(renvoi d’)ascenseur et (esprit de l’)escalier 

« Les expressions françaises décortiquées (explications sur l’origine, signification, exemples, traductions) ; tel est le sous-titre d’un site que je consulte assez régulièrement depuis plus d’une décennie (au moins), expressio.fr/ : avoir l’esprit de l’escalier constitue l’une d’entre elles, qui me sert parfois pour me justifier de revenir sur une conversation, en essayant de le faire à bon escient (v. ci-contre).

Le 19 juillet 2011, l’Assemblée du Conseil d’État a rendu cinq arrêts importants pour qui s’intéresse à « la loi du 9 décembre 1905 concernant de séparation des Églises et de l’État » ; l’un d’entre eux, rendu sur « les conclusions [du] rapporteur public » Édouard Geffray, était relatif à la basilique de Fourvière : il confirmait « qu’un ascenseur susceptible d’être utilisé par des fidèles pouvait faire l’objet d’une participation financière de la commune de Lyon » (CE Ass., 19 juill. 2011, Fédération de la Libre Pensée et de l’action sociale du Rhône, n° 308817 ; v. mon billet du 9 déc. 2018 – Les laïcités-séparation – et, plus directement, la troisième illustration de celui du 25 févr. – Une laïcité vendéenne ? –, renvoyant à un autre encore deux ans plus tard, le 31 janv. 2020 – En marche vers les municipales (1). Étude(s) d’impact et Conseil(s) d’État (laïque ?).

La note n° 33 de ce dernier billet a été allégée ce 21 décembre 2025 d’une phrase, en la reprenant ici : dans le recueil de textes de Perry Anderson (traduit de l’anglais par Cécile Arnaud), Le Nouveau Vieux Monde. Sur le destin d’un auxiliaire de l’ordre américain, des italiques sont employées à propos d’une autre expression, renvoi d’ascenseur : utilisant le français dans le texte original, l’historien britannique s’interrogeait, en 2004 : « existe-t-il un équivalent aussi parlant dans une autre langue ? » (Agone, 2011, p. 194).

Au début de cette même année (2025), Guillaume Aigron consacrait un article à un bâtiment moins imposant, mais remarquable par qui a déjà longé ces « Chalets de Bizillon, plus communément appelés les Maisons sans escalier » ; son titre rappelait que, quant à elle, la « Ville de Saint-Étienne possède depuis presque 90 ans cet immeuble unique au monde : 6 étages sans le moindre escalier » (media24.fr 3 janv. ; souligné dans le texte).

Une troisième expression est fondée sur une opposition : le mensonge prend l’ascenseur ; la vérité prend l’escalier (propositions précédées ou entrecoupées du terme « quand »). Parfois présentée comme un proverbe africain (dicocitations.com) et/ou complétée (facebook.com : « elle met plus de temps mais elle finit toujours par arriver »), elle a par exemple été employée par des rappeurs tel Kaaris¹Kaaris (feat. Imen Es), « Lumière », 18 déc. 2020 : « Ma vérité prend l’escalier, leurs mensonges prennent l’ascenseur » (à ce jour non commentée sur le site genius.com, au contraire de la rime qui suit : « Les envieux sont des mecs bizarres, j’résiste comme un maquisard » ; interroger Google m’a appris aussi que « La vérité prend l’escalier est une mixtape, deuxième projet du groupe parisien » La Mannschaft, sortie le 1^er août 2015). ou le footballeur Boubacar Kamara – lors de son transfert de l’Olympique de Marseille à Aston Villa (GL, « OM : la phrase mystérieuse de Kamara, critiqué pour son départ libre », rmcsport.bfmtv.com 24 mai 2022).

Durant l’été 2025, une juge des référés du tribunal administratif de Grenoble rendait une ordonnance concernant un grand projet annoncé par la ville de Valence le 12 avril 2024 : « créer une liaison directe entre le parvis de la cathédrale [Saint-Apollinaire], la place des Ormeaux, le cœur de ville et la basse-ville, sachant qu’une seconde liaison permettra de traverser les jardins du Nord au Sud, depuis la rue de la cathédrale jusqu’à la place Pie VI et les boulevards » (souligné dans le texte ; TA Grenoble Ord., à partir de Nathalie De Keyzer, « Valence : le chantier de l’escalier monumental en basse ville continue, la justice rejette le recours de Bruno Casari », francebleu.fr 5 août 2025²« La juge grenobloise  estime que l’élu n’a aucun motif à agir. Elle se base sur le code de l’urbanisme » (plus précisément l’art. L. 600-1-2)..

V. surtout Dolores Mazzola (reportage de Yaëlle Marie et Hugo Chapelon, France 3 Rhône-Alpes), « Des travaux menés au pied d’une cathédrale suscitent la polémique : entre accessibilité et fouilles préventives », france3-regions.franceinfo.fr 17 sept., citant notamment Sylvie Reverbel (représentante du Conseil APF de la Drôme³V. la deuxième illustration supra : cette installation majestueuse pourrait être appréciée égoïstement, pour moi qui aime les belles photos et courir en ville – tout en étant sceptique quand j’entends parler d’Urban trail (« Les deux termes sont pourtant, par définition, contradictoires », est-il écrit au 14 septembre dans la page wikipedia.org consacrée au second, après qu’il a été rappelé qu’il vient de « l’expression américaine « trail running », qui signifie littéralement « course à pied sur sentier ») ; à ce propos, la délégation iséroise d’APF France handicap participe à l’organisation d’un trail adapté (v. ma note Sports).) qui, parce qu’elle « se déplace en fauteuil roulant depuis plusieurs années, ne pourra jamais emprunter cet ouvrage » ; T.C. et F.L., « Pas d’ascenseur entre la Basse-ville et la cathédrale pour l’escalier monumental : « Nous avons tout essayé » », ledauphine.com 6 oct.-8 nov. (extrait) ; Jean-François Galland, Malika Kara Laouar et Jimmy Levacher (Gauche écologique et populaire), « Tribunes de l’opposition municipale », Le V oct.-nov. 2025, n° 47, p. 40 ; « Escalier monumental de la cathédrale : le recours déposé par Bruno Casari rejeté », ledauphine.com le 6 nov. : « Là, il s’agissait d’une requête sur le fond qui a été rejetée pour les mêmes motifs [que celle en référé]. « C’est la loi, donc je m’y conforme. Le principal, c’est que j’ai soulevé le problème sur l’accès handicapé » » (Amandine Brioude, « À Valence, la valse des recours continue pour le conseiller municipal d’opposition Bruno Casari », le 21).

Au terme du Conseil municipal du 6 octobre, au détour du vote de la délibération 2025/10-06/15, « Attribution d’une subvention à la Fédération des Œuvres Laïques de la Drôme au titre du CLSPD »⁴Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) ; « 1200 € pour la mise en œuvre d’actions éducatives à destination des élèves de CM1 et CM2 des écoles de Valence (…) dans le respect de la liberté de conscience »., Bruno Casari revenait⁵V. déjà son post facebook le 4 septembre, résumé dans la presse locale comme suit : « Bruno Casari regrette la représentation de la cathédrale sur un écusson des policiers », ledauphine.com (extrait) ; v. aussi « Blason de la police municipale : l’Observatoire de la laïcité appelle à revenir aux armoiries historiques », le 10, citant cette dernière qui, à la suite du conseiller municipal, remarque à juste titre que « la représentation de la cathédrale de Valence “met à l’écart toutes les Valentinoises et tous les Valentinois qui ne se réclament pas de ce culte” ». sur « un patch de la police municipale (…) où l’on voit la cathédrale avec une croix », ce « qui n’est pas du tout républicain et laï[que] » ; alors que Nicolas Daragon répondait seulement et « pour la délectation de tout le monde » sur « la devise de la ville, Unguibus et Rostro » (à griffes [ongles] et bec⁶Renvoyant in fine à « l’Armorial des villes et des villages de France », la page wikipedia.org consacrée à celle de Valence précise qu’elle « partage la même devise avec Avignon » (« Unguibus et Rostro », avignon-etats-lieux.blogspot.com 1^er déc. 2011, avec la même indication en écho).), son conseiller d’opposition préféré trouvait à nouveau le moyen d’évoquer l’« école musulmane » puis interpelait le maire : « n’ayez pas de double discours ou de double décision » (Procès-verbal du 6 oct. 2025, 56 p., spéc. pp. 25-26 ; comparer cette dernière citation avec la note 53 de mon billet du 31, Du collège Avicenne de Nice à l’école musulmane de Valence, citant Jean Debraine en 2022, en tant que secrétaire de la Fédération Ardéchoise et Drômoise de Libre Pensée (FADLP ou LP 07-26).

Trois ans plus tard, il est intéressant de noter qu’à suivre « le trublion du conseil »⁷« “On essaie de me faire taire” : au conseil municipal de Valence, Bruno Casari est resté à la porte », ledauphine.com 16 déc. 2025 : « Les policiers municipaux ont en effet fouillé son sac avant que ne débute la séance et y ont trouvé le mégaphone dont l’élu d’opposition a l’habitude de se servir quand on lui coupe le micro »., il serait tout aussi attentatoire au principe de laïcité de vendre un terrain 500 000 euros à l’association gestionnaire de cet établissement scolaire privé ; en revanche, alors même qu’il est mobilisé contre le projet d’escalier monumental précité (v. pp. 2 et 4, outre les articles supra), il ne lui est manifestement pas encore venu à l’esprit de faire valoir ce principe à l’encontre d’un « projet patrimonial de mise en valeur de la cathédrale » (p. 51, Bruno Casari centrant son propos – à partir de la page suivante – sur le handicap) estimé à plus de trois millions d’euros d’argent public.

Note créée le 21 déc., citée dans mon billet daté du 30 nov.