Rejet du recours contre le couvre-feu biterrois

Il y a quelques heures, ce mercredi, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a conclu à l’absence de « doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté du maire de Béziers du 22 avril » (ré)instaurant un couvre-feu1Dès l’annonce de cette mesure, en anticipant l’idée qu’elle pourrait être cette fois légale, v. le billet de Jean-Paul Markus, « Robert Ménard instaure un couvre-feu pour les mineurs à Béziers : les conditions posées par le juge », lessurligneurs.eu 23 avr. 2024 (écrit le 21 et relu par Isabelle Muller-Quoy), commençant par rappeler l’ordre donné quelques jours plus tôt par le « ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à Pointe-à-Pitre » (témoignant de ce que, loin de constituer un barrage contre l’extrême-droite, la macronie lui sert de plus en plus souvent de tremplin…) ; v. Amandine Ascensio, « À la Guadeloupe, un couvre-feu loin de traiter les problèmes de fond », Le Monde 25 avr. 2024, p. 9, avec l’encadré « Vers un couvre-feu à Béziers et Nice » et les tribunes citées en illustration et ci-après, avec enfin celle de l’anthropologue David Puaud, « Les effectifs des éducateurs de rue sont devenus une variable d’ajustement économique » (page 29). ; il a donc rejeté le référé-suspension de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH).

Le Petit Journal 17 nov. 1907 (illustration reprise depuis le compte « Passionnés d’Histoire », facebook.com 24 mars 2021), dans lequel était pointé déjà un « fléau de la délinquance juvénile » décrite comme « toujours plus violente, plus nombreuse, plus précoce »… (Véronique Blanchard et David Niget, « La répression des jeunes est une idée populaire, mais c’est un échec », Le Monde 25 avr. 2024, p. 28)

L’ordonnance est rendue compte tenu « notamment » des « données chiffrées2V. déjà CE Ord., 10 mai 2024, Le Lakou-LKP, n° 493935, cons. 3, à propos de l’arrêté du préfet de la Guadeloupe du 20 avril, relatif à des secteurs des communes des Abymes et de Pointe-à-Pitre : avant de conclure à l’absence d’atteinte manifestement illégale « à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion ou à l’intérêt supérieur de l’enfant (cons. 5), le juge des référés du Conseil d’État raisonnait à partir des « données chiffrées versées à l’instruction par le ministre » ; comparer la tribune du sociologue Christian Mouhanna (sociologue au CNRS et CESDIP), « En dépit de dramatiques faits divers, le nombre de mineurs délinquants baisse », Ibid., p. 28, à propos de « ceux qui instrumentalisent ces faits divers terribles pour en tirer des leçons sur les évolutions de la société et en faire le terreau de politiques prônant davantage de sanctions. Ces derniers ignorent, ou font semblant d’ignorer, que les lois pénalisant les mineurs n’ont cessé de se multiplier depuis le milieu des années 1990, et jusque très récemment ». versées à l’instruction » – pour parties relatives aux « mineurs, en particulier de moins de 13 ans » –, conjuguées au fait que l’interdiction en cause se trouve « circonscrite » à ces enfants-là, dans le temps et « géographiquement à trois secteurs de la commune classés en quartiers prioritaires de la ville »3TA Montpellier Ord., 15 mai 2024, LDH, n° 2402422, cons. 6 ; à propos des 4 et 5 – « l’autorité de la chose jugée par le Conseil d’État le 6 juin 2018 » étant mise en avant par l’association requérante –, v. mon billet (du 20)..

Dans la matinée, l’avocate de la LDH avait notamment plaidé la cause des enfants et « parents des quartiers populaires »4Sophie Mazas, citée par Solange de Fréminville, « Couvre-feu pour les moins de 13 ans à Béziers : devant la justice, la LDH dénonce “un fantasme ” et “une instrumentalisation politique” », liberation.fr 15 mai 2024 ; par ailleurs présidente de l’association dans l’Hérault (34), elle a réagi à l’ordonnance en annonçant un (nouveau) pourvoi en cassation : « Déjà, lors de l’arrêté de couvre-feu de 2014, le tribunal administratif avait validé [en 2016] la décision du maire d’extrême droite, alors que le Conseil d’État avait annulé [en 2018 (suivre le second lien de ma note 3)] en raison de l’absence de situation particulière justifiée : on ne peut limiter la liberté des personnes que sur la base d’éléments réels. La LDH saisit donc le Conseil d’État dans le contentieux de l’urgence et maintient la procédure en annulation qui sera audiencée sous [dix-huit] mois »5Citée par Alix Drouillat, lagazettedemontpellier.fr 15 mai 2024 et « Couvre-feu pour les moins de 13 ans à Béziers : la justice rejette le recours de la LDH, qui va saisir le Conseil d’État », francetvinfo.fr 15 mai 2024 ; proposant « un état du droit » à cette date, v. Éric Landot, blog.landot-avocats.net 15 mai 2024 (lu le lendemain). Version (provisoire ?) stabilisée cinq jours après la publication de ce billet, après avoir renvoyé le 17 à un autre rejet en référé(-liberté cette fois), CE Ord., 7 déc. 2021, Mme B. et a., n° 459131, évoqué par Nacira Guénif-Souilamas, « Nouvelle-Calédonie : “Les choses se sont dégradées de façon définitive au lendemain du 3e référendum”, estime une professeure de sociologie », francetvinfo.fr 16 mai 2024 ; v. aussi les points de vue de François Roux – avocat honoraire du FLNKS, appelant à « une médiation des Nations-Unies » (entretien avec, par Fabrice Dubault, 17 mai 2024) – et Mathias Chauchat – professeur de droit public, pour qui l’« égalité du droit de suffrage ne peut pas être lue dans les mêmes termes dans un territoire en situation coloniale » (cité par Raphaël Godet et Élise Lambert, extrait d’un « article à lire pour comprendre pourquoi l’archipel s’embrase à nouveau », 17 mai 2024) ; v. enfin « La Ligue des droits de l’Homme et la Quadrature du Net attaquent en justice le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie », 17 mai 2024  ; Ilyes Ramdani, « À Nouméa comme à Nanterre, le gouvernement face à ses vieux démons coloniaux », Mediapart 19 mai 2024, soulignant la répression et la dépolitisation des jeunes Kanaks qui, comme le note la veille Benoît Trépied – dans un entretien avec Lucie Delaporte – « vivent une dépossession sociale et coloniale » : « Lorsque la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain) – créée par des partis indépendantistes pour s’opposer au passage en force de Macron via des mobilisations collectives – a organisé des manifestations, ils sont venus en masse » ; l’anthropologue rappelle que, « quand les indépendantistes ont appelé à ne pas aller voter, au troisième référendum de 2021, il y a eu 56 % d’abstention. Ces chiffres témoignent d’une discipline électorale très importante de la part de gens qui ont, le reste du temps, un rapport plutôt distancié au personnel politique ». Contrairement à ce qu’a affirmé le 20 mai 2024 Alix Bouilhaguet – dans la matinale de France Info, au détour d’une question curieusement formulée, l’Assemblée générale de l’ONU a noté que ce référendum s’était tenu « dans des circonstances difficiles, marquées par la pandémie de COVID-19 et le boycott du scrutin par certains groupes d’électeurs inscrits » (point 6 de la résolution du 16 juin 2022, larje.unc.nc)..

Notes

1 Dès l’annonce de cette mesure, en anticipant l’idée qu’elle pourrait être cette fois légale, v. le billet de Jean-Paul Markus, « Robert Ménard instaure un couvre-feu pour les mineurs à Béziers : les conditions posées par le juge », lessurligneurs.eu 23 avr. 2024 (écrit le 21 et relu par Isabelle Muller-Quoy), commençant par rappeler l’ordre donné quelques jours plus tôt par le « ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à Pointe-à-Pitre » (témoignant de ce que, loin de constituer un barrage contre l’extrême-droite, la macronie lui sert de plus en plus souvent de tremplin…) ; v. Amandine Ascensio, « À la Guadeloupe, un couvre-feu loin de traiter les problèmes de fond », Le Monde 25 avr. 2024, p. 9, avec l’encadré « Vers un couvre-feu à Béziers et Nice » et les tribunes citées en illustration et ci-après, avec enfin celle de l’anthropologue David Puaud, « Les effectifs des éducateurs de rue sont devenus une variable d’ajustement économique » (page 29).
2 V. déjà CE Ord., 10 mai 2024, Le Lakou-LKP, n° 493935, cons. 3, à propos de l’arrêté du préfet de la Guadeloupe du 20 avril, relatif à des secteurs des communes des Abymes et de Pointe-à-Pitre : avant de conclure à l’absence d’atteinte manifestement illégale « à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion ou à l’intérêt supérieur de l’enfant (cons. 5), le juge des référés du Conseil d’État raisonnait à partir des « données chiffrées versées à l’instruction par le ministre » ; comparer la tribune du sociologue Christian Mouhanna (sociologue au CNRS et CESDIP), « En dépit de dramatiques faits divers, le nombre de mineurs délinquants baisse », Ibid., p. 28, à propos de « ceux qui instrumentalisent ces faits divers terribles pour en tirer des leçons sur les évolutions de la société et en faire le terreau de politiques prônant davantage de sanctions. Ces derniers ignorent, ou font semblant d’ignorer, que les lois pénalisant les mineurs n’ont cessé de se multiplier depuis le milieu des années 1990, et jusque très récemment ».
3 TA Montpellier Ord., 15 mai 2024, LDH, n° 2402422, cons. 6 ; à propos des 4 et 5 – « l’autorité de la chose jugée par le Conseil d’État le 6 juin 2018 » étant mise en avant par l’association requérante –, v. mon billet (du 20).
4 Sophie Mazas, citée par Solange de Fréminville, « Couvre-feu pour les moins de 13 ans à Béziers : devant la justice, la LDH dénonce “un fantasme ” et “une instrumentalisation politique” », liberation.fr 15 mai 2024
5 Citée par Alix Drouillat, lagazettedemontpellier.fr 15 mai 2024 et « Couvre-feu pour les moins de 13 ans à Béziers : la justice rejette le recours de la LDH, qui va saisir le Conseil d’État », francetvinfo.fr 15 mai 2024 ; proposant « un état du droit » à cette date, v. Éric Landot, blog.landot-avocats.net 15 mai 2024 (lu le lendemain). Version (provisoire ?) stabilisée cinq jours après la publication de ce billet, après avoir renvoyé le 17 à un autre rejet en référé(-liberté cette fois), CE Ord., 7 déc. 2021, Mme B. et a., n° 459131, évoqué par Nacira Guénif-Souilamas, « Nouvelle-Calédonie : “Les choses se sont dégradées de façon définitive au lendemain du 3e référendum”, estime une professeure de sociologie », francetvinfo.fr 16 mai 2024 ; v. aussi les points de vue de François Roux – avocat honoraire du FLNKS, appelant à « une médiation des Nations-Unies » (entretien avec, par Fabrice Dubault, 17 mai 2024) – et Mathias Chauchat – professeur de droit public, pour qui l’« égalité du droit de suffrage ne peut pas être lue dans les mêmes termes dans un territoire en situation coloniale » (cité par Raphaël Godet et Élise Lambert, extrait d’un « article à lire pour comprendre pourquoi l’archipel s’embrase à nouveau », 17 mai 2024) ; v. enfin « La Ligue des droits de l’Homme et la Quadrature du Net attaquent en justice le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie », 17 mai 2024  ; Ilyes Ramdani, « À Nouméa comme à Nanterre, le gouvernement face à ses vieux démons coloniaux », Mediapart 19 mai 2024, soulignant la répression et la dépolitisation des jeunes Kanaks qui, comme le note la veille Benoît Trépied – dans un entretien avec Lucie Delaporte – « vivent une dépossession sociale et coloniale » : « Lorsque la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain) – créée par des partis indépendantistes pour s’opposer au passage en force de Macron via des mobilisations collectives – a organisé des manifestations, ils sont venus en masse » ; l’anthropologue rappelle que, « quand les indépendantistes ont appelé à ne pas aller voter, au troisième référendum de 2021, il y a eu 56 % d’abstention. Ces chiffres témoignent d’une discipline électorale très importante de la part de gens qui ont, le reste du temps, un rapport plutôt distancié au personnel politique ». Contrairement à ce qu’a affirmé le 20 mai 2024 Alix Bouilhaguet – dans la matinale de France Info, au détour d’une question curieusement formulée, l’Assemblée générale de l’ONU a noté que ce référendum s’était tenu « dans des circonstances difficiles, marquées par la pandémie de COVID-19 et le boycott du scrutin par certains groupes d’électeurs inscrits » (point 6 de la résolution du 16 juin 2022, larje.unc.nc).