° 1600150, mis en ligne sur le forum d’ASPERANSA, cons. 4). Il avait toutefois rejeté la demande d’injonction formée par le père de Sama (cons. 6-7, parce qu’elle s’étendait à « l’accueil en halte-garderie ») ; près de deux ans plus tard, soucieuse de l’exécution de son arrêt, la Cour accueille son appel incident (cons. 7).

Rapporteur public dans cette affaire, Antoine Durup de Baleine écrit dans la Chronique de jurisprudence des cours administratives d’appel (publiée le 30 juillet à l’AJDA) : si l’arrêt évoque des « préconisations », la « décision de la CDAPH est une « vraie » décision. Elle n’est pas un point de vue ou un avis que l’administration va s’attacher à mettre en œuvre dans la limite des moyens disponibles » ; plus loin, entre parenthèses, il rappelle qu’elle peut être contestée « dans les conditions prévues à l’art. L. 241-9 du CASF mais, au cas d’espèce et comme le plus souvent, personne ne l’avait fait » (AJDA 2018, pp. 1546 et 1548, où il termine en indiquant que la « CDAPH ne doit pas oublier d’indiquer la quotité horaire », avant de signaler deux autres arrêts de la CAA Nantes le 25 juin 2018, Ministre de l’Education nationale, nos 17NT02962 et 17NT02963, eux aussi rendus sur ses conclusions).

Pour qu’il puisse ordonner la mise en œuvre de sa décision, en cas de refus de mise en œuvre, tout juste faut-il que le juge administratif soit compétent (v. ce billet, à propos d’une école privée), ce qui n’était pas douteux ici. D’ailleurs, « la solution tant du tribunal que de la cour était largement engagée par deux décisions rendues par le Conseil d’Etat le 20 avril 2011 » (p. 1547 ; v. aussi ma thèse, pp. 1129 et 1204).

Le Premier conseiller aurait pu citer le Défenseur des droits (Rapport annuel consacré au Droit fondamental à l’éducation, nov. 2016, pp. 40-42). Signalant également le jugement attaqué, Jean Vinçot indiquait dans un billet du 10 mai 2017 que la position du Conseil d’Etat « est fréquemment ignorée dans les discussions sur le sujet » (et de critiquer la circulaire du 3, en renvoyant au commentaire de l’association « Toupi »). Le 9 août 2018, il remarquait que les arrêts précités du 25 juin concernaient la commune de Plabennec, qui avaient déjà obtenu gain de cause – mais en référé – en 2011.

Il ressort de la chronique que la rédaction de la Cour « (que l’on trouve de manière assez similaire dans le jugement du TA de Rennes) est en réalité assez étroitement inspirée par un passage des conclusions (inédites) du rapporteur public, Rémi Keller, sous les deux décisions du Conseil d’Etat du 20 avril 2011 » ; pour le juge administratif, parce que « le temps et les activités périscolaires sont une compétence partagée entre l’Etat et les communes ou intercommunalités », ce dernier peut être contraint à les financer (AJDA 2018, pp. 1547 et 1548).

Avant le rendu de cet arrêt, début mai, « la communication sur le quatrième plan Autisme » était critiquée dans une tribune collective intitulée « Face aux politiques publiques, le malaise grandissant des associations » (Le Monde Économie & Entreprise 5 mai 2018) ; un autre article revenait sur les actions en responsabilité qui permettent à des parents de recevoir une indemnisation, mais pas d’obtenir la scolarisation de leur enfant (S. Ca., « C’est quoi l’autisme ? », Le Monde Science & Médecine 9 mai 2018, en citant l’avocate Sophie Janois ; à propos de l’importance de citer le droit à l’éducation dans les requêtes, v. ma thèse, spéc. p. 1052). Quinze ans après la décision Autisme Europe contre France, rendue en 2003 par le Comité européen des droits sociaux (et réitérée de façon ambivalente, dix ans plus tard : v. pp. 883, 910 et s.), l’heure est toujours à la mobilisation (v. ainsi ce billet de Jean Vinçot, le 21 septembre, pour l’association Autisme Limousin).

Citant l’avis n° 102 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE 2007, mobilisé page 1049), son ancien président (de 2012 à 2016) affirmait récemment : « Il faut du courage aux associations, aux familles et aux bénévoles pour combattre sans cesse, et si souvent en vain, afin qu’enfants et adultes puissent accéder à leurs droits fondamentaux » (Jean Claude Ameisen (entretien avec, par Catherine Vincent), « Permettre à chacun d’accéder à la liberté », Le Monde Idées 28 juill. 2018) ; et de s’appuyer sur une certaine Convention onusienne (venue inspirer, à propos d’un étudiant turc, un arrêt – devenu définitif le 2 juillet – de la Cour européenne).

Ajouts au 15 octobre 2018, avec cet article de Maud Le Rest, quelques jours après le « coup de gueule de François Ruffin » (Allodocteurs.fr) : le « Collectif AESH-AVS unis pour un vrai métier » tient à rappeler les « temps partiels imposés », alors que le ministre Jean-Michel Blanquer « se base sur des temps plein » ; la journaliste ne précise à aucun moment que le député parlait « des femmes » (en prenant soin d’écrire « accompagnant.es », là où la proposition de loi d’Aurélien Pradié reposait sur une vision limitée de « l’inclusion » par des « aidants »), ce qui est « sociologiquement vérifié dans l’énorme majorité des cas » (Antoine Durup de Baleine, chr. préc., p. 1546).

L’hypothèse n’est pas farfelue d’un lien entre l’invisibilisation de la situation professionnelle de certaines femmes et sa dévalorisation (à propos des ATSEM, v. ma page 102). Cette « grande majorité » est rappelée ce jour par Mathilde Goanec et Manuel Jardinaud (Mediapart ; de ce point de vue du genre et des élèves, v. p. 799 et en note de bas de page 1041, n° 2539) ; les journalistes remarquent aussi que la secrétaire d’État Sophie Cluzel n’avait « pas réagi sur « l’inutilité » de la proposition de loi de la majorité sur l’usage du téléphone portable », en citant plus loin et notamment Clémence Vaugelade :  la chargée de plaidoyer à l’UNAPEI s’inquiète d’une « politique à moyens constants » (v. respectivement ici et , à propos du « plan santé »).

Handicap, service public et (in)compétence du juge administratif

Situation de Montbrison sur Google Map (issue du site cheznous-immobilier.fr)

La revue de l’association lyonnaise de droit administratif signale un référé-liberté exercé par les parents de trois élèves en situation de handicap (TA Lyon Ord., 10 janv. 2018, M. et Mme V, n° 1800051, 1800052 et 1800053 ; Rev.jurisp. ALYODA 2018, n° 2, obs. A.-L. Sagon).

Les trois requêtes visaient à ce que la directrice de l’école privée Saint-Charles de Montbrison se voit ordonner la mise en œuvre intégrale de leur projet personnalisé de scolarisation (PPS), conformément à ce qu’avait décidé la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la Loire le 25 octobre 2016 (concernant Manon) et le 17 janvier 2017 (s’agissant d’Elise et Guillaume).

Le premier vice-président du tribunal administratif de Lyon rejette le recours. Si l’établissement « participe » au service public de l’enseignement, ces requêtes « relatives à l’organisation de la scolarité, qui ne procèdent pas de l’exercice d’une prérogative de puissance publique, ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative » (cons. 6 ; ordonnance de tri sur le fondement de l’article L. 522-3 du CJA).

La question de la situation des établissements privés sous contrat par rapport au service public est abordée dans la conclusion du titre 1, pp. 189 et s. Au seuil de ce titre, page 61, il est remarqué une tendance doctrinale consistant à aborder le ou les service(s) public(s) à partir de ceux industriels et commerciaux ; elle conduit ici à présenter l’ordonnance comme illustrant l’extension d’un « mouvement de restriction » les concernant. Anne-Laure Sagon la critique « en ce qu’elle fragilise l’exercice du droit fondamental à l’éducation ». Assurément, cette décision en tant que telle ne le renforce pas.

La position du juge judiciaire reste toutefois peu connue. Quant à celle du Conseil d’Etat, bien plus étudiée, elle est moins favorable que ne le donnent à voir les présentations les plus fréquentes des affaires Laruelle et Peyrilhe (pp. 1108 et s.), citées au terme des observations sous cette ordonnance. Il convient à cet égard de remarquer que ce « droit » était invoqué comme un « principe » fondamental. A minima, le juge des référés aurait pu préciser son visa – s’y trouve mentionnée la Convention, à propos d’un droit mentionné dans son premier protocole – et reformuler en termes de droit à, conformément aux discours du droit (pp. 1169 et s.).

Ajout de l’illustration au 29 décembre 2019.

L’étudiant devenu paraplégique, la CEDH et « l’éducation inclusive »

Dans la page consacrée aux « personnes en situation de handicap » par RTE (Right to Education Initiative), l’onglet « Jurisprudence » renvoie à deux décisions rendues en Argentine et au Canada ; celle de la Cour européenne se développe aussi : le 30 janvier dernier, elle s’est ainsi prononcée dans l’affaire Enver Şahin contre Turquie (n° 23065/12).

Résidant à Diyarbakır, resté paralysé après un accident, M. Enver Şahin avait sollicité en vain l’aménagement des locaux pour pouvoir reprendre ses études à l’université Fırat. Plus de dix ans plus tard, la Cour a condamné la Turquie.

Au § 25, elle renvoie aux « textes internationaux pertinents (…) décrits dans l’arrêt Çam » (v. aussi le § 60 et ma thèse, p. 874, spéc. la note n° 1501), soit la Charte sociale européenne révisée (pp. 875 et s.) et la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (pp. 794 et s.) ; au paragraphe suivant, l’article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (pp. 746 et s.) est ajouté.

Selon le § 28, le requérant invoquait « l’article 2 du Protocole n° 1 [2 PA 1] à la Convention pris isolément ou combiné avec l’article 14 » de cette dernière (était aussi invoqué l’article 8, mobilisé dans le raisonnement de la Cour aux §§ 59 et 72) ; le « droit à l’instruction » fait partie de l’ensemble conventionnel depuis 1952 (pp. 801 et s.). Depuis 2005, il est certain qu’il concerne l’enseignement supérieur (pp. 839-840). Fréquemment combiné avec le droit à la non-discrimination, il peut en ressortir occulté (pp. 854 et s.).

Ce n’est pas le cas ici, où il est même reformulé dans les conclusions de la Cour, qui sont que « le Gouvernement n’a pas démontré que les autorités nationales, dont notamment les instances universitaires et judiciaires, ont réagi avec la diligence requise pour que le requérant puisse continuer à jouir de son droit à l’éducation sur un pied d’égalité avec les autres étudiants et pour que, en conséquence, le juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents en jeu ne soit pas rompu. Partant, il y a eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention » (§ 75 ; concernant la « satisfaction équitable » prévue à l’article 41, v. les §§ 80 et s.).

Ce cadrage est cependant discuté par le juge Lemmens. Au § 62, la majorité traite de « l’éducation inclusive » à partir de l’article 14, en s’inscrivant dans la continuité de l’arrêt précité Çam contre Turquie (en citant son § 64, à propos duquel v. pp. 981 à 983). Le juge belge commence son assez longue Opinion dissidente, reproduite au terme de la décision, en affirmant que « le problème soulevé par le grief n’est pas (seulement) un problème de discrimination : il touche au droit à l’instruction même » (point 2) et à son accessibilité.

Il cite l’Observation générale (OG) n° 2 du Comité des droits des personnes handicapées (CoDPH) : portant sur cette notion (v. pp. 798 et 1189), cette OG la rattache aux « groupes, alors que les aménagements raisonnables concernent les individus » (§ 25). Paul Lemmens se réfère aussi à celle n° 4 sur le droit à l’éducation inclusive (article 24), mais avec prudence (point 4 in fine) et que pour conclure que l’article 2 PA 1 n’a pas été méconnu, même combiné avec l’article 14 (point 13). A son avis, lesdits aménagements étaient envisageables, « mais le requérant semble avoir placé les instances universitaires devant un fait accompli en rompant les discussions avec elles et en introduisant une action en justice » (point 11).

En France, à la mi-mars 2018, un étudiant désireux de devenir journaliste sportif n’a pas été contraint de le faire ; selon Jean-Gabriel Fernandez (Le Monde.fr le 16), la médiatisation de cette affaire a permis une solution non contentieuse.

Le 16 janvier, Jean-Marc Borello remettait son Rapport à la Ministre du Travail ; centré sur l’emploi, son titre illustre la diffusion de la référence inclusive : Donnons-nous les moyens de l’inclusion (101 p.). Le mois suivant était remis à Jean-Michel Blanquer le Rapport n° 2017-118 de Martine Caraglio et Christine Gavini, L’inclusion des élèves en situation de handicap en Italie (54 p., là aussi avec les annexes).

Envoyées en mission dans ce « pays pionnier » en la matière, ces inspectrices générales de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche montrent que la garantie du « droit à l’éducation » passe par la prise en considération « des bisogni educativi speciali (besoins éducatifs particuliers) » et le recours à des « enseignants de soutien (docente per il sostegno) » ; elles reviennent aussi sur « l’aggiornamento psychiatrique » sans lequel il n’est pas possible de comprendre « la logique dé-ségrégative » italienne (pp. 1, 2, 6, 15 et 24-25). Traçant en conclusion des « perspectives pour un jardin à la française », elles « envisagent cinq axes d’évolution possibles qui s’appuient sur l’analyse des leviers de réussite de la scolarisation des élèves en situation de handicap dans le système italien » (p. 29, avant de les énumérer ; là aussi souligné dans le texte).

Cette expérience italienne est évoquée au seuil de mes développements sur l’inclusion dans les textes français, en note de bas de page 1056 (n° 2623) ; je reviens plus loin sur le concept de besoins éducatifs particuliers (ou spécifiques), qui est d’origine anglaise (p. 1201). A propos du droit à l’éducation des personnes en situation de handicap, v. aussi mon premier billet.

Ajouts, pour renvoyer à ce billet du 20 nov. 2018 et, surtout, à – trois semaines après CEDH, Publié le , G.L. c. Italie, n° 59751/15

Le droit à l’éducation des personnes en situation de handicap

Peu après la rentrée 2017, une importante ordonnance de référé a été rendue à propos des personnes en situation de handicap : TA Melun Ord., 28 sept. 2017, D. ; avec un résumé intitulé « Pas de place en ULIS : l’Académie de Créteil condamnée », cette ordonnance a été mise en ligne le lendemain par l’association à l’origine du recours, « Toupi » (« Tous Pour l’Inclusion ! » ; v. aussi J. Olagnol, « Seine-et-Marne : l’Etat condamné à trouver une classe à un collégien autiste », Le Parisien.fr 8-9 oct., ainsi que ce tweet de l’Unapei).

Le mode « Rechercher » – bouton droit de la souris, dans le pdf de ma thèse – permet, en entrant le numéro de requête (n° 1707537), de repérer les développements où elle est citée, soit ceux relatifs à la procédure de référé-liberté, rangée parmi les nouveaux vecteurs de l’affirmation du droit à l’éducation dans le contexte français (pp. 1106 et s., spéc. p. 1117), et ceux consacrés à la considération recherchée des besoins particuliers en matière éducative (pp. 1200 et s., spéc. p. 1203). Comme je l’explique dans la rubrique travaux de recherche, j’ai commencé mon parcours par cette question, en commentant l’arrêt Laruelle rendu par le Conseil d’Etat le 8 avril 2009 : l’approche renouvelée qui s’y trouve évoquée figure pp. 1043 et s. ; s’inscrivant dans le prolongement d’une étude dirigée par Diane Roman, l’argument relatif au « corset doctrinal » des « droits-créances » est développé pp. 1168 et s.

Il y a là une question d’actualité, comme en témoigne la chronique sous un arrêt rendu exactement un mois avant la soutenance de cette thèse (publiée dans la semaine qui la suivait : v. AJDA 2017, p. 2408). Page 2412, Sophie Roussel et Charline Nicolas emploient l’expression « droits-créances » dont il est proposé l’abandon dans la thèse (pp. 1174 et s.). Dans cet arrêt du 8 novembre 2017, le Conseil d’Etat aurait pu affirmer le droit à l’éducation des personnes mineures non accompagnées.