Hayek, Friedman et le « chèque éducation »

Friedrich Hayek devant des étudiants de la London School of Economics en 1948, Crédits : Getty, repris de franceculture.fr 7 janv. 2020 ; dialoguant avec Tiphaine de Rocquigny, Serge Audier rappelle à la fin qu’Hayek « a dédicacé son livre [The Constitution of Liberty] à Salazar »…

Au début de mes recherches, mon directeur de thèse m’avait encouragé à suivre la piste du « chèque éducation », pour développer ce qu’il désigne – dans son dernier ouvrage – l’« [h]ypothèse d’une réalisation libérale des droits de solidarité » (Xavier Dupré de Boulois, Droit des libertés fondamentales, PUF, 2018, p. 532, § 818). Il aurait probablement apprécié que je l’approfondisse davantage, mais la méthode que j’ai adoptée (pp. 32 et s.) ne le permettait que difficilement : mes trouvailles – mises de côté en vue d’une éventuelle publication spécifique – m’ont semblé insuffisamment liées à l’émergence du droit à l’éducation. Il convient cependant de rester prudent ; selon François Lacasse, des « forêts entières ont été abattues pour imprimer les écrits sur le sujet » des « vouchers » (« Réformer ou recentrer le secteur public : dynamiques et prévisions », RFAP 2003, n° 105-106, p. 25, spéc. p. 36).

Tout juste l’une des questions de Vincent Valentin durant ma soutenance m’a-t-elle conduit à compléter le propos – initialement limité – consacré à la pensée d’Hayek (cette entrée mène aux notes de bas de page 234, 559 et 1178, renvoyant notamment à cette page 125  : ce dernier critiquait les formulations de la DUDH, mais pas de son article 26 relatif au droit étudié). Le « chèque éducation » est encore évoqué en note n° 3337, à la page 1167 où se trouve mentionnée l’hypothèse sus-évoquée (celle d’une réalisation alternative, moins « sociale », du droit à l’éducation).

Dans sa chronique de la thèse de Caroline Boyer-Capelle (Le service public et la garantie des droits et libertés, thèse Limoges, 2009, 732 p.), Xavier Dupré de Boulois notait « qu’elle aurait pu aller plus loin », notamment en s’intéressant au lien qu’entretient « le phénomène d’individualisation de la situation des usagers (…) avec le courant néo-libéral. Le débat actuel sur le chèque éducation (school vouchers) dont le principe a notamment été défendu par la Commission pour la libération de la croissance française présidée par J. Attali (Rapport, janv. 2008, décision n° 6, p. 28), donne ainsi à voir une autre perception de cette individualisation, bien moins conforme aux canons de la fraternité » (RFDA 2011, pp. 181 et s.).

Si ce rapport visait en effet, à la page 28 indiquée, des « droits à l’école », la proposition n’a pas été réitérée par l’intéressé à l’approche de la précédente élection présidentielle (comparer, par ex., « Les douze réformes du futur président, selon Attali », Le Monde 6 févr. 2017, p. 21 : « 1. Augmenter massivement les taux d’encadrement dans les écoles maternelles et primaires des quartiers, pour réussir l’intégration [sic] dans la République laïque et fraternelle [re-sic] » ; avançant que « la laïcité n’est plus garantie », il prescrivait plus loin : « 8. Réaffirmer les termes stricts de la laïcité, et l’appliquer à toutes les cultures qui font la France »). Récemment, Virginie Calmels s’est référée au « bon scolaire » ou « chèque éducation » (« La droite ne doit pas s’éloigner du libéralisme économique », Ibid. 20 juill. 2018, p. 27) ; comme c’est le cas le plus souvent dans le contexte français, l’expression droit à ne figure pas dans cette revendication (ici délibérément présentée, quoique dans une question rhétorique, comme destinée à « protéger le service au public » plutôt que « le service public »).

« Bernie Sanders reads “Capitalism and Freedom” by Milton Friedman (Speech Synthesis) », youtube.com 4 nov. 2019

Dans l’ouvrage précité, publié le 6 juin, Xavier Dupré de Boulois renvoie dans un premier temps à l’ouvrage de Milton Friedman (traduit de l’anglais (Etats-Unis) par A.-M. Charno), Capitalisme et liberté, Flammarion, 2016 (1962), 316 p. Les passages pertinents du chapitre 6 (« Le rôle du pouvoir politique dans l’éducation », p. 151) figurent pp. 156-157, avec cette comparaison : « Le rôle des pouvoirs publics se limiterait à s’assurer que les écoles répondent à certaines normes minimales – telles que l’inclusion dans les programmes d’un minimum de contenu commun –, d’une façon qui rappellerait beaucoup l’inspection à laquelle on soumet les restaurants pour être sûr qu’ils satisfont à certaines normes sanitaires minimales ». De façon remarquable, l’économiste livrait comme exemple le droit français, soit le « système qui fait que l’État couvre une partie des frais des élèves de l’enseignement libre » (v. aussi p. 168 ; ce n’est substantiellement le cas que depuis la loi Debré, adoptée moins de trois ans avant la première édition de Capitalism and Freedom). Il n’ignorait pas les « différends politiques, en particulier en France », sur la question d’un éventuel renforcement des « écoles confessionnelles », mais il balayait l’objection comme « contraire à la préservation de la liberté même » (p. 158). Page 160, il réfutait aussi l’argument selon lequel « les écoles privées tendraient à exacerber les distinctions de classe ». Le chapitre 7 s’intitule « Capitalisme et discrimination raciale ou religieuse » (p. 183) et se conclut par une affirmation favorable à « un grand élargissement des possibilités offertes aux plus capables et aux plus ambitieux des jeunes Noirs [sic] » (p. 196). L’arrêt Brown v. Board of Education, rendu en 1954, n’est pas commenté. Surtout, les développements sur la « ségrégation à l’école » (p. 194) ne contiennent pas, là non plus, de référence au droit étudié, mais cette fois encore plus significativement car ils font suite à ceux sur les « lois sur le droit au travail » (pp. 191 et s.). Le seul point d’appui précis de ce livre, de mon point de vue, tient dans la mention de « normes minimales » (cette entrée renvoie dans ma thèse à plusieurs occurrences, essentiellement des textes internationaux – ceux-là mêmes à qui les détracteurs des « droits sociaux » dénient l’effet direct, au motif qu’ils seraient imprécis…).

Dans un second temps se trouve cité un article d’Arnaud Lacheret (« L’évaluation comme instrument d’effacement du sens politique : la controverse autour de l’évaluation des schools vouchers américains », RFAP 2013/4, n° 148, p. 923 ; texte de 21 p. mis en ligne le 8 avr. 2014) ; l’auteur présente certains résultats de sa thèse de science politique, centrée sur les collectivités territoriales françaises et intitulée L’aide sociale par le chèque (Grenoble, 2014). Après avoir rappelé que Friedman a conseillé Pinochet (pp. 1, 5 et 11), il conclut plus largement que ladite évaluation est « quasiment impossible à mener à bien », avant de signaler que « le système suédois pour ne citer que cet exemple est très proche du chèque éducation imaginé par plusieurs Etats américains » (pp. 17 et 18).

L’« une des meilleures [“écoles libres”] du pays » a récemment suscité l’indignation, selon l’envoyée spéciale Anne-Françoise Hivert (« À Stockholm, l’école de l’élite accueille des réfugiés… suédois », M Le Magazine du Monde 7 juill. 2018, p. 26) : « Il s’agit d’une friskola (…) qui, comme tous les établissements de ce type en Suède, est financée par la commune, en fonction du nombre d’élèves inscrits » ; il lui a été reproché d’avoir permis à trois familles fortunées de « court-circuiter la queue », non sans « empocher le bonus de 10 000 couronnes (environ 1 000 euros) versés par la municipalité aux écoles accueillant de “nouveaux arrivants” » (dont l’enfant « d’un multimillionnaire revenant vivre en Suède après des années à l’étranger »).

Suède sur la carte du monde – actualitix.com Crédit

Ajouts au lendemain des élections en Suède (législatives, mais aussi locales) du dimanche 9 septembre 2018 : dans un autre article, Anne-Françoise Hivert attirait l’attention sur Stefan Borg, l’un des « candidats des SD [pour Sverigedemokraterna (Démocrates de Suède), la formation d’extrême droite ; elle notait que dans son programme figure notamment] la création de classes séparées pour les réfugiés afin de ” rétablir l’ordre et le calme à l’école et ne pas nuire aux résultats des autres élèves “ » (« En Suède, l’extrême droite se fond dans le paysage », Le Monde 29 août 2018, p. 4). Selon Marie Regnier et Alice Froussard ce jour, il a été élu à Hörby, « commune rurale au Nord-Est de Malmö » (rmc.bfmtv.com) ; à propos de son projet, rappelé dans ce lien in fine, v. mon billet daté du 6 juin dernier.

Dans Le Monde diplomatique de ce mois de septembre, pp. 18-19, Violette Goarant signe deux articles dans lesquels elle traite des « chèques éducation » : « Au nom de la « liberté de choix » » et « Privatisation de l’école, le fiasco suédois » (la journaliste note dans le premier que, « dès les années 1980, le débat sur la « liberté de choix » s’impose dans les médias » ; dans le second, elle remarque que, depuis la mise en place de ce système dans les années 1990, « il n’y a plus de carte scolaire »). Mettant « en perspective » son enquête, le mensuel commente ce lundi : « Un fiasco qui explique aussi l’échec des partis de gouvernement lors des élections du 9 septembre ».

Page 20, Laura Raim s’intéresse à la diffusion de la « logique de marché » en France (« À qui profite la paix scolaire ? Des établissements confessionnels aux fonds de pension ») ; avant d’évoquer les « mesures d’assouplissement de la carte scolaire », elle écrit : « Même des fervents libéraux, comme l’économiste Milton Friedman, considèrent l’éducation primaire et secondaire comme un bien à « externalité positive », c’est-à-dire bénéfique à l’ensemble de la société, contrairement à l’enseignement supérieur, perçu comme un placement individuel, et donc légitimement payant. S’ils acceptent par conséquent le principe du financement public du secondaire, ils militent pour accroître l’« autonomie » des établissements, la « diversité » de l’offre ainsi que la « liberté de choix » des familles » (je renvoie sur les deux points soulignés à mon précédent billet).

Ajouts au 30 septembre et 9 octobre, repris pour composer pour mon billet du 5 novembre 2018

Ajout des illustrations au 31 janvier 2020, lors de la publication de ce billet (avec cette précision à la note 11 : sans s’arrêter à la préférence accordée à « la liberté même » sur les droits – en tout cas celui à l’éducation, v. récemment Vincent Valentin, « Et si le marché assurait la réalisation des droits de solidarité ? », RDLF 2020 chron. n° 2).

Ajout fin avril 2025 (puis au 15 mai avec « Le stade ultime du libéralisme selon Quinn Slobodian » tiktok.com/@scienceshumaines/video le 12) de cette émission du podcast Avec philosophie, « Néolibéralisme, ni nouveau, ni libéral ? », diffusé sur France culture  le jeudi 24, Géraldine Muhlmann recevant Serge Audier et Vincent Valentin ; je renvoie aussi, en décalé, à Barbara Stiegler (entretien avec, par Nicolas Truong), « Les années 1930 éclairent les tendances autoritaires du néolibéralisme », Le Monde 20 juill. 2019, p. 22 (extrait ; sur son « long processus d’effondrement », v. son texte pour AOC 28 févr. 2020).

Carte scolaire et droit à l’éducation

Il y a quelques mois, cette note de Lorenzo Barrault-Stella a fait l’objet d’une diffusion en ligne : « La carte scolaire, une politique entretenant les inégalités », Les notes du conseil scientifique de la FCPE avr. 2018, n° 10, 4 p. Des extraits peuvent être reliés à plusieurs développements de ma thèse (l’entrée « Barrault » permet de voir comment j’ai mobilisé ses travaux, en particulier la version publiée de sa thèse de science politique soutenue à Paris I, le 2 décembre 2011).

Il rappelle que « la carte scolaire est d’abord un dispositif d’action publique, (…) [initialement institué] dans une perspective gestionnaire de planification et d’aménagement du territoire ». Toujours en première page, il relève la concomitance avec « l’abandon de la séparation filles/garçons au profit de ce que l’on nomme à l’époque la « mixité » sexuelle dans les classes ». Ensuite, il affirme que le dispositif « est présenté comme la concrétisation d’un droit à une scolarisation de proximité », ce tout en étant « peu débattu publiquement au début des années 1960 » (p. 2 ; je souligne). Ce faisant, il semble procéder à une relecture anachronique, très fréquente, anticipant – ici seulement de quelques années – la « reformulation du droit interne à partir de 1975 », objet du troisième chapitre de ma seconde partie (pp. 985 et s.).

Page 1204, la piste d’un prolongement de la réflexion sur les politiques publiques prétendant faire plus de place au « libre choix » de l’école n’est qu’évoquée, compte tenu du « cadrage dominant » familialiste souligné dans la suite du propos de Lorenzo Barrault-Stella (v. aussi Jean-Paul Delahaye, Grande pauvreté et réussite scolaire. Le choix de la solidarité pour la réussite de tous, Rapport IGEN, mai 2015, 224 p., spéc. pp. 94 et s., avec les références citées) ; elle peut être explorée à partir du « chèque éducation ».

Actualité contentieuse, dans le contexte français : mi-avril, il ressortait d’un article de presse que « le tribunal administratif de Rouen a rejeté le référé déposé par la Ville de Val-de-Reuil et des parents d’élèves du collège Pierre-Mendès-France » ; était en cause « le choix du Département [sic] de fermer le collège rolivalois – dans le cadre de la nouvelle carte scolaire –, dès la fin de l’année scolaire, en juin ». Le maire PS de la ville, Marc-Antoine Jamet, indiquait que « la cassation du référé » avait été sollicitée (Paris-Normandie.fr 17-18). Ce 16 avril, le président du tribunal avait plus précisément rendu deux ordonnances et le Conseil d’Etat s’est prononcé le 18 juillet (AJDA du 30, p. 1516, obs. Jean-Marc Pastor : « Fermeture d’un collège : litige autour d’une compétence partagée Etat-département » ; reprises sur Dalloz-actualite.fr).

Il annule la première pour « erreur de droit », sans pour autant donner raison aux requérants : s’ils pouvaient contester la délibération du conseil départemental de l’Eure du 11 décembre 2017, en ce qu’il était légalement compétent pour définir les « secteurs de recrutement de l’ensemble des collèges sur le territoire de la communauté d’agglomération Seine-Eure », les moyens développés ne sont pas, « en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la délibération attaquée » (CE Ord., 18 juill. 2018, Cne de Val-de-Reuil et a., n° 420043, cons. 3-4 et 7-8).

A propos de la seconde ordonnance, les pourvois sont directement rejetés. Par un arrêté du 12 puis du 14 décembre, le préfet a prononcé « la fermeture de l’établissement public d’enseignement Pierre Mendès France de Val-de-Reuil » (sollicitée par courrier du conseil départemental en conséquence de sa délibération précitée). La condition relative au doute sérieux n’est là non plus pas satisfaite, notamment à propos du « moyen tiré de ce que la décision du préfet de l’Eure [serait] entachée d’erreur manifeste d’appréciation » ; « le juge des référés a porté sur les faits une appréciation souveraine qui, eu égard à la couverture des besoins éducatifs dans le département, n’est pas entachée de dénaturation » (Ibid., n° 420047, cons. 3 et 8).

Signalé au bas de la décision, l’apport essentiel vient de la transposition par le Conseil d’Etat d’une position arrêtée le 2 décembre 1994 (v. ma thèse page 110, spéc. les notes 628 et 629) ; elle consiste à affirmer que « la fermeture d’un collège ne peut intervenir que dans le cadre d’une procédure [distincte de celle de sectorisation] permettant de recueillir l’accord du département », après avoir rappelé que « le législateur a entendu partager la compétence pour l’organisation du service public de l’enseignement du second degré entre l’Etat, d’une part, et, s’agissant des collèges, le département, d’autre part » (cons. 5 et 2). Alors que la décision en cause aura nécessairement des effets sur la réalisation du droit à l’éducation des ex-élèves de cet ancien collège, il convient de remarquer qu’il n’en est pas fait mention ; la référence alternative mobilisée – le service public – reste largement déterminée par les collectivités publiques (v. mon dernier chapitre, pp. 1187 et s.).

Passer de vingt-six à treize académies pour « transformer le service public de l’éducation » ?

Le Premier ministre et le ministre de l’Éducation nationale « comptent réformer le système éducatif en s’inspirant des recommandations formulées par le Comité action publique 2022. Une refonte qui passe notamment par une évolution de la formation des enseignants » (Faïza Zerouala, « Jean-Michel Blanquer veut (encore) changer la formation des enseignants », Mediapart 2 août 2018). Ce jeudi, ils ont manifesté leur volonté de « transformer le service public de l’éducation » (v. Isabelle Rey-Lefebvre, « Education : le gouvernement lance son chantier de réorganisation », Le Monde 3 août 2018, p. 10), également exprimée lors d’un entretien conjoint : Édouard Philippe et Jean-Michel Blanquer (entretien avec, par Patrice Moyon et Philippe Boissonnat), « Le gouvernement veut changer la vie des profs », Ouest-France 2 août 2018, p. 3

Le Premier ministre a ainsi déclaré : « Notre politique se fera à moyens contraints, mais nous investissons dans l’éducation et la formation, et cherchons à faire de profondes transformations, pas de petites économies » ; interrogé sur l’annonce d’une division par deux du nombre d’académies, le ministre de l’Éducation nationale a quant à lui affirmé : « Nous voulons éviter les effets de métropolisation excessive. Les sièges de rectorat ne seront pas forcément dans la capitale régionale. Comme, par exemple, avec Caen en Normandie alors que la capitale est à Rouen. Les recteurs devront faire des propositions en janvier. Nous voulons à la fois des recteurs stratèges à l’échelle des régions et des instances départementales confortées dans leurs missions opérationnelles de soutien aux établissements. Cela renforcera notre objectif de gestion de proximité et d’attention au monde rural ».

Le premier titre de ma thèse est consacré à la référence au « service public », la première des « alternatives au droit à l’éducation » étudiées en première partie. La toute première section de ma thèse se termine la force des académies, « apparue au moment de l’« Acte III » de la décentralisation : les nouvelles régions n’ont pas vraiment affecté les anciens rectorats » (p. 117). Si la réforme annoncée est menée à son terme, il conviendra d’en analyser les effets, notamment sur les inégalités territoriales (abordées cinq pages auparavant ; v. aussi ce billet).

Ajouts au 7 août 2018 : dans Le Monde du jour, page 21, le secrétaire général du SNPI-FSU (Syndicat national des personnels d’inspection) publie une tribune intitulée « Il ne suffira pas d’être « inventif » pour améliorer l’école ». Critique de la « stratégie communicationnelle » du gouvernement, Paul Devin craint « que la nouvelle organisation académique produise une administration plus distante et moins consciente de la réalité concrète de l’action éducative ».

Selon un billet du 31 juillet, « les élèves de Saint-Martin se sont retrouvés autour d’un événement sportif convivial organisé par Solidarité Laïque et l’USEP des Îles du Nord », parrainé par le « Délégué interministériel à l’égalité des chances des français d’Outre-mer, Jean-Marc Mormeck, ex champion de boxe ». Rappelant la mobilisation associative qui accompagna la réaction des pouvoirs publics suite à l’ouragan Irma (v. pp. 115-116), le texte indique que « les établissements scolaires sont [redevenus] accessibles pour la plupart ». L’accessibilité est l’un des éléments mis en avant par Katarina Tomaševski, la première rapporteure spéciale sur le droit à l’éducation.

Ajout au 25 septembre 2018, avec l’article de Rémi Barroux dans Le Monde, page 12 : « A Saint-Martin, Irma perturbe la rentrée scolaire » : un an après l’ouragan, « la reprise des cours ne s’est pas déroulée normalement » ; « Réparez nos écoles », tel était l’une des revendications lors d’une « manifestation de quelque 150 personnes », le 19, selon le journaliste.

Ajouts au 5 octobre 2018, avec deux annonces ministérielles le 3 : d’une mission sur « la politique territoriale de l’éducation nationale », d’abord ; d’un décret ensuite, qui constitue « en tout cas un moyen supplémentaire pour l’Etat d’intervenir dans les nominations et de « normaliser » un peu plus une administration de l’éducation nationale au fonctionnement historiquement à part » (Mattea Battaglia et Camille Stromboni, « Le gouvernement change les règles de nomination des recteurs », Le Monde.fr le 4).

Ajout au 15 octobre 2018, avec cet extrait de l’article accompagnant la Une du journal Le Monde samedi 13 (« Ecole : le contenu du projet de loi Blanquer »), signé Mattea Battaglia et Camille Stromboni, « Une loi pour dessiner ” l’avenir de l’école ” », p. 10 : devant être présenté ce lundi au Conseil supérieur de l’éducation, le projet contiendrait 24 articles : je reviendrai ultérieurement sur « l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire de 6 à 3 ans, qui est la raison d’être initiale » affichée du recours à la loi ; « l’article 18 porte sur les dispositions nécessaires pour redéfinir le périmètre des académies elles seront 13, contre 30 aujourd’hui, à l’horizon 2020, le gouvernement pouvant le faire « par ordonnance » ».

Affaire de Ris-Orangis : que faut-il retenir du jugement du 16 mars 2017 ?

Photo issue du site du tribunal administratif de Versailles

La Revue des Droits de l’Homme de ce 6 juin 2018 publie la « Chronique de droit des discriminations » pour la période octobre 2016-mars 2017. À propos du jugement rendu par le tribunal administratif de Versailles le 16 mars 2017, Thomas Dumortier écrit : « En application du principe d’égalité (et non du principe de non-discrimination), un traitement différencié des enfants ne pouvait être fondé, rappelle le juge, que sur des considérations objectives en lien avec le but poursuivi par le service public de l’éducation »1RevDH 6 juin 2018, §§ 33 et s., spéc. 37 (je souligne)..

Le droit à l’éducation (ou à l’instruction) n’est pas visé par le chroniqueur, ce qui n’est pas surprenant compte tenu de la rédaction de ce jugement2TA Versailles, 16 mars 2017, M. et Mme M., n° 1300665 ; taper ce numéro de requête dans le pdf de ma thèse permet d’accéder directement à mes notes de bas de pages 870, 909 et 1132, n° 1472, 1717 et 3130. Cela n’avait pas empêché le Défenseur des droits (DDD) de faire référence à celui à l’éducation dans un communiqué3DDD, 14 avril 2017, https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/actus/actualites/le-defenseur-des-droits-condamne-fermement-la-discrimination-subie-par-des-enfants (page indisponible au 29 sept. 2024) ; comparer Asefrr, ERRC, GISTI et LDH, « Classe spéciale « roms » de Ris Orangis : rupture d’égalité ou discrimination ethnique ? », communiqué du 2 mai 2017.

L’ERRC – European Roma Rights Centre – était parmi les associations autrices avec le MRAP d’une intervention en demande devant le TA4Associations représentées par Me Lionel Crusoé, auteur de ce texte de 16 p. ; rendue quant à elle en 2009-2010 par le Comité européen des droits sociaux (CEDS), la décision Centre européen des droits des Roms (CEDR) c. France (n ° 51/2008) est présentée dans ma thèse pp. 903-9045Concernant cette association, v. aussi la note n° 1465 à propos de la « tension » soulignée par Eric Fassin dans « La « question rom » » (in E. Fassin, C. Fouteau, S. Guichard et A. Windels, Roms & riverains. Une politique municipale de la race, La Fabrique, 2014, p. 7, spéc. pp. 16-17) ; cet article est encore cité à propos de Romeurope, dont est issu le Collectif pour le droit des enfants roms à l’éducation (le CDERE, entrée qui conduit notamment à la page 1142), lequel a saisi plusieurs fois le DDD (pp. 1130 et s.)..

Photo issue du site de la CGT FERC, 1er octobre 2014

Dans un entretien avec Matthieu Bonduelle, réalisé le 29 septembre 2017 et publié au début de l’année, le DDD affirme : « quand nous enjoignons à des maires de scolariser des enfants étrangers et qu’ils persistent à refuser de le faire, il peut se passer du temps avant que nous obtenions gain de cause »6Jacques Toubon, « La “réalité” est devenue une excuse », Délibérée févr. 2018/1, n° 3, p. 75, spéc. p. 77 (à propos d’injonctions prononcées cette année par le même TA de Versailles, v. ce billet)..

L’implication du Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s (Gisti) concernant les « expulsions de terrains des populations roms (ou dites telles) et toutes les formes de discriminations à leur égard, à commencer par les refus de scolarisation des enfants », est quant à elle rappelée par celle qui en fut, de 1985 à 2000, la présidente7Danièle Lochak (entretien avec, par Armelle Andro, Sarah Mazouz et Patrick Simon), « Défendre la liberté de circulation », Mouvements 2018/1, n° 93, p. 181, spéc. p. 194 : à la page précédente, la professeure, qui a été aussi vice-présidente de la Ligue des droits de l’Homme, revient sur « la première affaire du foulard, en 1989 [, en procédant à une comparaison intéressante des] réactions qu’elle a suscitées au sein de la LDH et au sein du Gisti », où « il n’a pas été possible, à l’époque, de dégager une position consensuelle » en soutien des élèves exclues..

28/32 Alberto Campi (collectif We Report) ©

Ajouts au 26 août 2018 avec8Outre ce renvoi au billet de ce jour à propos du foulard. d’une part, cet extrait du journaliste Blaise Gauquelin, « Des Roms se mobilisent à travers l’Europe pour dénoncer le racisme », Le Monde le 13, p. 4 : « (…) Au mois de janvier, le gouvernement slovaque a présenté un plan de lutte contre la « criminalité rom ». Du pur « racisme institutionnel » émanant d’un ministère tenu pourtant par un parti social-démocrate (SMER-SD), selon le Centre européen pour les droits des Roms. (…) La Slovaquie entend aussi mettre en place un registre des délits commis spécifiquement au sein de cette communauté (…). « Mais cette loi ne passera pas (…) », assure un participant à la manifestation hongroise [qui] se félicite : « C’est plutôt nouveau de voir des Roms défiler dans toute l’Europe contre le racisme. Nous sommes en train de constituer un véritable réseau transnational » » (je souligne).

Un extrait, d’autre part, du sociologue Arthur Vuattoux (entretien avec, par Anaïs Moran), « Justice des mineurs : « Les garçons se retrouvent plus souvent en prison que les filles » », Libération.fr 23 août 2018 : il revient sur le « traitement judiciaire des adolescentes roms, appelées au tribunal « jeunes filles roumaines », alors qu’elles ne sont pas toutes roumaines ! Ces adolescentes, poursuivies à Paris pour des vols sur touristes, écopent régulièrement de peines de prison ferme. Un cas très rare pour des filles dans la justice des mineurs. En réalité, ces adolescentes ne correspondent pas à la figure que s’est forgée l’institution de la délinquance des mineures : elles ne veulent pas donner l’identité de leurs parents, certaines ont déjà des enfants… De fait, leur appartenance ethno-raciale et leur manière d’agir les font sortir, aux yeux des professionnels, de la catégorie « adolescente ». Elles sont dès lors jugées comme des adultes, ou tout au moins comme les délinquants garçons. Cela nous rappelle, d’un point de vue sociologique, l’importance d’étudier le genre sans oublier les enjeux de classe ou d’appartenance ethno-raciale ». D’un point de vue juridique, leur « vulnérabilité particulière (…) en ce qui concerne leur droit à l’éducation », a pu être soulignée par le CEDR devant le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CoEDEF ; v. page 792).

Ajout au 15 septembre 2018 (complété par cette brève vidéo le 31 décembre) : dans un texte publié cette année, Éric Fassin revient sur l’« hyper-représentation de la « question rom » dans l’espace public – et en même temps la non-représentation du traitement de ces populations par les pouvoirs publics » (« Politiques de la (non-) représentation », Sociétés & Représentations 2018/1, n° 45, p. 9, spéc. p. 12). En refusant d’analyser directement la décision du maire de Ris-Orangis comme une atteinte discriminatoire au droit à l’éducation, le jugement du 16 mars 2017 participe de « l’effacement » (p. 18) critiqué par le sociologue au plan médiatique. Il termine sa présentation du dossier coordonné avec Marta Segarra par la contribution « de la jeune juriste et militante Anina Ciuciu » (p. 26) ; cette dernière remarque notamment : lorsqu’elle a lieu, « la défense de nos droits est exercée en nos nom et place par des « experts », ce qui nous entretient dans une relation de dépen­dance : même avec nos alliés, c’est reproduire une structure de domination » (« Nous représenter », p. 107, spéc. p. 112).

Actualisation début août 2024, pour (enfin) citer CE Ord., 19 déc. 2018, Commune de Ris-Orangis, n° 408710 ; AJDA 2019, pp. 15 et 640, obs. Emmanuelle Maupin et concl. Sophie-Justine Lieber (qui me les avait très gentiment transmises, avant leur publication) ; AJCT 2019, p. 211, obs. Nelly Ferreira ; LIJMEN mai 2019, n° 206 ; CE, 8 déc. 2023, Commune de Ris-Orangis, n° 441979 ; LIJMEN mars 2024, n° 229

Transformation en notes de certaines parenthèses de ce billet le 29 septembre, en ajoutant deux références : BJCL 2024, comm. 4, concl. Raphaël Chambon, elles-mêmes mentionnées au seuil du commentaire de Cécile Chassagne, intitulé « Le maire et l’État coauteur de la décision de scolarisation », JCP A 2024, 2244 (en remerciant Denis Jouve pour me l’avoir signalé) : l’annotatrice revient tout d’abord sur « la répartition des compétences en matière éducative entre l’État et la commune », avant de noter qu’en l’espèce, l’« implication des services de l’État n’est pas contestable, ils ont bien participé à la réalisation de la décision du maire [en tant qu’exécutif de la collectivité (locale)] ». Elle remarque plus loin que « cette collaboration étroite a pu inciter le Conseil d’État à reconnaître une responsabilité in solidum de l’État et de la commune de Ris-Orangis ». Entretemps, elle rapproche à juste titre cette affaire et celle ayant conduit à un arrêt rendu par la première section de la Cour Européenne des Droits de l’Homme9CEDH, 5 juin 2008, Sampanis et a. c. Grèce, n° 32526/05 ; v. mes pp. 860-861, en notant cependant que la juridiction française « a choisi de ne pas se placer sur le terrain de la discrimination envers cette population, mais plutôt de considérer la rupture d’égalité entre les usagers du service public ».

Notes

1 RevDH 6 juin 2018, §§ 33 et s., spéc. 37 (je souligne).
2 TA Versailles, 16 mars 2017, M. et Mme M., n° 1300665 ; taper ce numéro de requête dans le pdf de ma thèse permet d’accéder directement à mes notes de bas de pages 870, 909 et 1132, n° 1472, 1717 et 3130
3 DDD, 14 avril 2017, https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/actus/actualites/le-defenseur-des-droits-condamne-fermement-la-discrimination-subie-par-des-enfants (page indisponible au 29 sept. 2024) ; comparer Asefrr, ERRC, GISTI et LDH, « Classe spéciale « roms » de Ris Orangis : rupture d’égalité ou discrimination ethnique ? », communiqué du 2 mai 2017
4 Associations représentées par Me Lionel Crusoé, auteur de ce texte de 16 p.
5 Concernant cette association, v. aussi la note n° 1465 à propos de la « tension » soulignée par Eric Fassin dans « La « question rom » » (in E. Fassin, C. Fouteau, S. Guichard et A. Windels, Roms & riverains. Une politique municipale de la race, La Fabrique, 2014, p. 7, spéc. pp. 16-17) ; cet article est encore cité à propos de Romeurope, dont est issu le Collectif pour le droit des enfants roms à l’éducation (le CDERE, entrée qui conduit notamment à la page 1142), lequel a saisi plusieurs fois le DDD (pp. 1130 et s.).
6 Jacques Toubon, « La “réalité” est devenue une excuse », Délibérée févr. 2018/1, n° 3, p. 75, spéc. p. 77 (à propos d’injonctions prononcées cette année par le même TA de Versailles, v. ce billet).
7 Danièle Lochak (entretien avec, par Armelle Andro, Sarah Mazouz et Patrick Simon), « Défendre la liberté de circulation », Mouvements 2018/1, n° 93, p. 181, spéc. p. 194 : à la page précédente, la professeure, qui a été aussi vice-présidente de la Ligue des droits de l’Homme, revient sur « la première affaire du foulard, en 1989 [, en procédant à une comparaison intéressante des] réactions qu’elle a suscitées au sein de la LDH et au sein du Gisti », où « il n’a pas été possible, à l’époque, de dégager une position consensuelle » en soutien des élèves exclues.
8 Outre ce renvoi au billet de ce jour à propos du foulard.
9 CEDH, 5 juin 2008, Sampanis et a. c. Grèce, n° 32526/05 ; v. mes pp. 860-861

Service public et droit à l’éducation en Seine-Saint-Denis

« Seine-Saint-Denis : la faillite de l’Etat » ; tel est le titre d’un article de Louise Couvelaire dans  Le Monde d’hier (19 mai 2018, p. 10) : elle rend compte d’« un rapport d’évaluation de l’action de la puissance publique dans le département, qui sera présenté à l’Assemblée le 31 mai », par « les députés François Cornut-Gentille (Les Républicains, Haute-Marne) et Rodrigue Kokouendo (La République en marche, Seine-et-Marne) » ; il « dresse le portrait de « la République en échec » (c’est le titre) et pointent du doigt les failles de l’Etat, à la fois « inégalitaire et inadapté » (c’est leur sous-titre) tout en soulignant le « paradoxe » du 9-3. Ce rapport révèle une rupture d’égalité républicaine et décrit une mécanique dans laquelle les politiques spécifiques aux quartiers prioritaires sont mises en avant… alors même que les politiques de droit commun ne sont pas respectées et sont bien en deçà de celles mises en place dans le reste du pays ».

Il donne l’occasion d’évoquer la problématique des absences d’enseignant·e·s non remplacé·e·s, qui a conduit en 2012-2013 à la constitution d’un Collectif des parents citoyens de Seine-Saint-Denis (v. ma thèse, pp. 114-115, 174-175 et 184). Avocate en droit de l’éducation, Valérie Piau dispensait des conseils le 16 mars dernier, appuyés sur l’arrêt Giraud (v. pp. 176 et s.). Ces développements prennent place dans mon premier titre, consacré au service public de l’enseignement. Confirmant qu’il s’agit d’une référence alternative au droit à l’éducation, le Défenseur des droits revient sur sa décision du 9 novembre 2015 (n° MSP-2015-262) dans son Rapport annuel droits de l’enfant 2016 (Droit fondamental à l’éducation : une école pour tous, un droit pour chacun), nov. 2016, 151 p. (disponible en ligne), spéc. pp. 76-77

Ajout au 3 juin 2018, avec cette infographie de Mathilde Costil et Sylvie Gittus.

Ajout au 31 août, modifié le 21 septembre 2018 : au Journal officiel du Sénat du 23, p. 4334, se trouvait publiée la réponse du Ministère à une question écrite du sénateur Les Républicains Philippe Dallier (« Situation du système éducatif en Seine-Saint-Denis », n° 05664). En bref, il était assuré que des moyens sont mis en place pour « mieux prendre en compte les spécificités » du département. Dans Le Monde du 4 septembre, page 8, Mattea Battaglia notait la généralisation « des binômes d’enseignants stagiaires – ces jeunes qui viennent de décrocher le concours mais pour qui la titularisation n’interviendra qu’au terme de l’année scolaire – [dans ce] (…) département habitué à faire sa rentrée sous le feu des projecteurs » ; alors que « le Val-de-Marne voisin s’y met lui aussi, des voix se font entendre pour en déplorer le principe autant que les effets ». Violaine Morin indique quant à elle qu’en « 2019, 2 600 postes seront supprimés au collège et au lycée, et 1 900 créés dans le primaire », Le Monde.fr 19-20 sept. 2018 : « Sur la masse des 880 000 enseignants que compte le pays, ce chiffre paraît faible. Mais (…) [l]es académies les plus fragiles comme Créteil et Versailles – celles qui conjuguent une faible attractivité auprès des professeurs et une forte croissance démographique – risquent d’accuser le coup ».

Ajout au 25 octobre 2018 : alors que « de nombreuses voix s’interrogent, au sein de la communauté éducative, sur le devenir du [Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco)] », celui-ci a rendu public hier une « enquête portant sur les inégalités scolaires dans 874 collèges publics d’Ile-de-France » (« une école pauvre pour les quartiers pauvres », selon le titre retenu dans Le Monde de ce jour, p. 10). L’analyse de Mattea Battaglia est accompagnée d’un entretien avec la présidente du Cnesco, la sociologue Nathalie Mons, laquelle relève « un double défi pour la Seine-Saint-Denis : attirer mais surtout garder ses enseignants » (« Le défi dans les territoires paupérisés est de stabiliser des équipes », p. 11).

Ajout au 1er novembre 2018, à propos du livre signé par « deux pros de l’enquête » (Marwan Mohammed), à partir d’un texte du Bondy blog le 25 octobre, qui conforte dans l’idée qu’il n’y a là qu’un nouveau produit d’une stratégie éditoriale savamment dosée (« 0 % idéologie, 100 % faits »), en réalité bien à droite pour susciter des reprises (peu originales). Juste après un renvoi à un article de Sarah Smaïl le 8 – annonçant de nouveaux recours fondés sur le « service public » –, les journalistes Nassira El Moaddem et Faïza Zerouala remarquent que les « inégalités éducatives du département sont à peine évoquées » ; en ce jour férié catholique, je me limiterai pour ma part à rapprocher un extrait – celui relatif aux interdits alimentaires musulmans et aux « fêtes de l’Aïd » – avec ma page 347.

Ajout au 20 novembre 2018, spéc. à propos du premier paragraphe de ce billet.

Ajout au 28 décembre 2018 : ce département « mérite l’égalité » (« républicaine », devant le « service public ») ; telle est la revendication d’une campagne lancée, lundi 17 décembre, par « le président (PS) du conseil départemental, Stéphane Troussel », cependant qu’« Azzédine Taïbi, maire communiste (PCF) de Stains, Sylvine Thomassin, maire (PS) de Bondy, Mohamed Gnabaly, maire sans étiquette de L’Ile-Saint-Denis, et Laurent Russier, maire (PCF) de Saint-Denis, veulent engager la responsabilité de l’État devant le tribunal administratif de Montreuil ». Selon leur avocat, Arié Alimi, « les domaines de l’éducation, de la sécurité et de la justice » seront l’objet de cette action contentieuse (Louise Couvelaire, « Quatre maires de Seine-Saint-Denis attaquent l’État en justice », Le Monde 17 déc. 2018, p. 12). Le département « poursuit sa poussée démographique » ; elle est probablement sous-évaluée, selon Stéphane Troussel qui, le 20, proposa au vote le « budget de l’égalité » : « des droits », notamment, donc celui à l’éducation.

Ajout au 23 octobre 2019, en ajoutant deux renvois : d’une part à mes pp. 1217-1218 (en conclusion de mon dernier titre, L’utilité de l’affirmation du droit à l’éducation) ; d’autre part et surtout, sur l’actualité de la question, à mon troisième paragraphe ici.

Handicap, service public et (in)compétence du juge administratif

Situation de Montbrison sur Google Map (issue du site cheznous-immobilier.fr)

La revue de l’association lyonnaise de droit administratif signale un référé-liberté exercé par les parents de trois élèves en situation de handicap (TA Lyon Ord., 10 janv. 2018, M. et Mme V, n° 1800051, 1800052 et 1800053 ; Rev.jurisp. ALYODA 2018, n° 2, obs. A.-L. Sagon).

Les trois requêtes visaient à ce que la directrice de l’école privée Saint-Charles de Montbrison se voit ordonner la mise en œuvre intégrale de leur projet personnalisé de scolarisation (PPS), conformément à ce qu’avait décidé la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la Loire le 25 octobre 2016 (concernant Manon) et le 17 janvier 2017 (s’agissant d’Elise et Guillaume).

Le premier vice-président du tribunal administratif de Lyon rejette le recours. Si l’établissement « participe » au service public de l’enseignement, ces requêtes « relatives à l’organisation de la scolarité, qui ne procèdent pas de l’exercice d’une prérogative de puissance publique, ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative » (cons. 6 ; ordonnance de tri sur le fondement de l’article L. 522-3 du CJA).

La question de la situation des établissements privés sous contrat par rapport au service public est abordée dans la conclusion du titre 1, pp. 189 et s. Au seuil de ce titre, page 61, il est remarqué une tendance doctrinale consistant à aborder le ou les service(s) public(s) à partir de ceux industriels et commerciaux ; elle conduit ici à présenter l’ordonnance comme illustrant l’extension d’un « mouvement de restriction » les concernant. Anne-Laure Sagon la critique « en ce qu’elle fragilise l’exercice du droit fondamental à l’éducation ». Assurément, cette décision en tant que telle ne le renforce pas.

La position du juge judiciaire reste toutefois peu connue. Quant à celle du Conseil d’Etat, bien plus étudiée, elle est moins favorable que ne le donnent à voir les présentations les plus fréquentes des affaires Laruelle et Peyrilhe (pp. 1108 et s.), citées au terme des observations sous cette ordonnance. Il convient à cet égard de remarquer que ce « droit » était invoqué comme un « principe » fondamental. A minima, le juge des référés aurait pu préciser son visa – s’y trouve mentionnée la Convention, à propos d’un droit mentionné dans son premier protocole – et reformuler en termes de droit à, conformément aux discours du droit (pp. 1169 et s.).

Ajout de l’illustration au 29 décembre 2019.

Injonctions de scolariser des enfants réfugiés syriens

Le Tribunal administratif de Versailles a publié en ligne un communiqué, le 19 mars, renvoyant à trois jugements rendus le 15 (Fardous, Rilas et Ayman Y., n° 1800315, 1800317 et 1800333) : « installées dans les pavillons abandonnés de la cité de l’air située près de l’aéroport d’Orly à Athis-Mons » (cons. 2 commun aux trois jugements), des familles d’origine syrienne avaient formulé, l’été dernier, des demandes pour scolariser leurs enfants ; le maire les ayant laissées sans réponse, des recours furent formés.

A lire les trois jugements, les requérants étaient représentés par le même avocat et il invoquait curieusement les droits « de bénéficier de la sécurité sociale » (art. 26 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, au lieu de 28 qui reconnaît celui « à l’éducation ») et « à la vie » (art. 2 de la Convention européenne, plutôt que celui de son premier protocole sur le « droit à l’instruction).

Dans la première affaire, citant les dispositions pertinentes du Code de l’éducation, dont celle affirmant le « droit à l’éducation » (art. L. 111-1), le tribunal en déduit au considérant 4 suivant « que le maire d’Athis-Mons était tenu d’inscrire à l’école primaire l’enfant du requérant, âgé de plus de six ans à la rentrée scolaire et dont la famille réside sur le territoire de la commune même de façon précaire, sans pouvoir légalement opposer l’insuffisance des infrastructures d’accueil ni les difficultés d’adaptation des enfants ne parlant pas français ». Le communiqué précise que « la majorité des cas que le tribunal avait à juger » concernait l’école primaire.

Les deux autres jugements sont fondés différemment, car les enfants n’avaient pas six ans et le tribunal estime que leur accueil « à l’âge de trois ans à l’école maternelle n’est pas un droit, comme l’a jugé la cour administrative de Versailles en formation plénière par arrêt n° 09VE01323 du 4 juin 2010 » (cons. 4) ; discutable en ce qu’elle prive d’autonomie le droit à l’éducation par rapport à l’obligation d’instruction (dite scolaire), cette affirmation mériterait quelques développements. Compte tenu de ce qui suit, je me limite ici à renvoyer à ceux de ma thèse à propos de cette requête (accessibles en entrant son numéro dans le pdf).

L’affirmation est en effet neutralisée, d’une part par une combinaison des dispositions législatives (là aussi citées au considérant 3) « et du principe d’égal accès au service public » (à propos de cette référence, v. la fin de mon premier titre, pp. 182 et s.) ; il en résulte l’illégalité du « motif tiré du mode d’habitat ou des difficultés d’adaptation des enfants ne parlant pas français ». D’autre part, et toujours au considérant 4, une « erreur de fait » du maire est identifiée : « alors que la commune d’Athis-Mons dispose de huit écoles maternelles et étant donné le faible nombre d’enfants concernés, il ne justifie pas, en l’espèce, de l’insuffisance de places disponibles alléguée ».

Dans chacun des trois jugements, il est ordonné au maire d’inscrire les enfants « dans un délai de 15 jours » (cons. 5). Un an avant la révolution syrienne et sa brutale répression, conduisant plusieurs millions de personnes à l’exil, le premier successeur de Katarina Tomaševski, Vernor Muñoz Villalobos, remettait un rapport intitulé Le droit à l’éducation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile (A/HRC/14/25, 16 avr. 2010).

Ajout au 6 juin 2018, pour signaler qu’à la page 906 où je cite le rapport précité, j’analyse une décision du Comité européen des droits sociaux sanctionnant le « manque d’accessibilité du système éducatif français », à propos d’« enfants roms migrants » (concernés par un autre jugement du TA de Versailles, daté du 16 mars 2017).

Éducation, « droits des détenus » et CEF

« Pourquoi l’obligation d’activité est-elle si mal partagée ? ». Ainsi s’interrogeait récemment Jean-René Lecerf, dans une tribune intitulée « Un recyclage d’idées anciennes qui oublie la maladie mentale » (Le Monde 9 mars 2018, p. 18), en réaction à des annonces d’Emmanuel Macron. Trois jours plus tôt, dans son discours à l’Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire (ENAP) d’Agen, le 6, le Président de la République rappelait quelques chiffres à partir d’une « enquête conduite fin 2016 », en laissant entendre que la France aurait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) sur ce point ; v. toutefois ma thèse, pp. 866 et 978 et s.

Il mentionnait les « droits des détenus » dans un paragraphe distinct, sans viser alors celui à l’éducation ou à la « formation » qui, a-t-il affirmé plus loin, « doit également être offerte (sic) aux condamnés » ; certes, il ajoutait immédiatement : « qui ne peuvent pas être laissés à l’écart des dispositifs de droit commun », mais l’absence de référence au droit à l’éducation lorsqu’il s’agit d’énumérer les « droits de ces individus » est significative, comme l’est aussi la mention du « droit du travail » à ce titre (comparer la page 1135, à propos du CGLPL).

Dans un arrêt du 17 janvier 2017, Jankovskis contre Lituanie, n° 21575/08, la CEDH condamnait ce pays sur le fondement de l’article 10 de la Convention (et non du droit à l’éducation, à propos duquel les parties s’opposaient : v. les §§ 17 et 46), pour avoir refusé à un détenu l’accès à internet ; le résumé en français, rédigé par le greffe et qui ne lie pas la Cour, n’évoque que la « liberté de recevoir (…) des informations » prévue par cet article relatif à celle d’expression. Cette affaire peut être rapprochée d’une autre devant le Conseil d’Etat, à propos de laquelle je cite des conclusions ambigües page 1114.

Dans un article intitulé « Les centres éducatifs fermés critiqués » (Le Monde 29 mars 2018, p. 13), Jean-Baptiste Jacquin indique que la ministre de la justice Nicole Belloubet, « qui prépare actuellement une grande loi de programmation de la justice, prévoit de ne créer que vingt CEF, contre la cinquantaine envisagée, pour porter leur nombre à soixante-treize ». Il signale cependant l’Avis sur la privation de liberté des mineurs, adopté par la CNCDH le 27 mars (72 p.) et dont la recommandation n° 4 est « de ne pas [les] ouvrir (…) si le fonctionnement prévu est le même que celui des CEF déjà existant ». Elle préconise au contraire de les transformer en « centres éducatifs » et de créer vingt « nouveaux établissements ouverts à pédagogie diversifiée », au moins (p. 43).

Qualifié d’« inquiétant », l’« état des lieux » de l’institution commence par l’« augmentation inégale de l’enfermement des mineurs en quartiers des mineurs (QM) et en établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) » (pp. 7-8 et s.), avant d’aborder celle « significative [en CEF] et en centres de rétention administrative (CRA) » (pp. 16 et s.). Des développements sont consacrés entretemps à la « discrimination envers les filles mineures privées de liberté » (pp. 12-13).

En « Annexes », pp. 46 et s., figurent des comptes rendus de visite, telle celle du centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), le 2 février : page 62, il est noté que le « temps d’activités s’est amélioré depuis la création du QM » ; alors que « la plupart de ces mineurs éta[i]ent déscolarisés avant leur incarcération », certains « ne bénéficient que de très peu d’heures d’enseignement », ce malgré « l’objectif » – qui est un devoir – de « respecter le droit à l’instruction et à la formation ».

Page 57, à propos du centre éducatif fermé « Les cèdres » de Marseille (Bouches-du-Rhône), la « CNCDH déplore le peu de temps de scolarité ». Citant sa présidente, Christine Lazerges, Jean-Baptiste Jacquin explique que, saisie de la situation des « mineurs », elle a estimé « que s’en tenir à la prison stricto sensu était réducteur », d’où la référence à la privation de liberté.

Ajout au 30 septembre 2018, avec des extraits de ce communiqué de presse de la mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés, daté du 27 : dans le rapport qu’elle vient d’adopter, elle demande  notamment : « que le suivi socio-éducatif des détenus dans les quartiers pour mineurs se rapproche rapidement de celui assuré en EPM », en attendant qu’ils viennent les remplacer ; « une revalorisation du métier d’éducateur en CEF », en insistant « sur la nécessité de ne pas concentrer tous les moyens budgétaires sur l’ouverture de nouveaux centres ».

Ajout au 3 octobre 2018, le rapport de Catherine Troendlé, Michel Amiel et alii étant en ligne, pour remarquer l’absence de mention du droit à l’éducation tant concernant les EPM et QPM (pp. 29-33, 82 et 90, évoquant la « continuité du service public de l’enseignement en prison » ; à propos de la décision 2002-461 DC, v. ma thèse pp. 1098-1099) que s’agissant des CEF (pp. 101-102 et 128 à 132, en se référant à « l’obligation scolaire » ; tout juste est-il fait référence page suivante au « droit au retour en formation initiale sous statut scolaire », à propos duquel v. ma page 1021) ; mais le « droit à l’oubli » (p. 30), lui, n’est pas oublié…

Ajout au 12 novembre 2018, avec deux extraits d’une note sous CE, 6 juin 2018, n° 410985, publiée à l’AJDA du 22 oct., p. 2023 ; Frédéric Sédat termine sur « la délicate question de l’urgence », après avoir fait observer que « le respect de la motivation apparaît bien moins contraignant pour l’administration que celui d’une procédure contradictoire ». Il note auparavant que cette décision résulte d’un « second pourvoi devant le Conseil d’Etat », suite à celle dite par ce dernier « n° 383712 du 9 novembre 20[1]5 » et à l’arrêt n° 15NT06504 de la cour administrative d’appel de Nantes (rendu le 7 décembre 2016, il n’est pas référencé sur legifrance [précision au 24 juin 2019 : si, mais sous le n° 15NT03504 : il n’était pas directement répondu à l’invocation d’une «  atteinte au droit au travail et à l’instruction », référence qui disparaît dans l’arrêt du CE]). Elle est là encore moins intéressante, de mon point de vue, qu’une affirmation de « Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public » : dans le prolongement de ses précédentes conclusions et selon la citation de l’annotateur, « les mesures administratives de retenue du matériel [informatique] (…) « dégradent les conditions de détention de la personne détenue y compris au regard de son droit à la formation professionnelle » » (pp. 2027 et 2025 ; comparer la page 1114 de ma thèse – déjà signalée dans ce billet supra –, ainsi que mon introduction, page 32).

Ajout au 23 novembre 2018, avec ce rappel de Jean-Baptiste Jacquin : « La plupart des jeunes placés en CEF, considéré dans l’échelle des sanctions judiciaires pour les mineurs comme la dernière solution avant la prison, sont déscolarisés » (« L’important est de toujours garder espoir dans ces jeunes », Le Monde le 24, p. 14, citant Jean-Marc Vermillard, directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse) ; le journaliste de citer un « jeune Breton de 15 ans », séjournant « depuis cinq mois » à Saint-Denis-le-Thiboult (Seine-Maritime) : « C’est pour affiner mon projet : pouvoir retourner à l’école ».

« Parcoursup » : la position du Conseil constitutionnel

Dans sa décision Loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, n° 2018-763 DC, le Conseil constitutionnel a, sans surprise, rejeté le recours formé contre certaines dispositions de ce texte. Je me limite à quelques observations rapides : il est d’abord fait référence, dans les visas, à « l’arrêté du 19 janvier 2018 de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation autorisant la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Parcoursup » ». L’argumentation des requérants est cependant écartée rapidement ; pour le Conseil, « les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier rétroactivement ou de valider » cet arrêté (cons. 4 et 7).

Il est ensuite noté que le « paragraphe I de l’article 1er de la loi déférée réécrit l’article L. 612-3 du code de l’éducation, qui détermine les règles d’inscription dans les formations initiales du premier cycle de l’enseignement supérieur dispensées par les établissements publics » (cons. 2) ; cette loi n° 2018-166 mériterait une étude à part entière ; tout juste sera-t-il noté que la liberté « de s’inscrire dans l’établissement de son choix » – prévue depuis la loi Savary (en 1984 ; v. l’un de mes chapitres sur la « liberté de l’enseignement », pp. 207 et s., spéc. 217) –, a disparu.

Enfin, dans ses considérants 11 à 13, le Conseil constitutionnel se refuse à reformuler le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 pour lui faire affirmer le droit à dont l’émergence est étudiée dans ma thèse (v. spéc. pp. 1092 et s.).

Le hasard veut que deux textes publiés ce même jour procèdent à cette affirmation. Celui d’Elena Belova d’une part, dans sa « Chronique des constatations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, année 2017 : quelques précisions sur la compétence ratione temporis et sur le droit au logement », La Revue des Droits de l’Homme ADL 8 mars 2018). Au § 8, à propos de l’affaire Mohamed Ben Djazia et Naouel Bellili c. Espagne (communication n° 5/2015, 20 juin 2017), elle écrit que, rappelant que « les droits de l’[H]omme sont indivisibles et interdépendants » (§15.4), le CODESC a estimé qu’une interprétation large du droit au logement s’imposait et qu’il était indispensable de l’interpréter à la lumière d’autres droits de l’Homme, notamment le droit à une vie familiale (l’unité de la famille) et le droit à l’éducation des enfants ». Se reporter au texte de ce paragraphe 15.4 montre que le contraste n’est qu’apparent : « L’obligation faite à l’État partie d’agir au maximum de ses ressources disponibles pour reloger les personnes expulsées qui ont besoin de l’être suppose que l’on protège l’unité familiale, en particulier lorsque les personnes concernées ont des enfants à charge à l’éducation et aux besoins desquels elles doivent pourvoir ». Il n’empêche qu’il est auparavant bien fait référence à cette indivisibilité des droits, et l’affirmation de celui étudié est fréquente dans les textes produits par cette institution onusienne (pp. 748 et s.).

Celui du prêtre et jésuite Gaël Giraud, d’autre part, intitulé « L’éducation des jeunes filles est un défi planétaire pour le XXIe siècle », Le Monde 8 mars 2018, p. 24 : pour l’économiste en chef de l’Agence française de développement, par ailleurs directeur de ­recherche au CNRS, les « disparités sont particulièrement criantes en Afrique subsaharienne où, pour 100 garçons non scolarisés au primaire, 123 filles se voient refuser le droit à l’éducation. Dans le même temps, fait historique sans précédent, en Occident au sens large (Europe, Japon, Corée du Sud, anglosphère) le niveau ­éducatif des femmes est devenu supérieur à celui des hommes » (sur ce point, v. les pages 55 et 56 de mon introduction, précédant l’annonce de mon plan).

Ajout au 30 avril 2018, en renvoyant – dans la continuité des lignes qui précèdent – aux derniers mots d’Hubert Védrine, présentant ses « scénarios-monde » dans la seconde partie de La Grande table d’Olivia Gesbert, le 25

Ajout au 31 août 2018 : « A l’approche de la rentrée universitaire, la lenteur et l’engorgement de la nouvelle plate-forme inquiètent », note Camille Stromboni dans Le Monde du 23 (« Parcoursup : le gouvernement au pied du mur », p. 10) ; deux jours plus tard, elle cite « Jacques Toubon, dans un courrier en date du 8 août adressé à ­Stéphane Troussel, président du ­conseil départemental de Seine-Saint-Denis » : « J’entends traiter ces questions de manière prioritaire », écrit le Défenseur des droits, qui « instruit le dossier Parcoursup » (Le Monde 25 août 2018, p. 7).

Ajout au 15 septembre 2018, avec Jacques Toubon dans Politique ! Le DDD commence par évoquer Parcoursup, avant de revenir plus largement sur son action : des prises de positions « articulées et démontrées » en droit dans une perspective d’effectivité des droits. Il termine par une métaphore footballistique (reprise dans le titre de l’émission) : elle pourra susciter des objections sur ce terrain, mais son esprit ne pourra être qu’approuvé.

Le droit à l’éducation des personnes en situation de handicap

Peu après la rentrée 2017, une importante ordonnance de référé a été rendue à propos des personnes en situation de handicap : TA Melun Ord., 28 sept. 2017, D. ; avec un résumé intitulé « Pas de place en ULIS : l’Académie de Créteil condamnée », cette ordonnance a été mise en ligne le lendemain par l’association à l’origine du recours, « Toupi » (« Tous Pour l’Inclusion ! » ; v. aussi J. Olagnol, « Seine-et-Marne : l’État condamné à trouver une classe à un collégien autiste », Le Parisien.fr 8-9 oct., ainsi que ce tweet de l’Unapei).

Le mode « Rechercher » – bouton droit de la souris, dans le pdf de ma thèse – permet, en entrant le numéro de requête (n° 1707537), de repérer les développements où elle est citée, soit ceux relatifs à la procédure de référé-liberté, rangée parmi les nouveaux vecteurs de l’affirmation du droit à l’éducation dans le contexte français (pp. 1106 et s., spéc. p. 1117), et ceux consacrés à la considération recherchée des besoins particuliers en matière éducative (pp. 1200 et s., spéc. p. 1203). Comme je l’explique dans la rubrique travaux de recherche, j’ai commencé mon parcours par cette question, en commentant l’arrêt Laruelle rendu par le Conseil d’État le 8 avril 2009 : l’approche renouvelée qui s’y trouve évoquée figure pp. 1043 et s. ; s’inscrivant dans le prolongement d’une étude dirigée par Diane Roman, l’argument relatif au « corset doctrinal » des « droits-créances » est développé pp. 1168 et s.

Il y a là une question d’actualité, comme en témoigne la chronique sous un arrêt rendu exactement un mois avant la soutenance de cette thèse (publiée dans la semaine qui la suivait : v. AJDA 2017, p. 2408). Page 2412, Sophie Roussel et Charline Nicolas emploient l’expression « droits-créances » dont il est proposé l’abandon dans la thèse (pp. 1174 et s.). Dans cet arrêt du 8 novembre 2017, le Conseil d’État aurait pu affirmer le droit à l’éducation des personnes mineures non accompagnées.